Intervention de Sophie Caillat-Zucman

Réunion du 13 mai 2015 à 16h15
Commission des affaires sociales

Sophie Caillat-Zucman :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, c'est un honneur pour moi d'être proposée pour la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine et de me trouver devant votre commission.

Avant de vous exposer les missions et les objectifs de l'Agence de la biomédecine, j'aimerais vous présenter rapidement mon parcours, vous expliquer mon intérêt pour cette agence et les raisons qui me conduisent à penser que mon expérience pourrait être utile à l'exercice de la fonction de présidente de son conseil d'administration.

Je suis un médecin de cinquante-six ans, Professeur d'immunologie à l'université Paris Diderot et praticien hospitalier à l'hôpital Robert-Debré de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). J'ai commencé ma carrière en néphrologie et je me destinais à la transplantation rénale mais c'est finalement l'aspect immunologique de la greffe qui m'a passionnée et m'a conduite à poursuivre ma carrière en immunologie, d'abord à l'hôpital Necker-Enfants malades, puis à l'hôpital pédiatrique Robert-Debré depuis 2011.

Mon activité hospitalière est toujours restée en lien direct avec la greffe. À l'hôpital Necker, j'ai créé puis dirigé pendant de longues années le laboratoire d'histocompatibilité, ou laboratoire HLA (human leucocyte antigens), qui a la charge de déterminer la compatibilité tissulaire entre donneur et receveur de greffe. L'activité de ce laboratoire, initialement dédiée à la greffe de rein, s'est rapidement étendue à la greffe de moelle osseuse ou, à proprement parler, de cellules souches hématopoïétiques (CSH).

J'ai ainsi acquis de bonnes connaissances concernant les divers aspects de la greffe, qu'il s'agisse des modalités de recensement et de prélèvement des donneurs d'organes et de cellules souches hématopoïétiques, des règles nationales portant sur les examens d'histocompatibilité, ou du suivi immunologique des patients greffés. À l'hôpital Robert-Debré, où j'exerce depuis 2011, je suis restée très impliquée dans l'activité de greffe puisque cet hôpital est le premier centre de greffe de moelle osseuse chez l'enfant en France.

Cette longue expérience dans le domaine de l'immunologie des greffes d'organe et de moelle osseuse m'a valu d'être choisie pour assurer, à partir de septembre 2015, la direction du laboratoire d'immunologie de l'hôpital Saint-Louis. Ce laboratoire occupe une position-clé dans le paysage de la greffe : il fonctionne comme plateforme régionale d'histocompatibilité pour les greffes d'organes de toute la région Île-de-France ; il est adossé au premier centre français de greffe de cellules souches hématopoïétiques chez l'adulte, celui de l'hôpital Saint-Louis.

Outre mon activité hospitalière en lien étroit avec la greffe, je dirige une équipe de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), dont l'une des thématiques principales porte sur le rôle de nouvelles populations de lymphocytes chez les patients ayant eu une greffe de cellules souches hématopoïétiques. Mes centres d'intérêt sont, là encore, très axés sur la greffe et me conduisent à rester informée de toutes les avancées scientifiques et médicales dans ce domaine.

Je connais bien le fonctionnement de l'Agence de la biomédecine puisque je suis membre de son conseil médical et scientifique depuis 2009. À ce titre, je participe plusieurs fois par an aux débats sur les différentes missions de l'agence en matière de greffe d'organes et de cellules souches hématopoïétiques. J'ai une très grande estime pour ses différents membres qui exercent leurs missions avec un grand professionnalisme et un très grand engagement personnel. J'ai beaucoup apprécié les qualités humaines et professionnelles d'Emmanuelle Prada-Bordenave qui a dirigé l'agence jusqu'en 2014, et j'ai beaucoup de plaisir à travailler avec Anne Courrèges qui lui a succédé début 2015.

C'est la raison pour laquelle je souhaite poursuivre mon travail avec cet établissement et mettre mes compétences à son service d'une manière un peu différente, dans le cadre de son conseil d'administration.

L'Agence de la biomédecine a repris en 2004 les attributions de l'Établissement français des greffes (EFG) qui était compétent pour les greffes d'organes, de tissus et de cellules. Depuis cette date, elle s'est vu confier des missions supplémentaires concernant la procréation, l'embryologie et la génétique humaines, ce qui lui permet de couvrir tous les domaines thérapeutiques utilisant des éléments du corps humain, à l'exception du sang. Elle est également compétente en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires.

Pour assurer ces missions, l'agence s'appuie sur les lois de bioéthique dont elle veille à faire respecter les règles fondamentales de sécurité, de solidarité, d'égalité et d'éthique. Elle possède donc de larges compétences qui font appel à des expertises médicales, scientifiques, juridiques et éthiques de haut niveau.

L'Agence de la biomédecine est une agence sanitaire opérationnelle dont la première mission est de piloter l'organisation des greffes. Concrètement, elle doit veiller à ce que les patients en attente de greffe d'organe puissent trouver un organe compatible et être greffés rapidement. Pour cela, elle établit les règles de répartition des organes sur le territoire national, elle gère les listes nationales des patients en attente de greffe ainsi que le registre national des refus, et elle assure la régulation des prélèvements d'organes et la répartition des greffons. Dans le domaine de la greffe de cellules souches hématopoïétiques, l'agence gère également le registre France greffe de moelle, qui est le registre national de donneurs de cellules souches hématopoïétiques et d'unités de sang placentaire, et elle assure le lien avec les registres internationaux similaires.

Outre ce pilotage de l'organisation des greffes, l'agence exerce diverses missions : encadrement, évaluation, accompagnement, information, promotion de la recherche. Dans les domaines de la recherche sur l'embryon et de la génétique humaine, par exemple, elle délivre des autorisations et des agréments, et elle peut inspecter les activités.

Elle évalue les résultats des centres d'aide médicale à la procréation (AMP).

En matière d'accompagnement, elle aide à la mise en place du dispositif de don croisé de rein, rendu possible par la loi de 2011 et permettant à un plus grand nombre de receveurs d'être greffés.

Elle exerce ses missions d'information tant auprès des pouvoirs publics qui peuvent la solliciter, qu'auprès des professionnels de santé, du public ou des associations de patients. C'est ainsi qu'elle organise régulièrement des campagnes de promotion du don d'organes, de cellules souches hématopoïétiques ou de gamètes. La dixième semaine de mobilisation sur le don de moelle osseuse vient de s'achever et, pour la première fois, une campagne radiophonique de promotion sur le don de gamètes va être lancée le 1er juin.

Enfin, l'Agence de la biomédecine promeut la recherche au travers d'appels d'offres annuels. Si elle est modeste au vu de ses montants, cette mission permet néanmoins la subvention de projets de recherche sélectionnés par le conseil médical et scientifique de l'agence.

Fin mai, l'Agence de la biomédecine fêtera ses dix ans d'existence. Au cours de ces dix années, avec l'aide des professionnels de santé et des associations, elle a contribué à des progrès importants : le nombre de greffes d'organe a augmenté de 4,5 % en 2014. Cette tendance est due, en particulier, à une forte augmentation du nombre des donneurs vivants : ils sont désormais à l'origine de 16 % des greffes de rein. Dans le domaine de la greffe de cellules souches hématopoïétiques, l'agence a contribué à l'augmentation du nombre de donneurs inscrits sur le registre France greffe de moelle et à l'accroissement du nombre d'unités de sang placentaire stockées.

La présidence du conseil de l'agence est une fonction non exécutive. Toutefois, le conseil d'administration doit délibérer sur les sujets les plus importants : le budget, les moyens alloués, les orientations stratégiques pluriannuelles. Le contrat d'objectifs et de performance de l'Agence de la biomédecine, signé en 2012 avec la direction générale de la Santé, s'achèvera fin 2016. L'agence devra mener un travail de réflexion important dans la perspective de la préparation de son nouveau contrat d'objectifs et de performance.

L'agence devra rechercher l'efficience, comme tous les opérateurs de l'État, mais elle devra aussi répondre à nombre d'autres défis. En tout premier lieu, elle devra poursuivre l'action visant à augmenter l'activité de greffe d'organes, afin de faire face à la pénurie actuelle. Cette action prioritaire passe notamment par un soutien au don de rein par des donneurs vivants. L'objectif fixé pour fin 2016 – réaliser 20 % des greffes de rein à partir de donneurs vivants – devrait être atteint.

L'augmentation de l'activité de greffe se fera également en permettant le développement des prélèvements sur des personnes décédées. Une attention particulière sera portée aux prélèvements de donneurs décédés de catégorie dite Maastricht 3, c'est-à-dire dont la mort a été provoquée par un arrêt circulatoire contrôlé après arrêt des thérapeutiques actives. L'Agence de la biomédecine encadre de manière très rigoureuse ces prélèvements, qui se mettent progressivement en place, afin d'assurer l'étanchéité complète entre les procédures de fin de vie et les procédures de prélèvement. Une première convention a été signée avec le centre hospitalier d'Annecy en 2014. Deux autres conventions viennent d'être signées, l'une avec le groupe hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, et l'autre avec le centre hospitalier universitaire de Nantes.

En deuxième lieu, l'Agence de la biomédecine devra poursuivre son action en faveur de la greffe de cellules souches hématopoïétiques. Les objectifs de l'agence concernant le nombre de donneurs volontaires et d'unités de sang placentaire sur les registres nationaux ont été atteints. Il faut maintenant veiller à la pérennisation, au renouvellement et à l'amélioration qualitative de ces registres. Il faudra aussi assurer le financement pérenne des maternités préleveuses de sang placentaire puisque la prise en charge ne sera plus assurée par le Plan cancer.

En troisième lieu, l'Agence de la biomédecine devra organiser et mettre en oeuvre les nouvelles compétences et missions qui lui seront confiées. Le projet de loi sur la santé prévoit ainsi de lui donner, en matière de biovigilance pour les activités de prélèvements et de greffes, une compétence exercée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Enfin, en cas de besoin, l'agence apportera son concours aux travaux sur le bilan de la loi de bioéthique, et à la préparation des états généraux de bioéthique avant le réexamen de la loi.

Pour conclure, vous voyez que mon activité hospitalo-universitaire a toujours été très liée aux champs d'action de l'Agence de la biomédecine, ce qui explique ma motivation à y poursuivre mon activité et y apporter mes compétences. Exercer la fonction de présidente du conseil d'administration m'apporterait une dimension supplémentaire de relations avec des personnes d'horizons très différents de mon monde hospitalo-universitaire, dans des domaines qui m'ont passionnée dès le début de mon métier de médecin.

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