Commission des affaires sociales

Réunion du 13 mai 2015 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 13 mai 2015

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l'audition, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, de Mme Sophie Caillat-Zucman, dont la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine est envisagée par le Gouvernement.

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Mes chers collègues, nous nous retrouvons après une longue nuit passée dans l'hémicycle où nous avons adopté, à l'unanimité des groupes parlementaires de notre assemblée, la proposition de loi relative à la protection de l'enfant.

Le 10 décembre dernier, nous avons auditionné Mme Anne Courrèges avant sa nomination aux fonctions de directrice générale de l'Agence de la biomédecine. Aujourd'hui, c'est la future présidente du conseil d'administration de cet organisme que nous allons entendre, Mme Sophie Caillat-Zucman, à laquelle je souhaite la bienvenue.

Cette audition intervient en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique. En effet, l'Agence de la biomédecine fait partie des neuf organismes dont les présidents, directeurs généraux et directeurs doivent être auditionnés par le Parlement – en l'espèce par les commissions des affaires sociales des deux assemblées – avant leur nomination. Nous ne sommes pas dans le cadre de la procédure de mise en oeuvre de l'article 13 de la Constitution : il s'agit d'une audition simple, non suivie d'un vote, puisque l'avis des commissions compétentes n'est pas demandé.

Agence publique nationale de l'État, l'Agence de la biomédecine a été créée par la loi de bioéthique de 2004. Elle est compétente dans les domaines du prélèvement et de la greffe d'organes, de tissus et de cellules, ainsi qu'en matière de procréation, d'embryologie et de génétique humaines. Sa présidence est vacante depuis le départ de Mme Mauricette Michallet, en juillet dernier.

Mme Sophie Caillat-Zucman, je vous laisse la parole.

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Sophie Caillat-Zucman

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, c'est un honneur pour moi d'être proposée pour la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine et de me trouver devant votre commission.

Avant de vous exposer les missions et les objectifs de l'Agence de la biomédecine, j'aimerais vous présenter rapidement mon parcours, vous expliquer mon intérêt pour cette agence et les raisons qui me conduisent à penser que mon expérience pourrait être utile à l'exercice de la fonction de présidente de son conseil d'administration.

Je suis un médecin de cinquante-six ans, Professeur d'immunologie à l'université Paris Diderot et praticien hospitalier à l'hôpital Robert-Debré de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). J'ai commencé ma carrière en néphrologie et je me destinais à la transplantation rénale mais c'est finalement l'aspect immunologique de la greffe qui m'a passionnée et m'a conduite à poursuivre ma carrière en immunologie, d'abord à l'hôpital Necker-Enfants malades, puis à l'hôpital pédiatrique Robert-Debré depuis 2011.

Mon activité hospitalière est toujours restée en lien direct avec la greffe. À l'hôpital Necker, j'ai créé puis dirigé pendant de longues années le laboratoire d'histocompatibilité, ou laboratoire HLA (human leucocyte antigens), qui a la charge de déterminer la compatibilité tissulaire entre donneur et receveur de greffe. L'activité de ce laboratoire, initialement dédiée à la greffe de rein, s'est rapidement étendue à la greffe de moelle osseuse ou, à proprement parler, de cellules souches hématopoïétiques (CSH).

J'ai ainsi acquis de bonnes connaissances concernant les divers aspects de la greffe, qu'il s'agisse des modalités de recensement et de prélèvement des donneurs d'organes et de cellules souches hématopoïétiques, des règles nationales portant sur les examens d'histocompatibilité, ou du suivi immunologique des patients greffés. À l'hôpital Robert-Debré, où j'exerce depuis 2011, je suis restée très impliquée dans l'activité de greffe puisque cet hôpital est le premier centre de greffe de moelle osseuse chez l'enfant en France.

Cette longue expérience dans le domaine de l'immunologie des greffes d'organe et de moelle osseuse m'a valu d'être choisie pour assurer, à partir de septembre 2015, la direction du laboratoire d'immunologie de l'hôpital Saint-Louis. Ce laboratoire occupe une position-clé dans le paysage de la greffe : il fonctionne comme plateforme régionale d'histocompatibilité pour les greffes d'organes de toute la région Île-de-France ; il est adossé au premier centre français de greffe de cellules souches hématopoïétiques chez l'adulte, celui de l'hôpital Saint-Louis.

Outre mon activité hospitalière en lien étroit avec la greffe, je dirige une équipe de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), dont l'une des thématiques principales porte sur le rôle de nouvelles populations de lymphocytes chez les patients ayant eu une greffe de cellules souches hématopoïétiques. Mes centres d'intérêt sont, là encore, très axés sur la greffe et me conduisent à rester informée de toutes les avancées scientifiques et médicales dans ce domaine.

Je connais bien le fonctionnement de l'Agence de la biomédecine puisque je suis membre de son conseil médical et scientifique depuis 2009. À ce titre, je participe plusieurs fois par an aux débats sur les différentes missions de l'agence en matière de greffe d'organes et de cellules souches hématopoïétiques. J'ai une très grande estime pour ses différents membres qui exercent leurs missions avec un grand professionnalisme et un très grand engagement personnel. J'ai beaucoup apprécié les qualités humaines et professionnelles d'Emmanuelle Prada-Bordenave qui a dirigé l'agence jusqu'en 2014, et j'ai beaucoup de plaisir à travailler avec Anne Courrèges qui lui a succédé début 2015.

C'est la raison pour laquelle je souhaite poursuivre mon travail avec cet établissement et mettre mes compétences à son service d'une manière un peu différente, dans le cadre de son conseil d'administration.

L'Agence de la biomédecine a repris en 2004 les attributions de l'Établissement français des greffes (EFG) qui était compétent pour les greffes d'organes, de tissus et de cellules. Depuis cette date, elle s'est vu confier des missions supplémentaires concernant la procréation, l'embryologie et la génétique humaines, ce qui lui permet de couvrir tous les domaines thérapeutiques utilisant des éléments du corps humain, à l'exception du sang. Elle est également compétente en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires.

Pour assurer ces missions, l'agence s'appuie sur les lois de bioéthique dont elle veille à faire respecter les règles fondamentales de sécurité, de solidarité, d'égalité et d'éthique. Elle possède donc de larges compétences qui font appel à des expertises médicales, scientifiques, juridiques et éthiques de haut niveau.

L'Agence de la biomédecine est une agence sanitaire opérationnelle dont la première mission est de piloter l'organisation des greffes. Concrètement, elle doit veiller à ce que les patients en attente de greffe d'organe puissent trouver un organe compatible et être greffés rapidement. Pour cela, elle établit les règles de répartition des organes sur le territoire national, elle gère les listes nationales des patients en attente de greffe ainsi que le registre national des refus, et elle assure la régulation des prélèvements d'organes et la répartition des greffons. Dans le domaine de la greffe de cellules souches hématopoïétiques, l'agence gère également le registre France greffe de moelle, qui est le registre national de donneurs de cellules souches hématopoïétiques et d'unités de sang placentaire, et elle assure le lien avec les registres internationaux similaires.

Outre ce pilotage de l'organisation des greffes, l'agence exerce diverses missions : encadrement, évaluation, accompagnement, information, promotion de la recherche. Dans les domaines de la recherche sur l'embryon et de la génétique humaine, par exemple, elle délivre des autorisations et des agréments, et elle peut inspecter les activités.

Elle évalue les résultats des centres d'aide médicale à la procréation (AMP).

En matière d'accompagnement, elle aide à la mise en place du dispositif de don croisé de rein, rendu possible par la loi de 2011 et permettant à un plus grand nombre de receveurs d'être greffés.

Elle exerce ses missions d'information tant auprès des pouvoirs publics qui peuvent la solliciter, qu'auprès des professionnels de santé, du public ou des associations de patients. C'est ainsi qu'elle organise régulièrement des campagnes de promotion du don d'organes, de cellules souches hématopoïétiques ou de gamètes. La dixième semaine de mobilisation sur le don de moelle osseuse vient de s'achever et, pour la première fois, une campagne radiophonique de promotion sur le don de gamètes va être lancée le 1er juin.

Enfin, l'Agence de la biomédecine promeut la recherche au travers d'appels d'offres annuels. Si elle est modeste au vu de ses montants, cette mission permet néanmoins la subvention de projets de recherche sélectionnés par le conseil médical et scientifique de l'agence.

Fin mai, l'Agence de la biomédecine fêtera ses dix ans d'existence. Au cours de ces dix années, avec l'aide des professionnels de santé et des associations, elle a contribué à des progrès importants : le nombre de greffes d'organe a augmenté de 4,5 % en 2014. Cette tendance est due, en particulier, à une forte augmentation du nombre des donneurs vivants : ils sont désormais à l'origine de 16 % des greffes de rein. Dans le domaine de la greffe de cellules souches hématopoïétiques, l'agence a contribué à l'augmentation du nombre de donneurs inscrits sur le registre France greffe de moelle et à l'accroissement du nombre d'unités de sang placentaire stockées.

La présidence du conseil de l'agence est une fonction non exécutive. Toutefois, le conseil d'administration doit délibérer sur les sujets les plus importants : le budget, les moyens alloués, les orientations stratégiques pluriannuelles. Le contrat d'objectifs et de performance de l'Agence de la biomédecine, signé en 2012 avec la direction générale de la Santé, s'achèvera fin 2016. L'agence devra mener un travail de réflexion important dans la perspective de la préparation de son nouveau contrat d'objectifs et de performance.

L'agence devra rechercher l'efficience, comme tous les opérateurs de l'État, mais elle devra aussi répondre à nombre d'autres défis. En tout premier lieu, elle devra poursuivre l'action visant à augmenter l'activité de greffe d'organes, afin de faire face à la pénurie actuelle. Cette action prioritaire passe notamment par un soutien au don de rein par des donneurs vivants. L'objectif fixé pour fin 2016 – réaliser 20 % des greffes de rein à partir de donneurs vivants – devrait être atteint.

L'augmentation de l'activité de greffe se fera également en permettant le développement des prélèvements sur des personnes décédées. Une attention particulière sera portée aux prélèvements de donneurs décédés de catégorie dite Maastricht 3, c'est-à-dire dont la mort a été provoquée par un arrêt circulatoire contrôlé après arrêt des thérapeutiques actives. L'Agence de la biomédecine encadre de manière très rigoureuse ces prélèvements, qui se mettent progressivement en place, afin d'assurer l'étanchéité complète entre les procédures de fin de vie et les procédures de prélèvement. Une première convention a été signée avec le centre hospitalier d'Annecy en 2014. Deux autres conventions viennent d'être signées, l'une avec le groupe hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, et l'autre avec le centre hospitalier universitaire de Nantes.

En deuxième lieu, l'Agence de la biomédecine devra poursuivre son action en faveur de la greffe de cellules souches hématopoïétiques. Les objectifs de l'agence concernant le nombre de donneurs volontaires et d'unités de sang placentaire sur les registres nationaux ont été atteints. Il faut maintenant veiller à la pérennisation, au renouvellement et à l'amélioration qualitative de ces registres. Il faudra aussi assurer le financement pérenne des maternités préleveuses de sang placentaire puisque la prise en charge ne sera plus assurée par le Plan cancer.

En troisième lieu, l'Agence de la biomédecine devra organiser et mettre en oeuvre les nouvelles compétences et missions qui lui seront confiées. Le projet de loi sur la santé prévoit ainsi de lui donner, en matière de biovigilance pour les activités de prélèvements et de greffes, une compétence exercée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Enfin, en cas de besoin, l'agence apportera son concours aux travaux sur le bilan de la loi de bioéthique, et à la préparation des états généraux de bioéthique avant le réexamen de la loi.

Pour conclure, vous voyez que mon activité hospitalo-universitaire a toujours été très liée aux champs d'action de l'Agence de la biomédecine, ce qui explique ma motivation à y poursuivre mon activité et y apporter mes compétences. Exercer la fonction de présidente du conseil d'administration m'apporterait une dimension supplémentaire de relations avec des personnes d'horizons très différents de mon monde hospitalo-universitaire, dans des domaines qui m'ont passionnée dès le début de mon métier de médecin.

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Merci pour cet éclairage sur votre parcours et vos motivations. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, qui va s'exprimer au nom du groupe SRC.

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Madame la présidente, je fais immédiatement cesser tout suspens : pour plusieurs raisons, notre groupe est très favorable à la nomination du professeur Sophie Caillat-Zucman à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine.

D'abord, ses qualités professionnelles sont reconnues par tous. En tant qu'immunologiste issu de la néphrologie, je peux dire que Mme Sophie Caillat-Zucman jouit de la meilleure réputation scientifique et médicale dans notre pays et bien au-delà de nos frontières où elle est reconnue sur le plan de l'immunologie, des greffes d'organe, des greffes de moelle osseuse, de l'histocompatibilité ou de l'immunologie des greffes.

Ensuite, la rigueur avec laquelle elle a toujours conduit sa recherche et ses activités diverses sont un gage pour l'Agence de la biomédecine qui va amorcer un tournant de son existence. En raison de sa qualité, l'agence a pu apporter de la sérénité à des pratiques délicates. Dotée d'un rôle réglementaire, elle exerce aussi une activité opérationnelle, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans des domaines particulièrement sensibles. Il est important de maintenir la qualité et la sérénité du travail effectué sous l'autorité de Mme Prada-Bordenave puis de Mme Courrèges, et sous la présidence de Mme Michallet.

Pourquoi l'Agence de la biomédecine va-t-elle entrer dans une nouvelle période ? De nouvelles missions sont confiées à l'agence, de nouveaux défis lui sont lancés, sans que des moyens supplémentaires ne lui soient alloués, compte tenu de la situation financière actuelle du pays. Il est donc nécessaire de revoir son organisation, afin qu'elle puisse remplir des missions additionnelles avec des moyens humains et matériels constants. L'exercice requiert du talent.

Sans reprendre toutes les missions dévolues à l'Agence de la biomédecine, je vais néanmoins revenir sur son rôle en matière de dons et greffes de cellules souches. Passée cette trop longue période pendant laquelle la recherche sur les cellules souches était interdite sauf dérogation, nous sommes enfin entrés dans une ère d'autorisation encadrée. Les chercheurs qui n'étaient pas légion dans ce domaine censé être interdit vont devenir de plus en plus nombreux ; dans quelques années, ils publieront des travaux et des thèses. Outre les greffes de cellules cardiaques effectuées par le professeur Philippe Menasché, les applications vont s'étendre à de nombreux domaines. Je ne parle pas de la procréation médicalement assistée (PMA), de la réflexion à conduire sur la gestation pour autrui (GPA), sur les diagnostics préimplantatoires, sur l'amélioration des résultats en embryologie. Il est évident que c'est un domaine en pleine expansion.

Inlassablement, il faut promouvoir le don de moelle osseuse. Le défi est peut-être encore plus grand en matière de greffes d'organes : aussi valeureuses qu'aient été les campagnes, les objectifs ne sont pas atteints. Chaque année, les inscrits sur les listes d'attente sont beaucoup plus nombreux que les transplantés. Les prélèvements n'augmentent plus dans des conditions suffisantes : beaucoup moins de la moitié des donneurs recensés sont prélevés, contrairement à ce qui se passait il y a quelques années. Des dispositions législatives vont être prises pour remédier à ce phénomène, mais elles devront s'accompagner d'un gros travail de dialogue et de persuasion.

Enfin, il faudra lutter contre toutes les inégalités. Au niveau national, nous constatons une insuffisance des inscriptions de personnes dialysées sur les listes d'attente de greffe rénale. La France compte moitié moins de dialysés inscrits que des pays comme la Norvège ou à la Finlande. Les personnes souffrant d'insuffisance rénale sont pénalisées en France, particulièrement dans certaines régions : en Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans le Nord, seulement 36 à 37 % des dialysés de moins de soixante ans sont inscrits, alors que ce taux atteint 87 % en Île-de-France. Pour tous les patients inscrits depuis des années sur ces listes, l'accès à la transplantation est plus tardif. Diverses mesures vont être prises pour offrir au patient plus de chance d'être transplanté.

Pour l'Agence de la biomédecine, tout cela représente un authentique travail. Avez-vous conscience, madame la future présidente, de ces défis importants que vous allez avoir à relever avec Mme la directrice générale ?

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La parole est à M. Fernand Siré, pour le groupe UMP.

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À la vue de votre curriculum vitae, on ne peut qu'être favorable à votre candidature et, en tant que médecin, je mesure votre investissement.

Constatant le déséquilibre qui existe entre le nombre de demandeurs et de donneurs d'organe, j'aimerais vous soumettre deux questions. Pour qu'un organe puisse être greffé, il faut qu'il soit prélevé dans certaines conditions. Les prélèvements se font souvent sur des gens qui ont été victimes d'accidents de la circulation, qui se sont suicidés, ou qui ont succombé à des maladies cardiaques. Ne faudrait-il pas repérer, dès l'intervention des pompiers ou du service d'aide médicale urgente (SAMU), les gens qui sont donneurs volontaires, afin de maintenir leurs organes en état d'être greffés ? J'avais suggéré de mentionner cette information dans la carte Vitale ; d'autres ont proposé de la signaler dans le permis de conduire. Il faut utiliser un support simple que l'on trouve au moment où la personne est découverte. Si on laisse passer le temps, on ne peut plus utiliser les organes de ces donneurs volontaires, et c'est dommage.

Ne serait-il pas judicieux que ces donneurs répertoriés subissent des examens permettant de connaître leur histocompatibilité ? L'information permettrait d'effectuer un rapprochement rapide entre donneur et demandeur, et de gagner du temps. Les puces et les systèmes d'information modernes ouvrent le champ des possibles, au point que le législateur de laisse parfois aller à rêver un peu. Étant proche de la réalité, vous êtes à même de nous donner des conseils de bon sens.

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Nous passons maintenant aux questions des parlementaires et, pour ma part, j'en ai deux à vous poser.

Tout d'abord, je me réjouis d'apprendre qu'une campagne en faveur du don de gamètes va être lancée. Les dons de sperme et d'ovocytes font cruellement défaut malgré les précédentes campagnes. Avez-vous déjà une idée de la forme de cette nouvelle campagne et des réseaux de communication qui seront utilisés ?

Comme vous n'avez pas encore intégré votre future fonction, j'ai bien conscience que ma deuxième question ne peut appeler qu'une réponse personnelle. Que pensez-vous du maintien de l'anonymat et de la gratuité des dons ? D'aucuns estiment que le recrutement des donneurs pourrait être facilité si les dons étaient rémunérés comme dans d'autres pays. Pour ma part, je suis pour l'anonymat et la gratuité.

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Je ne suis pas mandaté par mon groupe pour donner un avis sur votre nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine mais la lecture de votre curriculum vitae, votre présentation et les compliments que vous a adressés M. Touraine me convainquent que vous avez toutes les capacités requises par cette fonction. Je tiens à vous en féliciter.

Ma première question porte sur le prélèvement d'organe qui reste une activité essentielle de l'Agence de la biomédecine, même si celle-ci a d'autres domaines à explorer. Dans le cadre du projet de loi sur la santé, nous avons eu un débat, tant au sein de cette commission que dans l'hémicycle, sur le prélèvement d'organe et sur le consentement demandé aux familles avant de le pratiquer sur une personne décédée. Les greffons continuent à manquer cruellement même si vous constatez une augmentation du nombre de greffes dans le pays. Quel est votre avis sur cette question du consentement ?

Ma deuxième question m'est dictée par l'actualité : le deuxième patient à avoir reçu un coeur artificiel Carmat vient de décéder, neuf mois après l'implantation. L'Agence de la biomédecine, consultée sur ce type d'opérations, aurait donné quatre autorisations. Quelle est votre position sur ce sujet ? Avez-vous l'intention de laisser se prolonger ce type d'expérimentations ? Comptez-vous vous en tenir aux quatre autorisations accordées ?

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Ma question va aussi porter sur le don d'organe. Au sein de cette commission et dans l'hémicycle, nous avons eu un débat parfois tendu mais nécessaire sur ce sujet. Les éléments du débat sont connus : le nombre de donneurs est insuffisant ; le registre du refus concerne moins de 100 000 personnes ; la carte Vitale n'indique pas si on est ou non favorable au don.

L'amendement de notre collègue Jean-Louis renforce le consentement présumé des personnes décédées : pour toutes les personnes majeures, le consentement sera présumé. Un amendement du Gouvernement précise que le registre sera le moyen principal – et non pas exclusif – d'exprimer son refus. À défaut d'obtenir un consensus, nous avons réalisé cet « atterrissage » après nos débats. Au passage, je rappelle que la Commission allait plus loin que le texte inscrit dans la loi relative à la santé. Quelle est votre position en la matière ?

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Professeur Caillat-Zucman, au risque de ne pas être très original, je voulais saluer votre parcours professionnel tout à fait remarquable et éloquent. À votre expérience opérationnelle en immunologie et dans les greffes d'organe, s'ajoutent des travaux de recherche à l'INSERM et une connaissance de l'institution puisque vous siégez au sein de l'Agence de la biomédecine depuis 2009. Ce profil vous donne toute légitimité pour devenir la présidence d'une agence qui doit offrir une garantie en termes de sécurité, d'éthique et de solidarité.

Comme la plupart de mes collègues, je voulais insister sur la nécessaire augmentation du nombre de greffes d'organes – et donc de celle du nombre de donneurs. Pour atteindre cet objectif dans un domaine qui touche à l'intime, le législateur peut prendre des mesures incitatives. Comme le soulignait Mme la présidente, certains proposent de remettre en cause la gratuité du don, une option à laquelle je suis tout à fait défavorable. En adoptant une approche complètement différente de la nôtre, certains pays voisins ont vu s'accroître le nombre des donneurs. Quelle évolution législative vous semblerait-elle souhaitable afin de de changer cette spécificité culturelle française ?

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Sophie Caillat-Zucman

Avant de répondre à vos questions, je tiens d'abord à vous remercier tous pour vos propos.

Monsieur Touraine, je suis pleinement consciente du fait que l'Agence de la biomédecine est en train d'aborder un tournant : elle devra assumer de nouvelles missions à moyens constants, voire réduits comme depuis deux ans.

De nombreuses questions portent sur les prélèvements d'organe. Rappelons que le nombre de prélèvements et de greffes augmente de manière régulière mais moins vite que le nombre de receveurs en attente de transplantation, notamment en raison du vieillissement de la population : de plus en plus de patients âgés sont inscrits sur les listes.

Pour augmenter le nombre de greffons, il faut vraiment s'attacher à promouvoir le don de donneurs vivants. Dans les greffes de rein, ces dons augmentent mais restent très inférieurs à ce qu'ils sont dans d'autres pays : ils représentent la moitié des greffes de rein aux États-Unis contre 16 % en France. L'une des missions essentielles de l'agence est de favoriser le don d'organe de donneurs vivants au travers de campagne d'information et de promotion.

Sur les prélèvements d'organe, je n'ai pas d'avis à donner : l'Agence de la biomédecine n'a pas à se prononcer sur ce sujet ; elle veillera au respect de la loi et s'attachera à faciliter son application. Pour ce faire, elle peut agir sur la formation et sur l'organisation des coordinations hospitalières – c'est-à-dire des structures locales chargées des prélèvements et des greffes – et sur l'amélioration de l'accueil des familles.

Vous m'avez interrogée sur la gratuité du don d'organes, de tissus ou de cellules. Comme l'anonymat et le volontariat, la gratuité est un principe absolument intouchable. Il ne faut surtout pas y introduire de brèche. En France, il me semble que personne ne le souhaite.

Pourquoi ne procéderait-on pas, par avance, à des analyses permettant de connaître les antigènes d'histocompatibilité des donneurs volontaires ? m'avez-vous demandé, monsieur Siré. Un procédé, appelé typage HLA, permet de s'assurer que la compatibilité entre le donneur et le receveur est la plus grande possible. Les techniques actuelles permettent de l'effectuer de manière très rapide sans vraiment allonger le délai d'attribution des greffons aux receveurs. Dans quelques années, ce typage sera peut-être effectué à la naissance, parmi d'autres examens génétiques, mais nous n'en sommes pas là.

En ce qui concerne le coeur artificiel, j'ai encore moins d'avis à donner que l'Agence de la biomédecine. Je sais seulement que quatre autorisations ont été accordées.

Madame la présidente, vous m'avez posé une question sur le don de gamètes. L'agence doit faire un effort important pour promouvoir ces dons, en particulier les dons d'ovocytes qui font cruellement défaut en France. L'agence envisage des campagnes de promotion dans les médias et des opérations de sensibilisation dans les collèges et les lycées, afin d'informer les jeunes de cette possibilité ultérieure. Il est important de sensibiliser la population aux dons de gamètes pour éviter le recours aux pratiques rémunérées qui existent dans les pays voisins et auxquelles nous devons nous opposer.

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Je vais déroger à la règle et redonner la parole aux députés qui souhaitent la reprendre.

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Sans vouloir vous mettre en difficulté, parce que je comprends la difficulté de l'exercice, je voudrais revenir sur le don d'organe. Un décret en Conseil d'État fixera, avant le 1er janvier 2017, les modalités d'expression et de révocation du refus du don. L'Agence de la biomédecine sera vraisemblablement consultée avant la rédaction de ce décret. Vous aurez donc à vous prononcer à un moment ou à un autre sur le sujet, pas intuitu personæ mais en tant que présidente de l'agence. C'est pourquoi je me permets de vous redemander votre avis sur cet aspect du texte, ma question me paraissant légitime.

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Pour ma part, je voudrais revenir sur le don d'ovocyte, qui passe par une opération chirurgicale non dénuée de risques de stérilité, d'infection ou de perforation. Cet acte est moins anodin que le don de spermatozoïdes. Or, dans le cadre d'une PMA, la stimulation ovarienne de la femme permet de collecter plusieurs ovocytes dont seulement deux ou trois seront utilisés. Les autres sont d'abord mis en réserve puis détruits au bout d'un certain temps. Il faudrait proposer aux couples bénéficiant d'une PMA – payée par la collectivité – de donner ces ovocytes en surnombre.

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Sophie Caillat-Zucman

Je maintiens que je n'ai pas à donner mon avis sur les nouvelles modalités de prélèvements d'organe. Je vous assure aussi que l'Agence de la biomédecine fera absolument tout son possible pour faciliter l'application de cette loi, essentiellement en aidant les coordinations hospitalières et en favorisant l'accueil des familles qui se fait parfois dans des conditions non idéales. En ce sens, l'agence peut apporter une aide réelle afin de permettre qu'il n'y ait pas d'opposition aux dons.

Concernant le don d'ovocytes, il est certain que la procédure est un peu lourde pour les femmes. L'une des missions de l'agence va être de faire en sorte que ces femmes bénéficient non pas d'une rémunération mais d'une très bonne prise en charge financière de tous les frais liés aux prélèvements d'ovocytes.

Monsieur Siré, votre question porte sur la congélation d'embryons surnuméraires après fécondations in vitro, n'est-ce pas ?

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Non, plutôt sur les ovocytes congelés. Sur sept ou huit ovocytes prélevés, seulement deux ou trois sont utilisés et les autres sont conservés comme les spermatozoïdes pour éviter un nouveau prélèvement en cas d'échec de la PMA.

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Sophie Caillat-Zucman

Si les parents le souhaitent, ils peuvent donner ces ovocytes ou ces embryons.

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Il me reste à vous remercier, madame Caillat-Zucman, d'avoir répondu à notre invitation. Vous serez parfaitement à votre place à la présidence de l'Agence de la biomédecine qui sera sollicitée très souvent, compte tenu de l'évolution de notre société et de tous les problèmes de bioéthique qui se posent.

La séance est levée à dix-sept heures cinq.