Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui me ramène volontiers à ce projet de loi discuté et adopté en décembre 2006, qui avait pour but de moderniser le dialogue social. Comme rapporteur, j’évoquais alors ici l’ambition et l’impact de cette loi par trois mots qui résumaient une avancée importante.
La concertation, tout d’abord : une règle nouvelle était instituée selon laquelle il ne serait pas possible de modifier le droit du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée.
La consultation ensuite : désormais, tout projet de texte relatif au droit du travail serait soumis pour consultation aux partenaires sociaux.
L’information, enfin : le projet établissait ce rendez-vous permettant à l’État et aux partenaires sociaux d’échanger sur leur diagnostic, leurs objectifs et leur calendrier respectifs.
C’est dire combien la précédente majorité a voulu organiser les liens entre démocratie représentative et démocratie sociale et combien ce texte, suivi par d’autres, a marqué une étape décisive dans l’histoire du dialogue social auquel, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes tous et sur tous les bancs très attachés.
Aujourd’hui, après l’échec des négociations engagées entre les organisations patronales et les organisations de salariés, le Gouvernement veut par ce texte instaurer un dialogue social de meilleure qualité dans l’entreprise. Il faut certes qu’il soit plus vivant et plus efficace, mais un récent sondage révèle qu’un tiers seulement des salariés ont une bonne image des syndicats. Il est bien évidemment juste que les salariés soient associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui concernent leurs conditions de travail, leur pouvoir d’achat, leur formation et leur emploi.
Vous évoquez vous-même, monsieur le ministre, l’exigence d’efficacité économique. Puissiez-vous être entendu dans un contexte d’augmentation sans précédent du chômage, puisque depuis mai 2012, la France compte 615 000 chômeurs supplémentaires, soit un total de 3,6 millions de chômeurs ! C’est trop, et c’est très inquiétant.
Pourtant, ce texte évite les vrais sujets que sont les seuils sociaux, le code du travail, le contrat de travail ou encore les trente-cinq heures. Votre volonté d’assouplir le compte pénibilité, annoncée aujourd’hui même, n’est pas pour autant satisfaisante : il faut remettre ce sujet complètement à plat et supprimer les fiches individuelles !
L’impact de votre texte sur les petites et moyennes entreprises suscite l’opposition de leurs dirigeants à la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles, car vous allez trop loin ! Pour beaucoup, c’est nier qu’il existe un dialogue direct et naturel entre patron et salariés dans des structures à taille humaine, où le chef d’entreprise et les salariés entretiennent une relation de confiance. Laisser croire que les patrons ont besoin de syndicats extérieurs pour faire vivre le dialogue dénote une forme de défiance. Est-il prioritaire de vouloir à tout prix calquer les règles des grandes entreprises pour les appliquer dans celles de moins de onze salariés ? Je ne le pense pas.
Écoutez – oui, écoutez – nos dirigeants, qui réclament la simplification des normes et des obligations administratives, fiscales et sociales ! L’entrée dans les très petites entreprises des syndicats qui pourront résoudre les conflits individuels ou collectifs en leur sein est considérée comme une ingérence pour les organisations patronales, qu’il s’agisse de la CGPME, de l’Union professionnelle artisanale, de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, de la Fédération française du bâtiment ou de bien d’autres encore.
On peut naturellement souligner certaines avancées en termes de simplification, chers collègues, ainsi que les dispositions concernant la réforme des instances représentatives du personnel et l’élargissement de la délégation unique du personnel, la DUP. Pourtant, il ne faut pas seulement juxtaposer mais aussi regrouper réellement les attributions des différentes instances constitutives de la DUP. Oui, ayons la volonté de simplifier et d’alléger les contraintes s’imposant aux entreprises.
On peut s’interroger sur les seuils, car le franchissement du seuil de cinquante salariés engendre pour une entreprise trente-cinq obligations supplémentaires différentes et majore de 4 % le coût de l’heure travaillée. Les obligations les plus importantes concernent la création d’institutions représentatives du personnel et la présence de délégués syndicaux avec des crédits d’heures. Il en résulte un frein mécanique au développement des entreprises, qui est préjudiciable à l’emploi puisque beaucoup d’entreprises font le choix de ne pas dépasser ce seuil.
Il faut, monsieur le ministre, reporter les obligations pesant sur les entreprises de plus de quarante-neuf salariés et lever ainsi un verrou important. Pourtant, tous nos amendements, notamment ceux qu’a déposés M. Cherpion, ont été repoussés !