La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Francis Vercamer.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le texte dont nous commençons l’examen suscitait indéniablement de grandes attentes. Force est de constater que le résultat n’est pas à la hauteur des ambitions affichées.
Comme d’habitude, le souffle des ambitions gouvernementales s’est affaibli au fil des mois pour lever un voile décidément bien léger sur des dispositions bien modestes. De fait, il ne s’agit pas là – si les mots ont un sens – d’un texte de modernisation du dialogue social. Tout au plus peut-on y distinguer des adaptations ou des ajustements.
Pour commencer, on ignore quelle est précisément la conception du dialogue social que développe le Gouvernement. Le groupe UDI a toujours été favorable au dialogue social. La négociation, le dialogue sont les conditions essentielles pour s’assurer que les réformes reposent sur un diagnostic largement partagé et qu’elles sont engagées de façon pérenne. Ce n’est pas faire injure à l’expertise et à la capacité d’innover des partenaires sociaux que d’affirmer que notre démocratie sociale, depuis bien des années, n’est pas en bonne santé.
Or nous avons besoin de syndicats reconnus par leurs pairs, dont la légitimité est incontestable, pour faire évoluer notre droit par le dialogue social. Sans doute faut-il aller plus loin et renforcer l’attractivité des organisations syndicales comme professionnelles. C’est également la nature même des organisations syndicales, fruit de notre histoire, qui est questionnée, et qui pourrait évoluer, ce que nous pouvons souhaiter, vers un syndicalisme de services. De la même manière, l’effet erga omnes des accords collectifs, dont les dispositions sont applicables à l’ensemble des salariés, adhérents ou non à une organisation représentative, n’incite pas à adhérer à un syndicat.
Toutes ces questions sont aujourd’hui posées, avec d’autant plus d’acuité que le dialogue social est un puissant levier de transformation de notre pays. Mais le moins que l’on puisse dire est que ce projet de loi garde sur ces sujets un silence qui laisse songeur.
Il y a quelques jours, une mission installée par le Premier ministre a commencé ses travaux sur la place de l’accord collectif, en particulier l’accord d’entreprise, dans notre droit du travail. Pour notre groupe, la loi doit fixer et assurer le respect des grandes règles d’ordre public social, tandis que la négociation collective pourrait déterminer les règles les plus adaptées aux spécificités de chaque branche professionnelle, voire des entreprises. Nous étudierons donc avec attention les propositions qui émaneront de ces réflexions. Mais le lancement des travaux de cette mission, alors même que nous examinons ce projet de loi, nous place à nouveau devant cette fâcheuse tendance du Gouvernement à fractionner les débats autour d’un même sujet, en les abordant de façon partielle et successive, sans cohérence visible. Or c’est une vue d’ensemble dont nous avons besoin, en particulier sur un sujet aussi important que le dialogue social.
Mais ce n’est pas cela qui étonne le plus. Que ce projet de loi ne réponde pas à des enjeux pourtant bien identifiés comme nécessitant une réponse est très surprenant. J’en veux pour preuve le sujet des seuils sociaux et de leur impact sur l’emploi.
Il y a dans notre pays 2,6 fois plus d’entreprises de 49 salariés que de 50 ; 1,7 fois plus d’entreprises de 19 salariés que de 20 et 1,8 fois plus d’entreprises de 9 salariés que de 10. Vous-même, monsieur le ministre, envisagiez il y a un an de geler l’enclenchement de ces seuils pendant trois ans, afin d’en mesurer l’effet sur l’emploi. Il s’agissait là d’une démarche pragmatique qui avait le mérite de proposer une voie mesurée, sans parti pris, susceptible d’apporter une solution à une problématique qui fait débat.
Mais le projet de loi n’aborde pas la question des seuils d’effectifs. Bien sûr, vous objecterez que les partenaires sociaux n’ont pas souhaité modifier les dispositions touchant aux seuils de 11 et 50 salariés, et qu’il n’est pas possible de légiférer contre leur avis. Mais est-il pour autant interdit au Gouvernement d’expérimenter ? Une expérimentation aurait été la bienvenue pour tenter d’estomper les effets néfastes des seuils sur l’emploi. Mais de cette question, vous avez manifestement fait votre deuil.
Concernant les modifications apportées aux institutions représentatives du personnel, l’objectif de simplification, si tant est qu’il ait été recherché, passe à côté de son sujet. Certes, l’extension de la possibilité de recourir à une délégation unique du personnel, ou la faculté de réunir au sein d’une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène et de sécurité, vont dans le bon sens. Mais un nouveau seuil à 300 salariés est créé, alors même que chacun s’accorde à reconnaître que la diversité déjà foisonnante des seuils sociaux est une source de complexité.
Par ailleurs, le projet de loi laisse hors du champ de la simplification les PME, et surtout les TPE, alors qu’elles sont les moteurs de l’activité économique, susceptibles de créer de nouveaux emplois. Au contraire, les TPE héritent, avec les commissions paritaires régionales, d’une obligation supplémentaire. Ces nouvelles instances, dont des amendements adoptés en commission ont dénaturé les missions, ne peuvent être créées sans que soit pris en compte l’effet dissuasif à l’embauche des multiples seuils. La création de ces commissions devrait être accompagnée de mesures de relèvement de certains de ces seuils, sauf à ce que ce projet de loi soit, délibérément, un nouveau signe négatif envoyé par le Gouvernement aux entreprises, particulièrement aux plus petites.
Pour toutes ces raisons, ce projet de loi n’est pas un texte de modernisation du dialogue social. Et l’on peine à croire qu’il puisse favoriser l’emploi et l’activité professionnelle. Nous regrettons que le principe de la création d’un compte personnel d’activité y soit inséré, sans véritable concertation préalable des partenaires sociaux. Manifestement, le Gouvernement a décidé de passer outre les dispositions de l’article 1er du code du travail, alors même que le groupe socialiste s’était érigé en gardien du respect de l’obligation de concertation préalable lors du mandat précédent. Mais il est vrai que vous n’aviez pas voté en faveur du recours préalable systématique au dialogue social, dans le cadre d’une loi qui était, alors, une réelle loi de modernisation.
La transférabilité des droits des salariés est, bien sûr, un enjeu considérable, alors même que les parcours professionnels sont plus divers, les salariés plus mobiles. Mais les contours de votre dispositif restent à préciser et son contenu demeure incertain. Les questions autour de sa faisabilité restent entières, alors même qu’employeurs et salariés commencent seulement à appréhender concrètement la réforme de la formation professionnelle. Par ailleurs, la mise en oeuvre du compte pénibilité, qui n’entrera en vigueur finalement qu’au 1er juillet 2016, reste extrêmement complexe pour de nombreux employeurs.
Pour l’heure, la manière dont s’engage la réflexion autour de cette réforme laisse planer un doute sérieux quant à son appropriation par les partenaires sociaux.
Par ailleurs, le Gouvernement s’apprête à remettre en cause l’un des outils de lutte contre les discriminations à l’embauche qu’est le CV anonyme. Il est pour le moins paradoxal, dans un texte qui veut favoriser l’emploi, de supprimer un outil qui, s’il est bien utilisé, peut aider des personnes sans emploi à faire valoir leurs compétences, leurs savoir-faire et leur parcours auprès d’un employeur ! Ce n’est pas le meilleur signal envoyé par le Gouvernement pour démontrer sa détermination à lutter contre les discriminations ! On peut admettre que le dispositif mérite d’être adapté, qu’il faille mieux définir sa cible. Mais il ne peut être réduit à une coquille vide.
Enfin, la fusion de la prime pour l’emploi – PPE – et du RSA activité en une prime d’activité ne manque pas de soulever de sérieuses réserves, à commencer par le nombre de bénéficiaires de cette nouvelle prime. La PPE et le RSA activité concernaient 8 millions de personnes, quand le nombre de bénéficiaires potentiels de la prime d’activité est estimé à 5,6 millions d’allocataires. De plus, le Gouvernement table sur un taux de recours de 50 %. Même si celui-ci est supérieur au taux de recours au RSA activité, ce ne sont que 2,8 millions de personnes qui seront concernées par la prime d’activité. Pour une réforme de cette ampleur, censée améliorer l’accès aux droits – érigé en objectif national par le Président de la République – on ne peut que s’étonner qu’un tel taux ait été fixé ! D’autant que rien dans le projet de loi ne précise les dispositions qui seront prises pour inciter les personnes potentiellement éligibles à activer leurs droits.
Par ailleurs, l’estimation du nombre des perdants de la réforme – ceux qui ne seront plus bénéficiaires de la PPE – est contestée. Bien évidemment, le risque est de faire supporter aux classes moyennes les plus modestes le coût d’une réforme qui s’adresse, en fin de compte, à un nombre restreint de bénéficiaires.
Monsieur le ministre, pour l’heure, vous n’avez pas convaincu notre groupe de la pertinence des choix opérés pour faire du dialogue social le moteur de la modernisation de notre pays et encourager la création d’emplois. Pour autant, fidèle à sa ligne d’opposition constructive, le groupe UDI aborde ce texte avec la volonté de défendre ses propositions tout au long des débats, afin que le dialogue social soit un véritable levier d’innovation, d’échanges et de créativité, dans l’entreprise comme dans notre société.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, alors que les discussions entre les partenaires sociaux n’avaient pas abouti, le Gouvernement a décidé de trancher et de prendre ses responsabilités en proposant au législateur ce projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. C’est là, n’en déplaise à quelques détracteurs, un signe fort, une marque de courage.
Ce texte vient renforcer l’arsenal législatif déjà existant et complète les dispositions votées, notamment l’an passé, concernant la démocratie sociale. Monsieur le ministre, je pense, avec vous, qu’il représente une avancée sociale.
Aux yeux du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, plusieurs points contenus dans ce projet de loi sont positifs. Ainsi, il est juste de donner voix aux salariés des TPE par la création de commissions paritaires régionales. Ces CPR permettront aux salariés d’être mieux représentés. Nous proposerons un amendement technique afin de rendre cette mesure applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon ; nous comptons sur le Gouvernement pour trouver une issue favorable au cas spécifique de l’archipel.
Avec les dispositions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes votées en commission des affaires sociales, les réalités du monde du travail sont enfin prises en compte. Il n’était plus possible de les ignorer. Ces mesures vont dans le bon sens, tant pour les salariés que pour les employeurs. Au moins les choses seront-elles claires !
L’article 13 regroupe les dix-sept obligations d’information et de consultation récurrentes du comité d’entreprise en trois grandes consultations, portant respectivement sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la situation économique de l’entreprise et sa politique sociale.
À ce sujet, nous présenterons également un amendement. Lorsque les organisations syndicales présentes au comité d’entreprise sont toutes représentatives, toutes participent de facto à la négociation des accords. Dès lors, le passage devant le comité d’entreprise n’apporte pas de plus-value et ne se justifie plus.
A contrario, si siègent au comité d’entreprise des élus d’organisations syndicales non représentatives, qui de ce fait n’ont pas été invitées à la table des négociations, c’est dans cette instance qu’ils pourront donner leur avis sur les projets d’accords. Si ces projets ne leur sont pas présentés en comité d’entreprise ils n’en auront pas connaissance avant signature. Notre amendement tend donc à renforcer le dialogue social.
Ensuite, une nouvelle prime d’activité va remplacer la prime pour l’emploi et le RSA « activité ». Cet outil nous paraît intéressant en ce qu’il améliorera notamment d’améliorer la situation de ménages aux ressources modestes qui ne bénéficient pas des prestations sociales les plus ciblées sur la pauvreté.
Si le système de versement de cette prime d’activité sera basé sur celui, complexe, du RSA activité, il nous semble important de rendre visible cette disposition. Aussi le Gouvernement devrait-il tout mettre en oeuvre pour diffuser largement l’information autour de cette prime, permettant ainsi aux salariés qui peuvent y prétendre de faire valoir leurs droits.
Nous sommes cependant réservés quant à la procédure engagée et nous regrettons que ces dispositions soient à nouveau soumises au décret, d’autant plus que le texte manque encore à l’heure actuelle de précision. Nous avons déposé un amendement visant à préciser que les personnes en congé parental exerçant l’activité d’assistance maternelle, ce qui est prévu par le code du travail, ne soient pas exclues par la loi du bénéfice de la prime d’activité.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir précisément sur le titre II, soit l’article 20, qui a pour objet de sanctuariser le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle.
Cet article fait suite à de longs débats et à une mission de concertation qui a donné lieu à un rapport circonstancié écrit conjointement par Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et Jean-Patrick Gille, que je veux ici féliciter.
Oui, la pérennisation du statut des intermittents a toute sa place dans ce projet de loi. En ces temps de crise, les intermittents du spectacle sont, eux aussi, durement touchés et se trouvent parfois confrontés, à tort, à une sorte de défiance de la part de certains de nos concitoyens. Nous ne pouvons nier certaines pratiques d’employeurs peu scrupuleux qui, par un recours abusif au régime spécifique plutôt qu’à un CDD ou un CDI, ont entretenu une image négative de ces professions.
Pour contrevenir à ces quelques dérives, le contrat à durée déterminée d’usage, qui sera désormais en vigueur, nécessitera un encadrement qui en garantisse la sécurisation. Le cadre légal et juridique proposé par cet article remplit cet objectif, qui se verra renforcé par des négociations d’accords interprofessionnels.
Si notre système français en la matière est unique, rappelons que les intermittents du spectacle, dont les métiers sont très divers et qui regroupent artistes et techniciens, ont droit comme chacun à une protection sociale sécurisante. Ne contribuent-ils pas au rayonnement culturel de notre pays, rayonnement que nous devons protéger et dont nous pouvons être fiers ? Et comme on le sait, la culture est un vecteur économique incontestable.
En conclusion, en raison de l’ensemble des dispositions et mesures prévues dans ce projet de loi et parce que le dialogue social et le soutien à l’emploi doivent être au coeur de nos objectifs, le groupe RRDP se prononcera favorablement pour ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, ce texte s’inscrit dans la continuité de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social et de celle du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
Je salue ici le travail approfondi que nous avons pu mener en commission des affaires sociales la semaine dernière et je remercie notre rapporteur Christophe Sirugue pour la qualité de son écoute, qui a permis de faire évoluer significativement le texte. Je remercie également notre collègue Jean-Patrick Gille pour son implication concernant le titre II et qui a permis là aussi d’aboutir à un texte qui répond en grande partie aux inquiétudes relatives au régime des intermittents du spectacle.
Je ne suis pas le seul à le rappeler, mais si nous devons légiférer, c’est bien du fait d’une impossibilité d’aboutir à un accord par négociation entre partenaires sociaux.
Or, nous cherchons avant tout, par ce texte, à renforcer l’engagement syndical car, loin des postures idéologiques ou des expressions incantatoires, il y a une réalité en France aujourd’hui : trop peu de salariés s’engagent et donc trop peu d’entre eux sont représentés. Chercher à moderniser le dialogue social, c’est comprendre les freins à cet engagement, et chercher à les lever.
Le monde change, les entreprises françaises ne ressemblent plus pour la plupart d’entre elles à celles issues de la révolution industrielle. La finance mondialisée a installé de nouveaux rapports de force sur lesquels les salariés n’ont pas de prise. En cherchant à renforcer l’économie réelle et à relocaliser les activités nous voulons affaiblir l’économie virtuelle, ce qui inclut nécessairement les salariés.
La démocratie sociale est indispensable à la lutte contre la finance, elle en est même l’une des clefs. Rapporteur pour avis de la loi sur l’économie sociale et solidaire, je peux témoigner que lorsque le dialogue social est inscrit dans les fondements même de l’entreprise, avec des règles pour le définir, il peut devenir un véritable levier de dynamisme et de mieux-être au travail. Ce sont ces conditions qui permettent d’améliorer la santé économique des entreprises et, in fine, de créer de l’emploi.
C’est là que se trouve le véritable progrès, dans la participation active des salariés à la vie de l’entreprise. Ainsi, ce texte cherche à assurer la représentation des salariés des entreprises de moins de onze salariés, ceux des TPE. Il crée des commissions paritaires régionales qui informeront et accompagneront les salariés et les employeurs pour assurer la mise en oeuvre de leurs droits. Nous y avons ajouté en commission un rôle de médiation en cas de conflit.
Ce sont 4,6 millions de salariés qui pourront enfin bénéficier d’une instance représentative. Bien entendu, il n’est pas question qu’en contrepartie de cette avancée, on réduise le rôle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les fameux CHSCT.
En effet, le texte les regroupe, au sein d’une délégation unique du personnel – DUP –, avec les comités d’entreprise, obligatoires dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Nous veillerons, comme nous l’avons expliqué en commission, à ce qu’il n’y ait de ce fait aucune déperdition de l’expertise spécialisée des représentants de salariés.
Les représentants des CHSCT en charge des questions de santé et de sécurité doivent pouvoir rester des spécialistes de leurs missions, même au sein d’une instance unique. Il ne peut donc s’agir, avec la DUP, de fusion mais bien de regroupement dans l’objectif de faciliter le dialogue social au sein de l’entreprise.
Le ministre du travail a voulu nous assurer du maintien des prérogatives initiales des différentes instances, une fois leur regroupement dans la DUP. Aussi avons-nous proposé des amendements qui garantissent cet engagement.
La création d’une DUP dépend de la volonté de l’employeur dans les entreprises de moins de 300 salariés et d’un accord d’entreprise dans celles de plus de 300 salariés. Nous souhaitons que la création de cette DUP dépende d’un accord d’entreprise quel que soit le nombre de salariés. L’effectivité du dialogue social en France en dépend, car dans toutes les entreprises, salariés et employeurs doivent pouvoir se mettre d’accord sur le fonctionnement de l’instance représentative.
Pour terminer, nous nous félicitons des mesures du titre II du texte qui concerne le régime des intermittents du spectacle, notamment la possibilité de négocier un accord par les organisations du secteur concerné par les annexes VIII et X, ainsi que le retour à douze mois de la période ouvrant droit au régime.
Le groupe écologiste aborde donc avec un regard positif l’étude de ce texte et nous apporterons différentes propositions d’évolution dans le débat cette semaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à mes yeux, ce projet de loi présente trois mérites : il accorde de nouveaux droits aux salariés et à leurs représentants, il simplifie le dialogue social pour le rendre plus efficace, il valorise le travail.
Tout d’abord, il donne de nouveaux droits aux salariés, notamment celui d’être représenté quelle que soit la taille de leur entreprise. Rendez-vous compte : alors que les TPE constituent la très grande majorité des entreprises, ce sont les seules pour lesquelles la représentation du personnel n’est pas obligatoire !
La mise en place de commissions paritaires régionales mettra fin à cette anomalie, sans remettre en cause les dispositifs qui ont fait leurs preuves dans certaines branches comme l’artisanat, l’agriculture ou les professions libérales. Cette solution, adaptée aux spécificités des TPE, bénéficiera à des millions d’employés et d’employeurs.
Tous les salariés seront représentés, leurs élus seront mieux protégés, mieux formés et reconnus : c’est la valorisation des parcours syndicaux, attendue depuis longtemps. Dans certaines entreprises, les délégués syndicaux ou du personnel sont « étiquetés » et ne bénéficient pas des mêmes augmentations que les autres : la garantie de non-discrimination salariale pour les mandats importants mettra fin à cette injustice.
Les élus seront donc mieux formés, notamment pour représenter les salariés au conseil d’administration des entreprises, et leur expérience et compétences seront davantage reconnues et valorisée grâce à un dispositif de certification et aux entretiens professionnels de début et fin de mandat.
Ce texte vise par ailleurs à simplifier le dialogue social pour le rendre plus efficace. Pragmatique, il tient compte de la réalité et de la diversité des entreprises. Aujourd’hui, la majorité des PME regroupent les délégués du personnel et le comité d’entreprise dans une seule instance de représentation. Voilà pourquoi nous proposons d’élargir la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel jusqu’à 300 salariés.
Voilà aussi pourquoi nous souhaitons favoriser le regroupement des instances représentatives du personnel par accord majoritaire dans les entreprises de plus de 300 salariés : les délégués syndicaux ne perdront aucune compétence et verront leur capacité de négociation renforcée.
Le regroupement des consultations et négociations annuelles obligatoires répond à une demande des partenaires sociaux : moins nombreuses, elles seront mieux appliquées, mieux préparées, de meilleure qualité et les élus du personnel pourront davantage peser sur les choix et stratégies des entreprises.
Le dialogue social n’est pas un frein à la compétitivité et la simplification ne signifie pas recul des droits des salariés. Au contraire, je suis convaincue qu’un dialogue social plus efficace permet d’améliorer les relations sociales et les performances de nos entreprises.
Enfin, ce projet de loi tend à valoriser le travail. L’année dernière, nous avions voté une baisse des prélèvements sociaux sur les bas salaires mais le Conseil constitutionnel a retoqué cette disposition et il fallait trouver une autre solution pour encourager les travailleurs modestes.
Les travaux de notre collègue Christophe Sirugue l’ont montré : la prime pour l’emploi est trop faible, mal ciblée, versée trop tardivement, et le RSA activité trop complexe, inaccessible aux jeunes et peu connu – deux dispositifs peu efficaces en somme.
Leur fusion en une prime d’activité est une mesure de simplification, de soutien au pouvoir d’achat et de retour à l’emploi. Elle sera plus simple d’accès, versée chaque mois et ouverte aux jeunes. Ceux qui travaillent mais qui ne gagnent pas assez pour vivre correctement pourront ainsi assumer les charges nouvelles générées par leur reprise d’activité.
Valoriser le travail, c’est aussi garantir aux salariés qu’ils puissent faire face aux aléas, accéder à une formation ou reconversion tout au long de leur carrière : c’est le sens du compte personnel d’activité, dont le texte fixe le cadre, et qui donne corps à la Sécurité sociale professionnelle tant souhaitée et attendue.
Lors de l’examen du texte en commission, monsieur le ministre, vous avez écouté nos propositions d’amendements – je vous en remercie – visant à donner un rôle de médiation aux commissions paritaires et à sécuriser le recours à la visioconférence dans les réunions.
Je souhaite que ce souci du dialogue constructif, en particulier sur ce texte qui constitue un véritable progrès social, perdure lors de nos débats en séance.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui me ramène volontiers à ce projet de loi discuté et adopté en décembre 2006, qui avait pour but de moderniser le dialogue social. Comme rapporteur, j’évoquais alors ici l’ambition et l’impact de cette loi par trois mots qui résumaient une avancée importante.
La concertation, tout d’abord : une règle nouvelle était instituée selon laquelle il ne serait pas possible de modifier le droit du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée.
La consultation ensuite : désormais, tout projet de texte relatif au droit du travail serait soumis pour consultation aux partenaires sociaux.
L’information, enfin : le projet établissait ce rendez-vous permettant à l’État et aux partenaires sociaux d’échanger sur leur diagnostic, leurs objectifs et leur calendrier respectifs.
C’est dire combien la précédente majorité a voulu organiser les liens entre démocratie représentative et démocratie sociale et combien ce texte, suivi par d’autres, a marqué une étape décisive dans l’histoire du dialogue social auquel, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes tous et sur tous les bancs très attachés.
Aujourd’hui, après l’échec des négociations engagées entre les organisations patronales et les organisations de salariés, le Gouvernement veut par ce texte instaurer un dialogue social de meilleure qualité dans l’entreprise. Il faut certes qu’il soit plus vivant et plus efficace, mais un récent sondage révèle qu’un tiers seulement des salariés ont une bonne image des syndicats. Il est bien évidemment juste que les salariés soient associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui concernent leurs conditions de travail, leur pouvoir d’achat, leur formation et leur emploi.
Vous évoquez vous-même, monsieur le ministre, l’exigence d’efficacité économique. Puissiez-vous être entendu dans un contexte d’augmentation sans précédent du chômage, puisque depuis mai 2012, la France compte 615 000 chômeurs supplémentaires, soit un total de 3,6 millions de chômeurs ! C’est trop, et c’est très inquiétant.
Pourtant, ce texte évite les vrais sujets que sont les seuils sociaux, le code du travail, le contrat de travail ou encore les trente-cinq heures. Votre volonté d’assouplir le compte pénibilité, annoncée aujourd’hui même, n’est pas pour autant satisfaisante : il faut remettre ce sujet complètement à plat et supprimer les fiches individuelles !
L’impact de votre texte sur les petites et moyennes entreprises suscite l’opposition de leurs dirigeants à la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles, car vous allez trop loin ! Pour beaucoup, c’est nier qu’il existe un dialogue direct et naturel entre patron et salariés dans des structures à taille humaine, où le chef d’entreprise et les salariés entretiennent une relation de confiance. Laisser croire que les patrons ont besoin de syndicats extérieurs pour faire vivre le dialogue dénote une forme de défiance. Est-il prioritaire de vouloir à tout prix calquer les règles des grandes entreprises pour les appliquer dans celles de moins de onze salariés ? Je ne le pense pas.
Écoutez – oui, écoutez – nos dirigeants, qui réclament la simplification des normes et des obligations administratives, fiscales et sociales ! L’entrée dans les très petites entreprises des syndicats qui pourront résoudre les conflits individuels ou collectifs en leur sein est considérée comme une ingérence pour les organisations patronales, qu’il s’agisse de la CGPME, de l’Union professionnelle artisanale, de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, de la Fédération française du bâtiment ou de bien d’autres encore.
On peut naturellement souligner certaines avancées en termes de simplification, chers collègues, ainsi que les dispositions concernant la réforme des instances représentatives du personnel et l’élargissement de la délégation unique du personnel, la DUP. Pourtant, il ne faut pas seulement juxtaposer mais aussi regrouper réellement les attributions des différentes instances constitutives de la DUP. Oui, ayons la volonté de simplifier et d’alléger les contraintes s’imposant aux entreprises.
On peut s’interroger sur les seuils, car le franchissement du seuil de cinquante salariés engendre pour une entreprise trente-cinq obligations supplémentaires différentes et majore de 4 % le coût de l’heure travaillée. Les obligations les plus importantes concernent la création d’institutions représentatives du personnel et la présence de délégués syndicaux avec des crédits d’heures. Il en résulte un frein mécanique au développement des entreprises, qui est préjudiciable à l’emploi puisque beaucoup d’entreprises font le choix de ne pas dépasser ce seuil.
Il faut, monsieur le ministre, reporter les obligations pesant sur les entreprises de plus de quarante-neuf salariés et lever ainsi un verrou important. Pourtant, tous nos amendements, notamment ceux qu’a déposés M. Cherpion, ont été repoussés !
Saluons la rationalisation de l’agenda de l’entreprise, le passage de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois grandes obligations, tout comme le passage de douze obligations de négocier à trois blocs de négociations. Cependant, la loi réorganise les obligations existantes sans les alléger ni les fusionner.
Concernant le compte personnel d’activité, nous partageons ce souci d’atténuer les effets de rupture et de sécuriser les phases de transition. La portabilité des droits acquis par le salarié concourt à la sécurisation des parcours, mais pourquoi un tel empressement de votre part, monsieur le ministre, alors que vous n’avez pas engagé la concertation avec les partenaires sociaux ? Il faut certainement inscrire ce compte personnel d’activité dans le cadre d’une démarche de flexisécurité, ce qui suppose de prendre des mesures de flexibilité du marché du travail que vous ne proposez pas. Pour relancer l’emploi, en effet, la France a besoin de réformes et le contrat de travail unique est l’une des solutions, car les entreprises ont très peur de créer des contrats à durée indéterminée.
Quant à la création d’une prime d’activité qui soutient l’activité professionnelle, le retour à l’emploi et l’insertion des jeunes, combien vont en bénéficier, et combien de bénéficiaires actuels en seront exclus ?
En conclusion, chers collègues, comment pourrions-nous apporter notre soutien à un texte sans ambition réformatrice qui ne prend pas en compte les propositions des députés de l’opposition, pourtant soucieux de faciliter le dialogue social dès lors qu’il favorise les conditions de travail, le développement économique et l’emploi – oui, l’emploi ! – car c’est ce qu’attendent les Françaises et les Français ? Ici, pourtant, rien ne favorise le développement économique et l’emploi ; nous ne pouvons que le déplorer !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la vice-présidente de la commission, chers collègues, la relance de notre économie et la création d’emplois ne se feront pas sans nos entreprises. La bonne conduite du dialogue social est une condition de leur vitalité, car une entreprise ne saurait avancer sans s’appuyer sur son principal atout : ses salariés.
Oui, aimer l’entreprise, c’est écouter ses dirigeants mais aussi ses salariés. C’est bien l’échange constructif permanent entre direction et personnel qui garantit le bon développement d’une entreprise et permet que les réformes qui lui sont nécessaires soient acceptées au mieux, ou réorientées, que les problèmes internes soient clarifiés, que les défis à relever soient abordés en cohésion et que l’esprit d’entreprise émerge alors. Il s’agit là du terreau nécessaire au dynamisme d’une entreprise dans l’intérêt mutuel de ses salariés.
Le dialogue social doit répondre à un double enjeu : celui de la réussite économique de tous et celui de la qualité de vie de chacun. L’un ne va pas sans l’autre. C’est avec le souci de préserver l’équilibre de ce double enjeu que nous abordons l’examen de ce texte.
C’est pourquoi nous tenons à saluer la création des commissions paritaires régionales pour les salariés des très petites entreprises. Si les craintes que ces commissions peuvent susciter pour les patrons de TPE sont compréhensibles, ce modèle, qui existe déjà pour certaines branches professionnelles, a prouvé son efficacité.
De plus, l’élargissement des missions d’information et d’accompagnement de ces commissions à la mission de médiation constitue une belle avancée obtenue en commission.
Les écologistes soutiennent également les mesures en faveur de la valorisation de l’engagement syndical, souvent pénalisant dans un parcours professionnel, ce qui explique les réticences de nombreux salariés à s’engager dans cette voie.
En revanche, nous sommes inquiets quant au processus de mise en place et de fonctionnement des délégations uniques du personnel. Il est plutôt paradoxal que soit introduite dans un texte sur le dialogue social une disposition permettant au patron d’une entreprise de moins de trois cents salariés de regrouper les instances représentatives de son personnel sans leur accord préalable. Comment peut-on confier une mission de dialogue et de concertation à une instance qui serait créée sans dialogue ni concertation ?
Nous sommes également très vigilants quant au devenir du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT. Cette instance est indispensable pour les salariés, comme elle l’a notamment démontré dans l’affaire de l’amiante et de la prise en compte des troubles musculo-squelettiques. Ses prérogatives spécifiques et essentielles ne permettent pas qu’un tel regroupement puisse se faire au détriment de ses missions. Nous serons donc attentifs à faire évoluer ce texte qui n’apporte pas encore les garanties suffisantes au bon déroulement de ces missions.
Je pense en particulier à la mise en place d’une expertise commune et d’un avis unique confiés à la DUP. Cette procédure nous semble difficilement concevable du fait des enjeux très différents qui concernent les instances qu’elle réunit. Le CHSCT doit conserver une part d’autonomie, mener sa propre expertise et rendre un avis différencié. Il n’est pas raisonnable de mêler les recommandations spécifiques en matière de sécurité des salariés avec les considérations budgétaires du comité d’entreprise, par exemple. Il n’est ni question d’opposer les unes aux autres, ni de les diluer dans un même rapport. Nous demanderons simplement des avis distincts sur ces questions.
Enfin, si le regroupement du CHSCT avec les délégations du personnel et les comités d’entreprise peut effectivement viser un objectif de performance, nous redoutons qu’il se fasse en premier lieu dans une logique comptable et d’économies de moyens. Nous appelons de nos voeux des garanties quant au maintien du nombre de représentants du personnel, du nombre d’heures qui leur est attribué et des moyens affectés à leurs missions.
Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Alors que les écarts de salaires sont encore trop importants et que les femmes sont encore bien souvent mises à l’écart des responsabilités professionnelles, comment pouvons-nous accepter que ce texte remette en cause l’existence de la commission de d’égalité professionnelle au nom d’un alignement des seuils ?
Certes, nous saluons les avancées obtenues sur cette question par la commission des affaires sociales avec le soutien de la délégation aux droits des femmes.
Cependant, il s’agit davantage d’un rétablissement du droit actuel que d’une réelle avancée. Il reste encore du chemin à faire et nous soutiendrons donc des amendements en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment le rétablissement à deux cents salariés du seuil de mise en place de la commission de l’égalité professionnelle.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, loin des postures idéologiques et des oppositions de principe, les écologistes abordent l’examen de ce texte avec tout le pragmatisme que nécessite ce sujet. Il s’agit bien de conserver un équilibre entre simplification et efficacité du dialogue social, en évitant l’écueil de son affaiblissement au nom de considérations économiques.
Si nous accordons notre confiance à nos entreprises pour mener à bien cette mission de dialogue social qu’elles doivent faire vivre, nous devons aussi faire confiance aux salariés qui partagent des intérêts communs à ceux qui les emploient. Il s’agit là de défendre un modèle social de gauche, fruit de longues années de luttes et qui exige particulièrement de cette majorité qu’elle soit aujourd’hui à la hauteur, à la fois de son passé et de l’avenir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, avec ce projet de loi, la gauche « marketing » est de retour.
Attendez donc : cela ne fait que commencer ! Une gauche des mots, loin des maux des Français dans une crise qui n’en finit pas de voir la courbe du chômage et le malaise social monter.
Des maux véritables dont le texte ne dit mot : celui d’une désaffection profonde des Français pour l’engagement syndical. Il n’y a en France que 7,7 % de salariés syndiqués – taux le plus bas de l’OCDE – pour une majorité de Français détournés des grands syndicats, usés par les privilèges dorés des professionnels du syndicalisme acquis au libre-échange, dont les Français souffrent tant…
…et discriminants à l’encontre des choix et de l’engagement politiques de leur base militante. Beaucoup de nos candidats syndiqués ont fait les frais de ce sectarisme, exclus comme des malpropres du jour au lendemain par des responsables qui, eux, n’hésitent pas à soutenir François Hollande à la présidentielle.
Cette fracture est favorisée par le déficit de représentativité – aggravé par la loi UMP de 2008 – des grands syndicats, dont le poids et la force de frappe sont presque inversement proportionnels à leur légitimité démocratique. Ils sont obligés de justifier leur existence et leur financement par une opposition de principe, en maintenant parfois des mouvements sociaux jusqu’à la mort de l’entreprise – comme Sea France, par exemple – et la disparition des emplois qui l’accompagne, pour finir souvent par signer en coeur les lois les plus anti-sociales.
Les syndicats sont utiles et nécessaires par principe, mais les critères de représentativité et les seuils exigés pour avoir des élus doivent être profondément revus, afin de rompre le monopole des centrales privilégiées et de permettre un dialogue constructif soutenu par la base.
Rien non plus sur la réforme du financement des organisations patronales et syndicales, dont les dérives sont pourtant de notoriété publique.
Quelques aménagements dérisoires sont censés répondre à la simplification annoncée. Or vous créez dans le même temps les commissions paritaires interprofessionnelles régionales, dont les définitions sont larges et mal définies. C’est une réponse inutile et inadaptée pour la structure de taille familiale qu’est la TPE, dans laquelle le dialogue social s’engage directement entre l’employeur et l’employé. L’ingérence d’organismes syndicaux étrangers à l’entreprise pourrait nourrir des tensions et augmenter la charge des TPE.
Visiblement, les 2 % d’emplois détruits au cours du trimestre dernier dans ces entreprises et la baisse des recettes dans près de la moitié d’entre elles ne vous suffisent pas.
Savez-vous que 86 % des patrons de TPE estiment que vous ne prenez pas en compte leurs préoccupations ? Leurs inquiétudes ne pourront que s’accroître avec la mise en place, le 1er janvier 2017, du compte personnel d’activité, au sein duquel est incorporé le compte personnel de pénibilité. La moitié des TPE ne sont pas capables de le mettre en place ! Et pour cause : l’identification des facteurs de pénibilité est compliquée à réaliser et l’individualisation de la mesure alourdit considérablement les charges administratives des entreprises qui n’ont pas les ressources suffisantes pour l’encadrer. Une telle mesure favorisera le recours aux travailleurs détachés, pour lesquels le dispositif ne s’applique pas, et affaiblira le système de protection sociale en redirigeant les cotisations patronales vers les comptes individuels.
La valorisation du personnel syndiqué détonne au regard de la précarisation grandissante de ceux qu’il est censé défendre et auxquels vous ne proposez rien, en dépit du terme « emploi » contenu dans le titre du projet de loi. Car ce n’est pas l’extension du contrat « nouvelle chance » aux chômeurs de longue durée ni la prime pour l’emploi qui enrayeront la hausse du chômage. Ces deux mesures sont en décalage avec la capacité actuelle des entreprises à recruter pour une durée de deux ans de formation.
La prime d’activité n’est qu’une addition de deux échecs, le RSA activité et la prime pour l’emploi, qui banalisent à long terme le niveau des bas salaires – mesurette que vous étendez aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, alors que le nombre de travailleurs pauvres ne cesse de croître, jusqu’à atteindre le chiffre record de 8,6 millions !
Les Français ne vous demandent par de créer des emplois, ils vous demandent de mettre en place un contexte économique et législatif favorable pour qu’ils puissent, eux, en créer.
La fiscalité et la complexité d’un droit du travail pléthorique sont les deux leviers que vous refusez de prendre à bras le corps. En effet, le taux d’imposition demeure à 32 % pour les PME et le gadget CICE n’est qu’un étendard sans efficacité réelle.
Pendant ce temps, la rupture d’égalité perdure avec les grands groupes, imposés à hauteur de 22 %. Face à ce fatras fiscal, qui propose plus de 6 000 dispositifs d’aide, seules les grandes entreprises peuvent recruter des chasseurs de primes afin de repérer les portes auxquelles il faut aller frapper. La suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, par ce gouvernement, et la « catastrophe industrielle », selon les termes de la Cour des comptes, du régime social des indépendants, le RSI, sont des handicaps supplémentaires pour les entrepreneurs, pourtant premiers employeurs de France.
Les salariés et les chefs d’entreprise ne peuvent se satisfaire de contrats gadgets, parfois subventionnés par l’argent public comme les contrats d’avenir, censés vous donner bonne conscience.
Face aux drames humains et à la désespérance qui en découle, oser écrire que ce projet de loi « s’inscrit dans la lignée des grandes lois sociales de notre pays » illustre bien le fossé grandissant entre les solutions de cette gauche marketing et les attentes du monde du travail.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, au lendemain de nos travaux en commission, un grand journal national titrait « Coup de jeune sur le RSA activité et la prime pour l’emploi ». J’ai trouvé cela très juste, tant sur le plan philosophique et politique que journalistique.
Rappelons l’état des lieux, à savoir la quasi-automaticité de la prime pour l’emploi. J’en sais quelque chose car ma fille, un an après avoir été embauchée avec un petit salaire, a perçu sa prime pour l’emploi. Elle m’a demandé à quoi correspondait cette prime pour l’emploi. Son versement est automatique, pourtant la plupart de nos concitoyens n’en avaient pas connaissance.
Quant au RSA activité, dont le taux de recours atteint 32 %, il n’atteignait pas les jeunes alors même qu’il visait essentiellement le public des jeunes. Mme la ministre des affaires sociales, lors des questions au Gouvernement, a indiqué que le nombre des bénéficiaires allait passer de 5 000 à un million. C’est un résultat extraordinaire !
J’ai bien compris que le projet de loi se concentrait sur ces salariés que l’on appelait il y a une dizaine d’années les « travailleurs pauvres » et qui représentent aujourd’hui près de 8 % des travailleurs. Le texte concerne spécifiquement ces personnes pour les aider à vivre dignement et honnêtement, dans leur travail et dans la société.
Je remercie le Gouvernement et le rapporteur d’avoir, lors de nos travaux en commission, accepté la philosophie de deux amendements que j’avais déposés avec Jean-Luc Laurent et qui visaient à apporter quelques précisions. Le premier, de nature informatif, destiné à ne pas renouveler les erreurs du RSA activité, a été reformulé avec talent par notre rapporteur Christophe Sirugue ; quant au second, il vise à affirmer qu’on ne peut laisser quiconque imaginer que la majorité des chômeurs ne cherchent pas à trouver un emploi.
L’emploi est un statut, une fierté, un moyen d’appartenir à la société et peut-être même à la Nation.
Ne rejoignons pas le Café du commerce, où on parle de chômeurs professionnels. Allons plutôt voir le film La loi du marché avec Vincent Lindon, qui est beaucoup plus proche de la réalité…
…et qui nous montre la réalité, qui n’est pas le Café du commerce mais la grandeur du cinéma français.
Monsieur le ministre, il y a quelques années, et déjà au cours du mandat précédent, que je dépose, de manière quelque peu cavalière, un certain nombre d’amendements visant à intégrer un certain nombre de salariés au sein du conseil d’administration des entreprises. Je les ai déposés subrepticement, dans différents projets de loi, afin d’abaisser le seuil de 5 000 à 1 000 salariés. Jean-Marc Germain en parlera tout à l’heure. La question des seuils, dont nous avons débattu en commission et sur laquelle nous allons discuter ici, est importante. Les trois députés du MRC ont déposé une proposition de loi visant à renforcer la présence de salariés dans les conseils d’administration. Elle sera examinée au mois de juin.
Je suis allé jusqu’à proposer, et je peux comprendre que cela soit jugé excessif – cela va plus loin que ce que veulent les frondeurs – que quatre salariés participent au conseil d’administration. Ce serait une avancée extraordinaire.
Je terminerai mon propos en évoquant le burn out. Il y a encore cinq ans, j’ai participé avec un certain nombre d’entre vous à une mission d’information, dont la présidente était Marisol Touraine et le rapporteur Jean-Frédéric Poisson, sur les risques psychosociaux. C’était, à l’époque, un sujet tout à fait nouveau, qui faisait suite aux drames qui étaient survenus chez France Telecom. Nous ne parlions pas encore de burn out, mais nous nous en étions approchés. C’est dire l’évolution qui a eu lieu, depuis quelques années, dans l’esprit des législateurs et des représentants politiques, tout au moins ceux qui sont progressistes, à propos du burn out, et d’autres avancées vont être apportées par ce texte. Elles ne seront pas définitives, nous en avons tous conscience, mais il est important de savoir que le phénomène existe, et dans de nombreux pays. Il est vrai qu’en France, du fait de notre tempérament, nous y pensions peut-être moins qu’ailleurs. Je tiens à remercier le Gouvernement d’y avoir prêté attention dans le cadre des risques psychosociaux.
J’ai appris aujourd’hui, comme beaucoup d’entre vous, que deux étudiants en médecine français se sont suicidés en Roumanie. C’est un geste terrible, que l’on peut lier à la question des études de médecine en France et au numerus clausus. Ces étudiants ont été victimes d’une forme de burn out. Je suis très touché et je considère qu’il est de notre devoir de nous pencher sur ce problème.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Sandrine Mazetier vous a présenté les amendements très productifs qui ont été déposés dans le cadre des travaux de la délégation aux droits des femmes et je veux saluer ici son travail en co-production avec vous-même, monsieur le ministre, les cabinets des ministères et le rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les points qu’elle a présentés et défendus.
L’égalité femmes-hommes est sans conteste un marqueur des gouvernements qui se succèdent depuis 2012. Nous en sommes fiers et voulons conserver ce marqueur. Aussi ne traiterai-je que d’un sujet, auquel nous sommes très attachés : l’égalité professionnelle et les lois qui ont permis des avancées en la matière.
Notre délégation a une conviction : l’égalité professionnelle est une question de justice, une base de notre République, mais aussi un facteur de développement, de croissance et de compétitivité pour les entreprises.
Aujourd’hui, en France, la journée de l’égalité salariale est fixée au 7 avril. Pourquoi cette date ? Parce que trois mois, c’est le temps durant lequel les femmes travaillent gratuitement pour toucher le même salaire que les hommes. Il leur faut travailler soixante-dix-sept jours de plus que les hommes pour percevoir un salaire équivalent ! Actuellement, le salaire mensuel des hommes est en moyenne de 2 440 euros et celui les femmes de 1 890 euros. À emploi égal et qualification égale, il subsiste 10 % de différence de salaire, ce qui n’est pas justifiable.
Les femmes sont surreprésentées dans douze domaines d’activité sur les quatre-vingt-sept les moins bien rémunérés.
Je rappelle aussi qu’elles représentent 80 % des emplois à temps partiels et que leurs carrières se déroulent de manière moins favorable : interruptions liées à la maternité, moindre disponibilité – réelle ou supposée par les directeurs des ressources humaines.
Ce sont les « facteurs silencieux », utilisés pour ne pas leur offrir une promotion ou des responsabilités, dénoncés par Rachel Silvera dans son ouvrage Un quart en moins, ou encore le manque de perception des inégalités professionnelles, qui fragilise les femmes et les maintient dans des situations d’inégalité. Selon un très récent sondage de l’IFOP, 80 % des cadres considèrent qu’il n’y a pas de problèmes d’inégalité salariale dans les entreprises.
Le dialogue social, la confiance accordée aux partenaires sociaux sont indispensables à la lutte contre ces inégalités. Mais la loi est un bouclier nécessaire. Aussi, dès son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée, la délégation aux droits des femmes a demandé à la commission des affaires sociales d’être saisie de ce projet de loi, et je remercie la présidente Catherine Lemorton d’avoir bien voulu accepter.
Car depuis quarante ans, c’est par la loi que l’égalité professionnelle s’est imposée aux entreprises.
En 1983, la loi Roudy consacre le principe de l’égalité professionnelle dans les entreprises en prévoyant la mise en place d’un rapport écrit sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise. Mme Roudy vous l’a rappelé récemment, monsieur le ministre...
En 2001, la loi Génisson introduit en droit l’obligation d’ouvrir des négociations dédiées spécifiquement à l’égalité professionnelle, tant au niveau des branches que des entreprises.
En 2006, la loi Ameline fixe l’objectif de suppression des écarts de rémunération.
En 2010, la loi sur les retraites instaure une sanction financière pour non-respect des obligations en matière d’égalité professionnelle, mais il faudra attendre le décret, pris fin 2012, pour qu’elle soit opérationnelle.
Enfin, après celle de 2013, la loi Vallaud-Belkacem sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes vient de renforcer le cadre fixé pour l’égalité professionnelle en renforçant l’obligation du rapport de situation comparée.
Oui, c’est par la loi que l’égalité professionnelle avance. Des lois qui incitent, qui sanctionnent, qui fixent des objectifs d’amélioration. En bref, des lois explicites.
Sans la loi, nous n’en serions pas, fin 2014, à plus de 5 300 accords et plans d’actions sur l’égalité entre les femmes et les hommes déposés par les entreprises, ce qui représente 36 % des entreprises de plus de 50 salariés, contre 11 % l’année précédente.
Sans la loi, nous n’aurions pas 1 356 entreprises mises en demeure, dont 45 ont été sanctionnées. L’une d’elles, une entreprise de 150 salariés, affichait un écart salarial de 500 euros sans chercher à y remédier : elle a été sanctionnée.
Sans la loi, les entreprises de plus de 50 salariés pourraient toujours candidater à la commande publique sans respecter les obligations légales en matière d’égalité professionnelle.
Mais c’est aussi, en 2013, la loi relative à la sécurisation de l’emploi qui a fixé un minimum de vingt-quatre heures pour les temps partiels. Nous avons fixé ce seuil ici même, alors que les partenaires sociaux ne l’avaient pas fait. Nous en avons été félicités.
La même loi prévoit des dérogations par accord de branche. Je constate à ce jour que dans les emplois majoritairement féminins d’importantes dérogations ont été acceptées, allant jusqu’à des temps partiels de deux heures par semaine. Je reconnais que parfois l’application de la loi ne me donne pas entière satisfaction…
La simplification du dialogue social est une nécessité, nul ne le conteste, mais elle ne peut brider l’avancée de l’égalité professionnelle. Vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre, déposé un amendement visant à préciser les mécanismes encadrant les négociations en entreprise et l’avenir du rapport de situation comparée. Ce rapport, pour mémoire, oblige les entreprises à réaliser un diagnostic, à établir un plan d’actions et à négocier un accord. Nous y sommes très attachés et nous comprenons l’émotion que suscite l’éventualité de sa suppression.
Les amendements déposés par Sandrine Mazetier conservent toutes les fonctions du rapport de situation comparée sous une forme sécurisée ainsi que les outils de l’égalité professionnelle, ce dont nous nous félicitons. La forme change mais notre détermination reste la même ! Faire confiance à la démocratie sociale n’est pas incompatible avec la définition d’objectifs précis par l’État régulateur. En 2015, réaliser l’égalité dans le monde du travail consiste toujours à renforcer l’égalité réelle. Le renforcement des objectifs de parité dans les instances représentatives devrait aussi favoriser une telle progression. En matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la loi est un outil majeur et en la matière tout particulièrement, tout va mieux en le disant et en l’écrivant. Vous pouvez compter sans défaut, monsieur le ministre, sur la délégation aux droits des femmes qui continuera sans relâche à vous alerter et améliorer toute loi relative à l’égalité entre les femmes et les hommes. « Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes », disait Simone de Beauvoir !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vingt-six heures, tel est le temps qui nous a été imparti en commission pour déposer des amendements ! Le texte est particulièrement mal préparé car des amendements déposés au titre de l’article 88 et relatifs notamment à la pénibilité n’ont toujours pas été examinés. Nous les découvrirons en séance ! Il ne s’agit donc pas d’un travail très sérieux, c’est pourquoi nous proposions tout à l’heure de le reprendre en commission. Après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux, vous avez promis de mener la réforme du dialogue social dans un esprit de concertation, monsieur le ministre. C’est plutôt manqué car tous les syndicats ouvriers et patronaux tels que le MEDEF et la CGPME mais aussi la CGT et Force ouvrière ont déclaré que le texte est mauvais et n’est pas acceptable ! En matière de concertation réussie, ce n’est pas tout à fait cela !
Alors que la plupart des entreprises de moins de onze salariés bénéficient fort heureusement d’un climat social apaisé et qu’on y dialogue quotidiennement, vous jugez utile de complexifier les choses ! Notre pays connaît malheureusement des difficultés très importantes de gestion des entreprises mais pas de dialogue social dans les TPE ! Par exemple, la modification des seuils sociaux de quarante-neuf à cinquante salariés entraîne l’application de trente-quatre législations et réglementations supplémentaires dont le coût représente à peu près 4 % de la masse salariale. Les seuils sociaux, voilà un vrai sujet ! Vous avez annoncé que vous le traiteriez, monsieur le ministre, mais on ne trouve rien de tel dans le texte !
Au contraire, constatant que seuls 6 % des salariés appartiennent à un syndicat en France, vous mettez en place des commissions paritaires régionales interprofessionnelles en pensant qu’elles résoudront le problème. Personne ne le pense, surtout pas les entreprises qui au contraire dénoncent cette nouvelle mesure. La CGPME, le MEDEF et maintenant l’UPA dénoncent une ingérence insupportable !
Vous avez alourdi les contraintes en commission en prévoyant que les commissions paritaires entrent dans les locaux des entreprises et disposent de prérogatives en matière d’activités sociales et culturelles, comme un comité d’entreprise. Encore des contraintes supplémentaires ! L’immense majorité des entreprises françaises, en particulier les TPE, rejettent le texte. Chacun sait que la pénibilité fait problème, ce qui devrait faire l’objet d’un débat intéressant. Les spécialistes du droit du travail estiment que nous subirons un tsunami judiciaire, ce dont vous en êtes conscient, monsieur le ministre, et le Premier ministre aussi apparemment ! La pénibilité est traitée par des amendements déposés au titre de l’article 88 que nous examinerons en séance et qui ne sont malheureusement pas de nature à réparer une erreur historique commise par l’un de vos prédécesseurs.
Quant au code du travail, dont il vous arrive de convenir en privé qu’il est le plus compliqué au monde, il devrait s’inspirer du modèle anglo-saxon. Nos voisins anglais ont ainsi vu leur fiche de paie simplifiée au maximum pour ne compter que quatre lignes alors que les fiches de paie françaises ont été alourdies de vingt-quatre lignes supplémentaires ! La France doit faire avec trente contrats de travail distincts alors qu’on se fonde au Royaume-Uni sur une seule forme de contrat en facilitant les règles inhérentes à ce contrat unique. Le texte ne sert donc pas à grand-chose et ne résout malheureusement pas les vrais problèmes auxquels les entreprises sont confrontées tous les jours. Vous avez malheureusement manqué une occasion historique de réformer le code du travail et de le faire enfin entrer dans la modernité, ce que nous déplorons. Tout ça pour ça ! La montagne a accouché d’une souris !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, tandis que certains fustigent les corps intermédiaires et les partenaires sociaux à longueur de discours et de tribunes, notre majorité engage l’examen du projet de loi visant à renforcer le dialogue social au sein de l’entreprise. Comme il n’y a pas d’efficacité économique sans efficacité sociale, il est nécessaire d’établir un véritable cadre de négociation. Le chemin à parcourir est long et il faut tenir compte du rapport de force entre les salariés et les employeurs qui demeure trop déséquilibré dans notre pays. Contrairement à ce que l’on constate chez nos voisins européens tels que l’Allemagne ou les pays d’Europe du Nord, le dialogue social et la participation des salariés aux instances de décision demeurent souvent perçus par les employeurs comme des contraintes et non comme une plus-value.
En matière d’efficacité du dialogue social dans l’entreprise, il n’a pas été possible de dégager un accord entre partenaires sociaux. C’est la raison pour laquelle notre majorité prend ses responsabilités et propose un texte fixant de nouveaux cadres dans lesquels mettre en oeuvre de nouveaux outils de démocratie sociale. Le projet de loi comporte donc un certain nombre d’avancées, notamment pour les 4,6 millions de salariés des TPE auxquels il offre enfin une représentation par la mise en place des commissions paritaires régionales. Au cours de nos auditions en commission des affaires sociales, les représentants patronaux ont fait part de certaines craintes et se sont interrogés sur la nécessité de fixer un cadre de représentation des salariés dans les petites entreprises dès lors qu’il existe une relation de confiance plus forte due à la proximité avec l’employeur.
Pour ma part, je n’oppose pas le cadre de négociation à la relation de confiance susceptible de préexister entre les parties. En effet, dans les grandes entreprises comme dans les petites, un cadre de discussion et de négociation peut être efficace sans forcément nuire à la confiance entre les salariés et les employeurs. S’il est vrai qu’on peut facilement pousser la porte du patron dans certaines entreprises, certains sujets délicats comme la rémunération, la formation, la sécurité ou la santé ne peuvent pas être abordés de manière informelle. La proximité avec l’employeur peut constituer un frein pour le salarié. La confiance se nourrit du dialogue, lequel suppose un cadre pour être efficace.
Ce ne sont pas les commissions paritaires régionales qui régleront le problème !
Je rappelle donc aux organisations patronales qui ont fait part de leurs inquiétudes que les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat existent et fonctionnent bien. Dès lors qu’elles fonctionnent pour l’artisanat, les professions libérales ou l’agriculture, je fais confiance aux partenaires sociaux pour qu’il en soit de même dans les autres branches !
D’après mon expérience professionnelle, je crois sincèrement que l’engagement des salariés est plus fort dans les entreprises qui sont des lieux de démocratie sociale et de coopération. Il ne faut donc pas avoir peur du dialogue social car il renforce la performance et la réussite de nos entreprises et apaise les tensions. Il est aussi la condition du bien-être au travail tandis que de nombreux salariés sont touchés par le burn out. Mes collègues développeront certaines dispositions notables du texte, relatives aux intermittents du spectacle ou à la création de la prime d’activité par exemple. J’évoquerai pour ma part les importantes dispositions de l’article 22 relatif à l’association pour la formation professionnelle des adultes.
Rappelons qu’en 2012, à notre arrivée aux responsabilités, l’AFPA était quasiment en faillite. Notre majorité a engagé un soutien financier sans précédent afin de sauver cet acteur majeur qui assume depuis plus de soixante ans la formation et la reconversion professionnelles de milliers d’adultes. L’AFPA accompagne notamment un très grand nombre de chômeurs de longue durée en vue d’un retour à l’emploi. Je me réjouis que les dispositions adoptées en commission poursuivent et parachèvent le plan de sauvetage et de refondation de l’AFPA engagé par notre gouvernement. Je rappellerai pour conclure que le dialogue social, inscrit au préambule de la Constitution de 1946, demeure au coeur de notre pacte républicain. Il s’agit d’une condition fondamentale de la réussite de nos entreprises. Il nous appartient de le faire vivre et d’assurer des droits sociaux réels aux salariés du vingt-et-unième siècle. Il ne peut pas y avoir d’efficacité économique sans efficacité sociale !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi se fixe dès son titre des objectifs ambitieux, en particulier l’amélioration des conditions du dialogue social qui font l’objet du titre premier. J’évoquerai rapidement quelques acquis du texte, déjà largement abordés par plusieurs de nos collègues, pour insister sur son articulation avec le sujet majeur de la santé au travail abordé à l’article 19, en particulier l’épuisement professionnel dont traitent les amendements déposés par Michel Issindou à la suite de son rapport relatif à l’aptitude et la médecine du travail et les amendements du Gouvernement inspirés du rapport de Christophe Sirugue relatif à la mise en oeuvre du compte pénibilité.
L’article premier traite enfin la représentation des 4,6 millions de salariés des entreprises de moins de onze salariés. Ceux qui ne le sauraient pas encore le sauront désormais car on le répète à l’envie et on a raison ! Les articles suivants reconnaissent l’engagement des syndicalistes et de tous les élus. En effet, même si les taux de syndicalisation relevés par l’OCDE pour les années 2012 et 2013 doivent être relativisés en fonction des modes de représentation, ils fournissent une photographie de l’Union européenne dans laquelle la Belgique et les pays du Nord dépassent largement 50 %, l’Italie atteint 37 %, l’Allemagne et l’Espagne 18 % et la France 7,5 %, soit à peine mieux que l’Estonie. Il y a donc chez nous une véritable crise du syndicalisme et les dispositions qui sécurisent et valorisent les parcours syndicaux et garantissent l’absence de discrimination salariale doivent être saluées.
Il convient de saluer également la volonté partagée de renforcer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le monde syndical comme dans le monde de l’entreprise ainsi que la présence d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration des entreprises. Quant aux débats relatifs à la délégation unique du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés, il faut y réaffirmer avec force le rôle spécifique des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dont il faut préserver les moyens et la capacité de faire appel à des experts certifiés CHSCT, car tous les experts ne le sont pas. La participation des suppléants aux réunions de la DUP avec voix consultative a été acquise en commission.
À titre personnel, je reste en revanche très réticent à la généralisation de la visioconférence à l’initiative de l’employeur, sauf en cas de force majeure. Enfin et sans être exhaustif, je partage l’idée de regrouper les nombreuses obligations d’information et de consultation à la seule condition que conditions de travail, formation et égalité professionnelle ne soient pas phagocytées par les questions économiques et financières. Cela m’amène à la qualité de vie au travail et à la prévention comme facteur d’efficacité économique. Plusieurs études évaluent le rapport coûtbénéfice d’une prévention efficace due à une moindre sinistralité, un moindre absentéisme, une meilleure productivité, une image restaurée de l’entreprise et demain, j’espère, davantage d’emplois.
L’étude publiée en 2011 par l’association internationale de la Sécurité sociale regroupant des institutions et des organismes de Sécurité sociale du monde entier porte sur 300 entreprises dans quinze pays. Elle conclut à un retour potentiel de 2,2 euros par euro investi avec un ratio intéressant d’un sur trois si l’on s’occupe des équipements de protection et d’un sur quatre si l’on s’occupe de formation à la prévention. Une autre étude menée dans deux hôpitaux franciliens confirme qu’investir dans des matériels de levage de malades et la formation des personnels produit des bénéfices.
Le conseil d’orientation sur les conditions de travail a publié des orientations en vue de l’élaboration du plan « Santé au travail 2015-2017 » et privilégie largement la prévention primaire, notamment celle de la désinsertion professionnelle quelle qu’en soit la raison. Il préconise d’améliorer la coordination entre tous les acteurs de la santé au travail, de la formation et de l’accompagnement des entreprises et des demandeurs d’emploi et encourage la démarche globale induite par la qualité de vie au travail. Nous débattrons également, j’en suis sûr, des nouveaux modes d’organisation et de management, des réorganisations incessantes et de la multiplication d’injonctions contradictoires qui brouillent le sens du travail des salariés et participent à la montée des risques psychosociaux dans les entreprises jusqu’à des situations d’épuisement professionnel.
J’ai rencontré, il y à vingt-quatre heures, une femme de 45 ans, de retour au travail après sept mois d’arrêt consécutif à un burn out, qui m’a dit qu’elle avait eu l’impression de mourir à petit feu.
Il est important de conserver l’esprit, tant de la loi de juillet 1973, qui interdit les licenciements sans cause réelle et sérieuse – je pense aux licenciements pour inaptitude – que celui du compte de prévention de la pénibilité, qui est un compte personnel. L’introduction de référentiels de branche, déjà inscrits dans la loi et qui deviendraient opposables, est une bonne mesure ; mais faire disparaître la dimension individuelle, et donc la fiche d’exposition simplifiée, me laisse perplexe : à titre personnel, je suis favorable à son maintien sous sa forme dématérialisée, comme envisagé initialement, et non à une simple déclaration de l’employeur à la CNAV.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, annoncé et présenté comme un texte simplificateur, destiné à libérer l’entreprise et alléger la surcharge administrative et normative qui bride la croissance et l’emploi, ce projet de loi sur le dialogue social et l’emploi est finalement et malheureusement un texte de complexification tel que la gauche en a déjà tant produit.
Pourtant, en France, contrairement aux engagements et promesses solennelles et réitérées de François Hollande, le chômage continue, hélas, d’augmenter inexorablement…
…alors que nos voisins allemands, britanniques ou néerlandais affichent des taux de chômage inférieurs d’un tiers, voire de moitié, par rapport au nôtre.
Pourtant personne, sauf quelques élus frondeurs, écolos ou d’extrême gauche, déconnectés des réalités ou dogmatiques, ne conteste plus le handicap pour nos entreprises que constitue la dérive prolifique de normes et de seuils qui leur est imposée.
Ainsi, dans notre pays, le nombre d’entreprises de 49 salariés est-il 250 % plus important que celui des entreprises de 51 salariés. Cette spécificité, comme l’a montré la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, est la conséquence des trente-cinq obligations supplémentaires, avec un renchérissement de 4 % du coût de travail, qu’entraîne le franchissement du seuil des 50 salariés dans une entreprise.
Ces seuils, ces normes, devenus innombrables et kafkaïens, ce sont les 10 000 articles et les 3 500 pages du code du travail. En 1973, ce code comptait 600 pages, tandis qu’en Suisse, il n’en compte encore aujourd’hui que 54.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en définitive, ce projet de loi ne fait qu’ajouter encore de la complexification, de la rigidité, de nouvelles normes, avec la création des commissions paritaires régionales interprofessionnelles que les commissaires de la majorité ont autorisées à entrer dans les locaux des très petites entreprises.
Ce sont encore des normes, des contraintes et des charges supplémentaires qu’induit la révision, sans étude d’impact, du syndrome d’épuisement professionnel rebaptisé burn out, dont on peut dire, à cette heure, qu’il s’inscrit dans la série des improvisations sociales hasardeuses catastrophiques pour les entreprises et pour l’emploi, que la gauche pratique régulièrement.
L’une d’entre elles, le compte pénibilité, usine à gaz inapplicable, vous oblige, ce soir, monsieur le ministre, à déposer en dernière minute des amendements – là encore, sans étude d’impact – destinés à faire passer la pilule pourtant très indigeste aux entreprises.
Monsieur le ministre, ce texte est une occasion manquée, une grande déception par rapport à vos déclarations du printemps 2014, par lesquelles vous proposiez de suspendre pendant trois ans les seuils sociaux créant des obligations supplémentaires pour les entreprises. Je vous cite : « Si cela crée de l’emploi, tant mieux, sinon on remettra les seuils en vigueur, mais il faut tenter l’expérience. »
Vous aviez raison, monsieur le ministre, et vous avez suscité une réelle espérance dans les entreprises de tout le pays. Mais c’était sans compter avec le prochain congrès du PS à Poitiers, sans compter sur le besoin des voix de Martine Aubry, rédactrice des lois Auroux, en 1982, qui avaient fait gonfler de 30 % le volume du code du travail. Mme Aubry en a d’ailleurs rajouté tout autant en 2000, avec les 35 heures, dont on sait les conséquences sur la compétitivité de notre économie et, par conséquent, sur l’emploi.
Pourquoi n’êtes-vous pas revenus sur les 35 heures ? Vous avez eu dix ans !
Oui, monsieur le ministre, vous aviez compris le problème, mais le Président de la République, le parti socialiste, la gauche – responsable de tant de mesures qui ont aggravé le chômage, accéléré la désindustrialisation et qui ne veut pas voir les réalités de ce monde multipolaire et d’une économie ouverte – l’ont emporté.
D’ailleurs, les partenaires sociaux eux-mêmes ont souligné devant la commission des affaires sociales que ce projet de loi n’aurait aucune incidence sur l’emploi.
En effet, tous les vrais sujets sont oubliés : le marché du travail, les seuils sociaux, le contrat de travail, les 35 heures, le code du travail.
Au contraire, le compte personnel d’activité, pour l’essentiel, empile des dispositifs déjà existants et suscite beaucoup d’interrogations quant à sa mise en oeuvre et à son financement. Le dispositif de la prime d’activité constitue, pour sa part, une nouvelle usine à gaz au financement incertain et au sein de laquelle même nos collègues les plus experts ont bien du mal à se retrouver.
Monsieur le ministre, finalement, vous auriez dû vous en tenir à votre intention initiale et proposer un projet de loi contenant un article unique suspendant pendant trois ans les seuils sociaux. Nul doute que cela aurait produit un résultat sur l’emploi, la seule priorité qui vaille, et qui est également celle de votre gouvernement et du Président de la République. Nul doute qu’un tel texte aurait pu être voté, ici, à l’unanimité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, c’est toujours un plaisir de succéder à M. Accoyer.
S’il avait voulu nous montrer combien cette réforme rime avec progrès social, il n’aurait pu en faire meilleure démonstration que par un raisonnement a contrario à celui qu’il vient de tenir. Je ne partage pas davantage l’avis de notre collègue Poisson, qui est d’ailleurs souvent plus avisé…
…parce que je crois que ce texte est un moment important du quinquennat. Toutefois, les débats décideront de sa teneur, et je ne le qualifierai donc pas avant leur conclusion.
Je veux insister sur trois points importants. D’abord, je suis très heureux que l’on engage un très grand chantier, qui devrait sonner doux à vos oreilles. En effet, ce que l’on essaie de bâtir, avec cet article 21, n’est rien de moins qu’une cinquième branche de la Sécurité sociale, qui avait été prévue à la Libération. Sur les cinq branches alors envisagées, quatre ont été réalisées : les retraites, la famille, la santé et les accidents du travail.
Nous abordons ici la question de la Sécurité sociale professionnelle, qui est fondamentale. Comment, dans un monde où l’on est amené à changer plusieurs fois d’entreprise au cours de sa vie active, conserve-t-on ses droits sociaux ? À cet égard, on a réalisé des avancées dans la loi de sécurisation de l’emploi sur la question des complémentaires. Comment, au-delà de l’assurance chômage, protège-t-on également les revenus des salariés précaires, qui perçoivent de bas salaires ? C’est toute la question de la prime d’activité. Enfin, la question la plus fondamentale, qui nous réunit profondément – M. Cherpion est d’ailleurs un expert en la matière – est celle de la progression professionnelle tout au long de la vie. Ces dispositions s’attaquent à l’un des maux les plus profonds de notre pays : ces carrières qui sont aujourd’hui bloquées de l’entrée dans la vie active jusqu’à la retraite, autrement dit, cette panne d’avenir, en vertu de laquelle nos jeunes pensent qu’ils vivront moins bien que leurs aînés. Je suis très fier, monsieur le ministre, qu’avec méthode, vous ayez souhaité, dès ce projet de loi, dans un calendrier à la fois resserré et respectueux du dialogue social, engager cette étape.
Le deuxième élément sur lequel je souhaiterais insister est la question de la citoyenneté d’entreprise. Cette demande très forte, qui traverse toute la société, qui est adressée à nos formations politiques comme à l’ensemble des acteurs sociaux, ne doit pas rester aux portes de l’entreprise. En engageant ce que vous avez appelé un « droit universel à la représentation des salariés », en s’attaquant à cette épineuse question de la représentation des salariés dans les PME, nous allons faire un pas important, même si, pour ma part, j’aurais souhaité aller plus loin. Cette étape est franchie de manière à la fois à respecter les patrons des PME, qui sont inquiets – il faut entendre leurs préoccupations – et, en même temps, à faire respecter ce droit fondamental à pouvoir être représenté lorsque l’on se trouve dans la difficulté.
Monsieur le ministre, pour ce qui me concerne, je défendrai – vous savez que ce sujet me tient à coeur – la question de la présence des salariés dans les conseils d’administration. C’est un progrès fondamental. Nous avons été unanimes à voter des avancées en la matière, qui ont permis la présence d’un ou deux salariés dans les conseils d’administration des entreprises de plus de 5 000 salariés. Je proposerai d’abaisser le seuil et d’augmenter le nombre de représentants, car je crois que cela correspond à une attente fondamentale de nos concitoyens et concourt, comme l’illustrent un certain nombre d’exemples, tel celui de l’industrie allemande, à l’efficacité économique.
Dernier point qui me tient à coeur et que de nombreux collègues ont évoqué avant moi : les conditions de travail. Benoît Hamon a déposé un certain nombre d’amendements sur la question du burn out mais, au-delà de ce problème, nous avons la responsabilité commune de réfléchir ensemble à la façon d’améliorer les conditions de travail, à la manière de traiter la question de la souffrance au travail, qui est réelle. Je veux insister auprès de vous, monsieur le ministre, sur l’importance des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ils ont constitué une avancée fondamentale, quoique malheureusement insuffisante, car beaucoup d’entreprises n’en sont pas dotées. C’est l’instance au sein de laquelle peuvent se traiter toutes les questions relatives aux conditions de travail. Je souhaite que, grâce à nos amendements, comme vous en avez d’ailleurs exprimé l’intention, ses prérogatives puissent être conservées, qu’il puisse statuer en tant que tel, qu’il conserve sa personnalité juridique et que l’on s’assure que le nombre d’heures de délégation des salariés sera entièrement préservé, voire augmenté. Plusieurs lois ont conféré beaucoup de responsabilités aux salariés, par exemple dans les plans sociaux et les stratégies d’entreprise. Il faut vraiment qu’ils aient la possibilité de mener à bien ces missions.
Un beau travail nous attend. Je souhaite, pour ma part, qu’il puisse nous réunir le plus largement possible, car je crois que les salariés de ce pays attendent cela de nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, « l’entreprise ne peut plus être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes » : l’auteur de cette phrase n’est autre que Jean Auroux, ministre du travail en 1982 sous Mitterrand, qui a changé la donne en matière de dialogue social dans l’entreprise.
Ces avancées marquantes vont en impulser beaucoup d’autres, longtemps après l’inscription du droit de grève et du droit syndical dans le préambule de la Constitution de 1946 et la loi sur les conventions collectives de 1950. Les avancées sociales ont notamment été marquées par la volonté d’instaurer une véritable citoyenneté au sein de l’entreprise.
Force est de constater que, malgré les nombreuses réformes accomplies, les relations sociales restent encore trop souvent tendues, la méfiance régnant entre les salariés et le patronat. Telle est la raison d’être du projet de loi, que nous examinons aujourd’hui, visant à rendre plus performant le dialogue social dans l’entreprise et soutenant l’activité et le retour à l’emploi.
Il s’inscrit également dans cette volonté de développer de nouveaux rapports sociaux dans le monde du travail en améliorant la qualité du dialogue social et en garantissant de nouveaux droits aux salariés, notamment les plus modestes. Ce projet de loi répond à la fois à une exigence démocratique et à une exigence d’efficacité économique.
C’est donc un texte de progrès social : il garantit la représentation de tous les salariés, il vise à soutenir l’activité des travailleurs modestes avec la création de la prime d’activité, il tend à favoriser le retour à l’emploi et poursuit l’effort engagé pour sécuriser les parcours professionnels des travailleurs, qu’ils soient en emploi ou en recherche d’emploi.
Dans les départements d’outre-mer en général et à La Réunion en particulier, le tissu économique est assez spécifique. Il est composé en grande majorité de très petites entreprises. En 2010, sur les 44 500 établissements recensés, 39 000 sont des micro-entreprises et emploient donc moins de 10 salariés. Ce texte va fortement affecter la vie des petites entreprises ultramarines et donner à un nombre important de salariés une représentation syndicale par la création des commissions régionales interprofessionnelles.
Je m’attacherai à développer ici trois dispositions du texte qui, je le pense, apporteront de réelles avancées pour les populations ultramarines.
La première est inscrite dans le titre Ier, relatif à l’amélioration de l’efficacité et de la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise. En France, 4,3 millions de salariés de très petites entreprises étaient privés d’une représentation, ce qui signifiait concrètement qu’ils n’avaient pas de conseils et d’informations sur leurs droits, qu’ils n’avaient pas accès à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et ne disposaient pas de lieu où débattre des questions relatives aux conditions de travail et à la santé au travail.
Désormais, le texte de loi met fin à cette inégalité entre salariés d’entreprises de tailles différentes avec une disposition qui sera applicable à l’outre-mer et bénéficiera à une proportion plus importante de salariés ultramarins que de salariés métropolitains. En effet, à La Réunion, 95 % des entreprises emploient entre 3 et 10 salariés et représentent 30 % de l’ensemble des salariés du privé alors que cette proportion est de 19 % dans l’hexagone.
Cependant, si cette nouvelle mesure marque une avancée en matière de dialogue social, des spécificités locales doivent également être prises en compte et traitées. Je parle notamment de l’application de conventions collectives ou d’accords de branche non étendus à nos territoires.
La deuxième disposition du texte à laquelle je souhaite me référer relève du titre III, relatif à la sécurisation des parcours et au retour à l’emploi.
Permettez-moi de rappeler tout d’abord que le taux de chômage moyen dans les départements d’outre-mer s’élève à 25,4 % et que les jeunes de moins de vingt-cinq ans sont parmi les publics les plus fragiles. À La Réunion, si la courbe du chômage s’est stabilisée voire inversée pour ces derniers, la situation est plus préoccupante pour les plus de cinquante ans, qui restent pénalisés par leur âge même quand ils ont de l’expérience.
Le projet de loi crée le contrat de professionnalisation « nouvelle chance » adapté aux besoins des demandeurs d’emploi de longue durée peu qualifiés et qui sera plus long que le contrat de professionnalisation classique. C’est une opportunité pour faire face au chômage endémique ultramarin et une formidable possibilité pour ces personnes éloignées depuis de longues années de l’emploi de se former correctement et ainsi de rompre avec la spirale de l’exclusion et de la précarité.
La formation est un des enjeux majeurs de ce nouveau dispositif et nous avons une obligation de résultat pour que ce soit une réussite. J’aurai l’occasion de soutenir trois amendements sur ce sujet, dont le premier propose que le Gouvernement remette un rapport évaluatif concernant l’impact de ce nouveau contrat sur la situation des demandeurs d’emploi de longue durée.
Je souhaite terminer mon intervention en évoquant la création de la prime d’activité, fruit de la fusion entre la PPE et le RSA activité, en saluant le travail mené par Christophe Sirugue. Cette avancée dans la modernisation de la protection sociale engagée par le Gouvernement est favorable pour les territoires ultramarins, très touchés par les bas revenus. La prime d’activité va donc concerner les départements d’outre-mer.
Je présenterai deux amendements qui ont obtenu le soutien du Gouvernement : un amendement technique sur le travail indépendant en outre-mer et un amendement ayant pour objet de ramener de dix-huit mois à six mois le délai d’adoption de l’ordonnance étendant et adaptant la prime d’activité à Mayotte.
La réforme occasionnant des gagnants et des perdants, j’aimerais vous poser la question suivante, monsieur le ministre : pourriez-vous me confirmer que la prime d’activité ne sera ni imposable ni intégrée dans le calcul des aides au logement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, ce projet de loi repose sur un objectif ambitieux : le dialogue social.
De nombreuses études l’attestent : le dialogue social dans les entreprises doit être renforcé. Vous avez d’ailleurs vous-même déclaré privilégier le dialogue social en tant que méthode, monsieur le ministre, et le 11 janvier 2013 était signé l’accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi, qui fut ensuite transposé dans la loi. Rappelons cependant le regrettable échec des négociations entre les partenaires sociaux au mois de janvier dernier, qui a conduit le Gouvernement à rédiger le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Monsieur le ministre du travail, si vous avez rappelé que plus de 36 000 accords d’entreprise ont été conclus en 2014 et que « le dialogue social marche bien en France et joue un rôle clé dans le bon fonctionnement de l’économie », vous estimez également que « lorsque les négociations ne débouchent sur rien, il est normal que le pouvoir politique reprenne la main ». Il y a donc un semi-échec dans votre méthode du dialogue social, d’autant plus que vous semblez ne pas exclure le recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution si celui-ci s’avérer nécessaire pour faire adopter ce texte. Votre méthode du dialogue parlementaire serait-elle également en échec ?
Il y a le texte et le contexte. Je ne résumerai pas à nouveau ici la situation économique de notre pays, même s’il convient de se féliciter du « frémissement » qui semble poindre pour notre économie. Ce projet de loi peut-il toutefois raisonnablement avoir une incidence sur l’emploi ?
Comme l’a déclaré en commission des affaires sociales notre collègue ici présent Gérard Cherpion, si ce projet de loi comporte quelques avancées en matière de simplification, il est dépourvu de grande ambition réformatrice. Certes, la réforme des instances représentatives du personnel pour les entreprises de 50 à 300 salariés va dans le bon sens, mais il eût été intéressant d’aller plus loin encore, notamment en matière de seuils sociaux. Rien de nouveau n’est proposé cependant, alors qu’en 2014 vous déclariez être favorable à la suspension des obligations des entreprises atteignant 50 salariés, monsieur le ministre.
Ainsi, avec la création de commissions paritaires régionales, votre projet de loi permettra d’offrir une représentation aux salariés des entreprises de moins de 11 salariés, qui sont près de 4,6 millions. La commission des affaires sociales a d’ailleurs adopté un amendement du rapporteur prévoyant que les membres de ces commissions pourront avoir accès aux locaux de ces entreprises sur autorisation de l’employeur, mais certains estiment qu’il s’agirait d’une forme d’intrusion dans le fonctionnement des petites entreprises.
Si des mesures de simplification sont proposées, de nouvelles contraintes sont introduites, telles que la représentation pour les salariés des TPE et la création du compte personnel d’activité en 2017.
Il est à regretter que le compte pénibilité n’ait pas fait l’objet d’une remise à plat complète, alors que – nous le constatons chaque jour – ce dispositif est inapplicable dans les entreprises.
Quelques aménagements sont à noter et quelques reports de délais interviennent, mais le fond du problème n’est pas encore en voie d’être réglé. Le flou perdure encore et toujours : aujourd’hui même, le Premier ministre a annoncé le report de six mois, au 1erjuillet 2016, de la mise en oeuvre des six derniers facteurs retenus dans le compte pénibilité.
Il a d’ailleurs également précisé dans un communiqué que l’employeur n’aurait « plus de mesures individuelles à accomplir » lorsqu’il pourra disposer d’un « référentiel » de branche.
Que dire également de la prime d’activité, qui se substituera à la prime pour l’emploi et au RSA activité, et qui fera référence non pas à la personne mais au ménage ? Comment peut-on affirmer que ce dispositif favorisera l’insertion alors qu’il n’est pas individuel et que la prime sera attribuée à un ménage qui, en outre, n’est pas le foyer fiscal de référence ?
Il s’agit d’encourager le retour à l’emploi, un objectif que nous partageons tous, et d’améliorer les revenus des travailleurs pauvres. Mais le champ des bénéficiaires de la prime d’activité fait aujourd’hui débat, y compris à gauche, car si les jeunes salariés y sont éligibles, les étudiants salariés et les apprentis en sont exclus. La simplification que vous affichez avec tant de force semble donc plutôt complexifier l’existant : un apprenti ne cherche-t-il pas précisément à s’insérer dans le monde du travail ?
Monsieur le ministre, pour conclure, l’art de la synthèse aboutit souvent à l’antithèse de l’objectif initial. À la question légitime « faut-il renforcer le dialogue social dans l’entreprise ? », la réponse serait bien entendu positive, mais il reste à définir des leviers. Or, votre projet de loi risque d’instaurer une forme de dialogue forcée en insérant de la contrainte précisément là où il n’y en avait pas ou peu jusqu’à présent. En d’autres termes, au lieu de renforcer les contraintes en matière de dialogue social et d’embauche, il serait urgent de simplifier le code du travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Kheira Bouziane-Laroussi, dernière oratrice inscrite.
Clore la discussion générale en évitant de répéter ce que nombre de mes collègues de la majorité et le rapporteur ont déjà brillamment dit n’est pas chose aisée. Cependant, compte tenu de ce que j’ai entendu de mes collègues de l’opposition dans la défense des motions de rejet préalable et de renvoi en commission, j’aimerais tout de même insister sur les avancées de ce texte, rappeler à ceux qui ont affirmé qu’il était inutile à quel point ils se trompent.
Oui, la mise en place d’une représentation du personnel dans les très petites entreprises est une avancée pour plus de 4,5 millions de salariés. Je vous invite à leur soutenir le contraire, chers collègues de l’opposition.
Oui, la valorisation du parcours syndical permettra sans aucun doute de renforcer la présence des salariés dans les entreprises, présence dont nous sommes nombreux à déplorer la faiblesse aujourd’hui. Cette loi favorisera sûrement des vocations, lesquelles contribueront au développement de compétences reconnues et non pénalisantes pour le salarié, et elle favorisera la démocratie sociale dans nos entreprises. Allez donc leur affirmer que ce n’est pas une avancée !
Oui, le renforcement de la présence des salariés au conseil d’administration est une avancée.
Elle permettra aux salariés de participer concrètement aux décisions de l’entreprise, dont ils sont les premiers à ressentir, voire même à subir les conséquences.
Oui, la mise en place d’un régime simplifié pour les intermittents est également une avancée. Des règles spécifiques d’indemnisation du chômage des intermittents seront inscrites de manière pérenne dans le code du travail ; allez donc leur dire que ce n’est pas une avancée !
Oui, la mise en place d’une prime d’activité versée mensuellement est une avancée qui contribuera à soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes. Elle est le fruit d’un travail important de notre rapporteur, que je tiens à saluer, et je me réjouis qu’elle soit ouverte aux jeunes actifs à partir de 18 ans, y compris à certains apprentis et étudiants.
Oui, la négociation obligatoire sur la discrimination pour lutter contre toutes les discriminations est une avancée.
Allez dire aux femmes, aux jeunes gens discriminés en raison de l’adresse de leur domicile que ce n’en est pas une !
Oui, le compte personnel d’activité avec des droits portables quel que soit le parcours professionnel est une avancée. Le compte pénibilité en est une également.
L’élargissement de la délégation unique du personnel aux entreprises de 50 à 300 salariés est une avancée pour celles-ci, même s’il s’agit d’un simple élargissement.
Oui, la simplification des consultations au sein de l’entreprise est une avancée, même si nous avons quelques remarques à formuler à ce sujet ; nous y reviendrons.
Cependant, si toutes ces avancées sont à saluer en ce qu’elles contribuent à préserver un dialogue social de qualité dans les entreprises, quelques points doivent encore être amendés ; c’est l’exercice qu’il nous reste à faire. Je n’en citerai que quelques-uns.
Il est regrettable que le texte étudié aujourd’hui, qui prône la modernisation du dialogue social, écarte les salariés de ce dialogue pour la mise en place de la DUP élargie. Il est tout aussi regrettable que le chef d’entreprise puisse supprimer le comité d’entreprise unilatéralement sans aucun contrôle. On peut regretter le renvoi de la fixation du nombre de délégués et du nombre d’heures de délégation des représentants à un décret, ce qui exclut la représentation nationale de la discussion.
J’en viens enfin à un sujet important à plus d’un titre : la santé au travail. La santé et la sécurité des salariés sont des droits absolus qui ne peuvent être mis en balance avec les intérêts économiques de l’entreprise. Il faut veiller, y compris dans le cadre de la délégation unique du personnel, à ce que ces questions soient traitées régulièrement et efficacement, et on peut à cet égard regretter la réduction du nombre de consultations dans les grandes entreprises, qui risque de compromettre cet objectif.
Des amendements concernant d’autres aspects de la vie de l’entreprise seront débattus ; nul doute qu’ils viendront enrichir encore ce texte.
Si ce projet de loi est aujourd’hui présenté par le Gouvernement parce que la négociation interprofessionnelle n’a pas pu aboutir sur le sujet, il a le mérite de permettre des avancées pour les droits des salariés et d’apporter de la souplesse aux entreprises. Il a pour objectif de faire en sorte que salariés et employeurs puissent discuter des sujets relatifs à la vie de l’entreprise en s’adaptant au mieux à la taille de celle-ci.
Si l’objectif de cette loi est de moderniser le dialogue social en répondant au besoin de compétitivité de l’entreprise, il faut toutefois s’assurer que, par le biais de la loi, l’ordre public social sera respecté. Le dialogue social peut être simplifié mais il ne doit pas être synonyme de recul des droits des salariés. La loi doit protéger le salarié dans le cadre d’un rapport de travail par nature inégalitaire car reposant sur la subordination. Ce texte ne doit pas aller vers une déréglementation du droit du travail. Il faut être attentif et veiller à ne pas inverser la hiérarchie des normes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Merci à toutes et à tous pour la qualité et le ton de vos interventions. Je remercie plus particulièrement, bien sûr, ceux qui soutiennent ce texte…
Sourires.
C’est assez normal ! Mais merci aux autres, également, pour le ton qu’ils ont généralement employé. Je vais essayer de répondre rapidement à chacun des intervenants, en tout cas à toutes celles et à tous ceux qui sont restés.
Madame Fraysse, rien ne prédit que le taux de recours à la prime d’activité soit de 50 %. Nous allons faire en sorte qu’il soit supérieur, car il faut faciliter l’accès à cette prime.
Quant à la modernisation du dialogue social, vous nous reprochez de déshabiller Paul pour habiller Pierre.
Sourires.
Je dirais plutôt que nous habillons Paul et que nous faisons en sorte que les vêtements de Pierre lui aillent mieux. En étant plus stratégique et plus ramassé, le dialogue social gagnera en efficacité.
Monsieur Cherpion, vous avez prononcé une intervention forte. Sur la méthode, ce projet de loi est le fruit de plus de neuf mois d’échanges et de dialogue avec les partenaires sociaux. Comme l’a rappelé Denys Robiliard, le cadre de la loi Larcher a été respecté. J’y suis attentif, car cette loi a constitué une avancée importante en créant l’article L. 1 du code du travail.
Quant aux commissions paritaires régionales, la commission des affaires sociales a souhaité étendre leurs prérogatives à la médiation. N’y voyez pas tout de suite une violation de la liberté des entreprises : une telle disposition existe notamment, en partie, pour l’artisanat, et les entreprises de ce secteur ne s’en portent pas plus mal, que je sache.
Concernant le versement de la prime d’activité aux jeunes, vous parlez d’assistanat. C’est tout le contraire : cette prime a vocation à encourager le travail, comme l’a rappelé Mme Touraine tout à l’heure.
Monsieur Vercamer, je maintiens ce que j’ai dit sur les seuils. Il est vrai que j’avais proposé aux organisations syndicales de suspendre, pour une durée de trois ans, les effets du passage du seuil de cinquante salariés – je ne parlais pas de tous les seuils. Les partenaires sociaux l’ont refusé ; or je n’ai jamais envisagé de procéder à des modifications sans leur accord.
Quant au compte personnel d’activité, son principe est inscrit dans la loi. Là non plus, cette disposition ne viole pas l’article L. 1 du code du travail – il me semble que c’est vous qui l’avez affirmé –, car elle est inscrite dans la loi et a été annoncée aux partenaires sociaux, à qui il reviendra d’ailleurs de déterminer le contenu et les contours de ce compte.
Je ne me souviens plus si vous avez évoqué le CV anonyme, mais je sais que vous y êtes attaché.
J’avais moi-même mis en oeuvre cette mesure dans ma bonne ville de Dijon, avec une grande entreprise, pour certains postes. Le CV anonyme est une solution,…
…mais ce n’est pas « la » solution.
Ce n’est plus du tout la solution ! Avec le développement des réseaux sociaux, le CV anonyme n’a plus aucun sens !
Monsieur Liebgott, merci du soutien que le groupe SRC m’apporte et que vous avez annoncé.
C’est très important, car ce n’est pas toujours gagné !
D’où le 49-3, monsieur le ministre ! Vous avez encore dit ce matin que vous n’excluiez pas cette possibilité !
Je suis très touché du soutien que vous m’apportez.
Je vous remercie également, madame Huillier, du soutien que vous nous apportez.
Monsieur Cavard, je suis majoritairement d’accord avec ce que vous avez dit. Il est vrai que les salariés exerçant un mandat ne sont pas assez nombreux : c’est d’ailleurs pour cette raison que le projet de loi envisage de valoriser les parcours professionnels et de favoriser l’engagement syndical. Tout le monde a constaté le faible taux de représentation et de syndicalisation. Nous voulons susciter de nouvelles vocations en rendant le dialogue social plus efficace, plus intéressant, plus stratégique.
Monsieur Perrut, vous demandez la suppression de l’obligation de consigner dans une fiche individuelle l’exposition de chaque salarié à des facteurs de pénibilité. Cette mesure peut provoquer des réactions tout à fait compréhensibles. Je précise que c’est bien la fiche individuelle d’entreprise qui va être supprimée : l’entreprise n’aura pas à assumer toute la démarche, mais elle devra se rapporter au référentiel de branche. Comme je l’ai déjà dit cet après-midi, le compte pénibilité permettra la mise en oeuvre d’un droit effectif assez simple.
Les mesures concernant la pénibilité font maintenant consensus. Tout le monde constate que l’inégalité relative à l’espérance de vie engendre une inégalité sociale profonde : nous devons la prendre en compte, et c’est ce que nous faisons pleinement. S’il y a accord sur le principe – ce que je souhaite –, il faut maintenant qu’il y ait consensus sur les modalités d’application. Pour que le compte pénibilité bénéficie vraiment aux salariés, il faut en effet qu’il soit applicable : c’est ce que nous essayons de faire grâce au rapport rédigé par Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville.
Concernant le compte personnel d’activité, il n’y a pas d’empressement. Je le répète, le dialogue social aura toute sa place en la matière : ce sera aux partenaires sociaux de définir le contenu de ce compte.
Madame Massonneau, je connais votre attachement au CHSCT. Je vous rassure : ce comité conservera toutes ses compétences, toutes ses prérogatives, notamment celle d’ester en justice et de commander des expertises – cela a été demandé par d’autres collègues. Les moyens dévolus à cette instance seront intégralement maintenus, voire amplifiés.
En matière d’égalité femmes-hommes, j’espère avoir levé les inquiétudes en commission. Je serai attentif aux amendements que la rapporteure de la délégation aux droits des femmes pourrait être amenée à présenter de manière complémentaire.
Monsieur Hutin, je connais votre attachement à la prime d’activité, et je vous remercie pour vos propos. Vous avez raison de le rappeler : pour encourager le travail, cette prime vaut mieux que l’addition du RSA et de la PPE.
Les problèmes relatifs au syndrome d’épuisement professionnel, dit burn-out, vont être étudiés : c’est un sujet dont les partenaires sociaux se sont préoccupés, dans le cadre du Conseil d’orientation sur les conditions de travail – COCT – et des groupes de travail spécifiques. Nous pourrons examiner ensemble les propositions qui seront formulées en la matière.
Madame Coutelle, vous avez essentiellement consacré votre intervention à la nécessité d’améliorer encore l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il est vrai que des accords ont été trouvés. Loin de nous l’idée de bloquer ce processus : au contraire, le Gouvernement souhaite l’amplifier. Il existe encore trop d’inégalités insupportables. Tout ce que vous avez rappelé à ce propos semblait juste.
Monsieur Tian, tout ça pour ça !
Sourires.
C’est ce que je voulais vous dire.
Madame Khirouni, je vous remercie pour vos propos sur le dialogue social. Vous avez bien fait de rappeler la situation de l’artisanat.
Nous avons eu ce débat, notamment avec la Confédération générale des petites et moyennes entreprises. Les artisans disposent de commissions paritaires régionales interprofessionnelles, et ils ne s’en plaignent pas, bien au contraire ! D’ailleurs, c’est eux qui ont suggéré d’insérer cette mesure dans le projet de loi. Comme vous le savez tous, la généralisation du droit à la représentation en dehors de l’entreprise constituait une avancée dans le cadre de la négociation entre les partenaires sociaux. On voit bien que cela marche pour les artisans et les professions agricoles : il n’y a donc pas de raison que cela ne fonctionne pas pour les autres ! Cette mesure très importante permettra à 4,6 millions de travailleurs de disposer d’une représentation dont ils sont aujourd’hui privés.
Vous avez également rappelé quelque chose qui ne fait pas toujours plaisir à nos collègues, ce que je ne comprends pas : il est important que nous ayons sauvé l’AFPA. Compte tenu de l’état dans lequel la majorité précédente l’avait laissée,
Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP
un engagement fort du Gouvernement a été nécessaire, y compris en termes financiers. L’AFPA est aujourd’hui sur la bonne voie, avec la création d’un établissement public industriel et commercial.
Monsieur Sebaoun, j’ai bien écouté votre intervention. Vous avez raison : il convient de renforcer le taux de représentation, qui est excessivement faible, à 7,5 %. Vos collègues de l’opposition disent 6 %, mais ils veulent toujours dire plus ou moins : c’est toujours plus de chômeurs et moins de représentation ! Ce taux s’élève bien à 7,5 % et, comme vous l’avez dit, il n’y a pas de quoi en être fiers. Si nous pouvons l’améliorer grâce à notre projet de loi, tant mieux.
Vous avez également insisté sur le rôle des CHSCT : nous en sommes aussi conscients, comme je l’ai rappelé tout à l’heure à Mme Massonneau. Vous avez bien fait de rappeler, chiffres à l’appui, combien la prévention est importante – le COCT le dit sans cesse. L’investissement en la matière constitue un véritable bénéfice en termes de qualité de vie dans l’entreprise.
M. Accoyer n’est plus là…
Il vient juste un instant, pour que sa présence soit prise en compte par NosDéputés.fr !
Je ne lui répondrai donc pas.
Je respecte les uns et les autres : j’essaie de répondre à ceux qui l’ont demandé. Je ne ferai pas d’autre commentaire.
Monsieur Germain, vous avez raison : la modernisation du dialogue social passe par la participation des salariés au conseil d’administration. Cette question a été évoquée en commission, où des avancées ont été réalisées, car malgré l’accord national interprofessionnel et la loi, certains étaient passés à travers les gouttes, si vous me permettez cette expression ! Il s’agit, pour le moins, de les rattraper.
Comme vous, je crois que le CHSCT joue un rôle fondamental pour le bien-être et la qualité de vie au travail. C’est la raison pour laquelle il est entièrement préservé dans la délégation unique du personnel – merci de l’avoir rappelé. Il est même étendu, puisque nous instituons un nouveau droit formel : tout salarié d’une entreprise de plus de cinquante salariés sera couvert par un CHSCT, lequel garde ses propres prérogatives.
Effectivement, madame Orphé, la bataille concernant les outre-mer est essentielle, spécialement à La Réunion, même si, comme vous l’avez rappelé, la situation s’améliore quelque peu pour les jeunes. Merci d’avoir souligné l’existence d’un dispositif qui fait partie du plan de lutte contre le chômage de longue durée et qui devrait permettre à des seniors de plus de 50 ans de poursuivre leur travail dans l’entreprise, par le biais d’une prolongation du contrat – c’est ce que j’ai proposé.
Vous m’avez également posé une question sur la prime d’activité : la réponse vous sera apportée.
Madame Louwagie, nous partageons votre volonté de renforcer le dialogue social. Vous dites qu’il faut simplifier le code du travail.
Vous y avez ajouté des pages, des pages et des pages pendant dix ans, et aujourd’hui…
Non, nous supprimons des pages !
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Ce n’est pas forcément une critique. Comme vous le savez très bien, si vous vous intéressez à ce sujet, on observe un effet d’entraînement. D’ailleurs, un gouvernement redoute généralement le débat parlementaire, car il craint qu’il ne suscite la création d’articles supplémentaires. On ne peut pas faire comme si le gouvernement actuel était responsable de la situation. Le code du travail est le fruit de l’histoire du monde du travail, des conquêtes ouvrières, de la préservation de la santé des salariés, des avancées sociales, des combats menés… Tout cela est inscrit dans notre code du travail.
Notre code du travail se compose de plusieurs sources : des sources parlementaires, mais aussi de la jurisprudence et des accords sociaux. C’est tout cela qui constitue notre code du travail ! Certains déclarent, un peu vite, qu’il devrait être réduit à cinquante pages : l’effet de tribune est facile, mais personne ne l’a jamais fait, et je ne souhaite d’ailleurs pas que quelqu’un le fasse un jour.
Enfin, je remercie Mme Bouziane-Laroussi d’avoir souligné toutes les avancées sociales que permettra ce texte. Voilà qui faisait une bonne conclusion à la discussion générale !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir l’amendement no 619 .
Avec cet amendement, nous souhaiterions compléter l’intitulé du titre Ier par les mots : « et renforcer la lutte contre le sexisme en milieu professionnel ».
Quatre salariées sur cinq estiment être confrontées à du sexisme en entreprise. Il s’agit d’un sujet tabou. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a rendu le 6 mars dernier un rapport intitulé « Le sexisme dans le monde du travail : entre déni et réalité », qui comporte trente-cinq propositions et montre que, si le sexisme peut être subtil et ambivalent, il peut tout aussi bien être hostile et violent. Il joue sur la santé et la performance des salariées qui y sont confrontées. Il s’agit d’un redoutable outil d’exclusion du travail, usant de formules tendant à signifier que les femmes n’auraient pas leur place dans la sphère professionnelle.
Il convient donc d’introduire la problématique de la lutte contre le sexisme en milieu professionnel dans le code du travail.
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
Madame Coutelle, je comprends parfaitement qu’il importe d’intégrer la lutte contre le sexisme à nos débats et à nos textes. Toutefois, si nous introduisions la modification que vous proposez dans l’intitulé du titre Ier, nous changerions l’esprit même d’un texte consacré au dialogue social dans sa globalité ; cela inclut bien évidemment la question des relations entre les femmes et les hommes, mais porte, plus généralement, sur l’entreprise, au sens large. Je pense que nous pourrons avoir ce débat un peu plus tard, dans le corps du texte, mais, pour l’heure, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement portant sur l’intitulé du titre Ier ; à défaut, je serais contraint d’y émettre un avis défavorable.
Je partage la position du rapporteur et vous demande, madame Coutelle, de retirer cet amendement. La lutte contre le sexisme dans le monde du travail est certes une question importante, sur laquelle le Gouvernement s’est engagé, mais introduire un article sur le sujet dans le code du travail n’apporterait pas grand-chose. Il existe déjà des dispositions très claires interdisant et punissant les discriminations et le harcèlement. L’enjeu est plutôt de faire appliquer la loi.
Plutôt que de modifier celle-ci, je préférerais que soit prolongée la méthode inaugurée avec la création du groupe de travail sur les discriminations au travail. On pourrait ainsi instituer, à l’intérieur de cet organisme, un groupe spécifique qui rassemblerait partenaires et associations et serait chargé de faire des propositions concrètes. Si vous acceptez cet augure, vous pourriez retirer votre amendement ; à défaut, je serais obligé d’y émettre un avis défavorable.
Je retire l’amendement, d’autant que les choses ont quelque peu évolué et que nous présenterons d’autres amendements après l’article 23 quater.
L’amendement no 619 est retiré.
Le présent amendement tend à compléter l’intitulé du titre Ier par les mots : « et établir un service minimum dans les activités du déchet et de la propreté urbaine ».
Je rappelle que si le droit de grève est en France un droit à valeur constitutionnelle, le Préambule de la Constitution prévoit que ce droit « s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Dans certaines professions, le droit de grève est utilisé de manière abusive, ce qui pénalise nombre de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle certaines lois viennent encadrer ce droit. Je pense notamment à la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, qui a permis de garantir aux usagers de ces transports, en cas de grève, un service réduit mais prévisible, tout en renforçant le dialogue social.
Alors que cette loi visait à prévenir les graves conséquences que comportait pour l’économie française l’incapacité de nos concitoyens à se rendre à leur travail, il s’agit ici d’éviter qu’éclatent de nouvelles crises sanitaires semblables à celle suscitée par les dernières grèves auxquelles se sont livrés les éboueurs dans toute la France, notamment à Lyon et à Marseille. Les rues se sont en effet retrouvées inondées d’immondices,…
… qui non seulement encombraient la voie publique – plus de 3 000 tonnes d’ordures se sont ainsi amoncelées en cinq jours à Marseille –, mais surtout exposaient les habitants à de graves risques sanitaires. Outre l’odeur pestilentielle, surtout l’été, ces perturbations attirent des rats et constituent de véritables bouillons de culture propices à la prolifération de maladies et à l’insalubrité. L’arrêt du nettoiement des rues et du ramassage des ordures constitue, contrairement à d’autres grèves, un problème de santé publique.
Auriez-vous oublié ce qui s’est passé à Lyon ?
Face à une telle situation, le législateur doit prendre ses responsabilités en créant un service minimum en matière de nettoiement et de collecte des déchets.
C’est pourquoi les agents du nettoiement et les autres professions du déchet et de la propreté urbaine doivent privilégier le dialogue social, tout en assurant un service minimum au nom de la santé de nos concitoyens et de la salubrité de nos villes. Il serait bon que celles-ci soient protégées de ce genre de problèmes, qui coûtent extrêmement cher et créent des perturbations intolérables pour nos concitoyens.
J’avoue ne pas trop savoir quelle tonalité utiliser pour donner l’avis de la commission sur cet amendement !
Nous sommes toujours courtois, mais il s’agit là d’un projet de loi relatif au dialogue social et ce n’est pas parce que vous avez du mal à établir celui-ci dans la ville de Marseille, madame Boyer, qu’il faut utiliser ce texte pour régler vos problèmes !
Il ne s’agit pas uniquement de Marseille : à Lyon, la grève a duré trois semaines !
Vous tentez de transformer un texte sur le dialogue social en un texte qui introduirait le service minimum dans les services publics :…
Sourires.
…ce n’est pas le sujet ! Vous aviez déposé une proposition de loi sur la question, et c’est parce que vous n’avez pas réussi à la faire adopter que vous avez imaginé ce qui ressemble fort à un cavalier.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Même avis.
L’amendement no 464 n’est pas adopté.
De très nombreux orateurs sont inscrits sur l’article 1er. Je vous rappelle que le temps de parole est de deux minutes par orateur.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Je voudrais d’abord souligner les conditions déplorables d’examen de ce texte. Comme pour le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, nous allons le faire à la vitesse grand V, en ayant eu moins de quarante-huit heures entre l’examen du texte en commission et l’examen en séance publique pour déposer des amendements. Sans doute est-ce fait exprès, et c’est déplorable. Où est l’urgence ? Nulle part : nous parlons de ces questions depuis des années !
Le résultat s’en fait sentir : un texte fait de petits pas, qui échoue à être le grand rendez-vous qu’il aurait dû être pour les entreprises. La simplification promise n’intervient que de façon partielle – il y a même des reculs.
À mes yeux, le texte s’est détérioré entre l’examen en commission et l’examen en séance plénière. Cet article 1er en est la preuve : la défiance envers les entreprises est désormais ancrée dès le début du projet de loi. Voilà qui est bien triste.
Nous avons des propositions concrètes à vous faire – j’ai déposé pour ma part plus de cinquante amendements –, tout en ayant le souci de ne pas aggraver la situation.
Monsieur le ministre, nous parlons du quotidien des chefs d’entreprise. J’ai la triste impression que ce texte est devenu un gage donné à l’aile gauche de votre parti et, disons-le clairement, une opération de séduction en direction de certains syndicats. C’est de tout autre chose qu’il aurait dû s’agir : de passer d’une logique d’obligations en quantité à une logique d’efficacité et de qualité du dialogue social. La communication et l’idéologie sont en train de tuer le maigre espoir qu’avait soulevé l’esprit de ce projet de loi. Il importe de rectifier le tir dès l’article 1er.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er de ce projet de loi visant à renforcer le dialogue social et prétendant assurer une représentation salariale universelle par la création de commissions régionales paritaires composées de salariés et d’employeurs issus de très petites entreprises prend le parti d’alourdir encore notre système institutionnel dans le domaine social. Le seuil retenu montre que l’on considère des entreprises de tailles si diverses que l’on peut s’interroger sur la pertinence d’une démarche qui prétend tout à la fois simplifier et combler une lacune supposée en matière de dialogue entre salariés et employeurs.
Je pourrais, comme nombre de mes collègues, être sensible à la référence introduite par les rapporteurs au Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, rédigé au lendemain de la Libération, qui énonce des principes politiques s’inspirant du programme défini par le Conseil national de la Résistance. Toutefois, dans le contexte économique et social actuel, n’y aurait-il pas lieu de chercher d’autres réponses aux questions que nos concitoyens se posent, alors que notre pays est en panne au plan économique et que nous sommes confrontés depuis longtemps à un chômage de masse ?
Personnellement, je redoute, comme nombre d’employeurs de salariés, que le nouveau dispositif ne prenne rapidement la forme – passez-moi l’expression – d’une « usine à gaz », éloignée du terrain, des entreprises et des organisations syndicales et patronales. Comment les commissions régionales pourront-elles jouer le rôle d’intermédiaire ou de médiation que vous souhaitez leur confier ? Avec quels moyens ? Il est permis de s’interroger !
L’échelon régional retenu et leur caractère interprofessionnel laissent dubitatifs de nombreux observateurs, surtout les acteurs du tissu économique. Vous faites des chefs d’entreprises de moins de onze salariés des entrepreneurs de second rang, comme s’ils étaient dans l’incapacité de gérer eux-mêmes les relations de travail avec leurs collaborateurs, alors qu’ils vivent le plus souvent avec eux la vie de l’entreprise et qu’ils sont ensemble, au quotidien, en contact direct et permanent. Un tel système de représentation externe aux entreprises peut-il apporter une solution efficace et concrète ? Permettez-moi d’en douter ! Je vois plutôt ici une réponse idéologique, décalée, éloignée des réalités et contraire à l’objectif de simplification. Le problème de la représentation des salariés des TPE n’est pas résolu de façon satisfaisante, et même l’esprit du dialogue social tel qu’il est décrit par le code du travail n’est pas respecté.
Avec ce texte, monsieur le ministre, vous voulez créer l’illusion du dialogue social sans apporter de réponses concrètes en matière d’emploi et de lutte contre le chômage.
Pour toutes ces raisons, je voterai les amendements de suppression de l’article.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette pour ma part le manque d’ambition de ce projet de loi, qui ne répond pas aux enjeux relatifs à la qualité et à l’efficacité du dialogue social. Si ce texte assure une certaine simplification, celle-ci ne s’appliquera qu’aux entreprises de plus de cinquante salariés. Pour les petites et moyennes entreprises comprenant entre onze et quarante-neuf salariés, rien ne changera ! Quant aux très petites entreprises de moins de onze salariés, elles seront pénalisées par un texte qui, allant à l’inverse de la simplification affichée, créera de nouvelles complexités.
En effet, la généralisation des commissions paritaires régionales prévue par l’article 1er ne s’intègre pas dans la démarche cohérente et globale que prévoyait le projet d’accord sur la modernisation du dialogue social. Il existe au sein des très petites entreprises une relation directe entre le chef d’entreprise et ses salariés, qui permet de faire vivre au quotidien le dialogue social. Vouloir appliquer aux TPE les règles des grandes entreprises est une erreur : cela risque d’inscrire le dialogue social dans une logique d’affrontement et créera une contrainte.
Pour ce qui est des PME, j’insisterai sur la nécessité d’élever le seuil des quarante-neuf salariés ; cela permettrait – entre autres – de favoriser l’embauche. Nous avons en France beaucoup plus d’entreprises de quarante-neuf salariés que d’entreprises de cinquante salariés.
Modifier ces seuils permettrait de lever les obstacles auxquels se heurtent nos entreprises.
Au final, ce projet de loi exclut les PME de moins de cinquante salariés du champ de la simplification et l’article 1er crée de nouvelles obligations pour les TPE, ce que je regrette vivement, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, lorsque vous parlez de façon spontanée, vous parlez plus vrai, vous parlez plus juste – je songe à vos déclarations concernant le suivi des chômeurs, les retraites ou les seuils, « freins à l’embauche ». Reconnaissons néanmoins que dans ce projet de loi que vous présentez au nom du Gouvernement, vous proposez quelques simplifications, en particulier concernant les entreprises au-dessus du seuil des cinquante salariés. Cependant, vous ne portez pas le même regard sur les TPE de moins de onze salariés. Vous considérez que la création de commissions régionales paritaires correspond à une avancée considérable, et que cette mesure a été discutée avec les partenaires sociaux – mais en réalité, vous stigmatisez ces TPE, où le dialogue social a lieu au quotidien, autour d’un café, à l’entrée de l’atelier, du bureau, de l’exploitation ou du commerce.
Dans les TPE, la très grande majorité des salariés et de leurs employeurs ne sont pas preneurs de nouvelles contraintes administratives. C’est vraiment un marqueur de gauche que de vouloir tout régenter et tout contraindre,…
…y compris les choses qui se passent pour le mieux, à savoir le dialogue social dans les très petites entreprises. L’Assemblée nationale serait bien inspirée de supprimer l’article 1er !
Madame la présidente, monsieur le ministre, l’article 1er du projet de loi pose la question de la représentation des salariés des petites entreprises. C’est une question légitime, puisque 4,6 millions de salariés travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés. Or un délégué du personnel n’est obligatoire que dans les entreprises de plus de dix salariés.
Comme beaucoup d’entre vous, dans ma circonscription, dans le département du Jura, je suis amené à rencontrer chaque semaine des salariés et des patrons, comme on dit, de petites entreprises. Que disent-ils, au quotidien ? Les chefs d’entreprise demandent une baisse du coût du travail pour pouvoir investir et créer de l’emploi. Les salariés, eux, en particulier les plus modestes, sont nombreux à regretter l’époque des heures supplémentaires défiscalisées. Tous nous parlent d’un code du travail trop lourd, trop compliqué, qui bride les énergies. Aucun, mes chers collègues, ne fait de la mise en place d’instances de représentation une priorité. La création de commissions paritaires interprofessionnelles est vécue, au mieux, dans l’indifférence et, au pire, dans l’inquiétude. Les chefs d’entreprise y voient de nouvelles complications. Monsieur le ministre, à l’évidence, vous ne les rencontrez pas, ces petites entreprises.
Le dialogue social existe déjà dans les petites entreprises. Il se fait de façon spontanée, naturelle, même s’il n’est pas formalisé, et peut-être justement parce qu’il n’est pas formalisé. Il est souvent plus vivant que dans les grandes structures. Quand on travaille au quotidien avec cinq ou six salariés, on parle forcément avec eux, on a des rapports simples, des rapports directs.
À mes yeux, vous mettez en place une usine à gaz, pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’en organisant des commissions paritaires interprofessionnelles à l’échelle régionale, vous éloignez le dialogue social de l’entreprise. La seconde, c’est que vous créez des charges supplémentaires qui pèseront sur les entreprises, dans la mesure où il faudra donner aux commissions les moyens matériels et humains de fonctionner. Enfin, un amendement adopté en commission prévoit que les membres des commissions régionales pourront accéder aux locaux des entreprises. On risque de s’éloigner de la vocation initiale d’information et de conseil pour transformer les représentants des salariés en super-délégués du personnel.
Mes chers collègues, faisons confiance aux chefs d’entreprise et aux salariés, qui dialoguent déjà dans le respect du bon sens, et supprimons cet article 1er.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
Madame la présidente, monsieur le ministre, à la faveur de la loi du 31 janvier 2007, le dialogue social s’est nettement amélioré en France. Il est vrai que, depuis lors, il a beaucoup évolué. Revisiter la loi de modernisation du dialogue social est assez compréhensible – je dirais même que c’est utile. Monsieur le ministre, quand on vous lit, quand on vous écoute, quand on vous connaît bien, on vous reconnaît une certaine forme de pragmatisme et d’audace que nous serions tentés d’encourager.
J’en veux pour preuve vos déclarations sur les seuils sociaux, votre ardente volonté de simplifier le fonctionnement de l’entreprise et votre ambition de rendre le code du travail moins dense. La difficulté, c’est qu’on ne vous retrouve pas complètement dans ce projet de loi qui, au fond, complexifie plus qu’il n’allège.
L’article 1er est, à cet égard, révélateur. La création des commissions régionales paritaires inquiète en effet les professionnels des TPE par le caractère inadapté de l’instance paritaire, à la fois déconnectée de la réalité de l’environnement des petites entreprises et, en même temps, trop éloignée, physiquement, des entreprises. D’ailleurs, ce dispositif ne contente personne, puisque certains syndicats de salariés et non des moindres, la CGT et Force ouvrière, en contestent l’intérêt. Jean-Claude Mailly, se laissant aller, a comparé cet article à du vent.
Cessons de remettre en cause ce qui marche. Le dialogue social dans les TPE relève de la confiance entre l’employeur et ses salariés, et de la spontanéité du quotidien. C’est parce que nous entendons les craintes des entrepreneurs, artisans, commerçants ou professions libérales, que nous demanderons la suppression de l’article 1er.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de dire ma surprise, un peu, ma colère aussi, devant le sectarisme de l’actuel Président de l’Assemblée nationale. J’en ai connu plusieurs, jamais aucun ne m’a traité de cette manière pour les prises de parole. Alors, bien entendu, je suis non-inscrit, mais je suis député au même titre que mes collègues, et un simple calcul permettrait de montrer que l’ensemble des non-inscrits représente pratiquement autant de députés que le dernier groupe reconnu. Bien sûr, c’est un président débonnaire, mais c’est un président qui n’est pas à la hauteur de la situation, et je le déplore pour la maison du peuple, que nous incarnons tous. Que la télévision n’invite que les grandes vedettes qu’elle a elle-même contribué à construire, cela se comprend, mais qu’on continue à se considérer comme une grande démocratie… Dans ce beau pays de France, où le peuple s’est déclaré souverain, on a parfois un peu de mal…
En ce qui concerne le texte dont nous parlons, je voudrais dire ce qui a déjà été répété à l’envi. Il est dommage, monsieur le ministre, que ce texte qui porte le joli titre de dialogue social commence par une tracasserie totalement inutile et incompréhensible imposée aux entreprises de moins de onze salariés. Je peux vous assurer que le patron et ses deux ou trois ouvriers ont le temps de se regarder dans le blanc des yeux en attendant que le travail vienne. Et je peux vous assurer qu’il y a beaucoup plus d’espoir que d’espérance.
Je ne comprends pas que le Gouvernement soit à ce point excessif avec les faibles. Je ne comprends pas, par exemple, qu’au collège Bellefontaine de Toulouse cinq enseignants viennent, il y a quarante-huit heures, de se voir signifier une mutation d’office parce qu’ils ont fait grève durant les mois de novembre et décembre derniers. À quoi sert-il de donner le droit de grève, le droit de se réunir dans des entreprises qui n’ont plus de travail, alors que dans les grandes on mute d’office les grévistes ?
Monsieur Lassalle, pour répondre à la première partie de votre intervention, je voudrais vous rappeler un usage que vous connaissez pour y avoir, je crois, recouru vous-même, une règle qui s’applique dans notre hémicycle : cinq minutes sont toujours prévues dans le cadre de la discussion générale d’un texte pour les non-inscrits, et le premier à s’inscrire en bénéficie. Il s’avère qu’aujourd’hui, comme vous avez pu le remarquer, une autre oratrice en a bénéficié.
Enfin, si l’on fait le ratio entre chacun des députés non-inscrits et les députés membres de groupes plus importants, je pense que les députés non-inscrits peuvent également intervenir.
La parole est à M. Dominique Tian.
Comme beaucoup d’orateurs de l’UMP l’ont déjà dit, l’article 1er est totalement inutile, tout simplement parce que l’ensemble des syndicats ouvriers et patronaux – Force ouvrière, la CGT, la CGPME, le MEDEF et l’UPA – pensent qu’il est inutile. Et en matière de dialogue social, par définition, nous n’avons quand même pas vocation à légiférer à la place des partenaires sociaux. Nous sommes plutôt priés de les écouter et de moins nous immiscer dans le dialogue social.
Nous sommes donc plutôt enclins à proposer la suppression de cet article 1er, qui, malheureusement, appartient à une autre époque. Chacun sait, monsieur le ministre, que dans les toutes petites entreprises de moins de onze salariés, a priori, le patron et les ouvriers discutent. S’ils ne discutent pas, de toute façon, c’est qu’ils sont morts économiquement, parce que ce n’est pas possible. Alors, peut-être se regardent-ils dans le blanc des yeux en attendant que du travail leur soit proposé, que des commandes arrivent, mais, en tout cas, ils ont le temps de se retrouver, et ces commissions interprofessionnelles régionales sont considérées comme une tracasserie inutile, un coût supplémentaire pour les entreprises, qui n’en ont pas besoin.
Pour terminer, je prendrai l’exemple des entreprises du secteur de l’habillement : 96 % d’entre elles comptent moins de dix salariés, et le responsable de la fédération qui s’est exprimé m’a indiqué que ces commissions sont synonymes de nouvelles lourdeurs administratives, financières et d’organisation à l’heure où le secteur traverse des difficultés économiques importantes et que le chiffre d’affaires d’un détaillant sur deux est en repli par rapport à celui de l’année 2013. Ce qu’ils demandent, c’est plus de souplesse, moins de contraintes, et surtout qu’on s’occupe du code du travail, le plus compliqué au monde, et de l’ensemble des tracasseries qui pénalisent ce secteur comme tous ceux qui comptent des entreprises de moins de dix salariés.
Madame la présidente, monsieur le ministre, il faut bien que quelqu’un défende cet article 1er.
En créant des commissions paritaires régionales, pour les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés, cet article contribue en effet à renforcer le dialogue social dans les très petites entreprises, le droit syndical et l’accès à l’information des salariés. Ces commissions paritaires auront pour fonction de donner aux salariés toutes les informations utiles sur les dispositions légales ou conventionnelles qui leur sont applicables, de débattre sur des questions d’emploi, de formation, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, des conditions de travail et de santé au travail, de faciliter la résolution de conflits individuels ou collectifs n’ayant pas donné lieu à saisine d’une juridiction et de faire des propositions en matière d’activités sociales et culturelles.
Pour que cette mise en oeuvre soit efficace, elle doit s’articuler, à mon sens, avec une territorialisation des politiques publiques de l’emploi. Ainsi, la loi NOTRe donne aux régions la capacité de coordonner l’action publique de l’emploi dans les régions. Ce texte s’inscrit dans cette même dynamique.
Il faut aussi que ces commissions accompagnent la mise en place des comptes personnels de formation pour améliorer l’accès des salariés des très petites entreprises à la formation professionnelle, dont on sait qu’elle est très souvent absente des petites structures. Pour donner toute son ampleur à cette politique de territorialisation du dialogue social, il est aussi nécessaire de réfléchir à l’articulation entre le niveau régional et le bassin d’emploi. Dans ce cadre, des expériences déjà conduites dans de nombreux bassins d’emploi montrent qu’elles font vivre le dialogue social territorial en associant les entreprises et les syndicats ; elles impulsent une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans ces territoires. La territorialisation des politiques de l’emploi, de l’insertion, de la formation et du dialogue social est source d’efficacité pour le développement économique, puisque les dimensions ressources humaines et compétences sont de plus en plus au coeur du développement économique local.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit ce soir est loin d’être un grand texte du dialogue social. Certes, il comporte quelques mesures de simplification, que l’on peut saluer, mais, d’une part, elles sont timides et, d’autre part, elles concernent essentiellement les entreprises de plus de cinquante salariés.
En revanche, loin d’apporter une simplification pour les petites entreprises de moins de onze salariés, cet article 1er vient au contraire leur compliquer la vie. C’est une nouvelle usine à gaz – cela a été dit par un certain nombre de collègues. Alors que les TPE et les PME réclament moins de contraintes, moins de charges, plus de souplesse, doléances que j’entends chaque semaine dans les entreprises de ma circonscription que je visite, ce gouvernement vient leur imposer des commissions paritaires régionales, sans parler du compte pénibilité. Alors que le dialogue social fonctionne bien dans les TPE, comme le montrent d’ailleurs toutes les études, vous venez alourdir l’existant. Le dialogue social existe dans les TPE, il est même direct, car la proximité y contribue. Vous comprendrez donc que les chefs d’entreprise ne comprennent pas cette nouvelle contrainte. Ces entreprises sont le tissu essentiel de notre économie, particulièrement dans les territoires ruraux, ces TPE se battent au quotidien dans un contexte économique peu porteur, que l’action du Gouvernement ne fait qu’aggraver : on peut comprendre leur mécontentement. Non seulement on peut douter de l’utilité et de la nécessité de ces commissions paritaires régionales, mais on peut aussi se demander comment elles vont pouvoir fonctionner, alors que leurs missions sont imprécises et que leurs moyens ne sont pas définis.
Bref, cet article 1er est à l’image de ce projet de loi : c’est une mauvaise réponse à la situation économique et sociale du pays. Alors que la France a besoin de réformes importantes, de libertés, d’une sérieuse simplification de notre droit du travail, vous nous proposez une réformette qui n’apportera ni l’avancée sociale que vous annoncez, ni la baisse du chômage que tout le monde attend.
Monsieur le ministre, je suis venu vous dire ma déception, vous que je croyais être un homme pragmatique, vous qui êtes un Bourguignon, un homme du territoire !
Cet article 1er nous pose problème, puisque nous sommes un certain nombre de parlementaires UDI, avec Jean-Christophe Fromantin, François Rochebloine et d’autres, à avoir cosigné l’amendement no 534 dont l’objet est de supprimer ces commissions paritaires interprofessionnelles au niveau régional. Comme bon nombre de mes collègues, je considère que, dans des entreprises de petite taille, nous pouvons dialoguer, discuter, sans que le Gouvernement instaure des règles, un cadre et des exigences.
Ces petites entreprises sont souvent des entreprises du bâtiment. J’en connais beaucoup dans ma région, et vous savez quelles sont leurs priorités en ce moment. C’est déjà d’appliquer à la lettre les trois seuils de TVA qui existent : 5,5 % pour l’isolation : 10 % pour la restauration ; 20 % pour le logement. Leur deuxième préoccupation, c’est d’obtenir les accréditations, les certifications liées à l’amiante – et c’est compliqué. La troisième, c’est de lever les contraintes liées à l’emploi des apprentis.
Quatrième sujet de préoccupation : tout ce qui touche à la formation, à l’hygiène, à la sécurité ; et d’une manière plus générale, à la gestion des ressources humaines. Enfin, monsieur le ministre, l’accès aux marchés publics est une priorité pour les très petites entreprises – et je passe sous silence toutes les difficultés que ces entreprises rencontrent avec le RSI. De grâce, monsieur le ministre, ressaisissez-vous ! De grâce, mes chers collègues, ressaisissons-nous ! Simplifions la vie de nos concitoyens, notamment celle des décideurs dans les plus petites entreprises, pour que les conditions du dialogue s’installent de manière informelle.
Cela se passe de la même manière ici, au Parlement. Comme je le disais à mes collègues écologistes tout à l’heure, dans les petits groupes humains – tels que le groupe UDI, qui compte une trentaine de personnes – le dialogue est aisé, simple ! Il est facile de se contacter, de se rencontrer, pour évoquer les difficultés et les résoudre.
Nous demandons donc la suppression de l’article 1er, monsieur le ministre.
L’article 1er tend à instituer des commissions paritaires régionales. Celles-ci compteront dix salariés, à multiplier par treize régions, pour représenter les 4,6 millions de salariés des entreprises de moins de onze salariés. Ce n’est pas parce que certaines branches, dans l’agriculture, l’artisanat ou les professions libérales, ont créé de leur propre initiative – comme cela nous a été rappelé – ce type de commission qu’il est opportun de les généraliser à toutes les entreprises.
D’ailleurs, les salariés de ces TPE sont-ils demandeurs ? Les chefs d’entreprise de moins de onze salariés, assurément pas ! Je rappelle que 97 % des chefs d’entreprise et 90 % des salariés reconnaissent qu’il existe, dans les TPE, une relation directe entre le chef d’entreprise et les salariés.
Le Premier ministre dit vouloir adresser un message de confiance aux entreprises. Ces commissions paritaires régionales sont, au contraire, le signe d’une défiance à leur égard. Qui plus est, leurs prérogatives ont été élargies en commission des affaires sociales : outre leur rôle d’information et de débat, elles pourront – si les amendements de la majorité sont adoptés – exercer une mission de médiation, et même avoir accès aux locaux des entreprises. Ce n’est plus du dialogue social, c’est de l’ingérence !
Nous tenterons, par nos amendements, de supprimer purement et simplement cet article 1er.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
Cet article 1er est emblématique de ce projet de loi. Il vise à créer, pour 4,6 millions de salariés, un dispositif que vous présentez vertueusement comme « une avancée du dialogue social. » Or dans nos entreprises de moins de onze salariés, le dialogue social, les échanges, les débats, existent déjà. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir, dans ces entreprises, des moments de partage le lundi matin, à propos du week-end passé : cela se fait très naturellement, avec beaucoup de convivialité ; ces moments de détente rendent les conditions de travail plus favorables.
Je rêve ! Le fait que les salariés et leur patron se disent bonjour le matin, c’est du dialogue social ! C’est hallucinant !
J’ai moi-même travaillé longtemps dans une entreprise de moins de onze salariés : je peux vous dire que le dialogue s’y passe bien. Des réunions régulières sont organisées ; les moments de joie sont partagés, les moments de détresse également ; ils permettent aux uns et autres de se connaître, de s’apprécier, de se comprendre et de travailler dans des conditions beaucoup plus agréables. Ces relations contribuent à assurer un climat paisible, apaisé.
Certes, il ne faut pas nier que dans certains cas, des problèmes existent.
Cependant, je crains qu’avec cet article, vous ne mettiez fin au dialogue social qui s’institue naturellement dans un grand nombre d’entreprises. Vous allez tuer ce dialogue social en créant une contrainte supplémentaire. Ce faisant, vous ne répondrez pas forcément aux difficultés des autres entreprises, à cause de l’effet de masse. Dans les treize nouvelles grandes réunions, une commission paritaire régionale composée de dix membres sera créée, soit au total 130 membres, pour représenter 4,6 millions de salariés.
Cela revient à un membre pour 35 000 salariés : dans ces conditions, comment ces commissions pourraient-elles apporter quoi que ce soit ?
Ce qui aurait été intéressant, c’eût été de répondre à la situation actuelle des chômeurs, et des employeurs qui cherchent des salariés. Une enquête a montré que 29 % des chefs d’entreprise interrogés éprouvent des difficultés à trouver les compétences qu’ils recherchent, et qu’un employeur sur trois rencontre des difficultés à recruter. Il y a là un vrai souci. Avec ce projet de loi, vous auriez pu répondre à ces employeurs, ainsi qu’aux 3,5 millions de chômeurs.
La parole est à M. Francis Vercamer, dernier orateur inscrit sur l’article.
Monsieur le ministre, je suis porte-parole du groupe UDI, et je dois dire que l’idée des commissions paritaires régionales m’intéressait, jusqu’à ce que le groupe socialiste décide de modifier les attributions de ces commissions. L’idée d’une instance qui fasse circuler les informations entre le bas – c’est-à-dire les petites entreprises – et le haut – c’est-à-dire le niveau interprofessionnel, où l’on décide pour l’ensemble des entreprises en essayant d’adapter le droit à l’entreprise – me paraissait intelligente. Le droit, les accords de branche sont compliqués : le patron d’une TPE n’a pas le temps de consulter la loi et les conventions collectives. À l’origine, l’idée des commissions paritaires régionales me semblait donc intéressante.
Mais vous vous êtes laissé berner par un certain nombre de membres de votre groupe, qui, modifiant les dispositions initiales, ont donné à cette instance le pouvoir d’intervenir dans l’entreprise. Voilà pourquoi le groupe UDI est désormais réticent quant à ces dispositions. Si encore vous aviez fait cela en élevant le seuil, pour que soient concernées les entreprises de moins de cinquante salariés, alors nous aurions pu considérer que ce qui paraît lourd pour les entreprises de moins de dix salariés représente un allégement pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Mais ce n’est pas ce que vous avez choisi de faire, et les dispositions de ce projet de loi alourdiront la gestion des petites entreprises.
C’est pourquoi le groupe UDI soutiendra les amendements de suppression. Je le regrette, car nous étions à l’origine plutôt disposés à soutenir l’article 1er ; mais ces modifications intempestives concédées aux frondeurs à l’approche d’un congrès interdisent au groupe UDI de vous suivre.
Monsieur Perrut, c’est en réalité vous le dernier orateur inscrit sur l’article : toutes mes excuses ! Vous avez la parole.
Monsieur le ministre, nous aurions préféré consacrer notre temps, ce soir, à l’examen de mesures visant réellement à soutenir le développement économique et à créer des emplois.
Ça, pour le Gouvernement et la majorité, c’est plus dur ! Ils n’ont rien prévu pour cela !
Je pense qu’il serait plus utile d’aborder les vrais enjeux : l’abaissement des seuils, la réforme du code du travail, et tout ce que les chefs d’entreprise attendent. Il est vrai que dans l’ensemble des communes, petites et grandes, les chefs d’entreprise qui ont le mérite de se battre pour des entreprises de moins de onze salariés ressentent une certaine forme de défiance et de mépris. L’article 1er de ce projet de loi a été modifié lors des travaux de la commission des affaires sociales : cela nous inquiète beaucoup, car ces modifications ont renforcé les pouvoirs de ces commissions en matière de médiation et d’intrusion dans la vie des entreprises. Pourtant, l’on sait bien que le dialogue existe déjà dans les très petites entreprises : leurs dirigeants n’ont pas attendu cette réforme pour mettre en oeuvre les mesures nécessaires.
Je crois qu’il faudrait au moins revenir à l’esprit originel de cet article 1er, et pour cela limiter le champ d’action des commissions paritaires régionales à l’information sur les dispositions légales et conventionnelles, à la concertation et au conseil dans les domaines de l’emploi, de la formation et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC. En outre, ces commissions compteront 130 membres pour 4,6 millions de salariés : on se demande comment elles pourront intervenir dans les entreprises. Je crois donc que ces dispositions sont inutiles. L’article 1er n’a plus de raison d’être.
Cet article vise à créer les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. À cette occasion, j’ai découvert deux François Rebsamen. L’un, pragmatique, attribuait à ces commissions, dans la rédaction initiale du projet de loi, un rôle d’information en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de conditions de travail et de santé au travail. Il nous avait dit, par ailleurs, que cela serait accompagné d’un moratoire de trois ans sur les seuils : cela m’avait conduit à ne pas déposer d’amendement de suppression lors de l’examen de ce texte en commission.
Mais le deuxième François Rebsamen a accepté un amendement élargissant les compétences des commissions paritaires interrégionales. Il a accepté, en quelque sorte, une ingérence au niveau des entreprises. Par ailleurs, je rappelle que le projet d’accord élaboré par les partenaires sociaux – qui est resté au stade de projet, car il n’a pas été signé – ne faisait pas mention de cette demande. Jean-Claude Mailly l’a encore répété ce matin.
Voilà, monsieur le ministre, les raisons qui m’ont conduit à déposer un amendement de suppression de cet article : il ne correspond plus du tout à l’état d’esprit pragmatique dont témoignait, à l’origine, ce projet de loi.
Les commissions paritaires régionales prévues par cet article ont été refusées par les organisations professionnelles lors de la négociation, disons-le clairement !
Votre principal argument est le suivant : « Les salariés des entreprises de moins de onze salariés ne sont pas représentés, il faut donc formaliser le dialogue social. » Pour moi, cela témoigne d’une méconnaissance du monde de l’entreprise. Vous retombez dans les vieux travers qui ont mis le code du travail dans son état actuel. Vous faites l’erreur de formaliser de nouvelles obligations ; or ce n’est pas parce que le dialogue social n’existe pas dans le code du travail pour les TPE qu’il n’existe pas du tout !
Il s’agit là d’entreprises aux tout petits effectifs : les employés ne nous ont pas attendus pour discuter chaque jour, de façon directe, avec leurs employeurs – beaucoup de mes collègues l’ont souligné. Le dialogue direct est mille fois plus productif que des comités installés dans les capitales régionales. En effet, cela existe pour certaines branches, mais c’est parce que dans ces cas précis, il y avait un besoin : cela ne signifie pas qu’il faille généraliser ce dispositif.
Je ne parle même pas du coût de ces commissions, qui retombera sur les employeurs et sur l’État, qui devra les subventionner. Tout cela pour quoi ? Pour faire plaisir à qui ? Certainement pas pour servir les salariés, en tout cas ! Avec cet article 1er, le texte commence très mal, en rigidifiant et en complexifiant la réglementation, alors que c’est tout le contraire dont le code du travail a besoin. Ces commissions paritaires régionales sont une erreur qu’il convient de supprimer : tel est l’objet de cet amendement.
Il s’agit de supprimer l’article 1er, qui est très majoritairement refusé tant par les syndicats d’employeurs que par les syndicats de salariés, pour trois raisons. Premièrement, le niveau régional et interprofessionnel est souvent mal adapté aux petites entreprises. Deuxièmement, avec cet article, les contraintes qui pèsent sur les TPE seront accrues. Les coûts de fonctionnement pourraient se traduire, au fil du temps, par une augmentation de la contribution des entreprises au fonds de financement : cela augmentera encore les coûts pour les entreprises. Troisièmement, il y a un risque de dérive s’agissant des compétences de ces commissions ; les représentants des TPE refusent notamment qu’on leur attribue une compétence de médiation. Or cela a été fait en commission : nous en avons déjà longuement parlé. Cela se surajoute aux prud’hommes.
Enfin, les TPE qui mettent à disposition des salariés pour siéger dans les commissions paritaires régionales seront obligées de les rémunérer : cela représente encore une charge supplémentaire pour les entreprises. Le monde ouvrier et le monde patronal refusent donc cet article 1er.
Sur les amendements identiques nos 38 , 46 , 102 , 118 , 138 , 467 et 534 , je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement no 118 .
Les dispositions de l’article 1er de ce projet de loi sont à mon sens pénalisantes pour les TPE de moins de onze salariés, qui représentent pourtant l’immense majorité des entreprises françaises. De plus, monsieur le ministre, le fait d’envoyer un tel message de défiance à leur égard est totalement contradictoire avec le discours actuel du Gouvernement, à savoir que l’emploi passe par les TPE et les PME. Pourtant, nous pourrions rejoindre le Gouvernement sur ce dernier point !
Selon vous, ces commissions répondent au besoin de dialogue social dans ces entreprises ; un récent sondage montre pourtant que 97 % des chefs d’entreprise et 90 % des salariés reconnaissent qu’il existe dans les TPE une relation directe entre le chef d’entreprise et les salariés. La négation de cette relation laisse croire que les patrons de TPE auraient besoin de syndicats extérieurs pour faire vivre le dialogue dans leur entreprise : c’est une forme de défiance, de mépris envers eux. C’est inacceptable ; nous demandons donc la suppression de ces dispositions.
Il vise également à supprimer l’article 1er. La création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour assurer une représentation universelle des salariés des entreprises de moins de onze salariés ne se justifie pas. En effet, une telle représentation institutionnelle n’est pas nécessaire, compte tenu du fait que, dans ces entreprises, le dialogue entre le chef d’entreprise et les personnes qu’il emploie est direct et naturel. C’est aussi cela la réalité du monde du travail, et pas seulement ce qu’en dit le texte.
De plus, l’instauration de telles structures formalisées complexifierait encore la tâche des dirigeants de ces entreprises, alors qu’ils réclament, plus que jamais, une simplification de l’ensemble des normes qui leur sont applicables. En définitive, un tel dispositif de représentation institutionnelle des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés risque d’entraîner une accumulation de contraintes supplémentaires et de créer de nouveaux problèmes très difficiles à résoudre.
Tout cela aura inévitablement des effets négatifs sur l’emploi dans ce type d’entreprises – et même dans les autres – qui, pourtant, ont créé près d’1,2 million d’emplois nets dans les trente dernières années et durement ressenti les effets de la crise économique. Je voudrais donc que la raison l’emporte, et que l’article 1er soit supprimé afin de préserver l’emploi dans notre pays.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 467 .
Je ne répéterai pas les arguments de mes collègues en faveur de la suppression de cet article, mais j’appelle simplement certains membres de la majorité à lire le texte. Vous vous rendrez compte que ce que vous appelez de vos voeux, c’est-à-dire une amélioration de la représentation des salariés des TPE et un renforcement des capacités de négociation et de résolution de conflits, ne figure pas dans le texte. Avec ce texte, il n’y aura pas plus de négociations salariales portées par des représentants syndicaux qu’aujourd’hui dans les TPE. Contrairement à ce que croient plusieurs d’entre vous, les salariés des TPE choisissent déjà des représentants par voie d’élection. C’est une possibilité offerte par la loi de 2010.
L’article 1er vise à instaurer une responsabilité partagée par vingt personnes, qui auront à informer les salariés de l’évolution du tissu social dans une région dont la dimension excède leur capacité de déplacement à tous. La commission n’aura ni moyens, ni mission réelle, mais elle sera chargée de le faire à la place d’organismes qui le font déjà mieux. Tel est l’objet de l’article 1er. J’ajoute que l’introduction en commission d’une capacité de médiation me paraît, là encore, disproportionnée, eu égard aux moyens et à la dimension de cette commission. Je comprends vos intentions, mais je répète que ces commissions paritaires régionales ne pourront pas satisfaire vos attentes.
Enfin, M. Marsac a trouvé tout à l’heure le meilleur argument pour expliquer l’inutilité de ces commissions. Il a rappelé qu’il existait d’ores et déjà dans les territoires un dialogue social remplissant toutes les missions que devront remplir ces commissions. Merci, cher collègue, d’avoir informé l’Assemblée de la réalité de cet article, dont je demande la suppression.
Plusieurs députés du groupe UDI soutiennent cet amendement visant à supprimer l’article 1er, qui créerait une lourdeur administrative. Monsieur le ministre, soyons des acteurs de la simplification de la vie de nos entreprises et de nos concitoyens ! Faisons confiance à nos dirigeants d’entreprise, notamment dans les petites entreprises, pour instaurer au sein de leur structure les conditions du dialogue nécessaire avec leurs collaborateurs.
À titre d’exemple, un salarié qui bénéficie de cinq heures de délégation par mois, c’est, en comptant le temps de déplacement, une journée de travail en moins d’un collaborateur, dans une entreprise qui en compte moins de onze. Monsieur le ministre, je vous demande solennellement de vous raviser. Cette demande s’adresse également au rapporteur.
Cet amendement se défend dans l’hémicycle, mais sans aller jusqu’à dire que nous faisons de la politique de salon, je suis convaincu, monsieur le ministre, que lorsque vous serez de retour dans votre région de Bourgogne, et nous dans nos régions respectives, il sera impossible de le défendre devant les artisans, les dirigeants de petites entreprises et leurs collaborateurs. Il se défend en théorie, mais il est indéfendable dans la pratique. Notre amendement vise donc à supprimer l’article 1er.
D’abord, personne ne conteste qu’il y ait des échanges au sein des très petites entreprises, comme il y en a dans d’autres entreprises. La relation directe qui a été évoquée ne peut en aucun cas être assimilée à du dialogue social.
Pour reprendre les propos de Mme Louwagie, se dire bonjour le lundi matin et se raconter son week-end ne peut être considéré comme du dialogue social.
Ensuite, il y a dans la relation entre un salarié et son employeur un lien de subordination extraordinairement important.
Permettez-moi de finir, je ne vous ai pas interrompu ! Ce lien est d’autant plus important que la structure est petite. C’est une réalité. D’ailleurs, les prud’hommes ont à traiter beaucoup plus de dossiers concernant les TPE que les autres entreprises.
Pourquoi donc les 4,6 millions de salariés des TPE ne pourraient-ils avoir de représentants qui puissent évoquer des problématiques non traitées au sein de l’entreprise, parce qu’elles ont trait au sujet plus vaste des relations au sein des TPE ? Aussi, les commissions régionales proposées permettront d’abord de suivre l’ensemble des salariés. À ceux qui estiment que 130 personnes sur l’ensemble de notre territoire ne sauraient représenter 4,6 millions de salariés, je réponds, comme je l’ai déjà fait en commission, qu’un rapport de 577 députés pour 65 millions d’habitants ne me semble pas moins contestable.
Par ailleurs, dix salariés par grande région ne me semble pas être un nombre excessif en matière de représentation.
En outre, la commission a effectivement confié une mission supplémentaire de médiation à ces commissions régionales. Il est cependant frappant que vous n’ayez qu’une vision négative du dialogue social, alors même que vous ne cessez de nous en rappeler la nécessité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pour vous, le dialogue social est forcément intrusif. Pour nous, il est au contraire ce qui doit permettre aux salariés des TPE, et aux autres, d’être entendus et accompagnés. Je ne vois pas en quoi la médiation serait un quelconque frein en la matière.
Enfin, n’ayons pas une vision quelque peu idéalisée des petites structures, au sein desquelles la vie serait belle et aucune difficulté ne se manifesterait.
La réalité est forcément, comme partout, beaucoup plus nuancée. Assurer la représentation des salariés des TPE, c’est l’enjeu fondamental de cet article. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements de suppression.
Je préfère le dire tout de suite, j’émets un avis très défavorable à ces propositions de suppression de l’article. J’entends les arguments avancés par l’opposition, mais ils se contredisent. Il faudrait savoir si ces dispositions sont du vent ou de la tempête. Si c’est du vent, elles ne méritent pas toutes vos critiques !
Si c’est la tempête, il faudra nous expliquer pourquoi, car l’UPA a signé en 2001 un accord avec cinq confédérations syndicales pour créer les CPRIA.
Douze ans plus tard, en 2013, ils se sont réunis pour tirer les leçons de cette expérience. Les articles et les comptes rendus de cette réunion démontrent clairement qu’elle a été considérée comme un franc succès. D’ailleurs, vous avez été aux responsabilités pendant dix ans entre 2001 et 2013, et vous n’avez rien trouvé à redire à ces commissions !
Nous proposons aujourd’hui de donner aux salariés et aux employeurs des TPE la possibilité de dialoguer entre eux, comme ils le font dans le cadre de ces commissions, sur des sujets qui les concernent.
Je croyais que tout allait bien dans le meilleur des mondes ! Mais il est normal que, dans les petites et moyennes entreprises, il y ait des problèmes liés au recrutement, aux transports, à la mobilité, et que le sujet des oeuvres sociales soit abordé.
Pourquoi ces sujets ne seraient-ils pas abordés dans les petites entreprises ? C’est 4,6 millions de salariés qui seront ainsi représentés. Certes, cela ne sera pas, du jour au lendemain, la panacée de la représentation, mais c’est un grand pas. D’ailleurs, je récuse l’argument – avancé, je crois, par M. Tian – selon lequel les organisations syndicales seraient contre. La CGT, la CFDT, la CFTC, la CGC et l’UPA y sont favorables. FO considère que c’est du vent, mais a souligné l’intérêt de cette démarche. Le MEDEF l’a introduit dans sa proposition d’accord.
Reste la CGPME, qui s’y oppose en raison de problèmes de représentation – vous le savez très bien. N’utilisez pas cet argument pour vous immiscer dans les problèmes de représentation entre la CGPME, le MEDEF et l’UPA. Soyez plutôt du côté du progrès social, défendez ce projet avec nous ! Nous n’avons jamais dit qu’il s’agissait d’une révolution. Il s’agit d’une grande évolution et d’un progrès social. Il permet de se conformer à la Constitution en assurant la représentation de tous les salariés, dans toutes les entreprises.
J’attendais ce soir un soutien, y compris de votre part, monsieur Poisson – je vous ai connu plus éclairé sur ce sujet. Je regrette que vous alliez jusqu’à proposer la suppression de cet article.
Vous avez mentionné toutes les organisations favorables à ce dispositif, monsieur le ministre. Mais même si le Pape le soutenait, je considérerais qu’il s’agit d’un très mauvais signal.
Sourires.
Nous ne devons pas voir les mêmes artisans ni les mêmes entreprises, en Bourgogne, à Paris ou dans les Pyrénées-Atlantiques. Je n’en ai pas trouvé un seul qui approuve cette idée. Au lieu de leur fournir du travail, on leur impose des contraintes et des réglementations supplémentaires, au moment très symbolique où nous voudrions tous ensemble redresser le pays. C’est insupportable, et les patrons le perçoivent comme un manque de confiance. Ils n’ont pas de travail et, de surcroît, la France, sa représentation, son gouvernement et ses députés ne lui font plus confiance. Excusez-moi, mais c’est incompréhensible.
Je suis très surpris de vos propos, monsieur le ministre. À vous entendre, il n’y aurait aucun dialogue social dans les TPE. Pourtant, il a lieu tous les jours. Les chefs d’entreprise d’une TPE, encore plus que d’autres, ont d’abord à décrocher des commandes et des marchés, et c’est de plus en plus difficile. Certes, le dialogue social est absolument indispensable, et j’y crois, mais il se fait naturellement. Pour ma part, j’ai travaillé en entreprise et je sais ce que c’est. Ce n’était pas une TPE, car nous étions quatre-vingt-dix.
Combien y en a-t-il ici qui viennent de l’entreprise ?
Combien peuvent-ils parler d’une entreprise ou d’une TPE ? Combien viennent-ils d’une entreprise ou d’une TPE ? Pas beaucoup.
C’est la réalité. D’une certaine manière, monsieur le ministre, vous avez méprisé la CGPME. Or elle représente vraiment les PME, qui créent la richesse dans notre pays.
Ce que vous avez dit est grave : je me permets de vous le dire très simplement.
Je considère que cet amendement de suppression de l’article 1er est absolument indispensable et nécessaire pour la survie de nos entreprises. Aujourd’hui, comme cela été dit par un certain nombre d’entre nous, nous avons des problèmes d’emploi alors même que le personnel recherché manque. Alors si on en rajoute en plus... Les chefs d’entreprises en ont ras-le-bol, entendez-vous bien, ras-le-bol !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI.
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements de suppression nos 38, 46, 102, 118, 138, 467 et 534.
Il est procédé au scrutin.
Il s’agit d’un amendement tout à fait logique et raisonnable, et je suis sûr que M. le ministre l’acceptera. Je propose de substituer aux mots : « de moins de onze salariés » les mots : « dépourvues d’institutions représentatives du personnel » à la fin de l’alinéa 3. L’esprit de la loi consiste à faciliter la représentation des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés, où l’on observe les plus grandes difficultés de représentation. Or la loi n’a pas prévu un cas, qui peut pourtant se produire de temps en temps : l’absence d’institutions représentatives du personnel dans une entreprise de cinquante salariés ou plus, soit en raison d’une carence de candidats aux élections professionnelles, soit parce que l’employeur n’a pas organisé lesdites élections.
Cet amendement a donc pour objet, dans l’esprit du projet de loi, d’instaurer une représentation de tous les salariés en procédant à l’extension du dispositif aux salariés des entreprises de onze salariés et plus dépourvues, de fait, d’institutions représentatives du personnel. Il s’agit tout simplement d’assurer l’universalité des droits à la représentation que vise l’article 1er instaurant les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. J’attends donc avec confiance l’avis du rapporteur et du ministre.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement identique no 571 .
Les grands esprits se rencontrent.
C’est le « b.a.-ba » de la démocratie. Ce que vient de dire excellemment notre collègue Cherki est extrêmement important : nous sommes en train de mettre un place un dispositif qui va nécessiter des moyens importants et qui constitue une opportunité pour les entreprises dépourvues de représentants du personnel – qu’il s’agisse de délégués du personnel ou de comités d’entreprise pour les entreprises de plus cinquante salariés – de bénéficier de cette avancée sociale.
Rien ne s’y oppose, ni argument juridique, ni argument financier. En effet, dès lors que ses commissions existent, elles doivent bénéficier à tous ces salariés : je crois vraiment que nous pourrions réaliser une avancée utile. Mon souhait est bien sûr que, dans ces entreprises – et je sais, monsieur le ministre, que votre ministère s’y emploie – se tiennent des élections qui permettent la désignation de délégués du personnel ou de comités d’entreprise. Quoi qu’il en soit, il faut couvrir les cas de carence.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 261 .
Cet amendement va exactement dans le sens inverse de ceux de MM. Cherki et Germain. À partir du moment où l’on crée des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, qui sont la panacée – la preuve en étant que les amendements de suppression de l’article 1er viennent d’être battus en brèche par la majorité – et qui sont donc importantes, pourquoi ne pas leur donner compétence jusqu’à cinquante salariés ?
Vous allez me dire que je n’ai pas prévu la suppression des délégués du personnel. Si : je défendrai ultérieurement, monsieur le rapporteur, un amendement de conséquence. Puisque ces commissions sont utiles – et que nous savons qu’il y a peu de délégués du personnel dans les PME, et en tous cas de nombreux constats de carence –, donnons-leur compétence pour les entreprises jusqu’à cinquante salariés, afin qu’elles représentent tous les salariés et tous les employeurs des entreprises jusqu’à ce seuil.
Cette idée est intéressante en ce qu’elle touche simultanément les entreprises de onze à cinquante salariés. Or une des lacunes de votre projet de loi est précisément de ne pas s’être penché sur cette catégorie d’entreprises. C’est pourquoi je propose cette mesure visant à simplifier la vie des entrepreneurs et des chefs d’entreprises de onze à cinquante salariés.
Dans le même esprit que ceux que nos collègues viennent de défendre, cet amendement vise à étendre les compétences des commissions paritaires régionales interprofessionnelles aux entreprises de moins de vingt-six salariés. On constate en effet qu’environ trois quarts des entreprises de onze à vingt-cinq salariés n’ont pas de représentants du personnel, malgré le franchissement du seuil déclenchant l’élection d’un délégué du personnel.
Il convient donc d’admettre qu’une représentation interne des salariés, telle qu’elle est prévue aujourd’hui, n’est pas adaptée aux plus petites entreprises. C’est la raison pour laquelle une telle disposition simplifierait grandement la vie de ces entreprises, notamment en remédiant aux nombreuses carences qui peuvent être constatées. Monsieur le ministre, vous refusez d’étendre la compétence de ces commissions aux entreprises de moins de cinquante salariés : l’étendre à celles de moins de vingt-six salariés serait une disposition utile. Si elle est bonne, pourquoi ne pas l’étendre au-delà de onze salariés ? C’est ce que je ne comprends pas dans votre réponse.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement identique no 263 .
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement no 261 , puisqu’il propose d’étendre la compétence des commissions paritaires régionales interprofessionnelles aux entreprises de moins de vingt-six salariés – et non plus cinquante. M. le rapporteur me rétorquera qu’il n’existe pas de seuil à vingt-six salariés. Or c’est bien le cas, puisqu’au-delà de ce seuil, l’entreprise doit élire deux délégués du personnel, et non plus un seul. L’idée est d’étendre le bénéfice d’une mesure jugée positive pour les entreprises de moins de onze salariés à celles en comptant moins de vingt-six. On remplace le délégué du personnel par cette disposition, sachant qu’on constate dans une grande majorité des entreprises une carence en la matière.
J’aurais préféré que l’on choisisse le seuil de cinquante salariés. Je vois que vous souriez, monsieur le ministre, mais la représentation du personnel est malheureusement très faible dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Le bénéfice de cette mesure réservée aux entreprises de moins de onze salariés pourrait être étendu, de façon pertinente, aux entreprises de moins de cinquante salariés. Si vous ne voulez pas aller jusque-là, allez au moins jusqu’à vingt-six !
Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à circonscrire la compétence de ces commissions aux entreprises de six à onze salariés. Je ne m’en cache pas, c’est une façon de réduire leur portée puisque les deux tiers des entreprises de moins de onze salariés ont en réalité moins de cinq salariés. Mais justement, je le répète : dans ces TPE, le dialogue social est, peut et doit être direct : tout le monde y gagne. Il est réel, sinon rien ne se passe.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique no 111 .
Il obéit à la même logique que celle que vient d’exposer Lionel Tardy. Cet amendement à substituer aux mots : « de moins de », les mots : « dont l’effectif est compris entre six et » à l’alinéa 3.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements en discussion commune ?
À travers des amendements dont l’exposé sommaire est différent, des risques relativement importants peuvent apparaître : c’est ce que je veux d’abord adresser comme message à nos collègues Cherki et Germain. Nous partageons le même constat : dans les entreprises comptant entre onze et cinquante salariés, le nombre de procès-verbaux de carence est élevé. C’est une réalité. Mais si nous suivions la proposition qu’ils nous font ainsi que leur raisonnement – alors même que sont mis en place, aux articles 2 à 4, des éléments permettant justement une meilleure implantation des représentants des organisations syndicales et des salariés dans ces entreprises – nous serions immédiatement conduits à rejoindre la position de M. Vercamer.
Bien évidemment, vous pourriez vous rejoindre, mais j’ai pris soin de préciser que la logique de M. Vercamer, qu’il mène à son terme, n’est pas à l’origine celle de MM. Cherki et Germain, même si elle aboutit au même résultat. Cela revient à dire, en définitive, que les commissions paritaires régionales interprofessionnelles valent pour tout le reste, et qu’il faut donc faire « sauter » les délégués du personnel : c’est en effet la suggestion qu’il formule. Je crois qu’in fine, ces amendements nos 259 et 571 risquent d’aller à l’encontre de ce que nous voulons faire et de l’intention de leurs auteurs.
J’ai dit en commission à M. Vercamer ce que je pensais de sa proposition : elle est logique, même si notre position est différente. À tous les collègues de l’opposition qui ont défendu ces amendements, je veux dire que je trouve un peu cocasse qu’on veuille supprimer ces commissions dans un premier temps, et qu’on vienne ensuite nous expliquer qu’elles doivent étendre leur champ d’intervention au-delà des entreprises de moins de onze salariés.
Cela me paraît assez contradictoire. Monsieur Perrut, proposer dans un premier temps un amendement de suppression de l’article 1er et ensuite l’extension du champ de compétence de ces commissions me paraît relativement contestable. Pour des raisons différentes dans l’approche – et je ne confonds pas les exposés sommaires qui figurent sur ces amendements – mais parce que les risques me semblent trop importants, notamment au regard de la position développée très clairement par M. Vercamer, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Je rejoins l’argumentaire que vient de développer le rapporteur. Il est vrai, personne ne le nie, et vous l’avez fort bien souligné, que l’absence d’institutions représentatives du personnel est un sujet majeur pour les salariés comme pour la démocratie sociale.
Le rapporteur a cité comme exemple les entreprises de onze à cinquante salariés : on pourrait citer celles de moins de cent salariés.
Dans cette catégorie, une entreprise sur trois ne dispose pas d’institution représentative du personnel. Il y a donc encore du chemin à faire. Il faut déterminer les causes de cette situation, comme les moyens d’y remédier. Mais remplacer ces institutions, par exemple dans les entreprises comptant jusqu’à cinquante salariés, par les commissions régionales, ne me paraît pas être la solution.
À partir d’une certaine taille, que je ne sais pas définir, la représentation doit se faire à l’intérieur de l’entreprise, et non à l’extérieur. On ne peut donc procéder à un tel remplacement : les mesures de ce projet de loi vont dans ce sens.
J’ajoute un argument plus pratique : la solution proposée n’est guère applicable, car elle impliquerait de connaître toutes les entreprises, ainsi que tous les procès-verbaux de carence, ce qui est impossible.
En outre, la situation peut changer d’une année à l’autre, compte tenu du fait que le renouvellement et les élections ont lieu tous les quatre ans. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Il faut à la fois qu’il y ait une obligation, et elle existe, et que les salariés qui se retrouvent privés de droits – soit parce qu’il n’y a eu aucun candidat, soit parce que tout a été fait pour qu’aucun ne se présente – puissent bénéficier de tout le soutien qu’ils peuvent espérer grâce à ces commissions paritaires régionales interprofessionnelles.
Je ne comprends donc pas bien votre position. Le conseil du salarié, par exemple, dispositif qui est mis en place en l’absence d’institution représentative du personnel, n’est pas inutile : lorsque l’entreprise ne dispose pas de délégués syndicaux, par exemple pour se faire accompagner lors de l’entretien préalable, il faut que le salarié puisse exercer son droit. Nous ferions vraiment oeuvre utile en étant très exigeant, et je sais que votre ministère l’est, pour que cette représentation soit assurée et en créant ce droit.
Pour ce qui concerne la faisabilité, on voit bien que le nombre très important d’entreprises se situe sous le seuil des onze salariés. Il faudra bien, d’ailleurs, connaître le seuil de salariés pour savoir si on est éligible ou pas au dispositif : un flux d’information devra donc remonter à ces commissions. Un même département compte très peu d’entreprises au-delà du seuil de onze salariés.
C’est d’autant plus gérable qu’il va y avoir un suivi très précis pour essayer d’accroître la présence des représentants du personnel dans ces entreprises. C’est quelque chose qui ne coûte rien et qui va créer un droit d’autant plus important que des avancées ont été réalisées en commission, puisque, avec l’accord du chef d’entreprise, non seulement ces commissions vont traiter de questions collectives, mais elles vont aussi pouvoir intervenir dans l’entreprise.
J’espère que la réponse du ministre n’augure pas de celle qui sera apportée aux autres amendements que j’ai déposés… Dans certains cas, le droit à la représentation est un mot creux, pour parodier l’auteur d’une chanson très célèbre dans le mouvement ouvrier. Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, c’est que des salariés ne sont pas représentés, et qu’ils ne sont donc pas en capacité de se défendre dans le cadre du dialogue social. En effet, le dialogue social, ce n’est pas un échange entre gens de bonne composition, cela représente des intérêts contradictoires, avec les représentants du capital d’un côté et de l’autre ceux du travail. Pour que ce dialogue existe réellement, il faut qu’il soit équilibré. Il doit avoir lieu dans un rapport de force, dans lequel les salariés puissent être représentés pour être défendus.
J’adhère à l’argumentation de M. le rapporteur, qui nous dit qu’il faut créer une dynamique permettant à terme une resyndicalisation, dans les entreprises où il y a une carence, parce que nous aurons aidé à la formation des personnes qui veulent s’impliquer. Mais, monsieur le rapporteur, vous savez que cet amendement – c’est un secret de Polichinelle que je vous livre – est porté par des grandes confédérations syndicales, et au moins par une. Comme le disent les syndicalistes, ce qui est pris n’est plus à prendre. Concrètement, est-ce que, grâce à cette loi, la représentation effective des salariés sera améliorée ? Y aura-t-il une universalité du droit à la représentation des salariés ou est-ce que, au nom de l’hypothétique construction syndicale d’un rapport de force dans un champ syndical affaibli, on va priver les salariés de la possibilité concrète de bénéficier de ce droit nouveau ? Si ce n’est pas un gouvernement de gauche qui le fait, soyez sûrs que ce n’est pas un gouvernement de droite qui le fera !
Je voudrais remettre les choses à leur place. Personne n’empêche qui que ce soit d’être syndiqué. Si un salarié d’une entreprise de moins de dix salariés a envie de se syndiquer, personne ne l’en empêche.
Le problème dont nous débattons est celui des institutions représentatives du personnel dans l’entreprise. La majorité des entreprises de onze à cinquante salariés n’ont pas de telles institutions. Supprimons donc cette instance dans les entreprises de moins de cinquante salariés, et remplaçons-la par le système que vous êtes en train de créer, puisqu’il est exceptionnel selon vous. Cela simplifiera la vie des entreprises de onze à cinquante salariés ; vous serez contents, parce que l’ensemble du personnel dans les entreprises qui ont jusqu’à cinquante salariés sera représenté. Tout le monde sera content ! Mais nous voici à essayer de nous arranger pour que certaines entreprises disposent d’une représentation, quand pour d’autres, celles de dix à cinquante salariés, il faudrait proposer un amendement particulier. Personne ne va plus rien comprendre ! Si vous voulez tout complexifier, adoptez les amendements de M. Cherki et de M. Germain !
Au contraire, supprimons les délégués du personnel dans les entreprises comprenant jusqu’à cinquante salariés, ou vingt-six, si vous ne voulez pas aller aussi loin, et faisons-les représenter par les commissions régionales interprofessionnelles. Tout le monde serait content, puisque nous aurions simplifié la vie des entrepreneurs concernés.
Ce débat est extrêmement important, et je reviendrai sur les propos de notre collègue Cherki. On peut considérer que, dans les entreprises où il devrait y avoir des IRP mais où il n’y en a pas, la solution est d’étendre le champ d’intervention des commissions. Dans ce cas, chers collègues, pourquoi le chef d’entreprise ferait-il l’effort un quelconque instant d’imaginer qu’il y ait un jour des IRP ? Cependant, je ne vois pas comment vous réglez ce problème extrêmement important – et je partage votre préoccupation – de l’absence d’IRP dans ces instances en élargissant le champ des commissions. Cela ne créerait, à mon sens, aucune pression. Le risque que l’ensemble des entreprises n’aient plus du tout d’IRP est beaucoup trop fort. Si j’écoute M. Vercamer, quand Pascal Cherki dit que ce qu’un gouvernement de gauche ne fera pas, un gouvernement de droite ne le fera pas assurément,…
…cela veut dire qu’un gouvernement de droite ira encore au-delà du champ qui aura été ouvert. Je le dis avec beaucoup de sincérité…
Je ne fais qu’écouter ce que dit M. Vercamer ! Je ne suppute rien, cher collègue !
Pour ce qui nous concerne dans la majorité, je l’affirme avec force, je ne peux pas me résoudre à accepter que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, il n’y ait pas d’IRP. Cela ne peut pas être notre ligne politique. C’est pourquoi je demande avec beaucoup de force à MM. Germain et Cherki de retirer leurs amendements, non par désaccord avec vos idées, chers collègues, mais parce que je préfère me battre pour qu’il y ait des IRP, plutôt que de permettre une simplification qui conduira à leur disparition.
Je souhaite que nous puissions poursuivre cette discussion, parce qu’elle est très importante. Nous partageons le même objectif, et le risque que vous soulevez est probable. Mais je ne veux pas suivre M. Vercamer dans sa version angélique de l’entreprise, où les salariés pourraient très bien se porter candidats puis être délégués du personnel, sans conséquence sur leur vie professionnelle.
Je sais d’ailleurs gré au ministre d’avoir su poser cette question des carrières des représentants du personnel et des délégués syndicaux, car nous connaissons la pression qui peut peser sur eux. Je dis cela sans dénigrer les chefs d’entreprise, car la vie est ainsi faite dans un petit collectif. En même temps, au nom de ce droit-là, et en ayant conscience du risque que vous évoquez, on ne peut pas résoudre une absence de droit. On ne peut pas, en privant les salariés de représentants et de délégués du personnel, les priver d’un droit, dans l’espoir que cela incitera les chefs d’entreprise à faire en sorte qu’il y ait des délégués ou des représentants du personnel. Je suggère que nous puissions examiner en profondeur cette question au cours de la navette. Je retire donc mon amendement.
L’amendement no 571 est retiré.
À la suite de ce qu’a dit M. Germain, je voudrais préciser un point. J’entends ce que dit notre collègue Sirugue. Il est vrai que, si ce texte règle un problème, il ouvre aussi une brèche. Il crée une instance différente des IRP, certes cantonnée aux entreprises de moins de onze salariés. En l’étendant, nous pourrions créer un précédent, qui pourrait en conduire d’autres, dans un futur que je ne souhaite pas proche, à s’engouffrer dans la brèche. Je prends en considération cet argument d’importance. D’un autre côté, on ne règle pas le problème de la représentation des entreprises en situation de carence. Il y aurait besoin de poursuivre la discussion, mais également d’une implication très forte du ministère du travail pour rétablir l’équilibre entre les plateaux de la balance, aux côtés des organisations syndicales, afin d’inciter en ce sens, avec tous les moyens permis par le droit, les entreprises qui sont aujourd’hui réfractaires – il faut noter que les entreprises où il y a carence sont très souvent des entreprises dont les salariés ont peur de participer aux élections. Pour permettre la poursuite de la discussion, j’accepte également de retirer mon amendement.
L’amendement no 259 est retiré.
L’amendement no 261 n’est pas adopté.
Vous dites que ces commissions paritaires existaient déjà dans certains secteurs, notamment dans l’artisanat. Je suggère donc dans cet amendement de laisser les secteurs s’organiser entre eux, plutôt que de faire une sorte de bouillon de culture avec ces commissions régionales. Il s’agit de renvoyer aux négociations de branche leur mise en place, et de ne prévoir la création de commissions régionales que lorsque les entreprises ne sont pas couvertes par un accord de branche.
Suite à l’absence d’accord entre les partenaires sociaux, le législateur a été conduit à prendre ses responsabilités. M. le ministre a rappelé la position de certaines organisations syndicales favorables à ce type de représentations, comme l’UPA qui s’est montré favorable, au cours des auditions, à la mise en place des commissions. C’est sur la base de ces éléments que nous avons considéré qu’il relevait de notre mission de législateur de proposer le texte tel qu’il est aujourd’hui. Je ne vous cache pas que j’aurais préféré qu’il y ait une conclusion positive aux négociations menées. Cela n’a pas été le cas, et nous prenons nos responsabilités dans ce cadre.
Par ailleurs, il y a des champs professionnels qui considèrent, depuis plusieurs années, qu’ils pouvaient créer leur propre commission régionale. Notre intention est de ne pas détruire ce qui fonctionne…
…et de les laisser en place, parce que leur bilan est positif. Cela plaide en faveur de notre position, qui vise à développer ces commissions dans d’autres secteurs. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces deux amendements.
Je suis également défavorable à ces amendements. L’article 1er prévoit déjà que les CPRI ne représentent que les salariés des employeurs des TPE qui sont présentes dans les branches n’ayant pas mis en place des commissions régionales professionnelles. Tout ne peut pas être renvoyé à l’accord, et la loi prévoit des garanties pour respecter le principe d’égalité entre les salariés.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, il ne faudrait pas repousser ces amendements aussi rapidement. En effet, il existe un précédent, mes chers collègues. Ceux qui ont suivi l’examen du texte sur la réforme des retraites à propos de la pénibilité le connaissent très bien. Certains d’entre nous avaient proposé au Gouvernement que, malgré l’absence d’accord entre les partenaires sociaux, les branches professionnelles puissent avoir la capacité de trouver un accord pendant dix-huit mois ou deux ans, délai au terme duquel la loi proposée par le Gouvernement s’appliquerait. Ces amendements avaient été repoussés à l’époque par le Gouvernement et le rapporteur.
Le Premier ministre a dit cet après-midi quelque chose qui se rapproche beaucoup de la logique que nous avions à l’époque défendue dans cet amendement, qui confiait très naturellement – car il n’y a pas d’autre voie possible – aux branches professionnelles le soin de piloter la démarche de constitution de l’intégration des droits de pénibilité dans les contrats et les parcours individuels. La proposition de nos collègues Tardy et Tian – que je soutiendrai – de laisser cette part aux branches est à mon sens une excellente manière de faire. Il est dommage que vous vous priviez dès maintenant d’une solution qui vous permettrait de sortir de l’embarras dans lequel ce texte ne manquera pas de tomber.
Je rappelle que les intermittents du spectacle relèvent d’un accord de branche indépendant de ce qui se passe ailleurs, puisqu’il déroge aux accords interprofessionnels. En commission, plusieurs intervenants, à commencer par notre collègue Jean-Patrick Gille, ont fait remarquer qu’il serait souhaitable que l’interpro ne modifie pas l’accord de branche fixé. Mais nous ne sommes pas ici, avec ces amendements, dans une inversion de la hiérarchie des normes, puisqu’il est proposé que les branches soient considérées comme supérieures aux commissions paritaires. J’y suis assez favorable, d’autant plus qu’un certain nombre de dispositions sont propres aux entreprises de moins de onze salariés dans le code du travail, notamment s’agissant du licenciement.
Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi sur le dialogue social et l’emploi.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 27 mai 2015, à une heure.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly