Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 26 mai 2015 à 21h30
Dialogue social et emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Sandrine Mazetier vous a présenté les amendements très productifs qui ont été déposés dans le cadre des travaux de la délégation aux droits des femmes et je veux saluer ici son travail en co-production avec vous-même, monsieur le ministre, les cabinets des ministères et le rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les points qu’elle a présentés et défendus.

L’égalité femmes-hommes est sans conteste un marqueur des gouvernements qui se succèdent depuis 2012. Nous en sommes fiers et voulons conserver ce marqueur. Aussi ne traiterai-je que d’un sujet, auquel nous sommes très attachés : l’égalité professionnelle et les lois qui ont permis des avancées en la matière.

Notre délégation a une conviction : l’égalité professionnelle est une question de justice, une base de notre République, mais aussi un facteur de développement, de croissance et de compétitivité pour les entreprises.

Aujourd’hui, en France, la journée de l’égalité salariale est fixée au 7 avril. Pourquoi cette date ? Parce que trois mois, c’est le temps durant lequel les femmes travaillent gratuitement pour toucher le même salaire que les hommes. Il leur faut travailler soixante-dix-sept jours de plus que les hommes pour percevoir un salaire équivalent ! Actuellement, le salaire mensuel des hommes est en moyenne de 2 440 euros et celui les femmes de 1 890 euros. À emploi égal et qualification égale, il subsiste 10 % de différence de salaire, ce qui n’est pas justifiable.

Les femmes sont surreprésentées dans douze domaines d’activité sur les quatre-vingt-sept les moins bien rémunérés.

Je rappelle aussi qu’elles représentent 80 % des emplois à temps partiels et que leurs carrières se déroulent de manière moins favorable : interruptions liées à la maternité, moindre disponibilité – réelle ou supposée par les directeurs des ressources humaines.

Ce sont les « facteurs silencieux », utilisés pour ne pas leur offrir une promotion ou des responsabilités, dénoncés par Rachel Silvera dans son ouvrage Un quart en moins, ou encore le manque de perception des inégalités professionnelles, qui fragilise les femmes et les maintient dans des situations d’inégalité. Selon un très récent sondage de l’IFOP, 80 % des cadres considèrent qu’il n’y a pas de problèmes d’inégalité salariale dans les entreprises.

Le dialogue social, la confiance accordée aux partenaires sociaux sont indispensables à la lutte contre ces inégalités. Mais la loi est un bouclier nécessaire. Aussi, dès son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée, la délégation aux droits des femmes a demandé à la commission des affaires sociales d’être saisie de ce projet de loi, et je remercie la présidente Catherine Lemorton d’avoir bien voulu accepter.

Car depuis quarante ans, c’est par la loi que l’égalité professionnelle s’est imposée aux entreprises.

En 1983, la loi Roudy consacre le principe de l’égalité professionnelle dans les entreprises en prévoyant la mise en place d’un rapport écrit sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise. Mme Roudy vous l’a rappelé récemment, monsieur le ministre...

En 2001, la loi Génisson introduit en droit l’obligation d’ouvrir des négociations dédiées spécifiquement à l’égalité professionnelle, tant au niveau des branches que des entreprises.

En 2006, la loi Ameline fixe l’objectif de suppression des écarts de rémunération.

En 2010, la loi sur les retraites instaure une sanction financière pour non-respect des obligations en matière d’égalité professionnelle, mais il faudra attendre le décret, pris fin 2012, pour qu’elle soit opérationnelle.

Enfin, après celle de 2013, la loi Vallaud-Belkacem sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes vient de renforcer le cadre fixé pour l’égalité professionnelle en renforçant l’obligation du rapport de situation comparée.

Oui, c’est par la loi que l’égalité professionnelle avance. Des lois qui incitent, qui sanctionnent, qui fixent des objectifs d’amélioration. En bref, des lois explicites.

Sans la loi, nous n’en serions pas, fin 2014, à plus de 5 300 accords et plans d’actions sur l’égalité entre les femmes et les hommes déposés par les entreprises, ce qui représente 36 % des entreprises de plus de 50 salariés, contre 11 % l’année précédente.

Sans la loi, nous n’aurions pas 1 356 entreprises mises en demeure, dont 45 ont été sanctionnées. L’une d’elles, une entreprise de 150 salariés, affichait un écart salarial de 500 euros sans chercher à y remédier : elle a été sanctionnée.

Sans la loi, les entreprises de plus de 50 salariés pourraient toujours candidater à la commande publique sans respecter les obligations légales en matière d’égalité professionnelle.

Mais c’est aussi, en 2013, la loi relative à la sécurisation de l’emploi qui a fixé un minimum de vingt-quatre heures pour les temps partiels. Nous avons fixé ce seuil ici même, alors que les partenaires sociaux ne l’avaient pas fait. Nous en avons été félicités.

La même loi prévoit des dérogations par accord de branche. Je constate à ce jour que dans les emplois majoritairement féminins d’importantes dérogations ont été acceptées, allant jusqu’à des temps partiels de deux heures par semaine. Je reconnais que parfois l’application de la loi ne me donne pas entière satisfaction…

La simplification du dialogue social est une nécessité, nul ne le conteste, mais elle ne peut brider l’avancée de l’égalité professionnelle. Vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre, déposé un amendement visant à préciser les mécanismes encadrant les négociations en entreprise et l’avenir du rapport de situation comparée. Ce rapport, pour mémoire, oblige les entreprises à réaliser un diagnostic, à établir un plan d’actions et à négocier un accord. Nous y sommes très attachés et nous comprenons l’émotion que suscite l’éventualité de sa suppression.

Les amendements déposés par Sandrine Mazetier conservent toutes les fonctions du rapport de situation comparée sous une forme sécurisée ainsi que les outils de l’égalité professionnelle, ce dont nous nous félicitons. La forme change mais notre détermination reste la même ! Faire confiance à la démocratie sociale n’est pas incompatible avec la définition d’objectifs précis par l’État régulateur. En 2015, réaliser l’égalité dans le monde du travail consiste toujours à renforcer l’égalité réelle. Le renforcement des objectifs de parité dans les instances représentatives devrait aussi favoriser une telle progression. En matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la loi est un outil majeur et en la matière tout particulièrement, tout va mieux en le disant et en l’écrivant. Vous pouvez compter sans défaut, monsieur le ministre, sur la délégation aux droits des femmes qui continuera sans relâche à vous alerter et améliorer toute loi relative à l’égalité entre les femmes et les hommes. « Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes », disait Simone de Beauvoir !

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