Quelques réflexions dans le prolongement de ce que vient de dire Thierry Mariani.
J'ai quelques liens avec les souffrances subies pendant la guerre. Je soutiens l'idée d'une réparation et le décret de 2000 avait à mes yeux déjà bien tardé. Je soutiens également le besoin de la France d'ouvrir les yeux sur ce passé tout comme l'idée d'indemniser ceux qui ont souffert à cause de l'Etat de Vichy. Le discours du président Chirac tout comme celui de François Fillon sur ce thème m'ont paru plus que nécessaire.
Cela dit, la reconnaissance par la République des crimes commis par l'Etat de Vichy n'a rien à voir monsieur le rapporteur, madame la présidente, et je veux le dire tout à fait solennellement, avec la reconnaissance dans un traité international passé avec un allié de l'idée que nous devons réparation sous la forme d'un transfert de fonds à un autre gouvernement. Gouvernement qui nous considérait jusqu'ici comme vainqueur co-allié et qui aujourd'hui nous met au même niveau que l'Allemagne en termes d'Etat coupable donc responsable.
Il y a un problème de droit et un problème politique fondamental dans cet accord qui me choque profondément. Je peux admettre que la République française reconnaisse les crimes de Vichy et qu'elle indemnise les citoyens français qui ont pu en être victimes. Mais, je n'imagine pas que la République française puisse être considérée comme débiteur co-responsable des crimes et doive donc donner réparation au gouvernement américain qui fera d'ailleurs ce qu'il veut de ces fonds. La République française a été sortie par le général de Gaulle de la Seconde Guerre mondiale comme Etat vainqueur. Elle s'est retrouvée assise à la table des vainqueurs et est devenue membre du Conseil permanent du Conseil de sécurité à ce titre. Ce n'est pas l'Allemagne qui est membre du Conseil permanent, c'est la France.
Tel que l'accord est rédigé, on comprend bien la prudence de la direction juridique du Quai qui écrit « solde de tout compte ». Vous avez utilisé monsieur le rapporteur le terme d'accord amiable, c'est hallucinant. Nous versons une somme en disant voilà le solde de tout compte, que c'est désormais la responsabilité des Américains qui distribuent à qui ils le veulent qu'ils soient descendants des victimes de la Shoah, transportés ou arrêtés par les autorités françaises.
Je ne voterai pas ce texte et je dirai que c'est un scandale sur le plan des principes. Je suis gaulliste, je suis républicain et je ne peux pas admettre que dans un accord international, notre République d'aujourd'hui soit considérée comme un Etat vaincu et donc responsable de la Shoah. C'est l'Etat de Vichy qui a collaboré, pas le général de Gaulle, pas les communistes, pas ceux qui se sont battus. C'est inacceptable, inacceptable !
Je ne sais pas comment le Quai d'Orsay a pu être autorisé à signer un accord de ce genre. Autant je peux imaginer en tant que juriste, j'ai fait des études de droit aux Etats-Unis, qu'on puisse poursuivre la SNCF, ce qui a été fait, pour des dommages et cela même à travers des actions collectives. Je peux imaginer que la SNCF paye et que le gouvernement accorde une garantie. Je peux imaginer ce cas de figure, même une action menée par un descendant d'un citoyen français devant un tribunal administratif ou pénal français afin de poursuivre la police nationale en tant que complice à l'époque du gouvernement de Vichy. Mais, que la République française d'aujourd'hui soit considérée comme cela, alors que nous célébrons aujourd'hui même les résistants, c'est totalement surréaliste. Nous avons un président de la République qui célèbre la Résistance et dont le gouvernement veut faire ratifier un texte qui est exactement contraire à ce que la République veut dire. Je ne comprends pas que l'on signe des choses pareilles. Honnêtement, je suis très en colère. Il y a un problème de droit et un problème de fond qui est politique. Il s'agit d'une contre-vérité historique que nous écrivons dans un texte international.
Je suis profondément choqué, halluciné par ce texte qui est contraire à toute l'idée que je me fais de la République. Je pense que c'est le cas de beaucoup d'entre nous. Je souhaiterais que la commission affirme son soutien au principe de réparation mais pas de cette manière, pas comme ça.