Intervention de éric Fournier

Réunion du 19 mai 2015 à 17h00
Commission des affaires étrangères

éric Fournier, directeur de l'Europe continentale, sur le processus de révision de la politique européenne de voisinage :

Sur le long terme, la France a , proposé dès le début de la pésidence française de l'Union européenne en juillet 2008, un accord d'association avec l'Ukraine, dans la perspective de la nouvelle Ukraine qui se dessinait. Cela étant, les systèmes demeurent très éloignés, sur le plan politiques, institutionnels, sociaux, et on ne peut pas aller beaucoup plus vite. En fait, tout se passe comme si l'Ukraine s'était rendu compte de la chute de l'URSS il y a un mois, avec 25 ans de retard. C'est la même chose en Géorgie, où l'on se pose encore la question de savoir s'il faut ou non éliminer les statues de Staline, 60 ans après sa mort. Ce rythme lent impose de travailler sur le long terme, c'est fondamental et on ne peut pas proposer l'intégration tout de suite. De la même façon que l'UE est une construction encore en cours, où les traités sont révisés régulièrement, il faut avoir conscience qu'à l'est, c'est la même chose et que le système est encore en construction.

Il faut donc changer de perspective et voir comment les voisins de nos voisins perçoivent le partenariat oriental. La Russie le perçoit comme conçu contre elle et contre sa zone d'influence, et elle lutte contre ce qu'elle soupçonne être une visée cachée : l'élargissement de l'OTAN et de l'UE vers l'est. Depuis 2007, la Russie lance des alertes, sur la base de trois arguments : il s'agit d'une attaque contre les normes et valeurs russes, contre l'influence russe ; sur le plan économique et commercial, elle y voit une volonté de s'accaparer les marchés traditionnels russes. S'agissant de la politique étrangère et de sécurité, le partenariat est vu comme l'antichambre de l'OTAN. En d'autres termes, c'est une menée séparatiste contre ce que de son côté elle essaie de construite avec ses partenaires, comme par exemple le projet de partenariat eurasiatique lancé par le président Nazarbaeiev. La Russie a des alliés sûrs sur ces questions de partenariats, et s'appuie sur des franges de populations, en Ukraine, en Géorgie (les Abkhazes, les Ossètes et autre minorités), ou encore en Moldavie, où elle a l'appui des Gagaouzes qui ont élu une femme, acquise à Moscou. L'Arménie a finalement renoncé à son accord d'association avec l'UE.

L'Azerbaïdjan n'est pas une priorité de l'Union européenne, et la Russie joue sur la menace directe, vis-à-vis de l'Arménie, et joue sur les deux tableaux, les paralyse tous deux en faisant monter les enchères. La Biélorussie est le seul État qui n'est pas affecté par un conflit. C'est un pays très grand, très peuplé, qui joue un jeu ambigu vis-à-vis de Moscou : le président Loukachenko n'était pas à Moscou le 9 mai, et le 24 avril, il n'était pas à Erevan mais en Géorgie. Il joue sa partition très habilement, et sa diplomatie est très construite ; il a soutenu Porochenko dès le début, depuis Maïdan, et n'a pas soutenu la Russie sur l'annexion de la Crimée.

Tout cela pour dire que rien n'est simple, qu'il y a de grandes complexités et qu'il faut en conséquence être modeste dans un espace où l'on a perdu beaucoup de temps suite à la chute de l'Union soviétique - les Etats-Unis étaient bien plus présents que nous – et où l'on n'avait pas de politique française définie, par exemple sur la Géorgie ou l'Azerbaïdjan avant 2008. Lorsque les Polonais, les Hongrois, les Bulgares, nous demandent de nous occuper de cette zone, cela nous pose quelques problèmes, alors que nous avons au contraire une stratégie sur notre sud établie depuis longtemps. Depuis, il y a eu 2008, le président s'est rendu en Ukraine et a beaucoup voyagé dans la région. Notre activité diplomatique monte en puissance et les critiques de certains Etats membres de l'UE sur notre désintérêt pour l'est ne sont plus fondées. Nous sommes engagés, nous avons désormais des programmes de soutien, des coopérations décentralisées, universitaires. Nous n'avons désormais plus à rougir de notre positionnement sur l'est.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion