Intervention de Jeannine Marty

Réunion du 13 mai 2015 à 15h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeannine Marty, de la CGT CCI Paris-Ile-de-France :

Je vous remercie de nous avoir invités, d'autant plus chaleureusement que la CGT, bien que syndicat représentatif au niveau national, a rarement le droit de parole en commission paritaire nationale. Notre syndicat est exclu, en outre, de tous les groupes de travail nationaux au sein du réseau consulaire.

J'insisterai sur les points les plus importants : les menaces pesant sur l'emploi au sein du réseau consulaire, la remise en cause de la légitimité et de la lisibilité de ce réseau, la difficulté qu'il y a à faire vivre le droit social consulaire et enfin, l'absence de démocratie syndicale au sein de ce même réseau.

Tout d'abord, depuis des mois, les menaces de licenciements se multiplient : CCI France en a annoncé 6 000 puis 7 000. Devant vous, Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris-Ile de France a annoncé plusieurs centaines de suppressions d'emplois potentielles au sein de la CCI de Paris. Ces licenciements contraints viennent s'ajouter aux plans de départs volontaires et aux mises à la retraite d'office. Pour les salariés, le chantage à l'emploi est incessant. Chaque réduction de la dotation fiscale se traduit sur le terrain par des menaces de licenciement. À chaque fois, les économies sont supportées par les agents du réseau et se traduisent par des suppressions d'emplois.

La mise en application de la loi de juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services a davantage épargné les prés carrés des présidents et les intérêts des CCI régionales et territoriales que permis de préserver la pérennité des emplois et missions du réseau. Peu de CCI ont entrepris de rationaliser leur train de vie. Nous vous alertons aujourd'hui solennellement quant à l'impact de la réorganisation actuelle du réseau sur ses salariés. Cette désorganisation est accentuée par le « plan emploi consulaire » (PEC), dont le volet relatif aux départs volontaires est mis en oeuvre au sein de certaines CCI en l'absence de vision stratégique. Si, pour les CCI, l'impact sur l'exécution des missions est réel, pour leurs salariés, cette désorganisation se traduit avant tout par des risques psychosociaux, du découragement, du stress et de la démotivation. Les comités d'hygiène et de sécurité enregistrent une forte augmentation de ces risques au sein des chambres.

Une véritable réflexion doit être conduite, tant sur le devenir du réseau et sur sa gouvernance que sur ses missions, afin de mettre un coup d'arrêt à la multiplication des licenciements contraints et des mutations forcées. Aujourd'hui, les emplois et la santé au travail des agents du réseau sont des variables d'ajustement. Pour la pérennité des missions du réseau, il est temps que ceux-ci soient préservés. Le législateur que vous êtes et le Gouvernement ont décidé de réduire les dotations fiscales des CCI. Il vous appartient également aujourd'hui de veiller à prévenir les conséquences de ces réductions sur nos agents et sur leurs emplois.

Le réseau consulaire connaît actuellement une véritable crise d'identité et de légitimité. Le caractère sui generis du réseau est fondé sur le fait que les CCI sont dirigées par des représentants élus par leurs entreprises et que le droit social consulaire est créé par une commission paritaire nationale. Pourtant, on enregistre depuis toujours une faible participation des chefs d'entreprise aux élections consulaires. En 2010, le taux de participation moyen national à ces élections a été de 17 %. Il semble donc que les entreprises ressortissantes aient du mal à s'impliquer dans la gouvernance du réseau.

La légitimité et la lisibilité des CCI pourraient être restaurées en élargissant leur gouvernance et en développant leurs missions de service public et d'intérêt collectif au plus près des territoires et des entreprises. Lorsque nous avons été auditionnés en 2010 dans le cadre de la discussion de la loi précitée, nous avions exprimé le souhait que la gouvernance des CCI soit assurée par de véritables conseils d'administration où siègeraient, à côté des élus consulaires, des élus des collectivités territoriales et des représentants du personnel. Cet élargissement des sensibilités permettrait d'asseoir la transparence et la légitimité des décisions prises par le réseau. En effet, les CCI tendent à se dégager de plus en plus de leurs missions de service public et d'intérêt collectif pour devenir des cabinets de consultants vendant des services marchands – avec plus ou moins de succès, car elles ont des frais de structure relativement lourds, de sorte que les services proposés sont chers. Ancrer les CCI dans leur caractère d'établissements publics administratifs nous permet de garantir des missions d'appui, de conseil et de formation à destination de tous et sur tous les territoires.

Enfin, s'agissant du droit social consulaire, le principal problème vient du fait que les CCI ne sont soumises ni au code du travail ni à aucun des trois codes de la fonction publique. Notre droit social est très lacunaire, et se caractérise par des exceptions généralisées. J'en veux pour preuve le fait que notre statut et ses annexes font 200 pages seulement, contre 3 000 pages pour le code du travail. Notre statut a d'autant plus de mal à progresser que les commissions paritaires nationales tiennent le plus souvent d'une sorte de théâtre de boulevard : les délégations y travaillent à huis clos selon une culture du secret ; on y alterne blocages et travail dans l'urgence ; et lorsqu'on y aboutit à des accords, ceux-ci sont peu sécurisés juridiquement. À titre d'exemple, dans la plupart des CCI, le PEC ne connaît pas le succès escompté, tant du point de vue des CCI elles-mêmes que des agents.

Je terminerai par le manque de démocratie syndicale. Aujourd'hui, nous sommes un syndicat représentatif, avec 18 % d'audience. Pourtant, nous ne siégeons toujours pas en commission paritaire nationale. C'est le jeu de la répartition des sièges. Mais nous sommes également toujours exclus de toutes les négociations préalables : nous ne sommes donc pas destinataires des textes et ne participons à aucun groupe de travail national. Il conviendrait de restaurer la démocratie syndicale dans l'esprit de la loi de 2010.

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