Intervention de Sa Majesté Felipe VI roi d’Espagne

Séance en hémicycle du 3 juin 2015 à 15h00
Réception de sa majesté le roi d'espagne

Sa Majesté Felipe VI roi d’Espagne :

« Je sais qui je suis », disait Cervantes par la bouche de Don Quichotte. Eh bien nous, Français et Espagnols, savons qui nous sommes et ce que nous serons demain, si nous nous le proposons.

Nous sommes les enfants de l’Europe, de la Méditerranée, vieux berceau de notre civilisation, et de l’Atlantique, toujours ouvert vers de nouveaux horizons.

Nous sommes les enfants de la raison et du refus de la déraison. Pourtant, nous savons aussi que l’exercice de la raison, s’il n’est pas guidé par les plus solides convictions morales, peut produire des effets contraires aux principes les plus fondamentaux.

Nous sommes les fils de la liberté que nos peuples ont su conquérir au fil de l’histoire, souvent au prix de sacrifices et de souffrances, mais aussi guidés par l’enthousiasme et l’espoir d’un avenir toujours meilleur.

Enfin, nous sommes, avant tout, héritiers et porteurs de deux traditions nationales sans lesquelles il est impossible de comprendre l’histoire universelle.

Nous, français et espagnols, avons contribué à créer et à instaurer de nouveaux mondes avec des nations soeurs dont nous partageons la langue et la culture. Ces familles de nations, dont nous sommes fiers et dont nous faisons partie, ont les mêmes idéaux et les mêmes aspirations : une liberté modérée par la justice, un progrès compatible avec l’équité et un savoir tempéré par la sagesse.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en tant qu’ami et admirateur de votre pays, je tiens à vous dire que sans la France, il n’y a pas d’Europe. Sans une France sûre d’elle-même, fidèle à ses valeurs et déterminée à les défendre, l’Europe et le monde perdraient une référence très précieuse, une référence fondamentale.

Voilà pourquoi nous voulons plus de France.

Pour nous rappeler que la liberté, la fraternité et l’égalité ne sont pas une évidence, mais que nous devons lutter chaque jour pour les préserver et que jamais nous ne devons les considérer comme définitivement acquises.

Pour nous rappeler qu’il ne suffit pas de déclarer le respect des droits de l’homme et l’exercice de la démocratie, mais que leur pérennité exige un modèle d’équilibre entre les pouvoirs et une vigilance sans fin de la part des institutions publiques et des citoyens.

Nous voulons plus de France pour nous rappeler que l’exercice de la raison critique est le meilleur garde-fou contre les totalitarismes, quels qu’ils soient.

Monsieur le président, j’ai évoqué combien l’Europe et le monde avaient besoin de la France. Maintenant, en tant que chef d’État d’une nation voisine et alliée, je tiens à ajouter qu’il convient de développer plus encore l’entente entre nos deux pays et le lien déjà très étroit qui les unit.

Il est nécessaire de le rappeler, surtout pour les nouvelles générations et pour ceux qui, en proie aux doutes ou au désespoir, ignorent les avancées accomplies sur le chemin de l’intégration européenne : une Europe unie est une condition nécessaire au progrès et au bien-être de nos sociétés, qui nous permettra de surmonter et d’éviter le déclin, la faiblesse, le morcellement, voire la confrontation, qui, en d’autres temps, ont conduit nos peuples à écrire les pages les plus sombres de l’histoire européenne.

Nous les Espagnols sommes particulièrement conscients de la valeur d’une Europe de plus en plus unie, démocratique et prospère. Il y a trente ans, au mois de juin précisément, l’Espagne signait le traité d’adhésion aux Communautés européennes.

Pendant tout ce temps, la France et l’Espagne ont avancé ensemble sur toutes les grandes questions, partageant une même vision de l’avenir de l’Union et un même engagement pour faire progresser les idéaux européens. Tous les membres de cette assemblée savent bien que l’Espagne a été et reste un solide allié de la France dans cette entreprise commune, parce que désormais, Espagnols et Français, Français et Espagnols, nous sommes tous des compatriotes européens.

C’est également grâce à l’Europe que nos relations bilatérales ont atteint un niveau extrêmement élevé, dans des domaines aussi divers que l’économie, le commerce, la défense, la sécurité, l’éducation ou encore la culture.

Monsieur le président, ces dernières années, la prospérité européenne que nous avons connue a été ralentie par une crise économique qui a frappé très durement nos citoyens. L’Espagne, qui a renoué avec la croissance économique, lutte encore pour surmonter cette crise, en s’ouvrant sur le monde comme elle l’a déjà fait tant de fois tout au long de son histoire.

Voilà pourquoi nous ne devons faillir dans notre combat pour lutter contre le chômage et réduire les inégalités, et nous devons jeter les bases qui nous permettront de regarder l’avenir avec espoir et optimisme. Nous le devons surtout à nos jeunes qui, par leur dynamisme, leur énergie et leur courage pour se construire un avenir aux quatre coins de la planète, sont vraiment dignes de la plus grande admiration.

Mais la situation que traverse l’Europe aujourd’hui ne doit en aucun cas nous faire perdre de vue l’essence du projet européen et sa vocation à servir de modèle au reste du monde. L’Europe doit se réaffirmer et enseigner ses principes et ses valeurs. Nous n’avons pas à être complexés ni à avoir peur de le dire bien haut : l’Europe est porteuse d’un message universel, message que doivent défendre nos gouvernements et nos institutions à tout moment et en tout lieu, avec conviction et détermination.

Monsieur le président, dans le monde globalisé qui est le nôtre, les organisations multilatérales constituent une plate-forme essentielle à la réalisation de ce noble dessein. Pour ce faire, l’Espagne occupe, depuis janvier dernier, un siège en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies grâce, entre autres, au vote de confiance de pays amis comme la France. La France sait qu’elle peut compter sur un allié et un partenaire privilégié dans cette enceinte.

Les faits parlent d’eux-mêmes et montrent clairement l’engagement de nos deux pays pour atteindre ce noble objectif qu’est la paix mondiale. Des soldats français et espagnols participent coude à coude à des opérations de maintien de la paix dans des théâtres variés et lointains. Je tiens donc ici à rendre hommage à nos forces armées respectives pour leur engagement et leur excellent travail.

1 commentaire :

Le 04/06/2015 à 09:11, laïc a dit :

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"l’engagement de nos deux pays pour atteindre ce noble objectif qu’est la paix mondiale."

J'espère que, bien que venant d'un roi, le mot "noble' n'a pas de connotation aristocratique... Car la paix est affaire de toutes et tous, quelle que soit sa condition à sa naissance.

Sinon on apprécie le discours du roi pour son engagement déclaré en faveur des droits de l'homme et du citoyen, et pour la séparation des pouvoirs, notion toute théorique en France...

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