Intervention de Michèle Bonneton

Séance en hémicycle du 3 juin 2015 à 15h00
Débat sur l'évaluation du soutien public aux exportations

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Bonneton :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la France peine à l’exportation. C’est un constat que l’on peut qualifier de récurrent. Après un redressement remarqué à la fin des années 1980 et au tout début des années 2000, les bilans plus récents montrent un déficit important. La baisse de l’euro face au dollar, ainsi que le coût des matières premières, devrait redonner un peu d’air à nos exportations.

On constate une hausse du nombre d’entreprises exportatrices depuis 2011, qui s’établit à plus de 130 000. La priorité donnée au soutien à l’économie a conduit notre pays à mener une politique étrangère qui s’est traduite par la consécration de la notion de « diplomatie économique ». Les représentations de la France ont désormais comme priorité de promouvoir les entreprises françaises pour leur ouvrir de nouveaux marchés. Cette diplomatie est très importante et le cas de la Russie, a contrario, l’illustre. Cependant, les impératifs commerciaux ne doivent pas nous faire oublier les valeurs de la France.

Pour atteindre les objectifs ambitieux de notre pays en matière de commerce extérieur ont été mis en place de nouveaux dispositifs, comme la fédération des entreprises exportatrices, autour de pays ciblés et de filières stratégiques dans différents domaines, tels que ville durable, santé, agroalimentaire, communication, industries culturelles et créatives, ou encore tourisme.

Les services d’accompagnement à l’étranger ont été réorientés, mais on a aussi cherché à améliorer l’image de la France. Un comité stratégique à l’export de la nouvelle agence Business France a été créé en mars 2015 par la fusion de l’Agence française pour les investissements internationaux et d’Ubifrance. Ce comité propose une offre de financement dédiée à l’export pour les PME, par l’intermédiaire de la banque publique d’investissement, et 600 millions d’euros sont dédiés aux prêts pour le développement à l’export. La création d’une banque de l’export a en outre été annoncée. On peut espérer que ces mesures porteront leurs fruits à moyen terme.

Par ailleurs, il faut bien constater que les politiques intérieures de recherche de compétitivité ne sont pas toujours très convaincantes. C’est notamment le cas du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui n’est soumis à aucune conditionnalité. Dès la présentation de ce dispositif, les écologistes se sont prononcés pour que cette aide aille aux entreprises exportatrices, plus particulièrement aux PME exportatrices. De plus, pour les écologistes, la promotion à l’export de l’ingénierie et des technologies françaises ne doit pas se faire au mépris de la lutte contre le changement climatique et de la transition écologique, sources d’innovations qui constituent de vraies opportunités.

Cette promotion ne doit pas se faire non plus au mépris des intérêts souverains de la France. Par exemple, la promotion à l’export des centrales nucléaires est contraire à l’objectif de réduction de ce type d’énergie et au développement d’une véritable filière française des énergies renouvelables. De même, le récent contrat de vente de Rafale au Qatar se fera au détriment des intérêts d’Air France, puisque le Qatar a obtenu des droits de trafic supplémentaire vers la France pour sa compagnie aérienne.

Quant au projet TTIP – Transatlantic Trade and Investment Partnership – ou TAFTA – Transatlantic Free Trade Agreement – cet accord bilatéral entre l’Union européenne et les États-Unis négocié en quasi secret, essentiellement entre de puissants intérêts privés, on peut craindre qu’il soit taillé pour bénéficier aux grandes entreprises qui ont pris part aux négociations, au détriment des PME-TPE. De plus, certaines entreprises exportent dans un grand nombre de pays, et pas seulement en Amérique du Nord. Plutôt que de conclure des accords bilatéraux de type TTIP ou CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement – ne serait-il pas nécessaire de développer, de préférence, des accords multilatéraux dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ?

D’autres points me paraissent devoir être évoqués, et vous voudrez bien excuser cet inventaire à la Prévert. La question des normes internationales, d’abord : la France n’est pas assez présente et pèse peu sur la définition de ces normes. Deuxièmement, nous n’exportons pas assez notre manière d’aborder le droit. Si les notaires le font relativement bien, les avocats, en revanche, parce qu’ils sont dispersés, semblent moins offensifs. Troisièmement, le commerce par internet facilite la vente de contrefaçons, et nos outils pour lutter contre cela ne semblent pas très adaptés. Quatrièmement, il est nécessaire de garder sur notre territoire de hauts savoir-faire : pour cela, nos entreprises ont besoin de stabilité législative et d’être encouragées à la relocalisation, par la formation et par une meilleure harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne, notamment.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, je dirai que nous avons à innover pour consolider nos exportations, tout en confortant nos valeurs, car celles-ci peuvent être très fécondes.

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