Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 3 juin 2015 à 15h00
Débat sur l'évaluation du soutien public aux exportations

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous remercions nos collègues du groupe de l’Union des démocrates et indépendants de nous permettre de débattre de l’évaluation du soutien public aux exportations.

Depuis 2012 et le renoncement de François Hollande à obtenir de nos partenaires européens des mesures fortes de relance de l’économie, notre pays a prolongé, voire accentué, la rigueur et la course à la compétitivité initiée par la majorité précédente. Dans un pays comme le nôtre, où le niveau de l’activité dépend d’abord de la demande intérieure, privilégier ainsi la baisse du coût du travail et le soutien aux exportations était, selon nous, une voie condamnée à l’échec.

De fait, cette politique n’a pas permis de relancer l’activité et l’emploi. Elle n’a pas non plus permis d’améliorer sensiblement notre balance commerciale. Malgré les largesses fiscales dont ont bénéficié les entreprises dans le cadre du pacte pour la croissance et l’activité, et la nouvelle baisse du coût du travail intervenue le 1er janvier avec l’entrée en vigueur d’allégements de cotisations patronales et le passage de 4 % à 6 % du taux du C1CE, les exportations ont reculé de 0,9 % au premier trimestre 2015. En 2014, les exportations avaient certes augmenté de 2,4 %, mais cette progression est inférieure à celle du commerce mondial qui, selon l’Organisation mondiale du commerce, a été de 2,8 %. La France a donc encore perdu des parts de marché l’année dernière.

L’absence de résultats de la politique conduite depuis trois ans tient, selon nous, à une grave erreur de diagnostic. Ce n’est pas le coût du travail, ou les prétendues rigidités de notre code du travail, qui pénalise nos entreprises à l’exportation, mais la structure même de notre appareil productif, et sa financiarisation. La France ne compte que 121 000 entreprises exportatrices, quand l’Allemagne en compte trois fois plus. Les exportations françaises sont par ailleurs concentrées sur un nombre de plus en plus restreint d’entreprises.

Dans un rapport récent, les douanes faisaient le constat qu’au cours des dix dernières années, le poids des groupes dans les échanges de la France s’était encore accru, S’ils représentent toujours environ la moitié des exportateurs, ils réalisent désormais 99 % des exportations, contre 96,5 % en 2004. En clair, la quasi-totalité des entreprises qui exportent sont détenues à plus de 50 % par un groupe. C’est dire quelles sont les difficultés de nos PME pour se développer à l’international.

Selon cette même étude, les secteurs dans lesquels les exportations sont les plus concentrées sont ceux qui exigent l’atteinte d’une taille critique pour bénéficier d’économies d’échelle. Ainsi, sans surprise, parmi ces secteurs, on retrouve l’aéronautique et l’automobile, mais aussi la raffinerie ou la pharmacie. Le constat de cette concentration souligne l’inadaptation de nos dispositifs de soutien public à l’exportation. À nos yeux, la principale difficulté tient cependant à ce que l’État n’assume plus le rôle de catalyseur du financement de l’investissement.

Le renforcement du rôle de Bpifrance, le bras financier de l’État, va certes dans le bon sens. Mais l’augmentation de la capacité des prêts dits de développement, passant de 6 à 8 milliards, ne sera pas en mesure d’engager un soutien de l’investissement d’envergure, encore moins d’être le levier d’une véritable politique industrielle, qui seule permettrait de renforcer la position de nos entreprises, notamment des PME, à l’export.

Nous avons pour notre part la conviction qu’il faut mettre fin aux largesses fiscales consenties ces dernières années par l’intermédiaire de dispositifs tels que le crédit d’impôt recherche ou le CICE. Ces dispositifs mal ciblés, voire sans critères d’attribution, sont générateurs d’effets d’aubaines et représentent un formidable gaspillage d’argent public.

Ces sommes colossales seraient à nos yeux mieux utilisées si elles venaient abonder une vraie grande banque publique d’investissement, capable d’octroyer aux entreprises des prêts sélectifs à taux zéro sur des projets et des objectifs de développement, d’innovation et d’emploi, en adéquation avec leur responsabilité sociale et environnementale et en lien avec les fonds d’investissement régionaux et les politiques régionales.

Il faut à tout le moins, pensons-nous, réhabiliter des dispositifs d’aide directe, afin de redonner à l’État les moyens de conduire une politique économique cohérente, dans le souci de l’intérêt général et du bon usage des deniers publics.

Pour conclure, je formulerai une dernière exigence : celle de sortir de la course au moins-disant fiscal et social qui conduit l’Europe à l’abîme. Pour notre pays, la priorité doit consister, non pas à garder l’oeil vissé sur le déficit commercial, mais à conforter nos atouts : notre modèle social, la qualité de nos services publics, la qualité de nos infrastructures, notre tissu de PME, le niveau de qualification de ses salariés. Ils demeurent en effet les facteurs fondamentaux de notre prospérité économique et conditionnent la réussite des politiques publiques de soutien aux exportations.

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