Intervention de Matthias Fekl

Séance en hémicycle du 3 juin 2015 à 15h00
Débat sur l'évaluation du soutien public aux exportations

Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger :

Je veux tout d’abord saluer la qualité de votre travail : les trente-deux recommandations que vous formulez sont un outil précieux pour notre action, pour notre diplomatie économique voulue par Laurent Fabius et mise en oeuvre par le Gouvernement. Il me semble tout à fait opportun d’en débattre avec vous, et je suis heureux de pouvoir le faire aujourd’hui.

Le diagnostic a été dressé. Notre déficit commercial persiste : il est très important, même si nous constatons une amélioration notable depuis 2011. En 2014, ce déficit s’établit à environ 54 milliards d’euros, soit 30 % de moins qu’en 2011. Mais il ne doit pas y avoir d’ambiguïté sur ce diagnostic : ce redressement est principalement dû à l’allégement de notre facture énergétique.

Vous avez été nombreux à évoquer l’indicateur de la part de marché. Selon les chiffres du Fonds monétaire international, la part de marché de la France dans le commerce international s’est stabilisée, depuis mi-2011, à 3,1 %.

Depuis 2012, en même temps qu’une action de fond pour réorienter l’Europe vers l’investissement et les politiques de croissance, le Gouvernement a engagé des chantiers majeurs pour redresser la compétitivité des entreprises françaises. Ces réformes concernent l’ensemble de notre tissu productif. Elles visent à renforcer tant la compétitivité prix, avec le pacte de responsabilité et le crédit d’impôt compétitivité emploi, que la compétitivité hors prix, en stimulant l’innovation.

Plusieurs orateurs ont cité le rapport récent du Conseil d’analyse économique sur le CICE. Ce dernier souligne la nécessité d’études complémentaires pour préciser les choses. Il sera donc un outil utile pour contribuer à l’évaluation du CICE, sans qu’il faille à ce stade en tirer de conclusions hâtives.

Ce travail de fond sur la compétitivité est indispensable pour soutenir notre commerce extérieur. Mais nous devons aussi nous attaquer aux faiblesses structurelles de notre tissu économique.

Si la France peut s’enorgueillir d’être en pointe dans certains secteurs et de disposer de groupes fortement présents à l’international, l’internationalisation de notre économie, en particulier de nos petites et moyennes entreprises, est aujourd’hui encore insuffisante par rapport à nos principaux concurrents et partenaires. Nos exportations sont trop concentrées – 1 000 entreprises assurent 70 % de leur volume – et pas assez inscrites dans la durée : sur dix primo-exportateurs, seuls trois sont toujours présents un an après leur lancement à l’export, et un seul l’est au bout de trois ans. Enfin, nous n’avons pas assez de PME et d’ETI exportatrices. La France compte 121 000 entreprises exportatrices de biens en 2014 : ce chiffre est stable par rapport à l’année précédente et correspond au nombre d’entreprises exportatrices françaises avant la crise. Mais l’Italie en compte deux fois plus, et l’Allemagne trois fois plus.

Le nombre d’entreprises françaises de taille intermédiaire est également insuffisant. Si l’Allemagne compte environ 12 000 ETI exportatrices au sein du Mittelstand, la France n’en compte aujourd’hui que 4 000. L’émergence d’ETI passe par une politique forte en faveur de l’innovation, par une stratégie de développement à l’international et par des mesures de simplification, que le Gouvernement a engagées. Des dispositions législatives en ce sens ont encore été votées ces derniers jours à l’Assemblée nationale.

C’est pourquoi l’action du Gouvernement vise à mettre les PME au coeur de notre dispositif de soutien et d’accompagnement à l’export, dans le cadre de notre diplomatie économique, définie par Laurent Fabius, qui a conduit de manière très innovante et offensive à regrouper les outils de l’action extérieure de l’État au sein du ministère des affaires étrangères. Les retours que nous avons à ce sujet de la part des acteurs du monde de l’économie sont bons, et même très bons : cette réorganisation est appréciée.

Cette action s’inscrit dans le long terme et s’appuie sur une stratégie nationale que vous connaissez. Nous incitons nos entreprises, notamment nos PME, à se regrouper en familles prioritaires à l’export, définies par l’une de mes prédécesseurs, Mme Bricq, et qui correspondent à des secteurs prioritaires. Sur le terrain, des clubs sectoriels sont mis en place, par exemple autour de la santé en Chine, ou sur les questions agroalimentaires aux États-Unis – on pourrait multiplier les exemples. S’agissant des énergies renouvelables, sur lesquelles vous m’avez interrogé, Laurent Fabius et moi-même venons de nommer un fédérateur, M. Ballandras, pour structurer ces filières et les aider à se projeter à l’export et à l’international. Par ailleurs, 1 000 ETI de croissance ayant le potentiel de devenir de futurs champions font l’objet d’un accompagnement spécifique.

Au regard de ces éléments de cadrage, je souhaite insister sur deux sujets majeurs soulevés dans le rapport de MM. Fromantin et Prat, ainsi que dans de nombreuses interventions.

Tout d’abord, vous relevez à juste titre l’importance pour nos entreprises de bénéficier d’un soutien financier public qui leur permette de jouer à armes égales avec leurs concurrents. Sur ce sujet, des réformes sans précédent ont été engagées par le Gouvernement depuis 2012.

On sait à quel point il est difficile de se lancer pour la première fois à l’international. C’est pourquoi le Gouvernement a renforcé, en 2012, le soutien aux primo-exportateurs dans l’étape stratégique qu’est la prospection. Leurs dépenses en la matière sont ainsi indemnisées dans le cadre de l’assurance prospection premiers pas, l’A3P.

Pour encourager nos PME, Bpifrance a mis en place, au début de cette année, une offre de crédits à l’export, pour de petits et moyens montants.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé en février dernier la création d’un nouveau mécanisme de financement pour nos exportateurs sur leurs grands contrats. Ce mécanisme permet de baisser le coût des crédits consentis par des banques privées à des clients d’entreprises exportatrices françaises, renforçant ainsi la compétitivité de l’offre de notre pays. Pour ce faire, nous nous inspirons aussi de dispositions qui existent parfois de longue date ailleurs dans le monde.

En définitive, notre dispositif de soutien au financement est très complet et répond aux principales préoccupations de nos exportateurs.

Concernant l’aide liée, qui a été évoquée, une convention vient d’être signée, sous l’égide du ministère des affaires étrangères et du développement international, entre Business France et l’Agence française de développement, dans le respect des règles de l’OCDE, afin de rapprocher et de renforcer la connaissance mutuelle des différents intervenants.

Le second sujet concerne les régions et les collectivités territoriales. Le travail sur le terrain a souvent été évoqué dans vos interventions. La question de l’articulation entre l’État et les régions est cruciale, notamment dans le contexte de la réforme territoriale et de la création des grandes régions.

Les régions connaissent avec précision le tissu industriel de leur territoire. À ce jour, vingt et une d’entre elles ont mis en place un plan régional d’internationalisation des entreprises – PRIE –, lequel a vocation à organiser la gouvernance régionale autour d’un dispositif de soutien à l’exportation.

Avec ces acteurs majeurs, il faut que l’État et ses partenaires travaillent en étroite coopération. Je souhaite ainsi que l’État et ses opérateurs puissent être étroitement associés aux PRIE. C’est tout le sens de la diplomatie économique au service de l’accompagnement de nos entreprises à l’international.

C’est également le sens de la session inaugurale du comité économique de la Commission nationale de la coopération décentralisée, que j’ai présidée lundi dernier. Ce comité a pour objectif de mieux coordonner les actions de l’État et des collectivités locales afin de renforcer, au bénéfice de nos entreprises, les retombées économiques des actions de coopération décentralisée, qui sont très importantes sur le terrain.

Par ailleurs, plusieurs régions ont fait de Business France leur opérateur de référence dans l’accompagnement de leurs entreprises à l’international. Business France n’est pas simplement un nouveau nom : cette agence est issue de la fusion de deux opérateurs, Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux, voulue par le Président de la République lors du conseil stratégique de l’attractivité de février 2014 et réalisée moins d’un an plus tard, le 1er janvier 2015. D’autres rapprochements doivent être étudiés en vue de donner au dispositif une cohérence maximale. Je m’attelle à construire un parcours cohérent à l’export, afin que les entreprises passent moins de temps à comprendre qui fait quoi, mais qu’elles puissent passer plus de temps sur leurs projets, leurs innovations et leur volonté de se lancer à l’international.

Les relations entre les régions et Business France prennent la forme de contrats exécutés dans le cadre d’appels d’offres ou de conventions de partenariat plus larges. Je sais que de nombreuses régions qui n’ont pas encore rejoint ce dispositif y réfléchissent.

Je veux enfin insister sur la nécessité absolue d’aider nos PME à l’international. C’est dans cet état d’esprit que j’ai organisé en mars dernier, au quai d’Orsay, le premier forum des PME à l’international, avec l’ensemble des acteurs publics et privés qui interviennent dans l’accompagnement des entreprises à l’international. Plus de 400 PME et ETI y ont participé. Elles se sont totalement impliquées dans la préparation de cet événement et dans la mise en oeuvre des décisions prises dans ce cadre. Ce forum est maintenant décliné dans chacune des treize futures grandes régions. J’ai d’ailleurs présidé le premier forum hier à Bordeaux. Il sera suivi d’événements organisés à Strasbourg, Nantes et Lyon. Ainsi, nous pourrons vérifier la mobilisation des acteurs sur le terrain, présenter les dispositifs, encourager les PME à se lancer et, surtout, leur donner tout ce qui est possible pour leur simplifier la vie et le travail au quotidien.

À l’issue d’une très large concertation avec les acteurs, un plan de quinze mesures visant à répondre aux besoins exprimés par les PME en matière d’accompagnement à l’international a été arrêté. Il s’agit notamment, pour les opérateurs, de proposer un parcours simplifié d’accompagnement à l’international à 3 000 entreprises supplémentaires d’ici 2017. C’est aussi la mise en place du guichet unique douanier d’ici la fin de cette année, la nomination de 150 référents PME au sein du réseau bénévole des conseillers du commerce extérieur de la France, et le développement, très ambitieux, des volontariats internationaux en entreprise, les VIE, dont le nombre passera de plus de 8 000 aujourd’hui à 10 000 à l’horizon 2017.

Afin d’assurer le suivi de ces mesures, j’ai installé le Conseil stratégique de l’export, qui rassemble tous les acteurs publics et privés de l’accompagnement. Je pilote et coordonne les travaux de cette enceinte. Nous travaillons actuellement sur les standards de qualité et l’évaluation des prestations offertes par les opérateurs, mais aussi sur l’amélioration de l’accès à l’information, en particulier pour les PMI, dans le cadre du portail internet www.france-international.fr. La prochaine réunion se tiendra au début du mois de juillet, puis tous les deux mois, afin de veiller concrètement à la mise en oeuvre sur le terrain des décisions prises en mars dernier.

C’est une entreprise de longue haleine, un travail de fond qui nécessite de la persévérance et la volonté d’avancer. Je sais que cette préoccupation est également la vôtre, et je vous remercie d’y contribuer par notre travail, vos évaluations, votre contrôle et vos propositions.

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