Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le crédit d'impôt compétitivité emploi concentre logiquement l'attention de tous ; pour autant, il ne doit pas masquer, puisqu'il est venu se greffer au texte en cours de route, les éléments structurels du projet de loi de finances rectificative, notamment concernant l'équilibre des comptes pour le budget 2012 et les importantes mesures prises pour lutter contre les abus et la fraude fiscale. Je veux d'abord insister sur ces points.
Il est sans doute excessif de parler de beau résultat concernant la prévision de réalisation du budget 2012, au regard des graves difficultés structurelles auxquelles nous devons faire face. Mais cela faisait longtemps que le Gouvernement ne s'était pas présenté devant cette assemblée sans proposer une dépense supplémentaire pour boucler le budget de l'État. Cette ébauche de résultat tranche donc avec les exercices précédents, qui présentaient des déséquilibres de 6 millions d'euros en moyenne. Le temps de la sincérité, de la précision et du sérieux budgétaire est venu.
Néanmoins, il aura fallu compenser les sous-estimations, pour ne pas parler des dérapages, des dépenses du précédent gouvernement, soit 2 milliards d'euros, dont 1,3 milliard au titre des dépenses sociales liées à l'emploi, au logement, aux bourses étudiantes ou au handicap. Certes, la baisse des taux d'intérêt a contribué à ces résultats, pour assurer l'objectif de réduction du déficit à 4,5 points. L'objectif sera donc tenu, du fait aussi des décisions courageuses et justes contenues dans la loi de finances rectificative, intervenue aux mois de juin et de juillet derniers, au lendemain des élections présidentielles et législatives.
Mais je voudrais insister particulièrement sur les mesures de lutte contre la fraude et les abus. Elles constituent un marqueur puissant d'une politique de justice fiscale et de lutte contre les trafics. Dans mon intervention en commission élargie, au sujet du programme 302 concernant la sécurisation des échanges, j'avais insisté sur la nécessité économique et sanitaire de lutter contre les trafics de stupéfiants, les contrefaçons et la contrebande. Cela concerne 20 % des 600 000 paquets de cigarettes vendus chaque année en France. Les dispositions prévues – le marquage des conditionnements, l'évolution du droit pénal pour assurer la sécurité juridique des cyber-enquêtes – constituent une belle satisfaction et une promesse d'assainissement de la situation.
Concernant la lutte contre la fraude fiscale et patrimoniale, on le sait, l'imagination humaine n'a pas de limites quand il s'agit d'échapper à l'impôt. Ainsi, le démembrement de patrimoine et les montages abusifs constituent des opérations communes pour échapper à l'impôt sur le revenu et à l'ISF, ceci sous le vocable politiquement correct d'« optimisation fiscale », dont certains avocats ou sociétés fiscalistes se sont fait une spécialité.
De manière courante, les détenteurs de patrimoine immobilier ou mobilier s'appuient sur des montages abusifs qui interposent un écran censé effacer la plus-value. Désormais, la cession à soi-même, via une société immobilière, d'un bien immobilier de rapport ne pourra plus échapper à l'imposition sur les plus-values immobilières. Également, les plus-values mobilières resteront taxées même quand elles sont dissimulées à travers une donation aux enfants.
Au-delà des recettes supplémentaires attendues pour le budget de l'État, cette mesure constitue un signal important qui atteste la détermination de cette majorité d'aller vers plus de justice fiscale pour restaurer la confiance. La réalité est tout autre que ne tend à le faire croire la petite musique qui cherche à orienter les projecteurs sur les plus modestes qui abuseraient des systèmes de protection sociale. Les sommes liées à la fraude fiscale et sociale sont bien plus conséquentes en haut de l'échelle sociale. Ces dispositions fiscales représentent également une manière de rappeler les plus favorisés à leur devoir d'honnêteté et d'éthique. L'exemple doit venir d'en haut. Il n'est pas interdit de rêver.
Quant au crédit d'impôt, il incarne le mariage difficile entre la recherche d'un dispositif simple et la nécessité de l'efficacité. La question de la conditionnalité traduit le légitime souci qu'a le législateur d'un bon usage de l'argent public, mais les emplois seront-ils au rendez-vous ? Quel sera le coût fiscal par emploi ? La majorité souhaite bien entendu la réussite de ce dispositif, mais elle retient sa respiration !
L'année 2013 devrait donner lieu à un débat plus approfondi sur la recette. À ce stade, où il est important de préciser les conditions de la dépense, le groupe écologiste considère que l'amendement sur la recette n'est pas abouti, qu'il ne constitue en réalité qu'une contrepartie formelle de recettes pour gager la dépense, dont le montant renvoie directement au sens de la mesure, qu'on aurait préférée plus ciblée sur les entreprises soumises à la concurrence. Ainsi, la réduction de la dépense aurait permis de moins peser sur la TVA. La structure de la dépense interroge sur le ciblage de la TVA à 7 %. En effet, les politiques concernées touchent à des activités et à des besoins essentiels : avoir un toit, assurer son hygiène grâce à l'adduction d'eau et à l'assainissement sont au moins aussi importants que d'avoir des médicaments, valoriser les déchets directement issus de l'alimentation, se transporter pour aller travailler et s'assurer un revenu. Le dispositif proposé fait peser à travers ces activités un risque sur l'emploi. Il ne s'agit pas de créer des emplois d'un côté et d'en détruire de l'autre. Dans la discipline professionnelle qui est la mienne, on dit avant toute chose : « Primum non nocere ».