La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
L'ordre du jour appelle la discussion en lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (n°467).
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l'équilibre général, mesdames et messieurs les députés, je souhaite rappeler en quelques mots les deux caractéristiques dominantes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Tout d'abord, ce projet s'inscrit dans une politique de redressement de nos finances publiques. De fait, cette loi de financement permettra une amélioration des comptes du régime général et du fonds de solidarité vieillesse de 3,5 milliards d'euros par rapport à ce qui avait été voté par la majorité précédente, et une amélioration de 5,8 milliards d'euros par rapport à l'évolution tendancielle de ce régime lorsque l'alternance fut décidée par nos compatriotes au mois de mai dernier.
La deuxième caractéristique de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est son caractère moderne et protecteur.
C'est un budget protecteur car, contrairement à ce que nous avons connu avec les projets de loi de financement de la sécurité sociale au cours de ces dix dernières années, il ne prévoit pas de diminution des remboursements, de mise en place de franchise ou de hausse du forfait hospitalier. Toutes ces mesures, lot commun des PLFSS durant la gestion du pays par la majorité UMP, imposaient un effort supplémentaire aux assurés, particulièrement aux plus fragiles de nos concitoyens.
C'est également un budget de modernisation : la prise en charge de la contraception pour les mineures, le remboursement de l'interruption volontaire de grossesse constituent deux mesures emblématiques de ce que cette nouvelle majorité souhaite désormais faire prévaloir.
Ces caractéristiques rappelées, je voudrais remercier, particulièrement au nom de Marisol Touraine, Michèle Delaunay, Marie-Arlette Carlotti, Dominique Bertinotti, et en mon nom propre, l'ensemble des parlementaires qui ont contribué à ce débat.
Ces remerciements s'adressent également à vous, madame la présidente de la commission des affaires sociales, pour le soin vigilant que vous avez mis à ce que les travaux se déroulent le mieux possible, ainsi qu'au rapporteur Gérard Bapt pour le travail qu'il a fourni et la manière dont il a su éclairer les travaux de l'Assemblée. Deux dispositions lui doivent beaucoup : la première est celle qui consiste à exonérer 2,5 millions de nos compatriotes, retraités modestes, qui ne seront pas affectés par la mise en oeuvre de la contribution additionnelle à la solidarité. La seconde démontre son attachement à la santé publique : c'est à son initiative qu'une taxation des boissons énergisantes sera décidée par le Parlement.
Je remercie également Christian Paul, rapporteur pour l'assurance maladie, en particulier pour sa volonté de rompre le lien fondamentalement malsain qui existait entre des associations de patients et certaines sources de financement. Elles étaient sans doute mues par le souci du bien commun ou la philanthropie, mais aussi, bien souvent, par l'intérêt bien compris de telle ou telle industrie pharmaceutique. C'est une bonne chose d'interdire ce lien qui ne pouvait que rendre suspecte l'action des uns et des autres.
Je remercie enfin Michel Issindou, rapporteur pour la branche retraite, Martine Pinville, rapporteure pour le secteur médico-social, ainsi que Mme Geneviève Levy, qui n'appartient pas à la majorité : elle a plaidé pour l'examen et l'adoption de certaines mesures que la majorité n'a pas retenues, mais je la remercie sincèrement de son travail.
Je me dois également de remercier les orateurs du groupe SRC : Jérôme Guedj, Denys Robiliard, Martine Carrillon-Couvreur, Marie-Françoise Clergeau et Jean-Marc Germain, pour leurs contributions à l'examen de ce texte et aux débats.
Mes remerciements vont également à Christian Eckert, rapporteur général, ainsi qu'à Valérie Rabault, rapporteure pour avis de la commission des finances.
Les parlementaires de l'opposition ont légitimement contribué, eux aussi, à ce débat : Jean-Pierre Door, Francis Vercamer et Véronique Louwagie, en particulier, ont fait vivre l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen de l'un des textes les plus importants de l'année ; qu'ils en soient également remerciés.
Ayant salué les parlementaires, je voudrais vous exprimer ma gratitude, madame la présidente, pour votre conduite de nos débats, ainsi que vos collègues qui se sont succédé au fauteuil de la Présidence. Je remercie également les services de l'Assemblée nationale, notamment les fonctionnaires en charge de la séance, sans qui les travaux ne pourraient se dérouler de la façon parfaitement satisfaisante à laquelle nous sommes habitués. Ils facilitent au mieux, et autant que faire se peut, le travail des parlementaires.
Le Gouvernement vous invite naturellement à adopter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui s'inscrit dans cet ensemble de textes que le Gouvernement tient pour indispensable si nous voulons nous placer sur le chemin du rétablissement des finances publiques et mettre en oeuvre une forme de justice et d'équité, en particulier en faveur des plus fragiles ou des plus démunis de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Merci, monsieur le ministre délégué. La Présidence est très sensible à vos aimables propos, et je crois pouvoir dire que les services de l'Assemblée le sont tout autant.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l'équilibre général.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 s'achève par une lecture définitive dans notre Assemblée. Un tel épilogue n'est jamais satisfaisant, car il traduit une mésentente absolue avec la seconde chambre. Cette mésentente n'est certes pas inhabituelle, mais cette année elle me paraît encore plus regrettable que de coutume.
Je reste en effet persuadé que le texte définitif du projet de loi que nous allons adopter était de nature à susciter l'adhésion de la majorité sénatoriale, car il est porteur de mesures aussi nombreuses que significatives, et confirme la nouvelle orientation donnée par l'important volet social du collectif budgétaire voté cet été, à l'opposé des précédentes lois de financement de la sécurité sociale qui apportaient presque rituellement leur cortège de reculs dans la prise en charge par l'assurance maladie, ou encore de taxations des mutuelles.
Il est possible de juger aujourd'hui de ce volet social au vu des mesures contenues dans le présent PLFSS : davantage de solidarité dans les cotisations des travailleurs indépendants ; un élargissement de l'assiette de la taxe sur les salaires ; une amélioration de la couverture sociale des salariés des particuliers employeurs, mais aussi des élus ; la mise en place d'un financement solidaire pour l'autonomie des personnes âgées ; l'assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social ; une fiscalité comportementale plus soucieuse de santé publique au travers de l'augmentation du droit sur les bières et de la création d'une contribution sur les boissons énergisantes ; un important ensemble de mesures relatives à l'assurance maladie, sur lesquelles je reviendrai ; la reconduction du plan d'aide à l'investissement dans le secteur médico-social ; l'attribution par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie d'un concours de 50 millions d'euros pour la restructuration des services d'aide à domicile, mais aussi pour le sauvetage d'un certain nombre d'entre eux ; l'attribution d'un minimum de points gratuits de retraite proportionnelle aux exploitants agricoles invalides ayant cessé leur activité ; le départ en retraite à 60 ans pour les victimes de l'amiante bénéficiaires de l'allocation de cessation anticipée d'activité amiante, quel que soit leur régime ; enfin, la transformation du congé de paternité en congé d'accueil de l'enfant.
Un tel ensemble de mesures aurait dû recueillir l'assentiment de tous ceux qui ont contribué, au printemps dernier, à l'émergence d'une nouvelle majorité, d'autant que ce projet de loi s'inscrit dans une contrainte forte de réduction du déficit et de résorption de la dette accumulée depuis dix ans par la précédente majorité.
Ce PLFSS donne également une nouvelle orientation de ce point de vue. La projection du déficit est ramenée à 11,4 milliards d'euros pour le régime général et 2,5 milliards d'euros pour le Fonds de solidarité vieillesse, ce qui représente une amélioration de 4 milliards d'euros du solde attendu pour 2012. Il prévoit un effort de 7 milliards d'euros de réduction du déficit tendanciel pour 2013, annoncé début octobre lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale.
Ce projet a été présenté de façon caricaturale comme une accumulation de taxes par une opposition qui, lorsqu'elle n'était pas absorbée par d'autres occupations, n'a eu de cesse de proposer des suppressions de recettes sans suggérer de mesures en compensation. Le total des amendements de suppression de l'opposition s'élève à 3,2 milliards d'euros, et sa seule proposition « constructive » – entre guillemets – consistait à fixer la progression de l'ONDAM à 0 % en euros courants. Lorsque l'on voit la façon dont les salariés du secteur public hospitalier ou des caisses d'allocation familiale souffrent face à la charge de travail, à la réduction des effectifs et à la montée des besoins sociaux, proposer de réduire ainsi l'ONDAM est faire preuve d'irresponsabilité, et j'imagine au reste que l'ancienne majorité, si elle était restée au pouvoir, n'aurait pas adopté une telle mesure.
La loi de financement pour 2013 comporte plusieurs avancées structurantes en matière d'assurance maladie.
Tout d'abord, plusieurs projets pilotes destinés à favoriser les parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie seront mis en oeuvre dès l'année prochaine. Ces projets permettront un réel décloisonnement des interventions des professionnels de santé et reposeront sur l'expérimentation de modalités de facturation dérogatoires pour favoriser la fluidité et la continuité des prises en charge. Ce faisant, notre majorité met en oeuvre une recommandation de longue date du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie visant à mieux répondre aux besoins des personnes souffrant de polypathologies liées au vieillissement, dont le nombre est appelé à croître.
L'organisation de l'offre de premier recours est à un moment décisif de son évolution et l'on ne peut aujourd'hui que dresser le constat de l'impuissance des gouvernements précédents à garantir l'accès aux soins de tous nos concitoyens, que ce soit pour des raisons géographiques ou financières. Tous les moyens doivent donc être mobilisés pour lutter à la fois contre ces inégalités territoriales et sociales, et contre la désaffection des jeunes professionnels et le découragement des professionnels installés, en particulier des généralistes.
Ainsi, des mesures fortes en matière de lutte contre les « déserts médicaux » figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Demain, ce sont deux cents praticiens territoriaux de médecine générale qui iront exercer dans les zones sous dotées pour y assurer la relève générationnelle dont nous avons besoin. Un revenu minimum leur sera assuré pendant les deux premières années de leur installation.
Est également offerte la possibilité, pour des médecins salariés des hôpitaux ou des centres de santé, d'aller exercer une partie de leur service en libéral, dans des zones où l'offre de santé est insuffisante. Des contrats seront signés avec les agences régionales de santé dans ce but.
Enfin, une autre mesure importante est le renforcement du financement de l'exercice interprofessionnel, dont nous savons qu'il correspond aux aspirations des jeunes professionnels de santé.
Il nous faudra cependant aller plus loin. Monsieur le ministre, nous serons particulièrement attentifs à l'action du Gouvernement, sous l'impulsion de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, pour améliorer la formation des futurs médecins et renforcer les stages en médecine générale. Il est totalement inacceptable d'entendre aujourd'hui que des étudiants n'arrivent pas à trouver de stage, alors que des médecins installés de longue date n'obtiennent aucune réponse lorsqu'ils demandent à être inscrits sur les listes de maîtres de stage.
J'insiste également sur l'abrogation de la convergence tarifaire entre les établissements de santé du secteur public et du secteur privé, qui était très attendue par les acteurs hospitaliers, ainsi que sur la volonté du Gouvernement de mettre en place des modalités de financement équitables et transparentes pour tous les établissements.
Le remboursement à 100 % de l'interruption volontaire de grossesse, ainsi que de la contraception pour les mineures d'au moins quinze ans, et l'amélioration de la prise en charge des soins délivrés aux détenus, sont également des mesures dont la majorité peut s'enorgueillir.
Pour mettre en place ces mesures structurantes, plus de 4 milliards d'euros de moyens nouveaux seront dédiés à l'assurance maladie.
Pour toutes ces raisons, votre commission a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et demande à l'Assemblée d'en faire autant.
Monsieur le ministre, j'ajoute quelques mots concernant un problème douloureux. Malgré les espoirs que nous avions fondés dans le Fonds d'indemnisation des victimes du Mediator, nous constatons aujourd'hui que le comité des experts placé auprès de l'ONIAM, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, ne répond absolument pas aux exigences qui étaient les nôtres à l'époque, sur tous les bancs, afin de répondre à ce drame de manière humaine et rapide. Je pense que Mme la présidente de la commission des affaires sociales veillera, comme moi, à ce que les victimes de ce drame sanitaire puissent bénéficier dès maintenant des dispositions votées, et en particulier de ce fonds d'indemnisation spécifique. Il convient par ailleurs de prendre en considération de façon plus large le problème des victimes de l'aléa thérapeutique ou des drames sanitaires. On sait que ces victimes connaissent des parcours juridiques qui s'apparentent à de véritables parcours du combattant, et subissent donc une double peine : après le drame physique et psychique, elles connaissent le drame juridique et souvent l'abandon.
Mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, la commission vous propose d'adopter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je n'ajouterai rien aux arguments politiques relatifs à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Celui-ci se caractérise par un double souci : remettre le patient au coeur de la réflexion tout en veillant à la situation des comptes publics. Monsieur le ministre, je vous remercie de ce souci permanent.
Je souhaite remercier tous nos collègues de la majorité, mais aussi ceux de l'opposition : M. Jean-Pierre Door, M. Arnaud Richard, ainsi que Mme Bérengère Poletti qui a fait de bonnes propositions sur la contraception des mineures. On peut dire que Mme Poletti a été une inspiratrice : au-delà du remboursement à 100 % de l'IVG, elle a bien fait de nous alerter sur la nécessité de traiter le problème en amont ; Mme la ministre de la santé y a été sensible puisqu'elle a introduit cette disposition dans le texte.
Je souhaite également souligner, sous le regard vigilant de nos collègues de l'opposition, la bonne ambiance au sein de la commission des affaires sociales. Au-delà de nos divergences politiques, les discussions ont lieu en bonne intelligence et dans le respect des uns et des autres.
Je remercie aussi les services de l'Assemblée nationale, particulièrement ceux de la commission des affaires sociales, toujours disponibles pour les parlementaires et les rapporteurs, et qui accomplissent un travail extraordinaire.
Nous avions peut-être oublié, ces dernières années, l'indépendance du pouvoir législatif par rapport au pouvoir exécutif. Je m'adresse à la majorité : nous avons cette fois pris des décisions qui n'allaient pas toutes dans le sens du Gouvernement. Nous avons assumé la suppression de certains articles, de même que l'introduction de nouveaux articles que nous avons ensuite modifiés en fonction de l'opinion publique – non que nous soyons bercés par l'opinion publique, mais parce que certains groupes nous ont expliqué que ce n'était pas le bon moment. Je remercie particulièrement les députés de la majorité d'avoir gardé leur liberté, tout en restant cohérents avec les orientations du Président de la République, du Premier ministre et de son gouvernement. Je vous remercie de cette indépendance qui montre qu'un député n'est pas forcément un godillot !
Je souhaite revenir sur les actions de groupe évoquées par mon collègue Gérard Bapt. Oui, monsieur le rapporteur, vous avez raison : nous sommes – vous comme moi, de même que tous nos collègues de notre assemblée – très sensibles à ces actions de groupe, notamment en matière de santé. Oui, je le répète, on ne choisit pas de consommer un médicament : celui-ci a été prescrit par un médecin qui n'est pas non plus responsable de ses éventuels effets secondaires. Des actions de groupe se profilent : j'en profite pour parler publiquement du futur projet de loi relatif aux actions de groupe en matière de consommation. Elles sont bien sûr utiles, mais être privé d'une ligne de téléphonie mobile pendant vingt-quatre heures n'a pas tout à fait la même gravité que d'être atteint dans sa chair pour avoir pris un médicament qui vous rend invalide !
Oui, monsieur Bapt, nombre de nos collègues, de l'opposition comme de la majorité, sont très favorables à ces actions de groupe. Nous veillerons à ce qu'elles ne se limitent à la consommation de biens courants, mais concernent aussi la consommation de médicaments. Je rappelle que cette consommation est prescrite dans le cadre d'un lien de subordination entre celui qui sait – le médecin – et celui qui ne sait pas – le malade – mais subira l'effet secondaire qui le rendra invalide et précarisera sa position dans la société. Je le dis très clairement au Gouvernement : nous sommes très attachés à ces actions de groupe que nous avons promises aux patients et aux associations de malades victimes de médicaments. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, nous voici réunis pour la troisième fois sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Après un parcours chaotique, qui n'a pourtant laissé aucune trace, ce texte fait donc un ultime passage, très rapide, dans cet hémicycle. À ce stade de la discussion, la procédure législative le veut ainsi. Elle a au moins le mérite d'abréger les souffrances de l'opposition devant votre refus systématique de tout amendement. (Sourires.) Sauf erreur de ma part, aucun amendement de l'opposition parlementaire n'a en effet été accepté,…
…si ce n'est un vague rafistolage – mais je peux me tromper, mes chers collègues – de l'article 15.
Bref : après trois échecs – deux au Sénat et un en CMP –, l'entonnoir parlementaire prend le relais du laminoir gouvernemental ! (Sourires.) Je vous vois sourire, monsieur le ministre…
Votre déconvenue sénatoriale réitérée n'est pas seulement l'effet d'un jeu politicien dans vos rangs. Elle tient aussi, bien sûr, à vos méthodes de dialogue, dont on entend parler partout et que l'on n'éprouve nulle part. Sur le fond, elle me semble tenir aussi aux mauvaises orientations de ce texte, ce qui n'a d'ailleurs pas échappé non plus à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, à la Caisse nationale des allocations familiales, aux internes et aux médecins eux-mêmes. Bref, vous avez réussi à vous mettre à dos quasiment toute la profession !
Nous sommes d'autant plus désolés de cette situation que le travail réalisé au sein de la chambre haute a été – je pense que vous en conviendrez volontiers – d'une particulière exigence et d'une qualité remarquable, notamment sous l'impulsion des sénateurs du groupe UDI-UC. Finalement, ce travail se retrouve pratiquement réduit à rien, par le seul fait du trait de plume qu'une partie de votre majorité sénatoriale vous a lancé pour vous signifier un désaccord de fond, qui dépasse sans doute aussi cette seule discussion.
Il est bien dommage que l'intérêt partisan porte ainsi préjudice à l'intérêt général. Il est vrai qu'il n'est pas facile de satisfaire tout le monde quand, comme vos prédécesseurs, il vous faut trouver le juste équilibre entre des mesures indispensables et résolues, de nature à rétablir nos comptes sociaux, et un projet politique qui, d'une façon ou d'une autre, parle de justice pour les Français devant l'accès à la santé. En l'espèce, vos partenaires politiques et les Français eux-mêmes pouvaient s'attendre à un projet absolument nouveau, au bénéfice de la récente alternance politique et compte tenu de la profusion des critiques que vous adressiez, des bancs de l'opposition, à la majorité précédente.
Il y a bien eu quelques échanges un peu vifs, à un moment ou à un autre. Je veux saluer l'effort particulier de Mme la présidente de la commission des affaires sociales qui, avec le tempérament qu'on lui connaît, s'est néanmoins efforcée, dans la limite des contraintes de liberté que sa charge lui impose, d'économiser la langue de bois et les piques inutiles.
Pour autant, nous en sommes globalement restés aux mêmes postures. Finalement, beaucoup de bruit pour rien ! Car malheureusement, force est de constater, mes chers collègues, que votre projet est d'abord un acte de gestion, et de mauvaise gestion. Je regrette de devoir le rappeler : votre choix comptable, notamment avec un ONDAM à 2,7 %, ne permet pas d'imaginer un retour à l'équilibre en 2017 comme promis. La Cour des comptes préconisait un ONDAM à 2,4 % : …
…nous sommes donc à 600 millions d'euros du compte, avec un déficit cumulé de 175,4 milliards d'euros en 2013, soit 4,6 milliards de plus qu'en 2012. Et vous savez parfaitement que tous ces calculs reposent sur une base erronée : il n'y aura ni croissance à 0,8 %, ni contrainte de la masse salariale. Autrement dit, vous savez d'emblée que même cet ONDAM à 2,7 % ne sera pas atteint !
Vous donniez des leçons à vos prédécesseurs : à charge pour vous d'en assumer les conséquences ! Pourtant, vous venez de sortir de la dynamique vertueuse qui avait permis de ramener le déficit du régime général de 23,9 milliards d'euros en 2007 à 17,4 milliards en 2011, avec une prévision de déficit de 13,3 milliards fin 2012.
Ce que vous ne maîtrisez pas d'un côté, vous le prélevez, et très rudement, de l'autre. Quoi que puisse en penser M. Paul, ce PLFSS est une saignée, comme à l'époque des médecins de Molière. Souvent, le malade mourait guéri, mais je crois que cet espoir n'est pas raisonnable !
Nous ne nions pas la nécessité d'efforts particuliers, mais nous contestons votre façon de les polariser sur notre outil économique. Vous ne les concentrez pas sur les grandes sociétés ou les grands financiers, mais sur les petites entreprises, les artisans, les commerçants et les professions indépendantes : autant de Français des classes moyennes qui créent, en silence, la richesse de notre pays et acceptent aujourd'hui, résignés, de se transformer en vaches à lait. Ce que vous faites portera immanquablement des conséquences sur la compétitivité et sur l'économie de notre pays. On nous avait pourtant dit que les classes moyennes seraient épargnées.
Au bout du compte, après les 7,2 milliards d'euros de la loi de finances rectificative de juillet et les 20 milliards de la loi de finances pour 2013, on nous présente une nouvelle facture qui s'élève aujourd'hui à 3,4 milliards d'euros de taxes nouvelles.
Nous ne pouvons accepter les 700 millions d'euros prélevés sur les retraités.
Nous nous opposons à la hausse des cotisations sociales des auto-entrepreneurs, que vous alignez sur le régime des professions indépendantes alors que, dans le même temps, l'article 71 du projet de loi de finances pour 2013 invoque, pour supprimer l'exonération des cotisations de première année des professions indépendantes, le fait qu'elles peuvent bénéficier du régime « favorable » – entre guillemets – de l'auto-entrepreneur. Trouvez l'erreur !
Nous condamnons la taxation des dividendes des petites sociétés, qui traduit votre méconnaissance du fonctionnement de ces entreprises souvent contraintes par les banques à disposer de capitaux propres pour avoir accès au crédit.
Nous vous demandons de revenir sur la suppression de l'assiette forfaitaire sur les cotisations patronales versées par les particuliers employeurs, car cela revient à une hausse de 20 % du prix de l'heure de service des emplois à domicile. Les effets sur le pouvoir d'achat des salariés à faibles revenus seront désastreux. C'est un secteur entier que vous cassez, alors qu'il avait permis la création de centaines de milliers d'emplois, y compris en sortant certaines activités de la clandestinité. Vous réenclenchez de ce fait la spirale du travail au noir et donc des pertes de recettes fiscales et sociales.
L'article 15 du PLFSS restera de triste mémoire. Si vous vous obstiniez à l'adopter dans sa formulation actuelle et s'il y n'avait qu'un article à revoir dans ce texte, je vous proposerais que ce soit celui-là.
Nous sommes contre l'assujettissement au forfait social des petites indemnités de rupture conventionnelle. Nous sommes évidemment contre la hausse de la contribution tarifaire d'acheminement du gaz et de l'électricité. Et nous nous opposons également à l'augmentation des cotisations de retraite de la fonction publique hospitalière et territoriale, car elle trouvera aussi, à un moment ou à un autre, sa traduction sur la facture des impôts locaux.
L'injustice fiscale pourrait être compensée par le caractère innovant du projet. Ce n'est pas le cas.
La politique de santé ne s'engage nullement sur une nouvelle voie – la fiscalité comportementale comprise – qui ne relève ni de votre invention, ni même d'une nouvelle intention. D'ailleurs, vous nous promettez, pour le début de l'année prochaine, une grande réforme structurelle pour la santé. C.Q.F.D.
Vous nous dites que votre choix s'est organisé autour de quelques axes majeurs. Regardons cela de plus près – une dernière fois.
Premièrement, vous dites vouloir réaffirmer le rôle et la place de l'hôpital public dans notre système de santé. Qui ne vous approuverait ? Mais, vous n'y parviendrez pas en remettant en cause la tarification à l'acte dans les hôpitaux et la suppression de la convergence tarifaire, instaurée par la loi HPST. La facture sera de 150 millions d'euros l'année prochaine. Ce n'est pas en faisant de l'hôpital une sorte de Bastille que vous le ferez évoluer et lui redonnerez la place qui doit être la sienne.
Mais cette place, au fond, vous ne la définissez pas, car il est un peu délicat pour vous de mélanger les genres et de dire que la force des hôpitaux repose sur la force de la médecine libérale. Il vous est difficile de sortir des dogmes en faisant de l'ensemble de l'offre médicale et médico-sociale sur un territoire – au-delà des seuls médecins – la condition d'un meilleur service médical, en répartissant de façon transparente les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation – les MIGAC – et en levant finalement de substantielles économies. Au fond, vous êtes encore dans des logiques de statut, et non de mission au service de projets collectifs d'amélioration de l'offre de santé.
Deuxièmement, vous affirmez que vous mettez en oeuvre une politique en faveur de la médecine de proximité, notamment pour lutter contre les déserts médicaux. Mais la création de 200 contrats de praticien territorial de médecine générale, assortie de quelques crédits consacrés au financement du travail en équipe ne nous semble pas suffisante. Vous semblez découvrir la nécessité pour les professionnels de santé de travailler en réseau. Mais vous le découvrez bien tard, pour inscrire un projet cohérent et à la hauteur des enjeux dans ce PLFSS.
Troisièmement, la politique fiscale serait un axe fort de votre politique de santé. Pourtant, nous ne voyons là aucun message, aucun principe directeur, seulement la recherche frénétique de ressources pour pallier dans l'urgence une insuffisante rigueur. C'est peut-être la principale faiblesse de ce premier PLFSS.
Pour faire face au sous financement chronique de la sécurité sociale et aux nouveaux besoins de nos concitoyens, ce ne sont pas les taxations du tabac, de la bière, des boissons énergisantes ou de l'huile de palme qui vous permettront d'y parvenir.
Nous avons besoin d'un vrai projet de financement global, cohérent et durable, pas un « gloubiboulga » fiscal (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais un mode de financement durable et transparent.
Au fond, ce texte est d'abord l'expression d'une priorité : le tout-fiscal. Il est ensuite la traduction d'une politique injuste : faire payer la classe moyenne. Il manifeste enfin une préférence pour des réponses ponctuelles à des urgences non anticipées, plutôt que des réformes structurelles, qui demeurent à l'état d'évocation.
Pour ces trois raisons principales, et compte tenu de l'absence de tout mouvement significatif depuis le début des nombreuses navettes qu'a subies ce PLFSS, le groupe UDI votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui arrive aujourd'hui en troisième et dernière lecture à l'Assemblée nationale, n'a guère évolué dans ses grandes lignes.
Dans le contexte très difficile que nous laissent dix ans de gestion du pays par la droite, nous ne négligeons pas les points positifs de ce texte, notamment : la prise en charge intégrale des IVG ; le renforcement des moyens de lutte contre le travail non déclaré, la réintroduction de la notion de service public hospitalier ; la fin, par voie de conséquence, de la convergence tarifaire entre les hôpitaux publics et les cliniques privées dont les responsabilités ne sont pas du tout les mêmes dans notre système de santé ; la création d'un contrat de praticien territorial de médecine générale, dont nous avons obtenu qu'il implique le respect des tarifs opposables.
Mais ce texte présente également de nombreuses lacunes et de nombreux points négatifs. Ainsi, nous persistons à regretter que le Gouvernement ne soit pas revenu sur les mesures les plus injustes prises par les gouvernements de droite, notamment : les franchises médicales, qui sont un frein à l'accès aux soins pour tous, en particulier pour les plus modestes de nos concitoyens ; la restriction de la prise en charge des malades atteints d'affections de longue durée – je pense à l'hypertension artérielle sévère ; le remplacement de l'allocation équivalent retraite, versée aux personnes ayant travaillé suffisamment longtemps pour prétendre à une retraite à taux plein sans avoir atteint l'âge légal de départ, par une allocation transitoire de solidarité quasiment inaccessible dans les faits tant les conditions d'accès sont restrictives. Je pense également à la fiscalisation des indemnités d'accidents du travail ou de maladie professionnelle.
Nous regrettons également, un certain nombre de mesures pour le moins surprenantes de la part d'un gouvernement de gauche, comme la taxation des retraités ou, à l'article 15 bis, l'exonération de cotisations AT-MP – accidents du travail et maladies professionnelles –, désormais possible pour certains travailleurs à temps partiel. Il s'agit là d'une première car, jusqu'à présent, aucun gouvernement, y compris de droite, n'avait osé toucher à la sanctuarisation des cotisations sociales AT-MP.
Nous regrettons, enfin, la persistance d'un déficit important et prévu pour durer et, surtout, l'absence de mesure pour y remédier.
À ce titre, nous approuvons totalement les conclusions du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qui, dans son avis du 22 mars dernier, considère que le déficit récurrent de l'assurance-maladie n'est pas admissible et qui rappelle que « la gestion à l'équilibre, sans endettement, de nos budgets d'assurance maladie est une exigence qui découle des principes mêmes qui fondent notre solidarité face à la maladie ».
Pour atteindre cet équilibre, le Haut Conseil appelle tout d'abord à une mobilisation des « nombreux gisements d'efficacité du système ». Les pistes d'économie sont nombreuses. Concernant les seuls hôpitaux publics, elles ne passent pas obligatoirement par des suppressions de postes. Je citerai deux exemples d'inégale importance.
Créée dans la foulée de la loi HPST, l'Agence nationale d'appui à la performance est chargée d'apporter des conseils de gestion aux hôpitaux. Or, sur un budget de 52 millions d'euros, cette agence qui emploie 98 personnes a dépensé 35 millions pour commander des études à des cabinets privés : des études sur l'optimisation du fonctionnement du service d'imagerie de l'hôpital de Versailles ; sur l'optimisation des achats dans le CHU de Grenoble ou pour apprendre la gestion des ressources humaines à l'hôpital de Lens – qui doit être, sans doute, dépourvu d'un service de ressources humaines ; ou encore 1,6 million d'euros dépensés pour élaborer le projet médical aux Hospices civils de Lyon, comme s'il n'aurait pas été à la fois plus simple, plus économique et plus démocratique de solliciter les médecins eux-mêmes.
Car derrière ce qui constitue un véritable gâchis, il y a, surtout, un manque patent de confiance et de respect témoigné aux établissements concernés et à ceux qui y travaillent, dans la droite ligne de la loi HPST, loi extrêmement autoritaire qu'il convient de remettre en cause.
Autre exemple, celui du partenariat public-privé qui a présidé à la construction du centre hospitalier sud-francilien. Chaque année, l'agence régionale de santé verse entre 10 et 15 millions d'euros pour aider l'hôpital à payer son loyer au groupe privé Eiffage – une somme ponctionnée sur les enveloppes MIGAC de toute la région Île-de-France.
La Cour des comptes a calculé que l'hôpital sud-francilien aura coûté, à l'expiration du bail emphytéotique de trente ans, 1,188 milliard d'euros alors que le recours à une maîtrise publique financée par l'emprunt aurait coûté 757 millions d'euros : ce sont donc, sur trente ans, 431 millions qui auront été offerts au groupe Eiffage.
Mais le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie insiste aussi sur le fait qu'aucune remise à niveau d'équilibre ne pourra se faire sans une part de recettes nouvelles. C'est un point essentiel.
Pour notre part, nous avons pourtant fait plusieurs propositions en ce sens, notamment la modulation des cotisations sociales patronales en fonction de la politique salariale et de l'emploi des entreprises ou la conditionnalité des exonérations de ces cotisations toujours en fonction de la politique de l'emploi des entreprises : pour aider celles qui investissent et créent des emplois et pénaliser celles qui n'investissent pas, licencient et spéculent sur les marchés financiers.
Le Haut Conseil évoque également, comme piste de réflexion, une réforme de l'assiette des prélèvements. À ce titre, je voudrais revenir sur une autre de nos propositions qui consistait à créer une nouvelle contribution sociale assise sur les revenus financiers des entreprises et des établissements bancaires, des revenus qui à la différence de ceux du travail ne sont pas soumis à cotisations sociales.
Cette nouvelle contribution aurait permis de résorber rapidement les déficits de la protection sociale, voire de dégager d'importantes marges de manoeuvre pour revenir sur certaines mesures négatives comme les franchises médicales ou desserrer le garrot budgétaire auquel sont soumis les hôpitaux.
En effet, si l'on appliquait les taux actuels de la cotisation patronale, nous pourrions dégager près de 80 milliards d'euros. Si l'on décidait de limiter l'application de cette mesure à la résorption du déficit prévu en 2013, un taux de 6 % serait suffisant. Il y a donc des idées et des marges de manoeuvre.
En présentant le Haut Conseil du financement de la protection sociale qui vient d'être mis en place le 26 septembre dernier, le Premier ministre avait demandé d'identifier « différents scénarios permettant un financement de la protection sociale pesant moins sur le travail et juste dans la répartition des efforts demandés à chacun », et déploré que « 77 % du financement global de la protection sociale pèse sur les salaires ». Notre proposition de taxer la spéculation et non les salaires, de taxer les revenus financiers qui ne sont pas investis et non ceux du travail, permettrait d'atteindre cet objectif.
Hélas, vous l'avez refusée, arguant que vous attendiez les conclusions du Haut Conseil. Soit. Mais dans cette attente, le déficit s'aggrave alors que de premières dispositions auraient pu être prises.
C'est pour toutes ces raisons extrêmement préoccupantes, je ne vous le cache pas, que les députés Front de gauche se voient contraints de maintenir leur vote contre.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici à la troisième lecture de ce PLFSS pour 2013, après une commission paritaire à laquelle j'ai pu participer. Autant dire que nous sommes au terme d'un long marathon, mais quand on aime, on ne compte pas ! (Sourires.)
Ce texte ne mérite pas les reproches injustes que j'ai entendus sur les bancs de la droite tout au long de ces longues semaines de discussion : il s'agit d'un PLFSS ambitieux, compte tenu du contexte économique dans lequel il s'inscrit, qui poursuit la double ambition de rechercher l'équilibre financier en inversant la courbe de la dégradation du déficit de la sécurité sociale et d'améliorer l'existant tout en préparant l'avenir.
Ce PLFSS marque surtout tout une rupture avec ce que nous avons connu sous la précédente majorité. Rendez-vous compte, mes chers collègues : c'est le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale qui ne comporte aucune mesure de déremboursement au titre de l'assurance maladie.
Une mauvaise habitude avait été prise dans le passé, qui tendait à considérer qu'il était de la seule responsabilité des patients de contribuer à l'effort. Le redressement dans la justice que nous proposons consiste à l'inverse à éviter de faire supporter cet effort aux assurés.
Ce PLFSS cherche ainsi à améliorer le mécanisme de la médecine de ville avec la création de postes de praticiens territoriaux de médecine générale. Cette mesure n'est pas une fin en soi, elle contribue à l'amélioration de l'accès aux soins de proximité et à la lutte contre les déserts médicaux, dont Marisol Touraine a voulu faire l'un des grands chantiers qui sera débattu dans cet hémicycle tout au long de l'année 2013.
Je pense aussi au nouveau dispositif destiné aux praticiens hospitaliers, aux médecins salariés des centres de santé et des structures mutualistes, qui leur permettra de rester salariés tout en exerçant à temps partiel ou à temps plein dans des zones sous-dotées en médecins généralistes.
Ce PLFSS marque aussi une rupture avec l'arrêt de l'inique convergence tarifaire entre le secteur public et le secteur privé. Il s'agit de mettre fin à cet alignement qui voulait faire de l'hôpital public une entreprise soumise aux mêmes règles de rentabilité que les structures privées. Cela permettra de rétablir l'équité entre hôpitaux publics et cliniques privées.
Je veux aussi évoquer le report du passage à la tarification à l'activité pour les hôpitaux locaux. C'est une bonne disposition dans la mesure où ces établissements jouent un rôle structurant pour la médecine de premier recours. Les médecins qui y exercent sont le plus souvent des médecins généralistes, ce qui leur permet une pratique mixte de la médecine. Les évolutions du mode de financement de ces établissements doivent tenir compte de ce rôle très important.
Pour le secteur médico-social, nous observons également une rupture sans précédent avec un effort plus soutenu – un ONDAM en augmentation de 4 % –, effort à saluer compte tenu des besoins importants de ce secteur. Cela permettra, au moment où nous entrons dans la phase de préparation de la campagne budgétaire des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, de renforcer les structures d'accueil et les services, grâce à des moyens en nette augmentation – plus de 1 % – par rapport à la politique du gouvernement précédent.
Je pense, par exemple, à l'effort de médicalisation – 147 millions d'euros en 2013 –, sous-tendu par la signature de centaines de conventions tripartites, et qui aboutira à la création de milliers de postes destinés à renforcer la présence de médecins et de personnels soignants auprès de nos aînés.
Je pense aussi aux 50 millions d'euros d'aides à l'investissement ou aux 50 millions d'euros destinés à sauvegarder les services d'aide à domicile, qui ont bien besoin d'être soutenus.
Je pense encore à la création de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie, qui pose les jalons de la future réforme de la perte d'autonomie. Là où, dans le passé, il n'y avait que gesticulations et moulinets (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous faisons un acte concret : celui du financement, qui donne de la crédibilité à la réforme que nous mettrons en oeuvre à la fin de l'année.
Je pourrais vous parler également de l'IVG ou de la prise en charge de la contraception pour les jeunes filles de quinze à dix sept ans. Je pourrais évoquer la reconnaissance du congé de paternité et d'accueil du jeune enfant, à laquelle ma collègue Marie-Françoise Clergeau est particulièrement attachée.
Voici autant de jalons qui font de ce PLFSS un texte qui, avec lucidité et courage, prépare l'avenir.
Je terminerai par cette citation de Saint-Exupéry : « Préparer l'avenir, ce n'est que fonder le présent. Il n'est jamais que du présent à mettre en ordre. À quoi bon discuter cet héritage ? L'avenir, tu n'as point à le prévoir, mais à le permettre. »
Merci au Gouvernement pour ce PLSS qui nous permet de permettre l'avenir de la sécurité sociale et de l'envisager en toute sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour le premier PLFSS de la législature, on ne peut pas dire que la sérénité soit de mise pour le Gouvernement. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons assisté à son cheminement semé d'embûches, véritable parcours du combattant, qui doit s'achever cet après midi, comme notre règlement l'exige.
Après les défections ou trahisons de vos collègues du Front de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…ici comme au Sénat, en séance publique comme en CMP, vous voici dans l'obligation de passer un nouvel examen de passage.
Comme le déclarait ici même ma collègue Véronique Louwagie dans sa motion de renvoi, nous nous transformons en perroquets savants, car le texte dont nous sommes est le même que celui qui a été examiné en séance le 23 octobre dernier.
Nous ne pourrons pas vous convaincre, certes. Mais il nous revient, à l'UMP, de répéter ce qui nous inquiète.
Ma première observation porte sur vos hypothèses macroéconomiques : erronées, elles ne sont ni crédibles ni réalistes. Vous prévoyez pour 2013 une augmentation de 0,8 % du PIB et une augmentation de la masse salariale de 2,5 %, alors que, ne vous en déplaise, plus sérieusement, les économistes prédisent une croissance à 0,2 % sinon 0 % et que le ministre du travail évoque un chômage de plus en plus élevé. Alors que l'ONDAM fixé à 2,5 % l'an passé sous l'autorité de la majorité précédente va être rehaussé à 2,7 %,…
Rappelez-nous plutôt sur quelles hypothèses de croissance vous vous fondiez ?
…vous êtes dans l'erreur totale car l'équilibre ne sera pas tenu. Vous refusez d'entendre le premier président de la Cour des comptes qui propose 2,4 %. Vous refusez d'entendre l'IGAS. Vous refusez d'entendre l'IGF qui a rendu son rapport en juillet, tout comme le comité de pilotage de l'ONDAM créé en 2011 par Éric Woerth.
Est-ce aussi pour cette raison que vous avez reçu un carton rouge de la part des conseils d'administration de la CNAMTS, de la CNAF, de la CNAVTS et de l'ACOSS ?
Évoquons le tableau des recettes. Suivant votre logique maintes fois appliquée, vous instaurez une augmentation de taxes et d'impôts qui s'apparente à un matraquage fiscal inédit. Cette avalanche fiscale concerne tous les acteurs économiques, plus particulièrement les PME-TPE, les professions indépendantes et libérales, les auto-entrepreneurs, mais aussi le monde des retraités, le secteur de l'industrie du médicament. Nous redisons que trop, c'est trop : votre traitement de choc sera préjudiciable à la fois à l'emploi et à la croissance. Toucher au secteur des services à la personne, c'est rouvrir la brèche du travail au noir et nuire à tous ceux qui ont recours à ces services.
Vous connaissez pourtant les règles législatives qui s'appliquent en cas de non-respect de l'ONDAM. Votre construction est mauvaise et je ne doute pas un instant que le comité d'alerte sera déclenché dans de brefs délais.
Comme vous avez rejeté, contre notre avis, la mise en réserve d'une partie des MIGAC, préconisée par le comité de pilotage de l'ONDAM car elles servent de variable d'ajustement, je pose la question : quelles seront vos solutions ? Augmenterez-vous la TVA ou la CSG ou bien les deux ? Baisserez-vous des tarifs d'actes médicaux, des prix de médicaments ? Aurez-vous recours aux déremboursements ou à la diminution du ticket modérateur ?
Nous devons le savoir. Les Français doivent le savoir. Vous ne répondez pas et vous vous réfugiez dans vos certitudes.
Ma deuxième observation porte sur l'absence de réformes structurelles, ou plutôt sur le recul considérable que l'on constate par rapport aux engagements pris par le précédent gouvernement.
La suppression de la convergence tarifaire et le report de la tarification à l'activité s'apparentent à une véritable discrimination tarifaire entre les secteurs public et privé. Alors que ces réformes sont achevées depuis 2009 en Allemagne, pays où le budget de la santé est en excédent de plus de 22 milliards d'euros grâce à la volonté des gouvernements du chancelier Schröder et de Mme Merkel, vous refusez d'ouvrir les yeux. En Allemagne, l'effectif hospitalier rapporté au nombre d'habitants est inférieur de 20 % par rapport à l'hexagone, il y a moitié moins de lits par hôpital, 20 % de dépenses administratives de moins et 2 000 établissements de santé seulement contre 2 751 chez nous, alors même que le pays compte 15 millions d'habitants de plus. Est-on pour autant plus mal soigné en Allemagne qu'en France ? Non.
Et que répondez-vous aux établissements privés, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, à ces 600 cliniques qui représentent 30 % de l'offre nationale toutes catégories confondues et 55 % de la chirurgie et qui accueillent des millions de patients chaque année ? La Fédération de l'hospitalisation privée accuse l'État de discrimination tarifaire organisée. Elle conduirait 70 % des établissements privés à ne plus investir alors que 35 % de ceux-ci sont déjà dans le rouge.
Vous n'ignorez pas qu'un contentieux a été déposé auprès de la Commission européenne par la FHP pour distorsion de concurrence et aides illicites d'État au secteur public.
Enfin, vous dites soutenir la médecine de proximité, notre rapporteur l'a encore rappelé. Vous répétez même que seules les méthodes incitatives doivent rester d'actualité – ce en quoi nous vous soutenons – mais Mme la ministre a annoncé la création d'un corps médical rémunéré 4 600 euros par mois dans les zones désertifiées. N'est-ce pas sournoisement enclencher la création d'une médecine étatisée avec des fonctionnaires de santé ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons également l'impression que le courant ne passe pas du tout entre les étudiants en médecine et la ministère de la santé.
Dans ce texte, depuis son dernier aller-retour, le seul point qui nous agrée, c'est l'abandon de l'amendement Paul qui contraignait l'activité libérale des praticiens hospitaliers au sein de l'hôpital, dans l'attende des conclusions de la mission Laurent.
Les manifestations de plusieurs catégories de professionnels de santé y sont peut-être pour quelque chose.
Je voudrais terminer en évoquant les vrais problématiques du financement social.
D'abord, le rapport Gallois a pointé, comme d'autres rapports avant lui, le poids des charges sociales, principales sources financières de la sécurité sociale, sur la compétitivité de l'économie française.
Ensuite, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a achevé ses travaux le 31 octobre par un état des lieux qui confirme le rapport Gallois. La protection sociale représente en France 620 milliards d'euros, soit 31 % du PIB : c'est une augmentation de six points de PIB en vingt ans alors que, pendant la même période, l'Allemagne n'y a consacré que 2,4 points supplémentaires. Le niveau atteint est le plus haut en Europe et même dans le monde. Il étouffe les entreprises par l'augmentation du coût du travail et les salariés par la baisse du pouvoir d'achat. Or les dépenses continuent de croître de 3 % par an tandis que le PIB, nous l'avons vu, est au ralenti. Les déficits et la dette ne sont donc pas près de se réduire.
Le débat sur la maîtrise des dépenses est essentiel, et l'on voit mal comment les mesures qui ont été prises au cours de ces six derniers mois – retour à la retraite à soixante ans, suppression de la TVA compétitivité et de la convergence, mauvaise évaluation de l'ONDAM – régleront quoi que ce soit.
Mes chers collègues, je persiste à penser que ce PLFSS n'est pas crédible, parce qu'il porte en lui trop d'erreurs de stratégie. Vous restez campés sur vos positions et pensez toujours détenir la vérité. Ce n'est assurément pas la nôtre.
Dans les jours qui viennent, un recours en inconstitutionnalité sera déposé par le groupe UMP.
Je ne peux que vous confirmer notre refus de voter ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne sais pas si je vais pouvoir jouer les perroquets savants : perroquet peut-être, mais savant, je ne le suis pas. (Sourires.) En tous les cas, je ne suis pas sûr que le déficit de la sécurité sociale – 160 milliards d'euros sur dix ans et 17 milliards pour la seule année 2012 – permette aux orateurs de l'opposition d'asséner de telles leçons et d'être aussi certains de détenir la vérité.
Je ne possède pas la vérité ; mais je pense qu'une vérité préside à ce projet de loi, qui renverse des logiques – Jérôme Guedj l'ayant déjà démontré, je n'y reviendrai pas plus longuement. Il s'agit d'un véritable retournement de logique, avec l'arrêt des déremboursements, et même d'une rupture de logique, puisque l'on arrête de penser que c'est en cessant d'assurer que l'on sauvera la sécurité sociale.
Nous vivons une période de crise, et chacun sait que ce n'est pas dans ce moment-là que le besoin de protection diminue. Nous connaissons un vieillissement de la population, que nous sommes bien obligés d'intégrer dans la réflexion et dans la construction du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Certes, l'augmentation de l'ONDAM va au-delà des préconisations de la Cour des comptes, puisque l'objectif est fixé à 2,7 % alors que la Cour aurait souhaité un taux de 2,4 %. Mais c'est la condition pour que la sécurité sociale puisse remplir son office et assurer la protection nécessaire.
Parmi les composantes de cet ONDAM, l'ONDAM médico-social fixé pour sa part non pas à 2,7 %, mais à 4 % ; ceci est important, si l'on tient à s'occuper effectivement des personnes handicapées et des personnes âgées.
Je citerai ainsi l'exemple de l'EHPAD blésois La Roselière, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans lequel le groupe iso-ressources moyen pondéré a augmenté de moitié en cinq ans, alors que dans le même temps ses effectifs sont restés inchangés. Ceci signifie que, alors que le besoin de soins, que traduit cette augmentation du GIR, a considérablement augmenté, la capacité à donner ces soins n'a pas varié.
L'augmentation de l'ONDAM médico-social autorisera donc les recrutements nécessaires, nous permettant de soigner avec dignité les personnes âgées. Nous devons assumer le vieillissement de la population, car s'il est souhaitable que la durée de vie s'allonge, cela entraîne des conséquences. Il est donc de notre responsabilité de dégager les moyens nécessaires à cette fin.
La fin de la convergence tarifaire s'inscrit dans la nécessaire réhabilitation de l'hôpital. Sa notion avait quitté jusqu'à nos textes de droit public. Il était donc nécessaire de la réhabiliter, car l'hôpital accueille tous les patients, quelle que soit leur pathologie, quelle que soit leur condition sociale. Nous devons cesser de traiter de façon identique ce qui ne l'est pas, car ce que fait l'hôpital est significativement différent de ce que font les cliniques. Partant de ce constat, il n'était pas possible de mettre sur un pied d'égalité ce qui ne l'est pas ; nous devons au contraire donner au service public les moyens d'assurer sa mission. C'est ce que réalise ce projet de loi en mettant fin à la convergence tarifaire.
Si nous sommes très loin du compte en ce qui concerne la lutte contre les déserts médicaux, nous nous y attaquons pourtant avec la mesure consistant à recruter deux cents praticiens, à qui sera garantie une rémunération de 4 600 euros par mois.
Je suis élu de la région Centre, qui enregistre la plus faible densité médicale en France. Dans mon département, le Loir-et-Cher, 40 % des praticiens libéraux seront en âge de prendre leur retraite dans les deux années à venir ; il est donc bien évident que cette mesure, qui offre la possibilité d'une solution, me paraît adaptée.
Madame Poletti, après avoir écouté vos critiques, j'attends vos propositions ! J'ai en effet écouté avec attention tous les orateurs de l'opposition, mais je n'ai entendu strictement aucune proposition cet après-midi.
Lorsque l'on aborde un projet de loi de financement, on s'y intéresse évidemment de près ; mais l'on peut également prendre le temps, surtout en troisième lecture, d'examiner la situation dans une autre perspective.
Il est ainsi nécessaire de faciliter les innovations. Je citerai de nouveau l'exemple de mon département : il existe à Saint-Georges-sur-Cher une maison de santé non pluridisciplinaire, employant une demi-douzaine de médecins et un secrétariat. Cette maison de santé bénéficie d'une convention PAIS – Plateforme alternative d'innovation en santé – qui autorise une ouverture de 8 heures à 20 heures en semaine, et jusqu'à 12 heures le samedi.
Les effets de cette convention sont intéressants : le secrétariat est formé par le SAMU à distinguer au téléphone une urgence relevant de l'hôpital d'une autre et pouvant être traitée très rapidement sur place. L'ouverture jusqu'à 20 heures permet ainsi aux personnes qui se sentent mal en rentrant de leur travail, ou aux parents qui s'inquiètent pour leurs enfants lorsque ceux-ci rentrent de l'école d'aller voir leur médecin après 18 heures.
Pour un euro investi, cette mesure permet d'en économiser sept. En effet, lorsque l'on se rend chez le médecin installé dans son bourg, on ne va pas à l'hôpital. De plus, pour reprendre l'exemple de Saint-Georges-sur-Cher, qui se situe à 40 kilomètres de Blois, on ne prend pas un véhicule sanitaire léger pour se rendre à l'hôpital. Les économies sont donc immédiates.
Malheureusement, ce système a été reconduit, non plus avec des fonds de l'agence régionale de santé, mais avec ceux d'une communauté de communes. Il faudra donc trouver des solutions, car il n'appartient pas aux communautés de communes de payer la facture lorsque la sécurité sociale fait des économies.
Il existe certes le fonds d'intervention régionale, mais celui-ci a pour objectif d'innover, de tester, d'expérimenter. Or, dans ce domaine, la fongibilité est nécessaire pour faciliter les financements en provenance des fonds de la sécurité sociale, lorsque sont trouvées des solutions permettant de réaliser des économies.
L'intérêt de cette expérience réside également dans la définition de meilleurs rapports entre les médecins et leur secrétariat. Les médecins ont en effet accepté, après de longues discussions, que des secrétaires reçoivent une formation spécifique pour pouvoir indiquer à leurs interlocuteurs téléphoniques s'ils doivent ou non se rendre à l'hôpital. Cela fait courir un risque, naturellement, mais permet également d'avancer dans la recherche de solutions.
De ce point de vue, je pense que l'un des remèdes à la désertification médicale réside dans la meilleure articulation des professions de santé : nous avons besoin de professionnels de santé qui, sans être des médecins, voient leurs compétences reconnues.
Ainsi, la formation professionnelle des kinésithérapeutes et des orthophonistes, pour ne citer que ces deux exemples, me paraît devoir être traitée de façon prioritaire : il existe un réel besoin de reconnaissance de ces professionnels. Les orthophonistes ont en effet la capacité de réaliser des bilans sur lesquels peuvent s'appuyer des neurologues ; dans un contexte de vieillissement de la population, ce point est relativement important.
Pour en revenir au PLFSS, celui-ci entraîne certes une augmentation de l'ONDAM, mais qui n'a rien de déraisonnable. Je rappelle en effet que nous travaillons sur plusieurs années pour parvenir raisonnablement à l'équilibre budgétaire. L'année 2012 a été marquée par un déficit de 17,4 milliards d'euros ; si l'on ne fait rien, ni dans le projet de loi de finances rectificative, ni dans le PLFSS, ce déficit atteindra 25 milliards d'euros, simplement en prolongeant les mesures appliquées cette année. En retenant un déficit de 13,9 milliards, le projet de loi propose un effort qui ne me paraît pas mince, et qui mérite d'être signalé. Je regrette par conséquent qu'aucune proposition ne soit venue assortir les critiques formulées par l'opposition.
Si l'on examine les recettes, les auto-entrepreneurs seront sans doute davantage taxés qu'ils ne le sont actuellement. Mais il faut peser le pour et le contre avant de critiquer. On pourrait ainsi objecter à bon droit que les indépendants dont les revenus sont faibles – moins de 15 000 euros – sont faibles verront leurs cotisations minimales diminuer ; cela concerne tout de même 500 000 professionnels ! Pour cette raison, le dispositif prévu me paraît tout à fait intéressant.
Tels sont les éléments que je tenais à rappeler, en espérant ne pas avoir répété tout ce qui a d'ores et déjà pu être expliqué sur ce sujet. Ce PLFSS inaugure une nouvelle logique, qui nous oblige à persévérer, tout en nous donnant les moyens pour ce faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, l'adoption définitive de la loi de financement de la sécurité sociale aura permis de souligner les véritables enjeux qui nous attendent dans les prochains mois.
Les débats entre nos deux assemblées n'ont malheureusement pas permis d'aboutir sur des positions de consensus, du fait notamment d'une alliance pour le moins contre-nature entre les parlementaires du Front de gauche et de la droite. Nous ne pouvons que regretter cette attitude sur un sujet aussi important que le financement d'un des socles de la solidarité nationale – même si nos divergences ne provoquent pas de crise aussi importante que celle que connaissent nos collègues de la majorité, monsieur Door…
Ce texte, ainsi que mes collègues l'ont répété à cette tribune tout au long de son examen, constitue une première étape positive sur la voie d'une politique de santé publique privilégiant la solidarité.
Celle-ci passe par différentes mesures que le groupe écologiste a inscrites dans son propre programme. La plus emblématique consiste dans la mise en place du praticien territorial pour lutter d'une manière souple contre les déserts médicaux, en incitant les jeunes généralistes à s'installer moyennant une garantie de revenus. Cette politique marque un véritable tournant dans notre volonté de s'attaquer à ce problème, qui constitue un véritable handicap pour l'attractivité des territoires ruraux.
Les autres mesures importantes favorisent l'égal accès pour tous à une sexualité choisie. La prise en charge à 100 % des interruptions volontaires de grossesse et les réflexions engagées sur la question de la contraception chez les mineurs montrent un volontarisme politique soucieux de dépasser les postures idéologiques, qui accepte de regarder sans honte ces problèmes dont on sait qu'ils touchent davantage les milieux socialement défavorisés.
Mais ce vote appelle quelques réserves qui, je l'espère, seront levées dans les prochains mois. Ces réserves viennent de la prise en compte pour le moins discrète de la dimension éducative de la santé publique, ainsi que des rejets systématiques des mesures que le groupe écologiste souhaitait mettre en oeuvre pour lutter contre les facteurs environnementaux de mauvaise santé.
Les deux amendements sur l'aspartame et l'huile de palme ont pourtant un objectif que nous partageons tous a priori : permettre à chaque Français de vivre mieux et en bonne santé. Or, nous savons aujourd'hui que nombre de productions de l'agroalimentaire, privilégiant les logiques de profit à la santé des consommateurs, mettent en oeuvre des produits dont on connaît la nocivité à terme. C'est le cas de l'huile de palme, qui présente le double désavantage de provoquer des problèmes de santé publique dans les pays du Nord, et des ravages sur l'environnement dans les pays du Sud : concrètement, elle provoque obésité et problèmes cardiovasculaires au nord, déforestation et pollution des sols au sud.
Dans le journal Midi Libre daté du 9 septembre 2011, M. Arnaud Montebourg indiquait à Narbonne, sur le site d'un projet de production d'huile de palme qui heureusement n'a pas vu le jour, qu'il fallait investir dans la révolution verte plutôt que dans une industrie agroalimentaire polluante, concourir à un rapprochement des lieux de production et de consommation, et opérer une réconciliation de l'écologie et de l'économie. Nous ne pouvons que nous faire l'écho de cette approche.
Concernant l'aspartame, dont le brevet fut racheté par la firme Monsanto en 1985, sa nocivité, même à faible dose, a été démontrée. Il aggrave les risques de naissance avant terme ; en outre, il existe de très fortes présomptions que sa consommation entraîne un risque accru de cancer. Telles sont les conclusions de l'étude menée par la fondation européenne Ramazzini, institut italien privé de recherches en cancérologie environnementale.
L'amendement que nous avions déposé et dont nous avions débattu au Sénat crée une taxe additionnelle sur l'aspartame, destinée à augmenter chaque année jusqu'en 2016. Son premier objectif est d'inciter les industriels à substituer à l'aspartame d'autres édulcorants naturels ou de synthèse. À cette fin, il convient de lui ôter son avantage concurrentiel, qui repose sur le simple fait que le coût des dégâts sanitaires occasionnés est externalisé et supporté par la collectivité. De ce point de vue, la progressivité est indispensable car elle permet d'aboutir à terme à une taxation dissuasive, tout en laissant aux industriels le temps de s'adapter aux produits de substitution. Les importations seraient évidemment taxées.
Comme pour l'huile de palme, il s'agissait à la fois d'oeuvrer à la réduction de l'utilisation de l'aspartame, de doter l'assurance maladie d'une nouvelle recette et d'anticiper les risques de dépenses supplémentaires dus à des maladies favorisées par cet édulcorant.
D'autres sujets de santé environnementale auraient également mérité d'être traités. Je pense particulièrement au diesel, responsable de l'émission de grandes quantités de particules très fines qui s'infiltrent aisément dans l'appareil respiratoire – débat porté par nos collègues au Sénat. Ces particules sont à l'origine de cancers et de maladies respiratoires ou dégénératives, ce qu'a officiellement confirmé l'OMS dans un rapport rendu public en juin 2012, à la suite d'une étude de longue durée.
Lors de l'examen des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2013, Mme la ministre a affirmé que les maladies chroniques ne sont pas un simple enjeu, mais le coeur même des politiques de santé publique. Nous ne pouvons que partager cette analyse. Elle rappelait, à juste titre, qu'elles représenteront très prochainement 75 % des dépenses de l'assurance maladie.
Mme la ministre a également évoqué, à de nombreuses reprises, son souci de cohérence et réaffirmé dans un même élan son ambition pour une santé publique qui soit le fer de lance de la solidarité. En renvoyant nos amendements à une future loi de santé publique, elle a placé le groupe écologiste, ainsi que nombre de Français, dans une forte attente.
À l'heure où nous savons que les crises que nous traversons sont avant tout systémiques et qu'elles mélangent tout autant les problématiques environnementales, sociales, économiques et financières, l'approche globale qui doit être la nôtre en matière de santé doit marquer le tournant d'une politique qui fait dos aux pressions des lobbies et des marchés.
Le groupe écologiste appelle donc à voter en dernière lecture le présent texte et prend rendez-vous pour le débat que nous allons ouvrir dans les prochains mois car, contrairement à d'autres, nous faisons encore confiance à la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
J'appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La parole est à M. Christian Paul, du groupe socialiste, républicain et citoyen, pour une explication de vote.
Monsieur le ministre, dans quelques instants, le budget de la sécurité sociale pour 2013 va arriver à bon port, en tout cas la majorité le votera sans état d'âme et avec beaucoup de conviction.
À M. Door et à ses quelques très rares collègues de l'opposition présents aujourd'hui, je dirai que le seul regret que l'on puisse avoir concernant ce débat qui fut intense, passionnant, très riche car les propositions du Gouvernement en ce début de législature étaient de nature à susciter le débat, c'est qu'il ait eu lieu dans un hémicycle déserté par les tribus rivales de l'UMP, dont les leaders se comportent plutôt ces jours-ci en chefs de guerre qu'en hommes d'État. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)C'est très destructeur pour la démocratie.
Vous avez oublié ce qu'il s'est passé il y a quelques années au parti socialiste !
J'ai entendu, de la part des quelques députés présents malgré tout, des critiques tout à fait paradoxales. M. Door considère que les dépenses sont trop élevées, de même que les prélèvements, mais il ne vote pas les économies !
Dans ces conditions, que reste-t-il ? La poursuite du rétrécissement massif de la protection sociale, y compris dans le domaine de la maladie, auquel vous avez procédé depuis dix ans ? Nous ne voulons pas continuer dans cette voie.
Contrairement à ce que d'aucuns ont voulu nous faire croire, ce n'est pas un PLFSS de transition, mais de réorientation, d'inversion des tendances, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre, et à travers vous le Gouvernement, Mme Touraine et les ministres délégués.
Nous mettons fin à la spirale des déficits,…
…aux déremboursements que vous avez soigneusement organisés et cultivés pendant des années.
Ce sont des réformes d'organisation, d'efficacité, de structure qui sont engagées dans le domaine de l'hôpital bien sûr, comme en matière de soins de proximité. Nous voulons, grâce à des incitations réelles, non seulement lutter contre les déserts médicaux, mais aussi favoriser les soins de proximité, le travail en équipe, les parcours de soins. Dans ce domaine, il faudra tout particulièrement veiller à l'intérêt général, rester bien sûr à l'écoute des professions de santé mais sans être à la remorque des corporatismes.
Le groupe socialiste votera le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, parce que nous pensons qu'en début de législature, au début d'un nouveau cycle politique, c'est un acte politique majeur. Son contenu est essentiel pour la protection sociale, et notamment pour l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, depuis quelque temps déjà notre pays est confronté à une triple crise : une crise de la zone euro, une crise de la dette et, très certainement, une crise de compétitivité pour l'ensemble des entreprises de la France.
La crise de la zone euro est ancienne. On se souvient du nombre de réunions supposées être décisives, notamment à propos de la Grèce, qui se sont tenues ces dernières années. Mais les choses et les esprits ont évolué puisque 40 milliards d'euros de dettes semblent abandonnés et que certains pays, parmi les plus intransigeants à l'égard de la Grèce, paraissent manifester à son endroit une attitude désormais plus conciliante, certainement plus lucide au vu de ses possibilités, et certainement plus précautionneuse à l'égard de l'avenir de la zone euro.
Quoi qu'il en soit, avant même que ces nouvelles soient confirmées, observons que, depuis quelques mois, un plan de relance a été élaboré au sein de la zone euro, un plan de 120 milliards d'euros qui sera mis en oeuvre par la Banque européenne d'investissement et qui verra en vérité son montant doublé par un effet de levier : ce sont 240 milliards d'euros qui seront injectés en Europe au profit d'investissements utiles, sinon indispensables.
Observons aussi que le Mécanisme européen de stabilité a enfin été créé et qu'il a le droit de recapitaliser des banques de pays appartenant à la zone euro, dès lors que ces banques sont soumises à une surveillance commune.
Observons, toujours, que les discussions entre la France et l'Allemagne ont pris un tour plus équilibré et que, si cette crise de la zone euro qui plonge l'Europe dans une situation économique préoccupante n'est pas résolue aujourd'hui, tout indique que les voies et moyens semblent désormais connus et en partie utilisés pour sortir la zone euro, en particulier au sud de l'Europe, mais en fait dans sa totalité, de cette croissance lente, molle, voire de cette récession pour certains pays, qui frappe les économies, qui frappe les peuples et qui plonge la première puissance économique du monde, l'Europe, dans une situation indigne de ses capacités, de son rang et, oserai-je dire, de sa mission.
La deuxième crise que nous avons trouvée est une crise de la dette. Chacun connaît cette crise : 900 milliards d'euros de dettes de plus en dix ans. Certes, la crise a eu sa part de responsabilité, mais convenons que certaines politiques ont été imprudentes : en coupant les recettes de l'État sans que des économies soient faites à due concurrence, on posait les termes d'une équation impossible, sauf à en sortir par l'endettement. C'est bien ce qui s'est passé : 300 milliards d'euros de dettes de plus entre 2002 et 2007, que la crise n'explique pas ; 600 milliards d'euros de dettes de plus entre 2007 et 2012, que la crise explique en partie, mais en partie seulement. J'en veux pour preuve l'évolution du déficit structurel de la France entre 2007 et 2012 : un déficit qui par définition neutralise les effets de la crise. Qu'il s'agisse du manque de recettes ou des recettes décidées dans le cadre de plans de relance, le déficit structurel, qui était de 3,9 % du PIB en 2007, est de 4,8 % en 2012. Notre pays a donc continué à s'endetter structurellement sous la dernière législature, et ce ne sont pas la révision générale des politiques publiques ni la suppression d'un poste de fonctionnaire partant à la retraite sur deux, mesures qui ont servi d'emblèmes, ce ne sont pas ces politiques-là qui ont permis de revenir sur cet endettement structurel de notre pays.
Ce que je voudrais dire, c'est que, fin 2012, le déficit public sera bien ramené à 4,5 % : tout a été fait pour cela, par les dirigeants de notre pays au début de cette année et par ceux qui leur ont succédé à partir du mois de mai. Tout a été fait, et c'est un effort structurel de 1,2 point de PIB qui aura été constaté en cette fin d'année 2012, réduction à laquelle s'ajoutera une réduction de 2 points l'année prochaine. En deux ans, ce sont donc 3,2 points de PIB de résorption du déficit structurel qui auront été réalisés. Jamais notre pays n'aura consenti en si peu de temps un effort aussi important.
Un effort difficile, décidé par les uns et par les autres, avec des hausses de fiscalité : chacun en a pris sa part, et ceux qui ont eu à s'intéresser à ces choses-là savent ce qu'il en est de la part respective, dans la hausse des impôts, de tel gouvernement ou de tel autre. Je rappelle pour mémoire qu'entre 2007 et 2012, quand il nous avait été indiqué que les impôts allaient baisser de 80 milliards d'euros, ils ont augmenté de 30 milliards, soit 1,5 point de PIB. On sait que, depuis que le gouvernement Ayrault dirige les affaires du pays, des décisions difficiles ont été prises, difficiles et néanmoins nécessaires pour que la parole de la France soit respectée.
En 2012, un effort incontestable de maîtrise de la dépense publique a été engagé, par tous les gouvernements. Je rappelle qu'un coup de rabot de 1,2 milliard d'euros avait été décidé par le gouvernement précédent, assumé par le suivant, que la réserve de précaution décidée dans la loi de finances initiale pour 2012 a été confirmée par le même gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et qu'un « sur-gel » de 1,5 milliard d'euros y a été ajouté : mesures de précaution pour les uns comme pour les autres, mesures au demeurant indispensables quand on constate, chaque fin d'année, la nécessité d'assumer des dépenses difficiles à prévoir dans certains cas, peut-être plus aisément prévisibles dans d'autres, des dépenses que l'État se doit en tout cas d'assumer et qui seront acquittées à partir de cette réserve de précaution. Ce sont donc 2,1 milliards d'euros qui sont nécessaires, dont 1,8 milliard à partir des budgets gelés. Selon un principe de précaution bien connu, nous n'avons pas entamé cette réserve cet été : nous avons bien fait, je le crois. Selon un principe de solidarité, l'ensemble des missions sont touchées par l'effort demandé.
Crise de la dette, donc, mais crise de la dette qui, dès lors qu'elle est prise à bras-le-corps, permet d'envisager sa résorption. L'année 2012 en témoigne, puisqu'en exécution nous terminerons le budget avec une diminution de 3,4 milliards d'euros par rapport à ce qui fut voté en loi de finances initiale pour 2012. Si l'on fait le calcul de loi de finances exécutée à loi de finances exécutée, c'est une économie en valeur absolue de 200 millions d'euros que l'on pourra constater. Ce montant peut paraître dérisoire au regard du stock de dettes accumulé par notre pays ces dernières années – près de 1 800 milliards d'euros –, mais j'aimerais que ces 200 millions soient comparés à ce qui fut l'évolution systématique de ces dernières années. Car, de loi de finances exécutée en loi de finances exécutée, le dérapage d'une année sur l'autre était de 6 milliards d'euros en moyenne. Ainsi, une économie de 200 millions d'euros en valeur absolue, c'est en fait un effort de plus de 6 milliards d'euros que notre pays aura réalisé en 2012, précisément parce que – peut-être en début d'année, mais certainement à partir du mois de mai – un soin particulièrement scrupuleux, vigilant, a été mis à vérifier que chaque dépense était utile, que rien d'inutile n'était engagé ; un soin scrupuleux a été mis à contrôler l'évolution de notre dépense publique, tant il est vrai que la fiscalité seule, isolément, ne pourra faire que notre pays ajuste ses finances publiques.
Crise de l'euro, j'ai indiqué les voies pour espérer ; crise de la dette, j'ai indiqué ce que nous avions fait en 2012 ; ce que nous envisageons de faire pour 2013 a été débattu dans cet hémicycle lors de l'examen de la loi de finances initiale. Nous respecterons la norme « zéro valeur » dans le champ de cette norme connue, car édictée sous une autre majorité, et pour ce qui est de l'ensemble des dépenses de l'État, c'est une évolution de 0,3 % qui sera constatée.
Quand on sait que ce champ comprend l'évolution de la dépense des pensions et du service de la dette, on mesure l'effort qui attend notre pays, un effort auquel, je le crois prêt, car nos concitoyens ont très majoritairement compris qu'il n'était plus possible de mener des politiques à crédit, en s'endettant tant et plus chaque fois qu'une politique nouvelle pouvait être décidée.
Crise de la zone euro, crise de la dette, crise de la compétitivité. On en sait les conséquences. En 2011, le déficit du commerce extérieur était de 70 milliards d'euros ; nous étions excédentaires en 2001. On en sait aussi les conséquences sur le chômage : 3,1 millions de chômeurs dans notre pays, chiffre effrayant. Un million de chômeurs en plus ces cinq dernières années : cette évolution est plus que préoccupante. Le chômage augmente sans désemparer depuis maintenant dix-huit mois. Certes, cinq mois sont à assumer par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, mais dire cela, c'est faire remarquer que les autres doivent l'être par le Gouvernement précédent. Cette augmentation continuelle est l'une des conséquences de la perte de compétitivité de nos entreprises, et nous avons décidé de tenter d'y remédier en début de législature et par des mesures d'application immédiate – et non, comme d'autres ont peut-être voulu le faire, en toute fin de législature et par des mesures d'application différée.
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, c'est en effet un effort massif – 20 milliards d'euros – inédit dans notre pays. C'est un effort d'application immédiate puisque, si ce texte est adopté comme je le souhaite naturellement, la loi sera promulguée dès le 1er janvier, et c'est donc dès le premier jour de l'année prochaine qu'elle pourra s'appliquer. Nous ne différons pas l'application de cette politique de quelques mois, dans l'attente de je ne sais quelles échéances électorales.
Troisième différence avec ce qui avait été fait précédemment, c'est une politique qui sera pour moitié financée par des économies supplémentaires, ce qui, mesdames et messieurs les députés, obligera le pays à envisager puis à engager des réformes structurelles dans des domaines jusqu'alors épargnés. Ces politiques structurelles seront naturellement difficiles à envisager. Elles feront naturellement l'objet de débats, au cours desquels chacun pourra manifester ses inquiétudes, mais, je l'espère aussi, sa résolution, et qui pourront, je le souhaite, se conclure par des décisions difficiles, courageuses, mais indispensables à notre pays : des réformes structurelles de nature à améliorer sa compétitivité.
Je sais bien quelles craintes se sont manifestées, ici ou là, de ce qu'une somme aussi massive – 20 milliards d'euros – soit dépensée sans aucune assurance que les termes du contrat soient respectés. C'est pourquoi le Gouvernement est évidemment favorable à ce que des critères soient fixés pour imaginer ce que pourraient être des utilisations légitimes et illégitimes de ces montants considérables. Seraient illégitimes des augmentations de la rémunération de certains dirigeants ou des versements de dividendes dans des proportions supérieures à celles qu'on a constatées, et il est vrai qu'il faudra faire preuve de vigilance car, on l'a vu pendant la crise qui éclaté en 2008 et on l'a vu encore en 2009 et 2010, ce ne sont pas les versements de dividendes qui ont servi de variables d'ajustement aux entreprises. Les dividendes ont été servis comme si rien ne s'était passé, et c'est l'investissement, la formation, l'emploi, qui ont servi de variables d'ajustement. Ces choses-là ne sont évidemment plus admissibles.
Seraient légitimes, en revanche, des dépenses en faveur de l'investissement, de la formation, de l'embauche, de l'exportation…
Je crois que ces critères sont utiles, et je fais le pari que les partenaires sociaux sauront s'en saisir, afin qu'une fois débattus et décidés dans cet hémicycle ils puissent servir à apprécier l'utilisation des fonds publics.
S'agissant du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, Pierre Moscovici aurait été dans son rôle en le défendant à cette tribune et je vous demande de bien vouloir l'excuser, car il est, comme c'est souvent le cas depuis que l'euro est en crise, retenu hors de nos frontières pour représenter la France afin de trouver les voies et moyens de sortir la zone euro de la crise, et ainsi la France d'un climat économique bien peu propice aux affaires et à sa prospérité.
Ce projet de loi de finances rectificative comporte par ailleurs un certain nombre de dispositions visant à garantir la loyauté des différents agents économiques, à un moment où un effort est demandé à chacun. C'est vrai pour les particuliers : des dispositions vous seront proposées, telle la suppression de la règle du double, qui interdisait à l'administration fiscale de demander l'origine des fonds déposés sur un compte bancaire dès lors qu'ils n'excédaient pas le double des rémunérations déclarées.
C'est vrai aussi pour un certain nombre d'entreprises, auxquelles on pourra, dès que ce sera possible, demander leur comptabilité par voie électronique – des entreprises qui, parfois de manière assez déloyale, préfèrent donner à l'administration fiscale des mètres cubes de documents papier, généralement bien mal exploités car trop difficilement exploitables.
C'est vrai encore de dispositions qui, je l'espère, feront l'objet d'un consensus, comme la création d'une solidarité dans la chaîne des carrousels de TVA pour les véhicules d'occasion.
J'espère également que l'unanimité se fera en faveur de la traçabilité des paquets de tabac, puisque l'on sait que des phénomènes de contrebande ou d'importation frauduleuse sont très importants sinon massifs – en tout cas dans les zones frontalières.
Bref, toutes dispositions qui, en renforçant les moyens de l'administration fiscale, devraient permettre de s'assurer que tous nos concitoyens assument leurs devoirs de la manière la plus loyale à l'égard de la collectivité nationale.
Enfin, une disposition vous sera proposée par votre commission des finances, visant à traiter la délicate question de la cotisation foncière minimum des entreprises. Le Sénat avait, semble-t-il, trouvé une bonne solution ; malheureusement, le rejet de la première partie du projet de loi de finances pour 2013, du fait de l'opposition de certains et de l'abstention d'autres, ne permet pas d'intégrer cette disposition dans le texte que l'Assemblée aura à examiner. C'est donc cette dernière qui devra, je l'espère, adopter dans le présent collectif les dispositions permettant aux collectivités de revenir sur les hausses de la cotisation minimum, décidées par ces mêmes collectivités sans parfois toujours bien mesurer l'impact fort préjudiciable que ces votes pouvaient avoir sur le sort des entreprises.
Je ne doute pas que, comme pour chaque projet de loi de finances rectificative, les débats seront de très haute tenue et tout à fait intéressants et, qu'à cette occasion, les uns et les autres auront à coeur de manifester et leurs convictions et leur sincérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous allons examiner notre troisième projet de loi de finances rectificative de l'année et le second depuis le changement de majorité.
Ce collectif de fin d'année est un exercice traditionnel, mais il présente cette année certaines particularités : il doit tirer les conséquences, en fin de gestion, des surévaluations de recettes et des sous-évaluations de dépenses décidées par un autre gouvernement, émanant d'une autre majorité ; il doit cependant démontrer la capacité du nouveau gouvernement à tenir les engagements de réduction du déficit public pris devant nos partenaires européens et devant les Français.
Ce texte est plus qu'un collectif traditionnel de fin d'année. Il comprend trente et un articles, dont quatre seulement pour la première partie, c'est-à-dire les recettes et l'équilibre de l'exercice 2012. La commission a examiné également, en détail, les deux amendements du Gouvernement prévoyant l'instauration du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et son financement par un relèvement de la TVA. Ce crédit d'impôt est probablement la mesure de politique économique la plus marquante de ce début de législature.
Avant d'aborder les principales mesures fiscales relatives à la lutte contre la fraude et contre les abus de droit, ainsi qu'au crédit d'impôt, une présentation rapide des équilibres budgétaires prévus par le PLFR est nécessaire.
Les prévisions de recettes sont quasiment stables par rapport à la prévision révisée de septembre dernier. Un point important néanmoins : les révisions successives de la prévision de recettes fiscales nettes ont conduit à les réévaluer à la baisse de 4,8 milliards d'euros depuis la loi de finances initiale, dont 4,6 milliards au titre de l'impôt sur les sociétés et 1,1 milliard au titre de la TVA. Ces révisions à la baisse sont l'indice d'une surévaluation des recettes fiscales nettes par la loi de finances pour 2012 : cela pose la question de la sincérité de la prévision initiale.
Pour ce qui est des dépenses, il faut en revanche souligner que l'exécution 2012 s'avérera bien meilleure que prévu grâce – et malgré votre modestie, monsieur le ministre – au sens des responsabilités, à la volonté politique et à la réactivité du nouveau gouvernement.
Comme l'avait anticipé la Cour des comptes, la budgétisation initiale des dépenses de l'État a été largement sous-estimée par la loi de finances initiale pour 2012. Alors que la Cour envisageait un risque compris dans une fourchette de 1,2 à 2 milliards d'euros, le présent PLFR et le décret d'avance examiné la semaine dernière en commission, montrent que les dérapages atteindraient 3,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement.
Pour l'information de l'Assemblée, le décret d'avance, que nous devrons valider à l'occasion d'un amendement présenté par le Gouvernement, couvre les dérapages suivants : 604 millions d'euros au titre des dépenses de personnel, 184 millions d'euros au titre des dépenses liées aux opérations extérieures et 168 millions d'euros au titre des bourses versées aux étudiants. Ce décret permet également de financer 120 000 contrats aidés créés au second semestre 2012, pour un montant de 300 millions d'euros.
Ces ouvertures de crédits n'affectent cependant pas l'équilibre budgétaire car elles sont entièrement gagées au sein de l'enveloppe « zéro valeur » par des annulations équivalentes portant pour 85 % sur des crédits mis en réserve, grâce au « sur-gel » – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – de 1,5 milliard d'euros annoncé à l'occasion de l'examen de la précédente loi de finances rectificative du 16 août 2012 – mesure de prudence.
Pour le seul PLFR, les ouvertures nettes de crédits s'élèvent à 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 790 millions d'euros en crédits de paiement, tandis que les annulations nettes s'élèvent sur le même périmètre à 1,68 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 860 millions d'euros en crédits de paiement. Le solde de 70 millions d'euros permet de couvrir l'augmentation du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne.
Je vous fais grâce, mes chers collègues, des détails de ces ouvertures de crédits de paiement. Je signalerai tout de même la restructuration de l'ensemble immobilier « Ségur-Fontenoy », qui permettra d'accueillir sur un seul site l'essentiel des services rattachés au Premier ministre, et la prise à bail d'un nouvel immeuble sur le site de La Défense, sous forme de location avec option d'achat. Ces ouvertures sont entièrement gagées par des annulations de crédits.
Il apparaît finalement que, malgré les impasses de budgétisation initiale héritées du précédent gouvernement, l'exécution pour 2012 s'avère excellente car l'ensemble des dépenses de l'État, y compris la charge de la dette et des pensions, baisseraient de 200 millions d'euros par rapport à l'exécution de 2011. C'est une première dans l'histoire budgétaire française, et c'est à comparer avec la progression annuelle de ces mêmes dépenses de 5 à 6 milliards d'euros par an sous l'ancienne législature. Cette bonne gestion a permis au Gouvernement de ne proposer aucune mesure de rendement fiscal en première partie du collectif.
S'il faut se féliciter de ce résultat historique, il convient néanmoins de rester vigilant à l'avenir pour au moins trois raisons.
D'abord, la moitié de l'économie constatée par rapport à la tendance résulte d'un facteur conjoncturel, lié à la réduction de la charge de la dette de l'État par rapport à la prévision initiale en raison des taux d'intérêt faibles dont a bénéficié la dette française sur l'année 2012. Sur ce plan, les efforts du Gouvernement pour respecter l'objectif de réduction du déficit public en 2013, pour renforcer la compétitivité des entreprises et pour lutter contre le chômage seront déterminants pour convaincre les investisseurs étrangers de notre crédibilité financière.
Ensuite, si le projet de loi de finances pour 2013 a « rebasé » à la hausse certaines dépenses d'intervention – bourses étudiantes, hébergement d'urgence notamment – et encadré l'augmentation de la masse salariale à plus 0,25 %, le risque de dérapages reste présent en ce qui concerne les OPEX, les aides au logement ou l'allocation pour adulte handicapé, et devra nécessairement être compensé par des économies sur d'autres postes.
Enfin, le Gouvernement doit aujourd'hui faire face à une nouvelle dépense exceptionnelle liée à la nécessité de recapitaliser le groupe Dexia, à hauteur de 2,58 milliards d'euros, sans connaître à ce stade son impact sur le déficit public de fin d'année, celui-ci dépendant d'une décision d'Eurostat attendue d'ici à la fin de l'année. Si la dépense de recapitalisation de Dexia n'est pas prise en compte dans le déficit public, le Gouvernement sera parvenu à tenir son engagement de réduire le déficit public de 5,7 % en 2011 à 4,5 % du PIB en 2012. C'était notre engagement.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé que diverses dispositions techniques de ce collectif tendent à mettre en place un important volet de mesures de lutte contre la fraude fiscale, contre les abus de droit, ainsi que des mesures faisant suite à la réforme de la taxe professionnelle.
Comme il est d'usage, ce collectif comprend de nombreuses mesures portant notamment sur le régime fiscal des tabacs – je pense au relèvement de la marge nette des distributeurs, conformément à l'engagement pris avec la profession. Nous prévoyons en outre une sixième modification de la taxe poids lourd, bien qu'elle ne soit toujours pas entrée en vigueur. Enfin, de multiples modifications marginales ou techniques de la TVA et de la taxe sur les conventions d'assurance, visent pour l'essentiel à mettre la France en conformité avec le droit européen.
Je passerai rapidement sur les mesures de lutte contre la fraude. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, l'obligation de marquage des paquets de cigarettes pour en assurer la traçabilité – l'élu frontalier que je suis ne pourra que s'en réjouir. Un effort de lutte contre la fraude à la TVA sur la vente de véhicules d'occasion sera mené en limitant le régime de la TVA sur la marge. Au titre des mesures anti-abus, on relèvera les montages du type donation-cession, cession à titre onéreux d'usufruit temporaire ou sursis d'imposition en cas d'apport à une société contrôlée par l'apporteur.
Vous êtes revenu, monsieur le ministre, sur les suites de la réforme de la taxe professionnelle. Nous avons adopté en commission, à mon initiative, des amendements permettant aux collectivités territoriales d'ouvrir la possibilité d'un dégrèvement ou bien la possibilité d'une nouvelle délibération d'ici à la fin janvier pour abaisser le niveau de l'assiette minimum de cotisation foncière des entreprises lorsque celui-ci a été fixé à un niveau trop élevé – et pour des raisons bien connues.
J'en viens à l'introduction, par un amendement du Gouvernement, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Tout d'abord, un peu de recul doit être pris pour bien saisir la démarche du Gouvernement. Pour comprendre ce crédit d'impôt, il faut en revenir au constat de la dégradation continue, depuis 2002, de la place de la France dans la concurrence internationale : la balance commerciale, excédentaire en 2002, est déficitaire de plus de 70 milliards d'euros en 2011 ; 700 000 emplois industriels ont disparu en dix ans ; les parts de marché à l'export ont diminué d'un quart en dix ans.
Il faut également rappeler ce qu'a fait – ou plutôt ce que n'a pas fait – la majorité précédente pour tenter de résoudre le problème. Entre 2002 et 2007, la seule initiative un tant soit peu ambitieuse a été la création de l'Agence de l'innovation industrielle. Mise en place en 2005, son échec a été constaté dès 2007 et elle a été intégrée au sein d'OSEO le 1er janvier 2008. Il est vrai que des projets plus ambitieux ont été menés entre 2007 et 2012, mais au prix de l'équilibre des finances publiques. Ainsi, la réforme de la taxe professionnelle, qui aurait fait économiser 6 milliards d'euros aux entreprises, a été financée par la dette, et je passe sur toutes les imperfections de cette mesure. Les investissements d'avenir, 35 milliards d'euros, ont eux aussi été financés par la dette. Ces deux seules mesures ont coûté près de 3 % de PIB de dette publique brute à la France.
Pour faire face à cet héritage, le Gouvernement et la majorité s'engagent pour soutenir la production et l'innovation. Ils mobilisent l'ensemble des instruments disponibles car le problème de notre économie est global. Pour ce qui est de son financement, nous allons créer la Banque publique d'investissement, faire voter une loi bancaire, engager une réforme de la fiscalité de l'épargne, cela à la suite des conclusions à venir de la mission confiée par le Gouvernement à nos deux collègues Dominique Lefebvre et Karine Berger, dont je ne doute pas de la productivité. (Sourires.)
Sur le plan social, un renforcement du dialogue s'impose pour apaiser les relations au sein des entreprises et renforcer les droits des salariés, notamment par la désignation de représentants au conseil d'administration des grandes entreprises, et bien sûr par la négociation en cours sur le droit du travail. Il s'agit surtout de créer les conditions d'une politique industrielle ambitieuse.
Le Gouvernement a fait le choix du crédit d'impôt. Ce crédit d'impôt, en faveur de la compétitivité et de l'emploi, est un bon choix, que je soutiens entièrement. C'est un bon choix pour deux raisons. La première raison, c'est qu'il n'affecte pas le budget pour 2013, lequel contient déjà, pour le dire simplement, un certain nombre de mesures difficiles pour les entreprises, et parfois pour les ménages. Le budget de 2013 ne sera pas affecté par le crédit d'impôt, alors que ses effets dans les comptes se feront sentir, pour les entreprises, dès l'année 2013. Il serait bon que le Gouvernement précise, au cours de la discussion parlementaire, les modalités de son financement, notamment pour les plus petites entreprises.
En faisant le choix d'un crédit d'impôt, et non d'une exonération de cotisations sociales, vous avez déconnecté votre décision du débat sur la réduction des cotisations sociales et c'est, à mes yeux, monsieur le ministre, le deuxième aspect positif de votre choix, car le débat sur les cotisations sociales doit nécessairement se faire avec les partenaires sociaux. Il nous semble donc intéressant d'avoir pris une mesure qui sera sans effet sur le budget de 2013, et qui ne nous ramène pas au sempiternel débat sur ce qui relève de l'assurance ou de la solidarité : ce point mérite d'être encore discuté avec les partenaires sociaux.
Certes, les conditions d'examen du dispositif ne sont pas pleinement satisfaisantes. Ce n'est pas la première fois qu'une réforme est engagée par des dispositifs ajoutés en cours d'examen d'un projet de loi de finances : le précédent Gouvernement avait émis une lettre rectificative au deuxième PLFR de 2011, déposée le jour même de l'examen du texte en commission, qui portait sur près de 7 milliards d'euros de hausses d'impôts, ce qui était une première.
On se souvient des effets que cela a eu sur la réforme de l'imposition des plus-values immobilières, qui a été amendée à la va-vite, en séance, par la majorité de l'époque.
Le Gouvernement a néanmoins fait l'effort de déposer ses deux amendements avant la réunion de la commission et de venir les présenter, devant la commission, pendant une audition de plus de deux heures, soit une durée équivalente à celle de la présentation d'ensemble du collectif la semaine précédente. Il faut lui en donner acte. Il a même accepté d'améliorer le dispositif par des sous-amendements parlementaires que nous aborderons lors du débat sur les amendements nos 4 et 5 . J'ajoute que, pour la première fois, la présentation du PLFR a été accompagnée de la présentation du décret d'avance : cette initiative, qui permet au Parlement d'avoir une bonne visibilité, mérite d'être saluée.
Ce dispositif est financé, contrairement aux réformes de la majorité précédente,…
…par des réductions substantielles de dépenses, par la création d'une fiscalité écologique et par le relèvement de la TVA, à compter de 2014. Sur ce point, l'avis de votre rapporteur général est de ne pas toucher à cet amendement pour l'instant, son effet ne devant se faire sentir qu'au 1er janvier 2014. Nous aurons plusieurs mois, et au pire jusqu'à la loi de finances initiale de l'année prochaine, pour envisager des adaptations sur le logement social, sur les transports publics…
…et sur un certain nombre de points où nous devons – c'est tout l'enjeu –, à somme nulle, arriver à une plus juste répartition de la contribution des Français au titre de la TVA.
J'ajoute, monsieur le ministre – et je termine, madame la présidente, en vous remerciant de votre indulgence, parce que je m'aperçois que je commence à dépasser mon temps de parole – que nous serons très vigilants sur un certain nombre de points qui devront être précisés au cours de la discussion parlementaire.
Le crédit d'impôt s'adresse à toutes les entreprises qui payent de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu. Il présente malheureusement un certain nombre d'inconvénients, en termes de distorsion de concurrence, entre le secteur privé, d'une part, et le secteur public ou assimilé, d'autre part. J'en donnerai quelques exemples : s'agissant du secteur de la santé, dans votre version du texte, les cliniques privées auront droit au crédit d'impôt, alors que l'hôpital public ou associatif à but non lucratif ne pourra pas en bénéficier. C'est une inégalité de traitement que nous ne saurions accepter en l'état.
Des problèmes similaires se posent pour les sociétés HLM : celles qui relèvent du secteur privé auront droit au crédit d'impôt, les autres non. Je pourrais évoquer également tout le secteur de l'économie sociale et solidaire : bien souvent, le secteur associatif n'aura pas droit au crédit d'impôt, alors que le secteur privé y aura droit. Même si j'en mesure les implications financières, il s'agit là, monsieur le ministre, de points importants sur lesquels votre rapporteur général et la commission des finances attendent des explications, des réponses et des mesures susceptibles de les rassurer.
En conclusion, monsieur le ministre, un beau débat nous attend. J'espère que le Gouvernement – mais je n'ai pas beaucoup de doutes à ce sujet – saura prendre en compte le travail de notre commission et entendre ses interrogations. Je vous remercie à nouveau pour votre écoute attentive, car je sais que votre situation du moment est difficile, vous qui êtes continuellement cloué au banc des ministres, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et je suis impressionné par le nombre d'heures que vous avez passé en séance.
C'est peut-être ce qui explique la modestie dont vous avez fait preuve tout à l'heure. Je répète pourtant ce que j'ai déjà dit : les prévisions d'exécution du budget de 2012 n'ont pas été égalées depuis des années, monsieur le ministre. De cela, le rapporteur général et la commission tiennent à vous remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour juger de l'exécution du budget de 2012, je crois utile de nous reporter d'abord à l'exécution du budget de 2011, ainsi qu'aux conditions de préparation, puis de vote, de la loi de finances initiale pour 2012.
Je vous rappellerai, monsieur le ministre – mais vous vous en souvenez – qu'au début de l'année 2011, l'objectif de déficit public avait été fixé à 5,7 % du PIB, dont 4,6 % pour le seul budget de l'État. Vous vous souvenez aussi qu'il nous a fallu pas moins de quatre collectifs budgétaires – et ça en valait la peine – pour parvenir, à la fin de l'année 2011, à un déficit public constaté de 5,2 % du PIB, ainsi qu'à une réduction sur le budget de l'État. Cette performance était d'autant plus remarquable qu'elle succédait à celle de l'année 2010, au terme de laquelle, avec un objectif de déficit public fixé à 8 % du PIB, nous avions fini à 7,1 %.
Vous devriez donc à nouveau – vous ne l'avez pas fait, mais c'est sans doute un oubli de votre part – marquer votre reconnaissance à l'égard de la gestion de la précédente majorité et du précédent Gouvernement… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vois que M. Schwartzenberg est d'accord avec moi. Les excellentes conditions de financement de notre dette et ses taux d'intérêt si bas font en effet partie du legs dont vous avez bénéficié.
Plusieurs députés du groupe SRC. Il faut le faire !
En effet, durant toute l'année 2011, la précédente majorité n'a eu de cesse de s'adapter à une évolution défavorable de la conjoncture, et en particulier à une diminution des recettes. Elle l'a fait en respectant, collectif après collectif, des règles rigoureuses en matière de gestion des dépenses – les règles dites « zéro valeur » et « zéro volume », et l'activation de la réserve de précaution. Elle a aussi cherché à mettre en place des recettes supplémentaires pour compenser l'érosion des recettes liée à la dégradation de la conjoncture.
Cela nous mène à la fin de l'année 2011, période de préparation de la loi de finances pour 2012. Je rappelle qu'en juillet 2011, nous comptions encore sur une perspective de croissance de 1,75 % ; c'est pendant l'été, au mois d'août exactement, que cette perspective de croissance pour 2012 a été ramenée à 1 %. Vous vous souvenez, mes chers collègues – et je pense particulièrement aux membres de l'ancienne majorité –, combien la discussion de la loi de finances pour 2012 fut difficile, puisqu'il nous a fallu, en cours de discussion, réaliser un effort supplémentaire de réduction des dépenses d'un milliard d'euros.
Je rappelle que, pour la première fois, dans le budget pour 2012, les dotations aux collectivités locales ont été réduites de 200 millions d'euros et que l'indexation d'un certain nombre d'aides sociales a été limitée à 1 % – je pense aux aides aux logements, aux allocations familiales. Par ailleurs, nous avons poursuivi la politique de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et avons porté à 8 milliards d'euros, dès la loi de finances initiale pour 2012, le montant de la réserve de précaution.
Au début de l'année 2012, comme la conjoncture internationale, et particulièrement européenne, continue à se dégrader, nous mettons en place le collectif budgétaire de février-mars, qui procède d'abord à un ajustement à la baisse de la croissance, laquelle est ramenée de 1 à 0,5 %. Comme cet ajustement provoque une érosion des recettes, le collectif met en place, en contrepartie, de nouvelles recettes…
Je pense en particulier à la taxe sur les transactions financières. Ce collectif, enfin, met en oeuvre la réforme compétitivité, qui vise à améliorer les marges de nos entreprises, en réduisant les charges sociales patronales – la suppression des 5,4 % de cotisations sociales patronales – avec, en contrepartie, une augmentation de la TVA. Ce collectif a enfin décidé, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'annulation pure et simple de 1,2 milliard de crédits qui étaient logés dans la réserve de précaution.
Si je rappelle tout cela, c'est parce que la qualité de ce collectif de fin d'année, qui tient ses objectifs, est aussi liée à la qualité de la loi de finances initiale et des premières mesures de correction qui ont été prises au début de l'année 2012.
Nous en arrivons au lendemain des élections : la nouvelle majorité propose un nouveau collectif budgétaire en juillet 2012, mais…
mais, avant de parler d'un excellent collectif – et je le ferai de façon très objective – il faut tout de même rappeler qu'un événement très fâcheux est survenu. Je veux parler de la décision qui a été prise, dans les premières semaines, d'engager quelque 20 milliards de dépenses supplémentaires sur toute la durée de la législature, à travers la remise en cause de la réforme de retraites, le coup de pouce au SMIC, l'abandon de la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite…
et l'augmentation de certaines prestations sociales, comme la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Ces dizaines de milliards de dépenses supplémentaires, avec un impact de quelques centaines de millions d'euros dès le deuxième semestre de 2012, sont financés essentiellement par des hausses d'impôts, et, pour une toute petite partie, par un redéploiement sur le budget de l'État – j'y reviendrai dans un instant.
Mais il y a également, et c'est tout à fait fâcheux, des augmentations de dépenses qui sont financées par la seule hausse du déficit. Le rapporteur général nous a rappelé il y a un instant que beaucoup de mesures de la précédente majorité avaient été financées par la dette ; mais les 450 millions d'euros de dépenses supplémentaires sur l'allocation de rentrée scolaire de 2012, j'aimerais bien qu'on nous explique comment ils ont été financés, sinon par l'augmentation immédiate de la dette !
Maintenant, si je m'en tiens au seul budget de l'État, je dois rendre hommage au ministre. Sur le seul budget de l'État, il est vrai que les 89 millions d'euros de dépenses supplémentaires liées, d'une part à l'abandon de la règle de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, et d'autre part au recrutement de fonctionnaires supplémentaires, en particulier dans l'éducation nationale, dès la rentrée de septembre, sont financées par redéploiement. Le ministre du budget obtient par ailleurs une augmentation de la réserve de précaution de 1,5 milliard d'euros. Quant au manque à gagner, même par rapport à la prévision rectifiée de février 2012, il a dû être compensé par des augmentations d'impôts. À l'image de ce qui s'était passé lors de l'exécution du budget pour 2011, la chute de la croissance a en effet conduit à une érosion de recettes de l'ordre de 5 milliards d'euros, qu'il a fallu compenser. Je pense en particulier à la fin des exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires – suppression fâcheuse, car ses effets portent essentiellement sur les ménages modestes.
Au même moment, c'est-à-dire en juin et juillet dernier, la Cour des comptes estimait que le montant des dépenses supplémentaires par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale serait compris dans une fourchette allant de 1,2 milliard d'euros à 2 milliards d'euros. Ces crédits supplémentaires, dont la Cour des comptes estimait qu'ils devraient probablement être mis en place en fin d'année, portent d'ailleurs toujours sur les mêmes missions : la mission « Travail et emploi », la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », les crédits des opérations extérieures. Nous en avons l'habitude.
En résumé, dès la fin du mois de juillet 2012, il était possible de dresser les trois constats suivants. D'abord, aucune mesure structurelle d'économie n'a été adoptée. Bien au contraire, nous sommes retombés dans la spirale des dépenses publiques supplémentaires. Deuxièmement, la réforme compétitivité adoptée en février dernier par l'ancienne majorité a été purement et simplement annulée. Troisièmement, les règles de bonne gouvernance ont été confirmées : je vous en donne crédit, monsieur le ministre. Vous vous appliquez, tel un bon élève assidu, à respecter les règles de la précédente majorité, comme les règles « zéro volume » et « zéro valeur », ainsi que la constitution d'une réserve de précaution.
C'est supposé être gentil ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Ce collectif de fin d'année confirme, en réalité, vos décisions et vos prévisions de juillet dernier. Environ 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires sont en effet nécessaires. Ils sont donc inscrits dans le présent collectif budgétaire et imputés aux missions habituelles. Vous utilisez la réserve de précaution, que vous avez eu raison de majorer. Enfin, vous respectez les deux règles « zéro volume » et « zéro valeur ». Comme en 2011, mais de manière encore plus conséquente, vous bénéficiez, par rapport aux prévisions, d'une économie de 2,4 milliards d'euros sur les frais financiers, compte tenu de la baisse importante des taux d'intérêt de la dette.
Et puis est arrivée, dans les derniers jours, la semaine dernière, la grande, la colossale surprise de ce collectif budgétaire : la réintroduction de la réforme compétitivité ! C'est le fruit d'une prise de conscience, tardive mais réelle, par le Gouvernement, de la dégradation incessante de la situation financière de nos entreprises. Le Gouvernement nous propose donc de mettre en place un crédit d'impôt pour la compétitivité. J'y reviendrai dans un instant. Auparavant, je dirai un mot de ce collectif budgétaire, non plus du point de vue des événements qui ont précédé son élaboration, mais en me tournant vers l'avenir, c'est-à-dire en me demandant quelle lumière il peut jeter sur le projet de loi de finances initiale pour 2013 dont nous venons de débattre.
Eh bien, ce collectif budgétaire m'inquiète beaucoup, monsieur le ministre, tout comme il doit vous inquiéter également, notamment au sujet de la masse salariale. Car un chiffre très préoccupant de ce collectif budgétaire n'a été évoqué ni par vous, ni par le rapporteur général : 600 millions d'euros supplémentaires sont inscrits au titre des dépenses salariales ! Je vous prends à témoins, mes chers collègues : comment voulez-vous que la reconduction en 2013 du même niveau de masse salariale qu'en 2012 soit possible, alors que les effectifs des fonctionnaires resteront les mêmes ? C'est rigoureusement impossible !
Pour y arriver, il faudrait ne pas augmenter le point d'indice, et supprimer tous les avancements et promotions, afin de bloquer le glissement vieillissement technicité, supprimer la GIPA, c'est-à-dire la garantie individuelle de pouvoir d'achat…
…et réduire à néant toutes les indemnités catégorielles dont bénéficient notamment les fonctionnaires du ministère des finances.
Madame Berger, vous en constaterez les effets sur les crédits de la mission dont vous êtes la rapporteure.
Je ne crois pas que tout cela soit possible.
Un mot à présent des modifications de différentes règles fiscales, qui, sous couvert de lutte contre les abus, sont en réalité des changements de règles fiscales. Je suis tout à fait d'accord, en principe, avec les dispositions des articles 12, 13 et 14. Ces mesures sont probablement en partie nécessaires, mais elles cachent avant tout un souci de rendement que le rapporteur général, ou plus exactement le Gouvernement, estime à un milliard d'euros. Le rapporteur général et moi-même nous demandons si les recettes correspondantes atteindront réellement un milliard d'euros.
Une question se pose : il ne faudrait pas que les dispositions combinées des articles 12, 13 et 14 causent les mêmes problèmes que l'article 6 de la loi de finances initiale pour 2013, qui portait sur les plus-values de cession des petites et moyennes entreprises. En effet, on peut s'inquiéter de ce que l'article 14, combiné éventuellement à l'article 13, rende beaucoup plus difficiles les transmissions de petites et moyennes entreprises, auquel cas cela serait totalement contraire à l'esprit qui anime la réforme compétitivité. Ce point m'inquiète vraiment : nous devrions le regarder de plus près.
Ce collectif budgétaire comprend également des mesures intéressantes. Je pense notamment à l'article 30 qui concerne les mesures de financement des exportations. Je n'ai pas le temps de l'évoquer plus avant, car je voudrais dire deux mots du crédit d'impôt et des hausses de TVA. J'étais, pour ma part, extrêmement sceptique quand j'ai appris la proposition de ce crédit d'impôt. Je me disais que ce dispositif allait être une usine à gaz, et venait trop tard. Finalement, ce crédit d'impôt à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu en faveur de la compétitivité peut être une bonne mesure.
Cette mesure peut être bonne, si elle n'est pas assortie de conditions dans toutes les directions ! Je compte sur vous, monsieur Muet, en tant que porte-parole du groupe socialiste, pour le faire comprendre. Quel est l'intérêt, en effet de ce crédit d'impôt ? Pourquoi l'intégrer au collectif budgétaire de fin d'année ? J'ai moi-même plaidé en ce sens : c'est pour qu'il donne aux entreprises la possibilité de se présenter devant leurs banques au début de l'année 2013, et notamment devant la Banque publique d'investissement, dont nous avons approuvé la création la semaine dernière, afin de faire valoir ces créances. Mais pour que les banques puissent avancer aux entreprises le montant de ces créances dans de bonnes conditions, il faut qu'elles soient sûres et certaines ! Si donc vous l'assortissez de trente-six conditions différentes, comme, pourquoi pas, par exemple, le respect de la parité dans l'entreprise…
…les créances ne pourront pas, dans ce cas, être mobilisées.
Je dirai un dernier mot à propos de la TVA, si je puis vous donner un conseil. Je ne veux pas rappeler tout ce que vous aviez raconté au début de l'année 2012 à propos de la réforme de la compétitivité et de la hausse de la TVA.
Se retourner ainsi vers le passé n'aurait aucun intérêt. Et puis, je ne suis pas d'un tempérament cruel ! J'appartiens au contraire à la catégorie des gentils ! (Sourires.)
Cependant, monsieur Muet, vous serez d'accord avec moi pour dire qu'au lieu de faire passer le taux réduit de TVA de 7% à 10%, il vaudrait mieux jouer sur le taux normal. Où sont les produits importés, en effet ? La réforme compétitivité vise à améliorer la situation relative de nos entreprises par rapport à leurs concurrents étrangers. Or importons-nous du logement social ou des transports ? Non ! Nous importons des produits manufacturés qui relèvent du taux normal de 19,6%. Le rapporteur général a donc raison de proposer que l'on prenne l'année 2013 pour réfléchir tranquillement, ensemble, à cette question. D'ores et déjà, je dis que notre préférence devrait aller à une augmentation peut-être un peu plus importante du taux normal de TVA. Ce serait alors une vraie mesure de compétitivité.
En conclusion, monsieur le ministre, je suis tenté de vous adresser des félicitations pour l'exécution du budget de l'année 2012.
J'ai déjà des problèmes avec le groupe : ça ne va pas les arranger ! (Rires.)
Vous vous êtes remarquablement adapté aux règles de bonne gouvernance mises en place par vos prédécesseurs. Je pense en particulier à Éric Woerth, ici présent : les règles « zéro valeur » et « zéro volume », la réserve de précaution, les gages, etc. Mais, monsieur le ministre, je suis malheureux pour vous. Vous qui vous êtes tant plaint – et parfois avec raison – des mesures adoptées au début de la treizième législature, en 2007, vous allez porter comme un véritable fardeau le début calamiteux de la quatorzième législature, marqué par l'engagement de 20 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Vous allez courir sans arrêt de loi de finances en collectif et de collectif budgétaire en loi de finances, pour essayer de rattraper ces décisions malencontreuses. Elles sont liées à la croyance infondée de nos collègues de gauche selon laquelle la dépense publique stimule la croissance. Eh bien non !
La dépense publique ne stimule pas la croissance. Si nous voulons retrouver la croissance, il nous faudra desserrer l'étau des prélèvements obligatoires…
…dont le niveau actuel décourage tous les acteurs économiques, et en particulier les entreprises de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Alain Chrétien.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l'examen de ce collectif budgétaire s'inscrit dans un double contexte. D'une part, il intervient une semaine après la dégradation de la note souveraine de la France par l'agence Moody's, et d'autre part quelques semaines après l'examen de la loi de finances pour 2013, qui va augmenter de 20 milliards d'euros la charge fiscale qui pèse sur les Français et sur les entreprises.
À ce stade de la discussion, je voudrais rétablir deux vérités. Tout d'abord, la dégradation de la note de la France par l'agence Moody's ne sanctionne pas une politique passée, mais l'absence de projet politique du Gouvernement et le manque de réformes structurelles. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard que l'agence Moody's a attendu six mois après les élections avant de se prononcer, alors qu'elle aurait pu le faire bien plus tôt : elle a attendu pour savoir comment le nouveau pouvoir appréhendait le contexte économique. Après analyse, elle s'est rendue compte que cette note ne tenait plus, que l'absence de volonté de réforme structurelle devait être sanctionnée, et que le nouveau gouvernement ne méritait plus le triple A que Moody's avait jusqu'à présent attribué à la France.
La deuxième vérité que je souhaite rétablir ce soir concerne les faibles taux de financement dont se targue le gouvernement actuel. La faiblesse de ces taux n'est pas due à une confiance exceptionnelle qui serait tombée du ciel sur le Gouvernement ! Elle est constatée partout en Europe, et elle est due à l'absence de demande. Les milliards d'euros qui sont actuellement stockés dans les banques ne trouvent pas preneur. C'est ainsi que le prix de l'argent baisse de mois en mois. Les faibles taux d'intérêt dont bénéficie la France ne sont donc aucunement dus à une hypothétique confiance accordée par les marchés à ce gouvernement ! N'adoptez donc pas trop rapidement une analyse par trop flatteuse de l'évolution des taux d'intérêt.
À première vue, ce projet de loi de finances rectificative va dans la bonne direction. Nous pensons notamment au volet de lutte contre la fraude, dont nous partageons les objectifs, sans pour autant en partager tous les moyens ; c'est pourquoi le groupe UMP a déposé plusieurs amendements de suppression d'articles visant à supprimer les dispositions à effet rétroactif. Les politiques socialistes ont d'ailleurs l'habitude de la rétroactivité, puisque la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires devait, à l'origine, s'appliquer dès le 1er janvier 2012.
Toutefois, les intentions du Gouvernement concernant certaines mesures ne nous semblent pas claires : s'agit-il d'une volonté réelle de réduire les abus ou seulement de mesures de rendement fiscal ? Nous le verrons bien au cours de la discussion budgétaire.
De fait, nous pouvons nous interroger sur la cohérence générale de la politique budgétaire menée par le Gouvernement pour atteindre l'engagement de la France de ramener son déficit public à 4,5% de PIB. Vous avez débuté le quinquennat en supprimant la TVA compétitivité en juillet dernier pour finalement annoncer une augmentation de la TVA quatre mois plus tard. Cette TVA compétitivité, comme l'a rappelé Gilles Carrez, consistait en une hausse modérée du taux normal de TVA. Mais la contrepartie était une baisse conséquente, de l'ordre de 11 milliards d'euros, des charges pesant sur les entreprises.
Quatre mois plus tard, vous souhaitez augmenter la TVA mais en faisant peser l'effort sur les produits et services concernés par le taux réduit de TVA en le faisant passer de 7 à 10%, c'est-à-dire justement sur les produits et services qui sont par nature non délocalisables, comme le rappelait également Gilles Carrez. Il aurait été préférable d'augmenter le taux normal, qui frappe les importations, plutôt que de majorer substantiellement le taux intermédiaire qui concerne les secteurs protégés et non délocalisables. Même si je ne me trouvais pas alors à cette tribune, j'ai le sentiment de revenir à la discussion du printemps dernier. Il est malheureux de perdre autant de mois, alors que les vérités sont si éclatantes.
De même, sur le crédit d'impôt compétitivité emploi, le dispositif initialement prévu dans le cadre d'un pacte de compétitivité ne sera introduit que par voie d'amendement, en séance. Nous n'en avons pris connaissance que parce que Gilles Carrez en a fait la demande, lors de l'examen de ce texte en commission des finances. Cette méthode illustre le malaise du Gouvernement vis-à-vis de sa majorité, ce gouvernement qui semble annoncer ce dispositif de manière un peu honteuse à une majorité qui, en dépit des récents éloges de Christian Eckert, n'y est pas si favorable.
Bien qu'il n'ait fait l'objet d'aucune étude d'impact, nous sommes, dans l'ensemble, favorables au dispositif tel que proposé, à condition, toutefois, qu'il ne soit assorti d'aucune contrepartie dans son attribution. Nous n'en connaissons pas encore le contenu, puisqu'il nous sera proposé au détour d'un amendement. On nous annonce toutefois déjà qu'au mois de janvier, il sera assorti de conditions. Ce sera du « donnant-donnant » et des contreparties seront exigées des entreprises. C'est un peu comme si ce crédit d'impôt compétitivité emploi était mort-né, la belle annonce faite en décembre étant annihilée par toutes les restrictions qui seront imposées au début de l'année 2013. Le président du groupe SRC à l'Assemblée a d'ailleurs même indiqué, je le cite, qu'« il n'était pas question d'introduire des conditions dans l'attribution du crédit d'impôt compétitivité emploi ». Alors, qui croire ? Nous sommes dans une impréparation, une improvisation ou un flou. Est-ce voulu ? Est-ce subi ? Est-ce une stratégie pour amadouer la majorité ? Nous le verrons dans les jours qui viennent.
J'ajoute que ce crédit d'impôt reste une maigre réponse au regard du rapport Gallois qui préconise un véritable choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales jusqu'à 3,5 SMIC, soit 30 milliards d'euros, vers la réduction de la dépense publique et le relèvement de certains taux intermédiaires de TVA. Nous avons, là aussi, une grande divergence sur le montant des salaires qui seront concernés par cette disposition. Nous souhaiterions, pour notre part, monter jusqu'à quatre SMIC, alors que vous réservez cette mesure aux bas salaires, qui font déjà l'objet de nombreux allégements plutôt efficaces.
De même, ce crédit d'impôt ne répond pas à l'urgence de notre situation économique et à ce qu'attendent les entrepreneurs. Alors qu'il devrait s'appliquer dès le 1er janvier 2013, il n'entrera pas en vigueur avant 2014. Où est l'urgence de l'emploi ? Où est l'urgence de l'activité économique ? Vous préférez, en effet, prendre votre temps, « laisser du temps au temps », comme le disait un de vos illustres prédécesseurs. Pourtant, vous partagez comme nous, du moins je l'espère, le même constat sur la situation d'urgence dans laquelle se trouve notre économie.
Enfin, il est inutile de vous dire, mes chers collègues, que nous sommes très loin du compte. Alors que ce crédit d'impôt devrait coûter 20 milliards d'euros, où sont les 10 milliards d'euros de baisse de dépenses publiques qui sont censés le financer pour partie ? Où sont les 4,5 milliards d'euros de fiscalité dite « écologique » annoncés par le Président de la République pour compléter le financement de ce crédit d'impôt ? Nous ne les trouvons pas. Nous attendons avec impatience de voir où vous allez trouver ces 10 milliards et ces 4,5 milliards supplémentaires.
Globalement, le maintien de l'objectif de la France de ramener son déficit public à 4,5 % du PIB n'est plus garanti, dans la mesure où la recapitalisation de Dexia alourdira bel et bien le déficit budgétaire de l'État qui atteindra 86,2 milliards fin décembre, contre 83,6 milliards attendus. Pour atteindre l'objectif de 4,5 %, vous allez, une fois de plus, faire appel à la hausse de la fiscalité applicable aux entreprises. Nous y voyons l'occasion de souligner l'étouffement croissant des entreprises face aux prélèvements fiscaux. La France compte ainsi 153 taxes et prélèvements pesant directement ou indirectement sur l'entreprise, alors que l'on n'en dénombre que cinquante-cinq en Allemagne. Il en résulte que, hors impôt sur les sociétés, 72,7 milliards d'euros de taxes pèsent sur les entreprises. Le Conseil des prélèvements obligatoires a d'ailleurs indiqué que « les prélèvements sur les entreprises représentent 39 % des prélèvements obligatoires du pays, soit dix points de plus que la moyenne de l'Union européenne. » Ainsi, la France va devenir le pays le plus taxé d'Europe avec un taux de prélèvement de 46,3 %, soit plus que la Suède dont le taux est de 44,2 %. Seul, le Danemark nous dépasse, avec 48,2 %.
Monsieur le ministre, nous ne mettons pas en cause votre volonté de redresser les comptes publics et de tenir la promesse de réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013, mais nous contestons absolument les modalités que vous choisissez pour y parvenir. Le choc fiscal permanent, qui s'apparente davantage à une purge fiscale, et le manque de réformes de structure vous mènent droit dans une impasse. On nous répond, là aussi, que les partenaires sociaux se réunissent et que des mesures conséquentes seront prises dans les mois qui viennent. Quand ? Comment ? Là aussi, on nous dit qu'il faut laisser le temps au dialogue social de s'installer. Mais où est le caractère d'urgence lorsque les mois passent, que nous attendons tous ces réformes de structure et que nous ne voyons toujours rien venir ? Là aussi, nous avions espéré que serait, enfin, introduite dans ce nouveau projet de loi de finances rectificative une disposition de cet acabit. Or nous ne voyons toujours rien, aujourd'hui, en matière de réformes de structure. Peut-être aurons-nous une indication dans les mois qui viennent !
Six mois après l'élection présidentielle, il n'est plus temps de se défausser sur Nicolas Sarkozy. Au moment où la zone euro entre en récession et que le chômage explose, au moment où il faudrait proposer de véritables réformes de structure, au moment où il faudrait alléger la fiscalité des entreprises en compensant à due concurrence par une baisse de la dépense publique, le Gouvernement fait le choix inverse en adoptant un budget pour 2013 dont les effets récessifs ne tarderont pas à se faire sentir et, le tout, sans réduire véritablement les dépenses publiques, puisque les dépenses de l'État, hors charge de la dette et hors pensions, stagneront en valeur. Je ne referai pas la démonstration de Gilles Carrez sur l'évolution de la masse salariale ! Je dirai, toutefois, qu'il est très difficile de maintenir la masse salariale sans réduire le nombre de fonctionnaires dans une collectivité publique,…
…les maires présents dans cet hémicycle le savent fort bien ! Le système est exactement le même au niveau de l'État. Il y a, là aussi, une contradiction : les députés votent une disposition et font exactement l'inverse en tant que maire.
Ce n'est d'ailleurs pas tant les conséquences de la perte du triple A par l'agence Moody's qui doivent inquiéter, que le constat sévère dressé à l'égard de la France par l'ensemble des agences et des institutions internationales, FMI compris. Loin d'améliorer ou d'alléger le mode de fonctionnement de l'État providence, le choc fiscal l'alourdit en réduisant l'âge de la retraite de quelques-uns, en remettant en question la révision générale des politiques publiques, honnie ici par tant de socialistes, mais qui se mettra finalement aussi en place, dans d'autres ministères que celui de l'éducation nationale. Le plus préoccupant est, sans doute, qu'avec une telle politique fiscale, sans lueur d'espoir pour nos entrepreneurs, le pays risque de connaître plusieurs années de croissance molle, voire de stagnation. Dans ces conditions, il suffit de se projeter un minimum pour constater que les prévisions de croissance du Gouvernement tablant sur 2 % de croissance par an à partir de 2014 – c'est le programme de François Hollande –, croissance censée permettre un retour à l'équilibre budgétaire en 2017, sont dès à présent hors de portée. Les prévisions des économistes pour 2013 sont, d'ores et déjà, inférieures au taux de 0,8 % retenu dans le projet de loi de finances du 28 septembre, de sorte que le déficit public peinera à revenir à 3 % du PIB, en dépit des 30 milliards d'économies et de recettes fiscales annoncés. Ce n'est pas le crédit d'impôt compétitivité emploi proposé dans ce collectif et dont on nous dit que l'attribution sera conditionnée dans trois mois qui risque d'inverser la donne. De fait, votre gouvernement ne semble toujours pas avoir trouvé d'issue. Au lieu de prôner un vrai choc de compétitivité, il préfère jouer les comptables. Il n'y a encore rien sur le marché du travail, rien sur la simplification administrative et réglementaire, rien sur la compétitivité des entreprises. Quand proposerez-vous de véritables réformes de structure ?
Nous partageons pourtant tous ce constat : l'économie française souffre de deux problèmes de fond qui entravent sa compétitivité. Ainsi, l'érosion des marges des entreprises freine leur développement et les charges patronales et salariales atteignent un niveau trop élevé. Confrontées à une fiscalité écrasante, mais aussi à une concurrence croissante, les entreprises françaises, notamment dans le secteur industriel, ont été conduites à rogner leurs marges pour conserver des prix compétitifs. Selon les chiffres de l'INSEE, les marges de l'industrie manufacturière ont baissé de plus de 20 % ces quinze dernières années, alors qu'elles progressaient de sept points en Allemagne. Il en résulte un écart grandissant entre la France et ses voisins en matière d'autofinancement et de capacité des entreprises à investir en recherche et développement. Le fait que l'ensemble des hausses d'impôts se concentre sur les entreprises est un facteur supplémentaire de perte de compétitivité. Le choc fiscal de 20 milliards va même faire plonger la France dans la récession.
Au regard de ces considérations, lorsque nous entendons le rapporteur général nous dire qu'il y a une surréaction des chefs d'entreprise face au matraquage fiscal qu'ils s'apprêtent à subir, nous sommes en droit de nous interroger sur la façon dont il perçoit le monde de l'entreprise.
Nous avons entendu, lors de la dernière discussion budgétaire, M. le rapporteur général nous indiquer que, pour l'accès au label de jeune entreprise innovante, JEI, on prenait déjà en compte le montant des dépenses servant d'assiette au calcul du crédit impôt recherche, et pas seulement leur nature. Pourtant le bulletin du 16 septembre 2011 de la Direction de la législation fiscale, indique exactement l'inverse, en ne considérant que la nature des dépenses. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur la volonté du Gouvernement d'aider les JEI qui ont été incitées, pendant des années, à investir et à travailler avec des laboratoires publics de recherche et des universités. On voudrait décapiter les entreprises innovantes que l'on ne s'y prendrait pas autrement !
En réalité, de quoi parlez-vous lorsque vous évoquez les chefs d'entreprise ? Un entrepreneur prend des risques, paie beaucoup de charges et crée des emplois. On oublie trop souvent de le dire. À cet égard, ce n'est pas en adoptant une taxation à caractère confiscatoire pour l'entrepreneur et dissuasive pour l'investisseur que nous pourrons les soutenir efficacement. Autrement, pour eux, le changement, c'est effectivement maintenant, mais ce n'est pas celui qu'ils attendaient !
La confusion entre capital spéculatif et capital productif semble également être à l'ordre du jour. Vous prétendez corriger notre système fiscal au motif qu'il serait inégalitaire et ferait moins payer les revenus du capital. Or le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé, en mai 2011, que notre système fiscal était devenu plus progressif depuis 1990. Quant aux revenus du capital, ils sont, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, presque autant imposés que les revenus du travail. C'est donc un faux problème, un faux sujet, mais plutôt un slogan politique qui ne sert que pendant les campagnes électorales !
Il y a quelques semaines, le Premier ministre a déclaré : « si vous pensez que la compétitivité, c'est l'allégement des charges, vous ne connaissez pas le dossier ». Eh bien, nous sommes heureux que la présentation du rapport Gallois ait permis de rétablir la vérité, celle que nous défendons : la nécessité de redonner de la compétitivité à nos entreprises pour qu'elles maintiennent ou retrouvent des parts de marché, du chiffre d'affaires, donc de l'emploi ! Comment retrouver de la compétitivité sans réduire le coût du travail ? Alléger le coût du travail, ce n'est pas baisser les salaires, mais répartir autrement les recettes qui financent notre modèle social.
En somme, mes chers collègues, ce collectif ne répond pas aux questions les plus urgentes. Il n'apporte pas de réponse sur la nécessaire diminution de la dépense publique. Il n'apporte pas de réponse sur les nécessaires réformes en matière de compétitivité, alors que le rapport Gallois lui en fournissait la matière. Il prétend améliorer la compétitivité des entreprises avec la mise en place du fameux « crédit d'impôt compétitivité emploi », mais dont le dispositif ne sera introduit que par voie d'amendement, au dernier moment et en séance. Enfin et surtout, ce collectif confirme la mise en oeuvre incohérente d'une politique fiscale qui abroge la TVA compétitivité en juillet pour l'augmenter à nouveau en décembre.
C'est pour toutes ces raisons que ce projet de loi de finances rectificative ne saurait être examiné en l'état dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je comprends que ce collectif budgétaire de fin d'année irrite nos collègues de l'opposition. M. Chrétien nous a dit que nous ne réduisions pas les dépenses publiques. Or, pour la première fois, cette année les dépenses publiques seront réduites de 200 millions, alors qu'elles ont augmenté ces dernières années de 5 à 6 milliards. Je comprends que vous soyez quelque peu énervés par un collectif qui maîtrise les finances publiques alors que vous n'avez eu de cesse d'en parler sans pour autant y parvenir !
La TVA sociale était une aberration et il convenait, bien entendu, de la supprimer, non parce qu'il s'agissait de la TVA, mais parce que c'était un transfert des entreprises sur les ménages. Un prélèvement massif sur les ménages aurait enfoncé notre pays dans la récession en 2013. Et si le transfert avait été fait sur la CSG, il en serait allé de même. J'ai fait partie des membres de cette assemblée qui, contrairement à la proposition du rapport Gallois en la matière, considéraient qu'il ne fallait pas opérer de transfert massif de charges des entreprises sur les ménages en 2013, car cela risquait de freiner la consommation. Le Gouvernement a trouvé la bonne formule. Le crédit d'impôt présente, en effet, deux avantages : il impulsera l'investissement et donnera du souffle aux entreprises dès 2013, alors qu'il ne sera financé qu'en 2014. Ainsi, la modulation des taux de TVA et la réduction des dépenses publiques n'interviendront pas en 2013. Ce crédit d'impôt préserve, d'une certaine façon, la cohérence du projet de loi de finances et la conjoncture.
Je vous entends dire, monsieur Chrétien, que le crédit d'impôt est mort-né parce qu'il y aura une seconde loi et une négociation. J'ai écouté ce que dit Gilles Carrez. Nous considérons que c'est à la négociation d'apporter des contreparties, pas à la loi, et c'est là une approche novatrice. Nous souhaitons que le crédit d'impôt serve à l'investissement, à l'emploi, à la compétitivité, pas à la distribution de dividendes, mais nous laissons à la négociation d'entreprise le soin de prendre les décisions concernant la gouvernance, et c'est un vrai changement. Les entreprises peuvent avoir confiance. Dès 2013, elles pourront utiliser ce crédit d'impôt, qui sera dans leurs comptes.
Vous parlez d'urgence. En 2002, quand l'ancienne majorité est arrivée au pouvoir, le commerce extérieur de la France était en excédent, d'un ou deux points de PIB, depuis sept ou huit ans. Tous les ans depuis 2003, le déficit s'est creusé. Qu'a fait l'ancienne majorité ? Rien, pendant des années. Pendant huit ans, il n'y a pas eu une seule mesure favorisant la compétitivité.
Nous, nous n'avons pas attendu. Le Gouvernement prend des mesures, mais de façon cohérente, après avoir construit un budget qui préserve la consommation, la demande. Il prend des mesures pour la compétitivité en préservant la cohérence du budget, en préservant la demande, mais en favorisant la reprise de la croissance dans l'avenir.
C'est une politique qui mériterait d'être saluée et le groupe SRC ne votera naturellement pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En vous entendant, monsieur Muet, je suis un peu dubitative. Vous affirmez depuis six mois que vous n'augmenterez jamais la TVA, que vous êtes opposés à une augmentation sous toutes ses formes. Or, dans ce collectif, vous inscrivez trois taux de TVA.
Vous avez d'abord supprimé la TVA anti-délocalisation, pour instaurer ensuite un crédit d'impôt compétitivité emploi, nouvelle appellation de la TVA. Parallèlement, le rapporteur général nous explique que l'on inscrit les trois taux, 5, 10 et 20 %, que ce sera pour 2014, mais qu'il ne faut surtout déposer aucun amendement car il n'est pas question de définir aujourd'hui les critères. C'est un peu paradoxal. C'est de l'impréparation. Vous faites une annonce, vous la mettez en oeuvre, mais on verra les modalités dans l'année. C'est tout de même assez ubuesque.
Cette TVA ne va en aucun cas protéger les entreprises françaises des importations massives de produits à bas coût, et c'est l'erreur fondamentale de ce nouveau taux de TVA.
J'entends les entreprises, je vois leurs difficultés, et je ne comprends pas comment on peut mettre en oeuvre une mesure qui n'aura des effets que dans un an. Le seul intérêt, comme le soulignait très judicieusement le président de la commission, c'est que les entreprises pourront expliquer à leurs banquiers que l'État devrait leur redonner de l'argent dans un an et qu'elles iront donc voir la BPI.
Il fallait prendre des mesures immédiatement. En plus, on les a taxées de 20 milliards sur les différents budgets au titre de 2013 pour leur en redonner 20 en 2014. C'est de la cuisine financière électorale, ce n'est en aucun cas une politique responsable pour une économie en difficulté.
Pour ces raisons, le groupe UMP votera la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai écouté avec attention et intérêt M. Chrétien défendre sa motion de rejet préalable. Je l'ai trouvé d'une sévérité excessive sur le crédit d'impôt, même si d'autres intervenants faisaient preuve selon moi d'un trop grand optimisme.
Je ne crois pas que le dialogue social, quelle que soit son importance, considérable et à certains égards fondamentale, puisse se passer définitivement de l'action de l'État et donc du législateur. La seconde loi devra certes relayer les résultats du dialogue social, mais ce dialogue social semble se dérouler à armes un peu inégales entre les organisations patronales et professionnelles d'une part, les organisations syndicales de salariés d'autre part. Et le fait que cette négociation sur la réforme du marché du travail ne soit pas achevée alors que nous allons légiférer pour accorder aux dirigeants d'entreprise des avantages extrêmement substantiels ne me rassure pas davantage ; mais nous aurons bien sûr l'occasion d'en reparler.
Il va de soi que, pour pouvoir en parler et porter d'ailleurs un jugement globalement positif sur le projet de loi de finances rectificative, le groupe RRDP ne votera pas la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Le groupe UDI votera cette motion de rejet puisqu'elle repose sur trois reniements du Gouvernement, non assumés.
Le premier, c'est sur la méthode, qui devait être celle de la concertation. Vu la manière dont les amendements ont déboulé en commission, elle n'a aucunement été respectée.
Le deuxième concerne le coût du travail, qui n'était pas un problème jusqu'à maintenant, et qui en devient un en cours de route. C'est bien. Encore eût-il fallu qu'au moment où la précédente majorité prenait des mesures significatives pour essayer d'y répondre, ceux qui proposent aujourd'hui des solutions les aient soutenues.
Le troisième concerne bien sûr le financement en partie par la TVA, affublée de tous les défauts il y a encore quelques mois, parée aujourd'hui d'un certain nombre de vertus.
Si ces reniements aboutissaient à une politique utile pour le pays, peu importerait au bout du compte qu'ils ne soient pas assumés, Mais les mesures qui nous sont proposées ne permettront pas, hélas, d'infléchir utilement la croissance dans notre pays et de donner à nos entreprises les outils nécessaires, d'une part parce que le crédit d'impôt n'aura un impact que plus tard, qu'il n'y aura donc aucun « choc » de compétitivité en 2013, même pas une caresse, d'autre part parce que le taux de TVA que l'on relève est celui qui concerne principalement les services intérieurs, et qui, économiquement, a l'impact le plus négatif sur l'emploi.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Alain Muet pour le groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative montre déjà une chose, c'est que la réduction des déficits est une affaire non pas de règles mais de volonté politique. Nous allons en effet tenir exactement le déficit prévisionnel de 4,5 %, grâce à une maîtrise impressionnante des dépenses, qui baissent de 200 millions quand l'augmentation de ces dernières années était de 5 à 6 milliards, et alors même que, selon la Cour des comptes lors de son audit, il risquait d'y avoir un dérapage d'un à deux milliards. Tel devait effectivement être le cas, pour 2,1 milliards, et le Gouvernement a eu raison de prendre dans le premier collectif de juillet les mesures nécessaires pour maintenir l'objectif.
Pour lutter contre la fraude, ce dont nous avons beaucoup parlé dans cette assemblée, il n'y a pas eu beaucoup de mesures. Il y en a eu quelques-unes, c'est vrai. Mais il y a dans ce collectif un vaste ensemble de mesures cohérentes qui s'attaquent à des fraudes compliquées, et c'est la première fois.
Je veux consacrer le reste de mon intervention au crédit d'impôt compétitivité emploi.
Je fais partie des parlementaires qui se sont opposés à la TVA sociale, non parce que c'était la TVA mais parce que c'était un transfert des entreprises aux ménages, qui aurait pesé sur la consommation des ménages. De la même façon, avant que le Gouvernement ne fasse un choix, je me suis opposé par des écrits et des interventions à un transfert sur la CSG ou la TVA, parce que cela aurait immédiatement réduit la consommation des ménages, alors même que nous sommes en récession parce que la consommation n'augmente pas.
Le Gouvernement a trouvé la bonne mesure, qui joue sur la compétitivité, va impulser l'investissement et la création d'emplois par les entreprises, sans peser sur les ménages en 2013.
Ce crédit d'impôt est une mesure doublement intelligente. D'abord, son financement est différé. Il n'interviendra qu'en 2014 et ne change donc pas l'équilibre macroéconomique de l'année 2013. Et, surtout, à la différence d'un allégement général de cotisations, il est traçable, ce qui permettra à la négociation sociale de s'en saisir.
Il y avait en effet deux façons d'avoir des contreparties : soit inscrire dans la loi des critères à respecter, soit laisser à la négociation sociale le soin de les préciser. Le Gouvernement a choisi de laisser la négociation sociale se saisir de la gouvernance de ce crédit d'impôt. C'est un changement profond dans notre pays.
Pour qu'elle puisse s'en saisir, le législateur doit préciser l'objet du crédit d'impôt, et c'est le sens de deux premiers amendements que va présenter le groupe socialiste. Il doit financer des efforts d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, d'embauche, de conquête de nouveaux marchés, et non augmenter la part des dividendes distribués ou la rémunération des dirigeants.
Cela s'inscrit totalement dans la logique du choix du Gouvernement : faire en sorte que ce soit la négociation sociale qui se saisisse de la gouvernance. Après la concertation avec les organisations professionnelles et syndicales représentatives, une seconde loi fixera les modalités du contrôle par les partenaires sociaux de l'utilisation du crédit d'impôt. Il ne s'agit pas, monsieur Chrétien, de mettre des critères dans la loi, nous les aurions mis aujourd'hui, il s'agit de prévoir la façon dont les partenaires sociaux vont se saisir de la gouvernance de ce crédit d'impôt. Je sais bien que ce n'est pas très habituel dans notre pays. C'est en cela un changement fondamental.
Un mot enfin sur la situation conjoncturelle. Elle est totalement atypique, avec à la fois un déficit de demande, les entreprises ayant un excédent de capacité de production, et un défaut d'offre compétitive. Il est rare d'avoir les deux à la fois, et il est rare en plus d'avoir à régler un tel problème alors qu'il faut réduire les déficits.
La politique du Gouvernement réussit à résoudre ce qui peut ressembler à la quadrature du cercle. Le budget réduit les déficits sans peser sur la consommation tout en impulsant l'emploi, notamment par les emplois d'avenir, et saisit à bras-le-corps le problème de la compétitivité sans pour autant peser à court terme sur la demande.
Cela permettra à terme de retrouver la croissance et l'emploi, d'inverser la spirale de la dette et du chômage, que connaît malheureusement notre pays depuis de nombreuses années, et de tracer réellement le chemin de la croissance, de l'emploi et de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir excuser Charles de Courson, maître en matière de finances publiques : il est à l'heure actuelle retenu en circonscription mais, rassurez-vous, il sera là pour le débat dans la soirée.
J'espère que tout le monde est désormais apaisé.
Nous sommes aujourd'hui appelés à examiner le dernier projet de loi de finances rectificative pour l'année 2012. Je m'exprimerai dans un premier temps sur le projet de loi initial présenté à l'Assemblée nationale, qui a par la suite été dénaturé par les deux amendements du Gouvernement, sur lesquels je reviendrai plus tard.
Concernant les ajustements de fin d'année, nous avons dit et répété que le Gouvernement était bien trop optimiste. Il est aujourd'hui clair que les prévisions de croissance sur lesquelles vous avez fondé ce projet de budget n'étaient pas crédibles. Plus personne ne pense que la croissance atteindra 0,3 % en 2012, 0,8 % en 2013, et encore moins 2 % par an de 2014 à 2017 sans discontinuer. Un peu de sérieux ! Il est nécessaire de réajuster ces prévisions le plus vite possible. Un taux maximum de 0,3 ou 0,4 %, voire même un taux nul, seraient plus réalistes en 2013. Les prévisions à moyen terme de la Commission européenne établissent à 1,1 % la croissance potentielle.
Sur les réductions de dépenses, nous avions également contesté votre stratégie. Vos choix sont contraires aux préconisations du groupe UDI. Dans la majorité comme dans l'opposition, nous avons dit et répété que, pour être supportable, l'effort de réduction des déficits publics devait porter pour les deux tiers sur des réductions de dépenses et pour un tiers seulement sur des hausses de prélèvements obligatoires.
Vous aviez dit choisir un effort de redressement de 30 milliards répartis par tiers égaux, soit 10 milliards d'économies, 10 milliards d'augmentation de la pression fiscale sur les ménages et 10 milliards d'augmentation de la pression fiscale sur les grandes entreprises. Nous doutions de la véracité de ce schéma ; il est clair aujourd'hui qu'il est absolument erroné. En effet, nous avions dit que les réductions de dépenses présentées dans le projet de loi de finances n'étaient en réalité qu'un freinage de la hausse des dépenses. La proportion des dépenses publiques dans le PIB restera en 2013 à son niveau de 2012, c'est-à-dire à 56,3 % du PIB. Vous n'arrivez pas à faire baisser la part de la dépense publique dans la richesse nationale et, a posteriori, la moindre croissance, quasiment certaine, va encore augmenter leur part dans la richesse nationale.
Notre analyse a été confirmée par la fondation IFRAP dans une récente étude sur le PLF 2013. Elle estime que « les économies annoncées sur les dépenses, de 10 milliards d'euros dans un scénario à 0,8 % de croissance en 2013, ne se retrouvent pas dans les documents budgétaires et sont tout au plus de 5,77 milliards d'euros ». Elle ajoute : « Ces 10 milliards sont des économies virtuelles. »
Les prélèvements obligatoires en augmentation ne seront pas, eux, virtuels. Il y a bien des augmentations massives d'impôts : 28 milliards d'euros en 2013, soit 1,4 point de PIB. Les prélèvements obligatoires passeront ainsi de 44,9 % du PIB en 2012 à 46,3 % en 2013. Cette augmentation se poursuivra en outre jusqu'en 2015, date à laquelle le taux des prélèvements obligatoires devrait culminer à 46,7 %, record historique depuis la guerre et record d'Europe.
Il est donc évident que votre scénario de départ ne tient pas du tout la route. L'effort de redressement de 30 milliards n'est pas réparti par tiers égaux mais repose à 85 % au moins sur une hausse des impôts, et à 15 % seulement sur une baisse des dépenses. Nous aurions rêvé d'un peu plus de courage en matière de dépenses publiques.
Venons-en maintenant aux amendements du Gouvernement. Quelle ne fut pas notre surprise en découvrant, en commission des finances, que le Gouvernement avait déposé deux amendements, à 20 milliards d'euros. Une paille ! C'est donc un faux collectif budgétaire que nous examinons aujourd'hui.
Sur la forme, la décision précipitée du Gouvernement d'engager une réforme d'une importance majeure par voie d'amendements, sans la moindre étude d'impact, ne respecte pas la représentation nationale, et nous le dénonçons.
La volonté d'agir vite pourrait être saluée, si les mesures proposées étaient susceptibles de répondre à la crise que nous traversons. Or force est de constater que, pour le Gouvernement, le problème de compétitivité de nos entreprises peut encore attendre un an.
Monsieur le ministre, les députés du groupe UDI se réjouissent que vous soyez enfin – certes tardivement – revenus à la raison, vous qui aviez jusqu'ici toujours juré que le coût du travail n'était pas un problème dans notre pays. Maintenant, il est temps d'agir vraiment !
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi n'aura aucun effet en 2013, puis il sera de seulement 13 milliards en 2014, et enfin de 20 milliards en 2015. Nous sommes loin du choc de compétitivité prôné par le rapport Gallois ! Une telle réforme, décalée dans le temps, n'a pas de sens. Le Gouvernement donne l'illusion d'agir, mais en réalité vous ne savez pas ce que vous allez faire. Quid des travailleurs indépendants ? Quid des organismes qui ne sont redevables ni à l'impôt sur le revenu ni à l'impôt sur les sociétés ? Quid des contreparties ? Personne aujourd'hui, dans cette assemblée, n'est capable d'avancer, sur ces sujets, un début de commencement de réponse.
Avec vous, c'est deux pas en arrière, un pas en avant : vous aggravez tout d'abord les charges des entreprises de 14 milliards en 2013, on croit y voir une ligne directrice, puis vous annoncez, sans aucune concertation, un allégement de 13 milliards de charges sociales pour 2014. N'aurait-t-il pas été préférable de commencer par ne pas alourdir la fiscalité des entreprises ?
C'est la même chose du côté des recettes : les choix que vous faites sont économiquement absurdes. Tout d'abord, il s'agit d'un reniement supplémentaire du Gouvernement. Nous ne les recenserons pas, ils sont beaucoup trop nombreux. À la suite de la suppression de la TVA compétitivité créée par la précédente majorité, suppression à laquelle vous avez donné une publicité particulière, pour montrer à quel point le Président de la République et son gouvernement mettaient scrupuleusement en oeuvre les engagements pris pendant la campagne électorale, le Premier ministre avait déclaré : « Nous n'avons pas l'intention d'augmenter la TVA parce que c'est une mesure injuste. » Une mesure injuste n'a pas sa place, bien entendu, au sein d'une entreprise de redressement dans la justice ! Que fait le Gouvernement aujourd'hui, à peine trois mois plus tard ? Il augmente la TVA, il prend cette mesure injuste !
Il est inutile de critiquer ou de souligner davantage cet énième revirement. La question est de savoir s'il y a véritablement une stratégie ou si nous avançons en fonction du clapotement des vagues et du sens des vents.
Si, encore, cette mesure était juste et adaptée, mais c'est la pire ! La hausse du taux intermédiaire pénalisera lourdement les activités de main-d'oeuvre, comme la restauration et les travaux dans les logements, notamment les logements sociaux. Ces secteurs ont, au contraire, besoin d'être soutenus, et non entravés, alors que, dans le contexte actuel, ils doivent déjà affronter de nombreuses difficultés. Une hausse de la TVA portant uniquement sur le taux normal aurait l'avantage de toucher les produits importés ; c'est ce que nous proposons.
Ne parlons pas de la baisse de 0,5 point du taux réduit. Cette mesure, qui coûtera tout de même 1 milliard d'euros, est de la démagogie à l'état pur. Elle n'a aucun sens économique, c'est un simple habillage du revirement : cela veut dire que ce revirement est fait lui aussi dans la justice. Tout se fait, au fond, dans la justice. Ainsi, 0,3 centime de moins sur une baguette de pain, les Français doivent en être informés : voilà ce que signifie le redressement dans la justice. En même temps, ils devront supporter 13 milliards d'impôts supplémentaires en 2013. Il faudra qu'ils achètent beaucoup de baguettes pour récupérer ce qu'ils auront donné à l'État !
Vous nous avez démontré comment gâcher une bonne idée. Le crédit d'impôt n'est pas une bonne idée. Il aurait été bien plus efficace de mettre en place des allégements de charges, tout de suite, pour l'année 2013. En somme, il aurait été plus efficace de ne pas détricoter les bonnes mesures prises par la précédente majorité. Vous vous contentez maintenant de les imiter, en beaucoup moins bien.
En ce qui concerne les mesures anti-fraude, nous les voterons, même si, encore une fois, il est utopique d'imaginer qu'elles rapporteront 1 milliard d'euros. Même le Gouvernement est incapable de chiffrer avec un peu de précision la recette supplémentaire. Tout cela n'est pas très sérieux.
Nous souhaiterions également savoir combien Dexia va coûter à l'État français.
Enfin, les députés du groupe UDI demandent solennellement au Gouvernement de bien vouloir reconsidérer sa position sur le Crédit immobilier de France, et de ne pas le condamner à disparaître alors même qu'il remplit une mission sociale d'accession à la propriété qu'aucune autre structure ne peut assurer à sa place. Nous en reparlerons au cours du débat.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le crédit d'impôt compétitivité emploi concentre logiquement l'attention de tous ; pour autant, il ne doit pas masquer, puisqu'il est venu se greffer au texte en cours de route, les éléments structurels du projet de loi de finances rectificative, notamment concernant l'équilibre des comptes pour le budget 2012 et les importantes mesures prises pour lutter contre les abus et la fraude fiscale. Je veux d'abord insister sur ces points.
Il est sans doute excessif de parler de beau résultat concernant la prévision de réalisation du budget 2012, au regard des graves difficultés structurelles auxquelles nous devons faire face. Mais cela faisait longtemps que le Gouvernement ne s'était pas présenté devant cette assemblée sans proposer une dépense supplémentaire pour boucler le budget de l'État. Cette ébauche de résultat tranche donc avec les exercices précédents, qui présentaient des déséquilibres de 6 millions d'euros en moyenne. Le temps de la sincérité, de la précision et du sérieux budgétaire est venu.
Néanmoins, il aura fallu compenser les sous-estimations, pour ne pas parler des dérapages, des dépenses du précédent gouvernement, soit 2 milliards d'euros, dont 1,3 milliard au titre des dépenses sociales liées à l'emploi, au logement, aux bourses étudiantes ou au handicap. Certes, la baisse des taux d'intérêt a contribué à ces résultats, pour assurer l'objectif de réduction du déficit à 4,5 points. L'objectif sera donc tenu, du fait aussi des décisions courageuses et justes contenues dans la loi de finances rectificative, intervenue aux mois de juin et de juillet derniers, au lendemain des élections présidentielles et législatives.
Mais je voudrais insister particulièrement sur les mesures de lutte contre la fraude et les abus. Elles constituent un marqueur puissant d'une politique de justice fiscale et de lutte contre les trafics. Dans mon intervention en commission élargie, au sujet du programme 302 concernant la sécurisation des échanges, j'avais insisté sur la nécessité économique et sanitaire de lutter contre les trafics de stupéfiants, les contrefaçons et la contrebande. Cela concerne 20 % des 600 000 paquets de cigarettes vendus chaque année en France. Les dispositions prévues – le marquage des conditionnements, l'évolution du droit pénal pour assurer la sécurité juridique des cyber-enquêtes – constituent une belle satisfaction et une promesse d'assainissement de la situation.
Concernant la lutte contre la fraude fiscale et patrimoniale, on le sait, l'imagination humaine n'a pas de limites quand il s'agit d'échapper à l'impôt. Ainsi, le démembrement de patrimoine et les montages abusifs constituent des opérations communes pour échapper à l'impôt sur le revenu et à l'ISF, ceci sous le vocable politiquement correct d'« optimisation fiscale », dont certains avocats ou sociétés fiscalistes se sont fait une spécialité.
De manière courante, les détenteurs de patrimoine immobilier ou mobilier s'appuient sur des montages abusifs qui interposent un écran censé effacer la plus-value. Désormais, la cession à soi-même, via une société immobilière, d'un bien immobilier de rapport ne pourra plus échapper à l'imposition sur les plus-values immobilières. Également, les plus-values mobilières resteront taxées même quand elles sont dissimulées à travers une donation aux enfants.
Au-delà des recettes supplémentaires attendues pour le budget de l'État, cette mesure constitue un signal important qui atteste la détermination de cette majorité d'aller vers plus de justice fiscale pour restaurer la confiance. La réalité est tout autre que ne tend à le faire croire la petite musique qui cherche à orienter les projecteurs sur les plus modestes qui abuseraient des systèmes de protection sociale. Les sommes liées à la fraude fiscale et sociale sont bien plus conséquentes en haut de l'échelle sociale. Ces dispositions fiscales représentent également une manière de rappeler les plus favorisés à leur devoir d'honnêteté et d'éthique. L'exemple doit venir d'en haut. Il n'est pas interdit de rêver.
Quant au crédit d'impôt, il incarne le mariage difficile entre la recherche d'un dispositif simple et la nécessité de l'efficacité. La question de la conditionnalité traduit le légitime souci qu'a le législateur d'un bon usage de l'argent public, mais les emplois seront-ils au rendez-vous ? Quel sera le coût fiscal par emploi ? La majorité souhaite bien entendu la réussite de ce dispositif, mais elle retient sa respiration !
L'année 2013 devrait donner lieu à un débat plus approfondi sur la recette. À ce stade, où il est important de préciser les conditions de la dépense, le groupe écologiste considère que l'amendement sur la recette n'est pas abouti, qu'il ne constitue en réalité qu'une contrepartie formelle de recettes pour gager la dépense, dont le montant renvoie directement au sens de la mesure, qu'on aurait préférée plus ciblée sur les entreprises soumises à la concurrence. Ainsi, la réduction de la dépense aurait permis de moins peser sur la TVA. La structure de la dépense interroge sur le ciblage de la TVA à 7 %. En effet, les politiques concernées touchent à des activités et à des besoins essentiels : avoir un toit, assurer son hygiène grâce à l'adduction d'eau et à l'assainissement sont au moins aussi importants que d'avoir des médicaments, valoriser les déchets directement issus de l'alimentation, se transporter pour aller travailler et s'assurer un revenu. Le dispositif proposé fait peser à travers ces activités un risque sur l'emploi. Il ne s'agit pas de créer des emplois d'un côté et d'en détruire de l'autre. Dans la discipline professionnelle qui est la mienne, on dit avant toute chose : « Primum non nocere ».
Madame la présidente, je tiens d'abord à féliciter le ministre pour la bonne exécution du budget 2012, mais comme je le crois peu sensible aux éloges…
Tout de même, ça fait du bien ! (Sourires.)
…j'en viens à un autre point peut-être plus controversé.
Tout, bien sûr, doit être fait pour combattre la flambée du chômage ; l'action pour l'emploi est, à l'évidence, la priorité des priorités, et votre réforme comporte plusieurs mesures utiles. Sur le fond, chacun reconnaît la nécessité de renforcer la compétitivité des entreprises pour qu'elles puissent agir davantage en faveur de l'emploi et de l'investissement. Mais, dans la forme, la procédure retenue pour atteindre cet objectif apparaît discutable. Le 14 novembre, le Conseil des ministres adopte le collectif budgétaire de fin d'année, qui ne comporte, alors, aucune disposition relative au pacte de compétitivité ; le 20 novembre, soit six jours après, le Gouvernement se ravise et décide d'intégrer à ce texte le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ainsi que la restructuration de la TVA. Cette intégration se fait, des orateurs précédents l'ont souligné, par la voie de deux amendements du Gouvernement à son propre projet de loi, amendements déposés le 28 novembre pour être débattus en séance publique aujourd'hui, 3 décembre.
Un tel recours à la méthode de l'amendement présente trois inconvénients.
Tout d'abord, il aboutit à se priver de la consultation préalable du Conseil d'État, dont l'avis est obligatoire pour les projets de loi du Gouvernement mais n'a pas à intervenir sur les amendements déposés par celui-ci.
Deuxième inconvénient : présenter, sur un sujet essentiel, des dispositions qui ne peuvent être assorties d'aucune étude d'impact. De plus, puisqu'il s'agit d'amendements, conformément à la règle, ceux-ci comportent non pas un véritable exposé des motifs mais seulement un exposé sommaire. L'adjectif « sommaire » a rarement été aussi justifié. Ainsi, il n'y a que sept paragraphes dans l'exposé de l'amendement n° 4 rectifié qui crée 20 milliards d'euros d'allégements fiscaux pour les entreprises, et six paragraphes dans celui de l'amendement n° 5 rectifié qui finance ce crédit d'impôt par une réforme des taux de TVA et devrait générer en régime de croisière 6,4 milliards d'euros. Bref, pour un enjeu majeur, vous utilisez un style d'une extrême concision, monsieur le ministre, comme si vous faisiez vôtre le précepte de Saint-Just : « Le prix d'éloquence sera donné au laconisme. »
Enfin, dernier inconvénient de la démarche retenue : conduire le Parlement à statuer à la hâte sur des dispositions complexes sans avoir véritablement le temps de les examiner en profondeur.
Dans la période récente, il existe un seul précédent à ce recours contestable à la méthode de l'amendement gouvernemental pour introduire dans un projet de loi déjà déposé d'importantes dispositions nouvelles. Ce précédent remonte à janvier 2006, M. de Villepin étant alors Premier ministre et M. Borloo ministre de l'emploi. Par voie d'amendement, le Gouvernement avait alors intégré au projet de loi dénommé, sans doute par antiphrase, « Égalité des chances », un ensemble de dispositions nouvelles créant le CPE, le contrat première embauche. Certes, sur le fond, le pacte de compétitivité n'a bien sûr rien à voir avec le CPE. Mais, dans la forme, la méthode est malencontreusement analogue. Or pas plus qu'hier, la précipitation ne paraît compatible avec la qualité du travail législatif ou budgétaire et avec le nécessaire respect des droits du Parlement. Celui-ci ne peut devenir un Monsieur Bricolage, devant se borner à sous-amender des amendements, c'est-à-dire à coller des rustines sur un texte rédigé dans la rapidité, déposé à la hâte et débattu à la sauvette, dans le charme discret d'une séance du lundi.
Venons-en maintenant au fond.
Même si Noël approche, l'intention du Gouvernement, vous l'avez dit, monsieur le ministre, n'est sans doute pas de signer un chèque en blanc au patronat, et de lui offrir toute liberté d'utiliser ces 20 milliards d'euros comme bon lui semble, selon son bon plaisir. Il faut donc accompagner et préciser cette mesure par des dispositions complémentaires pour que les initiales de ce crédit d'impôt, CICE, signifient également « cadrage, information, contrepartie, évaluation ». Tel est l'objet des sous-amendements déposés par le groupe RRDP, comme par d'autres d'ailleurs.
Cadrage d'abord : c'est l'encadrement de cette mesure. En évitant donc de parler de « conditionnalité » puisque ce terme, nous dit-on, serait devenu malséant et risquerait d'offusquer le MEDEF ou de froisser sa susceptibilité. Parlons donc plutôt de cadrage du crédit d'impôt, en précisant très clairement les objectifs qui inspirent sa création. La raison d'être du CICE, c'est d'aider les entreprises à renforcer leur compétitivité pour qu'elles puissent embaucher, investir et innover davantage. Énoncer ces objectifs dans la présente loi de finances rectificative contribuera à éviter que ce crédit d'impôt soit utilisé de manière discrétionnaire – « illégitime », a dit tout à l'heure Jérôme Cahuzac – par les entreprises, selon leur bon vouloir, voire détourné éventuellement vers d'autres fins, comme la majoration des rémunérations ou des avantages de leurs dirigeants, ou encore la distribution accrue de dividendes à leurs actionnaires. La vocation de ce crédit d'impôt, c'est l'emploi, c'est l'investissement, ce n'est pas de servir à améliorer les parachutes dorés ou les cours de Bourse des entreprises du CAC 40.
Information aussi : c'est la transparence nécessaire pour assurer le suivi du nouveau dispositif. À cet égard, on peut regretter que l'amendement du Gouvernement ne fixe pas dès à présent les modalités selon lesquelles le Parlement, les partenaires sociaux et les institutions représentatives du personnel seront tenus informés de son utilisation effective. Faute de telles dispositions dans l'amendement gouvernemental présenté aujourd'hui, il faudra donc adopter, au premier trimestre 2013, une loi de suivi qui permettra de vérifier l'application du dispositif. Cette loi devra déterminer les conditions d'information et de contrôle du Parlement et des acteurs sociaux afin qu'ils puissent s'assurer que l'utilisation du crédit d'impôt contribue réellement au renforcement de la compétitivité des entreprises et à leur soutien à l'emploi et à l'investissement.
Troisième point à préciser : les contreparties à obtenir des entreprises bénéficiaires de ce crédit d'impôt. Le ministre de l'économie et des finances a parlé du « principe du donnant-donnant ». Très bien. Sauf que dans l'amendement gouvernemental, rien ne concerne ces contreparties, notamment pour les salariés, cette question étant renvoyée à plus tard. On peut regretter que le dépôt et l'examen de cet amendement interviennent avant que soit achevée la négociation sur la réforme du marché du travail engagée entre les partenaires sociaux. On peut le regretter d'autant plus que le texte du MEDEF présenté dans cette négociation est très exhaustif sur la flexibilité du marché du travail, mais très sibyllin sur la sécurisation des parcours professionnels. Là aussi, il faudra donc s'en remettre à la seconde loi, qui sera examinée début 2013, pour définir, enfin, les contreparties, notamment quant à la gouvernance des entreprises, à la rémunération de leurs dirigeants et au civisme fiscal.
Dernier point : l'évaluation. Toute politique publique doit être évaluée pour qu'on puisse apprécier son efficacité et ses résultats. Au demeurant, le 6 novembre, le Premier ministre, présentant le pacte pour la compétitivité, avait annoncé la création d'un « comité de suivi du pacte associant l'État et les partenaires sociaux pour dresser à intervalles réguliers un constat partagé du bon fonctionnement du dispositif ». Cependant, ce comité de suivi, pourtant dépourvu de tout caractère contraignant, ne figure pas dans l'amendement gouvernemental. Cette omission est palliée par un sous-amendement du groupe socialiste visant à établir ce comité de suivi et des comités régionaux. Toutefois, au lieu de créer un comité national supplémentaire, d'une efficacité incertaine, mieux vaudrait utiliser une structure existante et experte : la Cour des comptes et ses chambres régionales des comptes. Selon l'article 47-2 de la Constitution, « la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans l'exécution des lois de finances (…) ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques ». Dans ce cadre, la Cour des comptes, institution indépendante, serait chargée de veiller au suivi de la mise en oeuvre du crédit d'impôt créé par la présente loi de finances rectificative et d'apprécier ses résultats ; elle établirait chaque année un rapport sur l'application et l'évaluation du crédit d'impôt ; ce rapport d'évaluation, remis au Parlement et au Gouvernement, serait rendu public. La transparence s'impose en effet quand il s'agit de l'utilisation de l'argent public, surtout à de tels niveaux.
Si nos sous-amendements ou des sous-amendements analogues sont acceptés par le ministre et adoptés, nous voterons les amendements gouvernementaux car ils se trouveront alors précisés, complétés et cadrés, comme ils auraient pu l'être d'emblée, dès leur dépôt. Cela montrerait que le Parlement n'est pas inutile quand il s'agit d'améliorer des dispositions imparfaites mais résultant de bonnes intentions, et comme le dit l'adage : « C'est l'intention qui compte. »
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous venons d'entamer la discussion d'un texte que nous aurions pu examiner avec beaucoup de sérénité si notre gouvernement ne s'était avisé de déposer, la semaine dernière, deux amendements tendant à la mise en place du crédit d'impôt de 20 milliards d'euros, d'une part, et, d'autre part, à la hausse conjointe de deux taux de TVA à compter de 2014.
Certes, ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions utiles visant la lutte contre la fraude fiscale et les pratiques abusives d'optimisation fiscale : le contrôle de l'origine des fonds détenus à l'étranger, la sanction des montages abusifs en matière de donation-cession, les dispositions prises pour lutter contre le trafic de tabac, la fraude à la TVA ou encore la disposition relative aux transferts de sièges de société... Autant de mesures qui vont dans le très bon sens.
Mais si le groupe GDR salue le renforcement des moyens juridiques de lutte contre la fraude et connaissons la volonté du ministre d'avancer sur ce dossier, nous devons rappeler que l'efficacité de cette lutte suppose un renforcement conjoint des moyens matériels et humains. De ce point de vue, nous avons eu l'occasion de souligner, lors de la discussion budgétaire, que le recul des crédits et la décision de supprimer plus de 2 000 emplois en 2013 à la direction générale des finances publiques, après déjà la suppression de 25 000 emplois en dix ans, ne nous paraissent pas cohérents avec l'objectif affiché de combattre plus efficacement la fraude.
Nous saluons aussi l'initiative de faire valoir auprès de nos partenaires européens l'exigence de l'adoption d'une directive anti-blanchiment et de l'approbation d'un véritable plan communautaire de lutte contre la fraude fiscale. Compte tenu du coût estimé dans notre pays de la fraude internationale, entre 15 milliards et 20 milliards d'euros, il est à l'évidence nécessaire de développer les moyens de la combattre au plan européen. Le rapport du sénateur Éric Bocquet a formulé des propositions en ce sens visant, par exemple, à approfondir la coopération entre les administrations fiscales de l'Union européenne, à obtenir la création d'une obligation de transparence comptable pays par pays pour les multinationales, à attribuer un numéro d'identification fiscal commun aux contribuables européens effectuant des opérations transfrontières et à favoriser les contrôles fiscaux multilatéraux. La coopération fiscale renforcée au sein de l'Union européenne nous semble être la clef de la lutte contre les multiples méfaits de la concurrence fiscale.
Ce projet de loi de finances rectificative porte deux autres mesures qui appellent de notre part quelques remarques.
Première mesure : la mise en oeuvre de l'accord trouvé avec le gouvernement belge concernant Dexia et l'ouverture correspondante de crédits à hauteur de 2,5 milliards d'euros, une somme qui correspond à la ponction annuelle qui sera opérée sur les ménages par la hausse prévue de la TVA.
Nous voyons ici directement où nous conduit la dérégulation du système bancaire. Si Dexia a déjà été secourue deux fois, en 2008 à hauteur de 6 milliards d'euros puis en 2011, c'est en effet parce qu'elle a participé pleinement à l'économie casino des subprimes avec nos collectivités locales, pour plus de 25 milliards d'euros.
Nous serons bien évidemment extrêmement attentifs au projet de réforme du secteur bancaire qui sera proposé le 19 décembre prochain ainsi qu'au plan complet annoncé par le Gouvernement, qui prévoit la création d'une nouvelle banque des collectivités locales avec le concours de la Banque postale et de la Caisse des dépôts, ainsi que l'élaboration d'un dispositif pour les collectivités étranglées par les emprunts toxiques. Il est d'autant plus indispensable de bâtir une réforme solide que les emprunts n'ont pas fini de poser problème : les derniers produits structurés ne s'éteindront qu'à la fin des années 2030.
Second dossier : la banque PSA Finance. Il nous est proposé d'intervenir afin de sécuriser son plan de financement durant la période de restructuration du groupe, arguant des contreparties obtenues sur le plan de la gouvernance du groupe et compte tenu des engagements pris quant à la production de nouveaux véhicules dans l'usine de Rennes ou la revitalisation et la réindustrialisation du site d'Aulnay.
Notre position sur ce point n'est guère différente de celle des salariés du site d'Aulnay qui se battent pour maintenir leur emploi et réclament des garanties écrites de PSA. Il est non seulement anormal qu'une entreprise qui, quoi qu'on en dise, fait du bénéfice puisse fermer une usine, mais également choquant de demander au Parlement de mettre 7 milliards d'euros sur la table pour aider PSA sans cette contrepartie minimale.
Permettez-moi d'en venir enfin aux deux amendements du Gouvernement déposés la semaine dernière, qui sont le fer de lance du pacte pour la compétitivité et l'emploi annoncé le mois dernier.
La baisse de 20 milliards d'euros des prélèvements sur les entreprises, décidée par le chef de l'État et que vous nous proposez d'approuver par voie d'amendement, ne nous semble pas une mesure de nature à favoriser le redressement productif que nous appelons tous de nos voeux. Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d'abord, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas du coût du travail que souffre notre économie, mais au contraire du poids des prélèvements financiers opérés sur la richesse produite. Ce sont ces prélèvements financiers qui pénalisent l'investissement et l'emploi. Deux chiffres illustrent cette réalité : en trente ans, le montant des dividendes versés aux actionnaires a été multiplié par vingt, au détriment des salaires ; depuis 2003, le montant de ces dividendes dépasse celui des investissements réalisés dans les entreprises. C'est donc sur ce levier qu'il faut agir.
Vous avez fait, contre toute attente et sans doute sous la pression du patronat, le choix de poursuivre dans la voie des exonérations de charges des entreprises. Ces exonérations ont crû de manière exponentielle durant les vingt dernières années, passant d'un montant de 1,9 milliard d'euros en 1992 à 30 milliards en 2008, sans exercer d'effet tangible sur la croissance et l'emploi. Les exonérations de cotisations sociales dites allégements Fillon sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC pour un montant de plus de 20 milliards d'euros ont eu, de l'aveu même de l'INSEE, des « effets ambigus sur l'emploi » et n'ont pas fait la preuve de leur efficacité, pas davantage que la réforme de la taxe professionnelle, présentée également en son temps comme une mesure de compétitivité.
Une nouvelle baisse massive des charges des entreprises n'offre donc, selon nous, aucune garantie en termes de croissance et de création d'emploi.
Nous formulons depuis des années une proposition alternative forte, celle de la modulation de l'impôt sur les sociétés : pénaliser les entreprises qui font le choix de donner la priorité aux dividendes et réduire l'imposition des entreprises qui font le choix de l'investissement productif, de l'emploi et de la recherche.
Vous aviez annoncé que vous exploreriez cette piste, mais vous nous proposez finalement une formule usée et d'autant plus sûrement condamnée à l'échec que l'étude publiée par le cabinet COE-Rexecode, pourtant inféodé au MEDEF, montre que parmi l'ensemble des secteurs d'activité, l'industrie, secteur confronté à la concurrence internationale, devrait être l'un de ceux qui tireront le moins parti du crédit d'impôt. À l'opposé, les services aux particuliers et le commerce, pourtant à l'abri de la concurrence internationale, devraient être les principaux bénéficiaires de la mesure.
Plutôt que de compenser la baisse de l'imposition des entreprises par une hausse correspondante de la taxation des dividendes, il nous est proposé en outre, dans un second amendement, de transférer le plus lourd de la charge vers les ménages par une hausse de la TVA qui revient ni plus ni moins à rétablir l'équivalent de la TVA sociale que toute la gauche a combattue sous la précédente législature. Non seulement cette hausse va peser sur le pouvoir d'achat des ménages et la demande intérieure, mais elle risque en outre de se traduire par de graves difficultés dans le secteur des artisans du bâtiment, durement éprouvé par la crise, et à terme par une charge supplémentaire évaluée à près de 500 millions d'euros pour les bailleurs sociaux.
La baisse conjointe des dépenses publiques à hauteur de 10 milliards d'euros sur deux ans risque enfin de pénaliser un peu plus l'investissement public et de peser ainsi sur l'activité. À supposer que le crédit d'impôt soit un levier de l'investissement privé, ce dont il est permis de douter, est-il judicieux de déshabiller Pierre pour habiller Paul, de réduire l'investissement public afin de favoriser l'investissement privé plutôt que de jouer sur leur complémentarité ? Nous ne le pensons pas.
Nous y reviendrons en cours de discussion, mais un point nous paraît essentiel : la nécessité de soumettre les politiques de soutien aux entreprises au respect de critères économiques comme la création de valeur ajoutée, la recherche et l'investissement, de critères sociaux comme l'emploi et la formation ou de critères environnementaux comme la transition écologique de l'outil de production.
C'est la condition sine qua non d'une sortie par le haut de la crise économique que nous traversons.
La responsabilité du Gouvernement – la vôtre en particulier, monsieur le ministre – et de notre majorité parlementaire est de répondre au triple déficit légué par la précédente majorité : de crédibilité, de confiance et de compétitivité. Il s'agit en outre d'y répondre dans la justice, en veillant à ce que le nécessaire redressement de nos finances publiques ne conduise pas à l'austérité généralisée et à la récession, le remède étant alors pire que le mal.
Ce troisième texte financier que vous nous proposez, monsieur le ministre, en cohérence avec la loi de finances rectificative de juillet dernier et le projet de loi de finances, répond à cette double exigence.
D'abord, et c'est important, il renforce la crédibilité de la France et sa parole. Pierre-Alain Muet l'a rappelé, malgré les impasses en recettes et les dépenses non financées de la précédente majorité, nous allons tenir le déficit public à 4,5 % du PIB en 2012, ce qui est une bonne chose. Cela prouve que la gauche sait fait preuve de sérieux et de sens des responsabilités dans la gestion des finances publiques, le tout dans la justice, là où la droite ne cessait de creuser des déficits abyssaux avec comme seul résultat une fuite en avant éperdue dans la dette.
Cet effort budgétaire est inédit depuis cinquante ans. Il faut le rappeler sans cesse car j'entends beaucoup, à droite de cet hémicycle, appeler à un effort de maîtrise des dépenses plus important. Que ne l'avez-vous fait précédemment, mes chers collègues ! Cet effort inédit s'inscrit dans la réorientation des politiques européennes vers la croissance et l'emploi, engagée sous l'impulsion du président de la République, François Hollande, depuis le mois de juin et dont l'accord récent pour alléger le fardeau de la Grèce n'en est que la dernière manifestation. Je veux insister sur ce point : en maîtrisant ses déficits, la France prend une part importante dans le mouvement de stabilisation de l'Europe qui est en cause.
La réduction des déficits est importante à plus d'un titre : nous ne devons pas léguer davantage de dettes à nos enfants et à nos successeurs ; il y va aussi de notre souveraineté face aux risques engendrés par la spéculation sur les marchés financiers ; enfin nos déficits pèsent sur le financement de l'économie et donc sur notre compétitivité.
Ce texte comporte d'autres mesures importantes qui étaient prévues dans le texte initial du Gouvernement, comme celles qui visent à garantir les exportations de nos entreprises et à leur permettre de gagner des marchés à l'international. Citons encore le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi que vous proposez par voie d'amendement, monsieur le ministre.
Je ne reviens pas sur le mécanisme qui permettra aux entreprises de tenir compte dès 2013 de cet allégement du coût du travail alors que l'État n'en supportera la charge qu'en 2014. À ceux qui pensent qu'il était possible d'attendre, je réponds que nous devons avoir un véritable débat sur la gravité de la situation économique, sur le besoin d'air de nos entreprises, sur la meilleure manière de soutenir l'emploi. Cette mesure va permettre aux entreprises d'anticiper.
Il s'agit là d'un effort sans précédent – 20 milliards d'euros sur 45 milliards d'impôt sur les sociétés – et nécessaire pour sortir de la stagnation de l'économie que nous connaissons depuis dix-huit mois. Il va profiter à l'investissement productif, à l'emploi et au pouvoir d'achat, et il viendra donc soutenir la croissance économique et la lutte contre le chômage. Telle est bien la justification de cette procédure d'urgence.
Pour conclure, je voudrais insister sur le changement d'approche que constitue le crédit d'impôt dans notre relation avec les partenaires sociaux. Ceux-ci vont prendre cette mesure en compte dans leurs négociations actuelles, sans que le Gouvernement ou le Parlement leur dictent à l'avance les solutions auxquelles ils doivent parvenir.
Nous devons nous réjouir de cette confiance dans le dialogue social, de ce respect à l'égard des partenaires sociaux, largement méprisés sous le précédent gouvernement et par l'ancien Président de la République.
La démocratie sociale, c'est bien à un gouvernement et à une majorité de gauche qu'il appartient de lui redonner toute sa force, et au-delà d'en faire la pierre angulaire du compromis historique que nous appelons de nos voeux à la suite du chef de l'État.
J'entends bien ici et là, les inquiétudes concernant l'usage qui sera fait de ce crédit d'impôt. Grâce à cette mesure, nous alimentons le dialogue social dont le rapport Gallois rappelle qu'il est un élément de la compétitivité. Il faut faire confiance aux partenaires sociaux pour trouver les bonnes dispositions. Certes, une loi viendra en janvier traduire les résultats de cette négociation, ne serait-ce que pour éviter les tentations que pourraient avoir certains de jouer la montre et se dérober à tout accord.
Les amendements que le groupe socialiste a déposés et que la commission des finances a adoptés, loin de modifier le sens de cette démarche au service de la compétitivité et du dialogue social dans les branches et dans les entreprises, la confortent. Dans l'esprit de la mesure proposée et qui est fondée sur un pacte de confiance dans l'entreprise et du donnant-donnant entre les partenaires sociaux, ils seront un point d'appui important pour la négociation qui doit se terminer.
Le maître mot de cette réforme s'inscrit finalement dans la droite ligne de ce que les Français ont choisi au printemps dernier : non pas l'opposition systématique des uns aux autres et la défiance généralisée, mais bien la restauration de la confiance. Pour ma part, je fais confiance aux partenaires sociaux et j'en appelle au sens de la responsabilité des chefs d'entreprise. Nous serons vigilants pour assurer que cette réforme tiendra ses objectifs sur le plan macroéconomique dès 2013 et au-delà. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Une fois n'est pas coutume, monsieur le ministre, je vais approuver certaines mesures de votre collectif. Pas toutes, bien sûr, et je reviendrai sur celles qui ne sont ni à la hauteur ni à la mesure des urgences économiques. Les seuls articles que vous inscrivez et qui me semblent justes sont ceux qui concernent la lutte contre la fraude, un chantier ouvert, lui aussi, par le précédent Gouvernement. Je me réjouis que vous poursuiviez sur cette voie.
S'agissant des autres mesures de ce projet de loi de finances rectificative, je suis partagée entre deux visions : soit le Gouvernement est devenu sourd et il n'entend pas les ménages, les familles, les entreprises, les artisans, les professions libérales ; soit il suit aveuglément l'idéologie selon laquelle l'augmentation de la dépense soutient la croissance. Dans les deux cas, c'est un rendez-vous manqué pour l'avenir de notre pays.
Vous menez cette politique en dépit du Fonds monétaire international – un organisme auquel vous faisiez beaucoup référence il y a quelques mois – qui estime que le manque de compétitivité est le défi majeur de l'économie française.
En dépit du rapport Gallois qui préconise une réduction rapide de 20 milliards d'euros des charges patronales.
En dépit des mesures que nous avions adoptées et mises en oeuvre pour soutenir notre économie, notamment l'exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires dont bénéficiaient neuf millions de salariés. La suppression de ce dispositif réduit inévitablement et indéniablement leur pouvoir d'achat.
En dépit d'une loi adoptée et qui aurait dû être appliquée en octobre 2012 si vous ne l'aviez supprimée dans le collectif budgétaire de juillet : la TVA compétitivité. Les entreprises que nous rencontrons et qui connaissent de grandes difficultés auraient pu bénéficier très vite de cette mesure puisqu'elle était applicable en octobre.
En dépit d'une réalité que vous ne pouvez plus aujourd'hui attribuer au seul bilan de la précédente majorité. Il y a 1 500 demandeurs d'emploi de plus par jour, samedis, dimanches et jours fériés compris, et les conséquences personnelles et humaines pour ces ex-salariés, mais aussi financières pour le budget de l'État, devront être prises en compte. Il conviendra de les apprécier au plus juste.
En dépit de nos interventions, nous, la minorité, à l'occasion du projet de loi de finances rectificative de juillet et du projet de loi de finances pour 2013. Nous vous aurons dit et redit que la suppression des heures supplémentaires et de la TVA compétitivité étaient deux erreurs qui seraient lourdes de conséquences pour notre économie.
Face à toutes ces données, vous avez choisi, pour améliorer la compétitivité de notre industrie, un crédit d'impôt. Le rapporteur général tout à l'heure se satisfaisait de cette mesure, précisant que le crédit d'impôt n'apporterait une réponse concrète qu'en 2014. C'est une vision comptable et budgétaire, monsieur le rapporteur général. La réalité, pour nos entreprises, est tout autre. Il y a urgence, et c'est là que réside l'incohérence de votre politique.
En effet, le budget pour 2013 prévoit une augmentation massive des impôts, sur les ménages et sur les entreprises, de plus de 20 milliards d'euros. Pour les entreprises, l'impact sera de 14 milliards. Très vite, toute l'amplitude de ce choc fiscal va être ressentie.
Parallèlement, vous proposez un crédit d'impôt en lien avec la masse salariale mais avec effet en 2014, pour 20 milliards. Cette disposition pourrait être une réponse acceptable, mais maintenant ! Pas à une si lointaine échéance ! Un an, dans un cycle économique en crise, c'est trop long. Vous ne répondez en rien à l'urgence que vivent les 1 500 nouveaux demandeurs d'emplois journaliers. À l'urgence des entreprises qui, dans toutes les filières, voient leur carnet de commandes chuter – je pourrais vous parler de la filière automobile ou de la plasturgie, c'est malheureusement leur réalité quotidienne.
Vous avez déjà gagné du temps avec le rapport Gallois. Vous jouez la montre avec la mise en oeuvre du crédit impôt compétitivité. Mais les vraies difficultés de notre économie en crise exigent des réponses fortes et immédiates, qui ne se trouvent pas dans votre projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Ce projet de loi de finances rectificative nous permet de faire un pas de plus dans la lutte contre la fraude fiscale. Il limite les possibilités d'optimisation fiscale en réduisant les exonérations. Il entérine l'accord international sur la garantie de l'État français apportée à Dexia. Il confirme enfin le redressement des comptes publics. Nous saluons ces avancées, notamment concernant la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale, et serons à vos côtés pour poursuivre dans cette voie.
Cependant, et nous le savons tous, là n'est pas l'essentiel de ce texte. Nous ouvrons aujourd'hui la discussion sur ce que le Gouvernement aura appelé le « pacte de compétitivité », qui prend la forme d'un amendement introduisant le crédit d'impôt compétitivité emploi et l'augmentation de la TVA permettant de le financer.
Je voudrais faire une première remarque sur la méthode et m'étonner que nous soyons amenés à discuter d'une dépense fiscale de 20 milliards d'euros à l'occasion d'un amendement. Dans le cadre d'un projet de loi, cette mesure aurait fait l'objet d'une étude d'impact qui nous aurait permis d'évaluer les incidences économiques, financières, sociales et environnementales de cette réforme. Nous serons malheureusement contraints de nous en passer et pour la qualité du travail parlementaire, je le déplore.
J'en viens maintenant au fond. Le Gouvernement a intitulé ce dispositif « pacte de compétitivité ». Il ne s'agit pourtant pas d'un pacte, puisque aucune contrepartie n'est à ce stade demandée aux entreprises, ni même vraiment de compétitivité puisque toutes les entreprises sont concernées, y compris celles qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Il s'agit donc, en guise de pacte et sous couvert de compétitivité, d'un simple dispositif d'aides aux entreprises, ni ciblé, ni conditionné. Toutes les entreprises pourront en bénéficier, les entreprises florissantes, les entreprises sous LBO, les groupes bancaires, la grande distribution, les secteurs non exposés à la compétition internationale, ce qui est le cas de 75 % des entreprises…
Le financement de ce dispositif par la TVA doit également être mis en débat. Le transfert du poids de la fiscalité des entreprises vers les ménages va peser lourdement sur le budget des familles les plus modestes. Il risque d'affaiblir la consommation en France, dans une période où l'austérité partout en Europe affaiblit la demande. Alors nous posons la question : quelle chance aura donc ce pari du choc de l'offre de réussir, dans un contexte de demande aussi atone ?
Plus inquiétant encore, la hausse du taux intermédiaire de la TVA, de 7 à 10 %, va toucher le logement social, les transports en commun, le traitement des déchets et le bâtiment – et donc la rénovation thermique. Elle va donc pénaliser lourdement à la fois les collectivités territoriales et les secteurs qui sont au coeur de la transition écologique.
Nous sommes membres de la majorité et nous sommes fiers des objectifs qu'elle s'est donnés : la construction de 150 000 logements sociaux par an, la rénovation thermique de 600 000 logements par an, la priorité aux transports du quotidien. Cette hausse de la TVA nous paraît malheureusement en contradiction avec ces objectifs. Vous semblez ainsi fermer la porte à des réductions de consommation énergétique d'ampleur, qui seront pourtant essentielles pour l'avenir. Vous parlez de compétitivité, de conserver les emplois dans notre pays… et vous renoncez de fait à réduire la facture énergétique, qui est responsable de 90 % des 70 milliards de déficit commercial de ce pays.
Pour finir, je voudrais en revenir à l'origine de ce texte. Oui, l'intention initiale du rapport Gallois était louable. Oui, les problèmes de compétitivité de l'industrie française sont réels. Oui, il faut encourager le développement des PME et l'innovation en France. Oui, il faut renouveler la relation avec les entreprises dans ce pays. Mais c'est justement pour cela que ce pacte de compétitivité reste à notre sens une occasion manquée : celle de refonder le pacte social et écologique de la France sur de nouvelles bases, de renouer une relation donnant-donnant, sur la base d'engagements réciproques entre les partenaires sociaux, l'État et les associations environnementales.
Ce crédit d'impôt sans conditions ni contreparties ne sert pas cette ambition. Son financement par la TVA pénalise les ménages et les collectivités locales et cible particulièrement les secteurs au coeur de la transition écologique. Alors, il nous reste à espérer beaucoup du débat parlementaire. Nous savons qu'il sera riche, car nos collègues socialistes ont fait un travail d'amélioration exemplaire. Nous serons à leurs côtés pour soutenir cette démarche qui permettra peut-être de remettre ce dispositif au service de notre ambition partagée, celle d'une modernisation écologique et sociale de la France.
Au moment d'entamer l'examen du projet de loi de finances rectificatives, force est de constater que la situation économique de notre pays s'est fortement dégradée depuis quelques mois. Le nombre des chômeurs s'envole de manière inquiétante. Les mises en chantier de logements neufs reculent de 21 % au cours du troisième trimestre 2012. L'agence de notation Moody's, après avoir attendu de voir la politique mise en oeuvre par le Gouvernement, a finalement dégradé la note de notre pays.
Après la mise en sommeil de l'audit de la Cour des comptes, en juillet dernier, le rapport Gallois est venu dresser un bilan à charge et à décharge des gouvernements successifs, bien au-delà des dix dernières années. Il a confirmé la situation inquiétante de notre pays et propose pour y remédier toute une série de mesures à mettre en oeuvre le plus rapidement possible. En ce sens, je le trouve très pertinent.
Le projet de loi de finances rectificatives devait être l'occasion de le traduire en actes concrets. Or, sa lecture me laisse plutôt perplexe. Il ne crée en rien le choc de compétitivité préconisé par le rapport Gallois et tant annoncé par le Président de la République. Il ne reprend que partiellement les propositions de l'ancien patron d'EADS. En renvoyant à 2014 la partie essentielle, c'est-à-dire la baisse des charges sociales à travers un système très complexe de crédit d'impôt, il renonce au choc de compétitivité. Les dispositions restantes n'auront alors guère d'efficacité au regard des mesures immédiates que l'on aurait pu, et dû, prendre, à savoir des baisses de charges.
Les 20 milliards d'euros correspondants sont financés par une hausse de la TVA de 19,6 % à 20 % en 2014, alors même que le Président de la République avait fait campagne auprès des Français en prétendant ne jamais augmenter la TVA. Un renoncement de plus…
Cependant, quelques amendements ont été adoptés par la commission des finances. Les associations ou les établissements d'aide par le travail qui ne peuvent profiter du crédit d'impôt pourront désormais bénéficier d'un crédit de taxe sur les salaires. Cet amendement rétablit donc une certaine justice en faveur de ces établissements et je m'en réjouis.
L'amendement le plus important est relatif à la cotisation foncière des entreprises. Lors de la réception des avis d'imposition il y a quelques jours, nombre de commerçants, d'artisans et de professionnels libéraux ont pu constater une explosion de leur CFE, parfois jusqu'à 300 %, à la suite d'un plafonnement voté par certaines agglomérations, notamment dans ma circonscription.
La loi qui remplace la taxe professionnelle par la CET, dont la CFE est un des éléments – avec la CVAE – a été votée en 2010. Elle a laissé aux collectivités locales le soin de fixer ou non un niveau d'assiette et le taux qui s'y rapporte. Pour une application en 2012, les élus locaux avaient jusqu'au mois d'octobre 2011 pour prendre leur décision.
Pour les entreprises ayant moins de cinq salariés et plus de 100 000 euros de chiffre d'affaires, le niveau de cette assiette pouvait se situer entre 200 et 6 000 euros : une marge suffisante pour permettre une adaptation en fonction des situations locales.
En tout état de cause, la loi instaurant la CFE n'a jamais imposé une quelconque augmentation, mais laissé prévaloir l'autonomie fiscale tant demandée par les collectivités.
Mais, alors que nombre d'entreprises de ma circonscription ont une base comprise entre 1 000 et 3 000 euros, certaines collectivités ont cru bon de fixer l'assiette à son niveau maximum autorisé, soit 6 000 euros ! Nul besoin d'être mathématicien pour comprendre que l'impôt correspondant va fortement augmenter.
Aux dires de certains responsables d'exécutifs, l'absence d'informations provenant des services fiscaux serait à l'origine de ces décisions, prises dans l'inconnu.
Je rappellerai simplement que l'administration avait informé les collectivités fin 2010, avec la transmission d'un CD-ROM comportant le listing de toutes les bases 2010, souvent très proche de celles de 2011. Il était extrêmement facile alors de faire durant l'année 2011 toutes les évaluations nécessaires pour procéder aux corrections appropriées.
Lors de son excellente intervention au Sénat, le ministre délégué au budget a déclaré que certaines collectivités territoriales avaient très fortement augmenté la cotisation minimum entre 2011 et 2012, de crainte de manquer de ressources… et qu'elles assumeraient devant les chefs d'entreprise ces hausses qui ne sont imputables ni au gouvernement précédent, ni au gouvernement actuel.
Maintenant, ces délibérations sont devenues exécutoires. Les collectivités ne peuvent plus revenir en arrière en l'état actuel de la législation. Aussi, dans sa grande sagesse, la commission des finances a adopté un amendement permettant de corriger leurs erreurs. Je le voterai avec enthousiasme afin de répondre à une revendication légitime des artisans, commerçants et professions libérales victimes du matraquage fiscal de certaines collectivités.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron