Cette proposition de résolution européenne est un peu originale, dans le sens où elle est transpartisane et où elle est similaire à une résolution européenne déjà adoptée au Sénat.
Face aux violations des droits de l'homme à l'encontre des Tibétains dans les différentes provinces chinoises où ils vivent, l'Union européenne ne saurait rester passive. Conformément aux dispositions des traités qui érigent le respect des droits humains en valeur européenne essentielle – et sans pour autant remettre en cause la souveraineté inaliénable de la République populaire de Chine dans ses frontières reconnues internationalement –, l'Union européenne s'honorerait en apportant une contribution plus déterminée à la défense des droits humains des Tibétains.
C'est dans cet esprit que je présente à la commission des Affaires européennes cette proposition de résolution européenne raisonnable et équilibrée.
Il s'agirait de confier de manière explicite et particulière au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, parmi ses priorités, le mandat de promouvoir la coordination politique au sein de l'Union européenne afin de contribuer à la protection des droits des Tibétains.
Pour mieux être en mesure d'évaluer les enjeux, j'ai auditionné M. Tsering Dhondup, secrétaire général du bureau du Tibet à Paris et Bruxelles, accompagné de Mme Rigzin Genkhantg, sa chargée de mission, puis M. Vincent Metten, directeur des affaires européennes de l'organisation non gouvernementale International Campaign for Tibet. Auparavant, le groupe d'études Questions du Tibet de l'Assemblée nationale – que j'ai l'honneur de coprésider avec notre collègue Noël Mamère – avait reçu, le 10 décembre 2014, Mme Dicki Chhoyang, ministre des affaires étrangères de l'Administration centrale tibétaine, puis, le 12 mars 2015, M. Lobsang Sangay, premier ministre de l'Administration centrale tibétaine.
Répression politique, assimilation culturelle, destruction environnementale et marginalisation économique et sociale se poursuivent au Tibet, faisant des Tibétains des citoyens de seconde zone. Le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions à ce sujet, dont la dernière il y a trois ans.
Fin mai 2015, le bureau du Tibet à Paris et à Bruxelles établissait le bilan humain suivant : 2 210 Tibétains emprisonnés, détenus ou disparus ; 139 Tibétains auto-immolés par le feu depuis février 2009, dont 118 sont morts des suites de leurs blessures ; 10 Tibétains morts en prison ou après leur libération en 2014 ; 9 manifestants solitaires arrêtés au cours des neuf mois précédents ; 22 condamnations à l'emprisonnement à perpétuité depuis 2008.
De nombreux prisonniers tibétains sont soumis à des brutalités voire torturés et privés de soins médicaux. En 2014, un nombre croissant de personnes sont mortes des suites des mauvais traitements reçus en prison.
Le mouvement d'auto-immolations, forme extrême et sans précédent de protestation politique, manifeste une résistance désespérée à la brutalité de l'administration chinoise au Tibet. Elle est adoptée par différentes catégories de citoyens – hommes, femmes, moines, nonnes, nomades, paysans, étudiants – appelant au retour du dalaï-lama au Tibet et à la liberté pour le peuple tibétain. Plutôt que d'en examiner les causes, les autorités chinoises accusent le dalaï-lama et la communauté tibétaine en exil d'en être les instigateurs et ont criminalisé ceux qui s'y livrent ainsi que les membres de leur famille et parfois des villages entiers.
Il est interdit aux monastères de prodiguer l'enseignement traditionnel bouddhiste. Les moines et les nonnes sont soumis à un endoctrinement politique afin d'assurer leur encadrement par le pouvoir central.
Le tibétain, langue principale de communication orale et écrite, est remplacé par le mandarin en tant que langue de l'instruction dans les écoles tibétaines, y compris dans les manuels scolaires.
Depuis 2006, sous prétexte de protéger les pâturages, plus de 2 millions de nomades tibétains ont subi des déplacements forcés vers de « nouveaux villages socialistes », constitués de barres d'immeubles isolées de tout. Les populations concernées sont privées d'accès à l'emploi, à l'éducation et aux services de santé. Cette opération a appauvri les nomades et les transhumants tibétains, et a radicalement modifié leur style de vie et leurs moyens d'existence. Ils ont touché un pécule en compensation mais ont été contraints à vendre leur bétail et, une fois leurs économies asséchées, ils n'ont plus disposé d'aucun moyen de subsistance.
Une autre menace sérieuse est l'afflux de Chinois d'ethnie han dans les zones tibétaines, transfert démographique qui marginalise les Tibétains sur leur territoire – ils y sont désormais minoritaires. Outre les conséquences socio-économiques négatives qui en résultent, cela perturbe le fragile équilibre écologique sur le toit du monde. En janvier 2015, les autorités chinoises ont déclaré que, d'ici à 2020, la population chinoise augmenterait de 30 % dans les zones urbaines tibétaines, soit environ 280 000 nouveaux immigrants au Tibet.
Les sociétés chinoises d'exploitation minière s'emparent de nombreuses terres au Tibet, zone possédant de riches gisements de ressources naturelles : or, uranium, cuivre et eau. Les Tibétains protestent contre les conséquences de certains projets, désastreux en termes écologiques, mis en route sans consultations locales ni études d'impact environnemental et social.
Le plateau tibétain détient les plus grandes réserves d'eau potable au monde après les deux pôles. Le Brahmapoutre, l'Indus, le Sutlej, la Salouen, le Mékong, le Yang Tse et le Fleuve Jaune, qui coulent en Chine, en Inde, au Pakistan, au Népal, au Bhoutan, au Bangladesh, en Birmanie, en Thaïlande, au Vietnam, au Laos et au Cambodge, prennent tous leur source au Tibet. Conséquence de la construction par la Chine de gigantesques barrages sur ses fleuves principaux, la modification du cours des fleuves tibétains vers les zones asséchées chinoises pourrait avoir des conséquences extrêmement graves pour les nations en aval, comme l'Inde, le Bangladesh, le Cambodge et le Laos. Il s'agit là d'une question géostratégique essentielle.
En 2011, depuis son exil à Dharamsala, en Inde, le dalaï-lama a remis ses responsabilités politiques entre les mains de l'Administration centrale tibétaine, instance représentative de l'opposition tibétaine, dirigée par M. Lobsang Sangay.
Cette décision historique a envoyé deux messages à Pékin : la volonté de démocratisation et de sécularisation de la gouvernance de l'opposition tibétaine en exil ; la transmission de la direction du mouvement à une nouvelle génération.
Elle s'inscrit dans une stratégie de recherche d'une « voie médiane » pour parvenir à une solution pacifique, non-violente et concertée de la question tibétaine : une véritable autonomie, telle qu'inscrite dans la Constitution chinoise. Les Tibétains ne revendiquent donc nullement l'indépendance ou une quelconque séparation vis-à-vis de la Chine.
Cette approche pragmatique a été formalisée dans le « Mémorandum sur l'autonomie effective pour le peuple tibétain » de novembre 2008, complété par un document explicatif de février 2010.
L'article 21 du Traité sur l'Union européenne soumet la politique européenne extérieure au respect des principes universels des droits de l'homme :