Intervention de Sergio Coronado

Réunion du 2 juin 2015 à 16h45
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

À l'instar de ma collègue Marie-George Buffet, je veux souligner la qualité de nos débats en commission spéciale, où nous nous étions collectivement réjouis de notre capacité à échanger sur un texte générateur de haute tension – pour dire les choses de manière diplomatique.

Ce texte suscite aussi des débats dans la société, notamment parmi les organisations qui sont attachées à la défense des libertés et qui, pour certaines, sont spécialisées dans le suivi et l'accompagnement des personnes prostituées. Il est bon de pouvoir débattre d'un thème de cette nature sans tomber ni dans la démagogie, ni dans un affrontement stérile. Ce ne fut pas toujours le cas lors de l'examen du texte en séance publique, où les propos caricaturaux et les accusations un peu outrancières ont parfois dominé les débats. Je me souviens encore de la très belle intervention de notre collègue Jean-Louis Borloo, rappelant à l'ordre un collègue de la majorité.

Cela étant, je vous trouve bien optimiste, monsieur le président, de penser que nous allons aboutir facilement à un texte commun avec le Sénat. La philosophie sénatoriale est sensiblement éloignée de celle – que je ne partage d'ailleurs pas – du texte issu de cette commission et du vote de l'Assemblée nationale.

Avant de rappeler la position du groupe Écologiste, je voudrais émettre un voeu qui, je l'espère, ne sera pas vain : que chacun ici précise au moins la source des chiffres qu'il cite. Je sais que ce n'est pas forcément l'usage dans cette maison, où les rapports et les statistiques sont souvent utilisés de manière très fantaisiste. Quand j'entends les accusations de l'opposition à l'égard de la politique de Mme Christiane Taubira, je me demande souvent d'où sortent les chiffres cités. En suivant les débats sur ce texte tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, j'ai assisté à une véritable explosion du nombre de personnes concernées par la prostitution : de minute en minute, d'une intervention à l'autre, les chiffres augmentaient par dizaines de milliers.

L'enjeu de santé publique est suffisamment sérieux pour que les références données soient au moins scientifiquement établies. D'ailleurs, le rapport publié fin 2012 par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), auquel a fait référence notre rapporteure, est tout à fait éclairant à ce sujet. Dès son introduction, il met en exergue la difficulté à mesurer la réalité de la prostitution, en l'absence de sources épidémiologiques assez solides et d'études suffisamment étayées et reconnues dans le monde universitaire. Le rapport de l'IGAS a aussi le mérite de présenter la diversité du phénomène et des profils des personnes concernées par la prostitution.

Autre point très important sur lequel j'avais insisté lors de nos précédents débats en citant un rapport antérieur de notre collègue Alain Vidalies : le rapport de l'IGAS refuse la confusion, parfois entretenue ici ou là, entre prostitution, proxénétisme et traite des êtres humains. Cette confusion n'est pas seulement une erreur malheureuse, elle est parfois criminelle pour les publics que nous cherchons à aider. En tout cas, elle ne permet pas d'appréhender ce sujet avec l'exigence nécessaire en termes de santé publique, d'accompagnement social et économique. C'est une facilité où le paternalisme – le mot n'est peut-être pas tout à fait adéquat – n'est pas totalement absent.

Dans ce débat, les Écologistes défendront des positions connues. Nous sommes parfois des soutiens solides du Gouvernement et nous le soutiendrons notamment pour combattre la mesure de blocage administratif des sites internet, rétablie de manière un peu maladroite par les sénateurs, sur proposition, me semble-t-il, de Mme la rapporteure. Le Gouvernement avait été assez clair sur la vacuité de ce type de dispositif que toutes les études et tous les experts jugent inefficace, inapproprié, contre-productif. Comment faut-il l'expliquer pour que l'on finisse par comprendre qu'un blocage administratif ne sert à rien ? Nous défendrons le retrait de cette proposition réintroduite par nos collègues sénateurs.

Nous demandons aussi la suppression des dispositions relatives au délit de racolage passif. Au Sénat, ma collègue Esther Benbassa était à l'origine d'une proposition de loi qui avait permis l'abrogation de ce délit. Comme l'a dit notre collègue Marie-George Buffet, criminaliser l'activité des travailleuses et des travailleurs du sexe, dans un pays où la prostitution n'est pas interdite, est un contresens. Cette criminalisation vise seulement à établir un climat de terreur que les arrêtés municipaux contribuent à augmenter. Contrairement à ce que vous dites, monsieur Goujon, le STRASS ne se réjouit pas du maintien de ce délit au prétexte qu'il serait plus doux et plus accommodant que les arrêtés municipaux. Le syndicat condamne dans un même mouvement le délit de racolage passif et les arrêtés municipaux sur la prostitution.

Enfin, comme Barbara Pompili l'avait rappelé au nom de notre groupe en séance, nous nous opposons à la pénalisation des clients. Partageant la position de nombreuses organisations telles que Médecins du Monde, la Ligue des droits de l'homme, le Syndicat de la magistrature, l'association Les Amis du bus des femmes, ou le Mouvement français pour le planning familial, je ne crois pas que la pénalisation, voire la criminalisation d'une activité permettent à celles et ceux qui l'exercent de mieux s'en sortir. En tout cas, je ne crois pas que cette pénalisation permette aux victimes de la traite ou du proxénétisme d'avoir un avenir meilleur, plus protecteur.

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