Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des sports, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est d’une importance majeure pour les sportifs de haut niveau, qui consacrent une part importante de leur existence à la performance sportive et qui font, grâce à elle, rayonner la France.
L’objet de l’article 1er de la proposition, que d’aucuns pourraient juger insuffisamment normatif, est précisément de reconnaître ces sportifs à leur juste valeur. Il me semble juste que le pays leur témoigne ainsi officiellement sa reconnaissance.
Au-delà, la proposition de loi entend répondre à la situation professionnelle et sociale parfois difficile de ces sportifs.
Être un sportif de haut niveau constitue un métier à temps plein mais, pour autant, ce n’est pas un métier qui permet de vivre. Aussi, nombre de sportifs de haut niveau se trouvent aujourd’hui dans une situation matérielle et sociale tout à fait précaire. C’est pourquoi la proposition de loi que nous avons déposée leur consacre un volet important.
Au plan de l’insertion professionnelle, d’abord, la proposition de loi modernise les conventions d’insertion professionnelle et les adapte aux besoins des sportifs.
Peu d’entre eux ont le loisir de travailler, ne serait-ce que quelques heures par semaine, au sein d’une entreprise. Pour ceux-là, un contrat d’image ou de parrainage peut se révéler nettement plus adapté en leur procurant des revenus, tout en leur permettant de se consacrer pleinement à leur discipline.
L’article 4 de la proposition de loi assure toutefois au sportif qui signe un tel contrat un projet de formation ou d’insertion professionnelle.
Elle confie également de nouvelles responsabilités aux fédérations en matière de formation, d’accompagnement et de suivi socioprofessionnel. Les obligations des fédérations, comme les droits des sportifs, seront ainsi précisés et clarifiés.
Mais les sportifs ont également des devoirs, notamment celui d’être des citoyens exemplaires. C’est pourquoi ils recevront obligatoirement une formation civique et citoyenne, dont le contenu sera précisé par décret.
La commission, en adoptant un amendement présenté par Mme Gilda Hobert, a également renforcé les droits des sportifs issus des filières d’accès au haut niveau en matière de formation scolaire et universitaire.
Mais la proposition de loi entend également remédier à la grande précarité sociale que la majorité de ces sportifs connaissent.
En effet, les sportifs de haut niveau ne sont, pour la plupart, ni salariés, ni travailleurs indépendants. Aussi ne sont-ils pas couverts contre les accidents et les maladies qui peuvent survenir à l’occasion de leur pratique sportive. Or, de nombreux exemples le montrent, de tels accidents peuvent mettre un terme prématuré à leurs carrières et obérer leurs capacités d’insertion professionnelle.
Ainsi, alors que ces sportifs donnent beaucoup à la France, les bénéfices de la solidarité nationale leur sont aujourd’hui déniés. C’est pourquoi l’article 7 de la proposition de loi vise à leur permettre d’accéder aux prestations servies par la Sécurité sociale en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
J’ai également souhaité renforcer le volet social du texte en faveur des femmes.
En effet, les sportives de haut niveau perdent souvent le bénéfice des aides versées par les fédérations pendant leur grossesse ; elles perdent aussi un statut qui leur confère de nombreux droits.
C’est pourquoi j’ai souhaité qu’elles puissent continuer à bénéficier des droits liés à l’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau pendant un an à compter de la constatation médicale de la grossesse.
La seconde partie de ce texte a pour objet principal de répondre aux préoccupations juridiques des sportifs et entraîneurs professionnels.
Ces derniers se trouvent en effet dans une situation professionnelle problématique depuis deux décisions de la Cour de cassation rendues en 2014.
Le recours au contrat à durée déterminée d’usage, qui était jusqu’à présent la norme, ne saurait perdurer de façon généralisée. Pour autant, un retour au contrat à durée indéterminée n’est souhaité ni par les représentants des clubs sportifs, ni par les syndicats de joueurs et d’entraîneurs.
En effet, alors que le CDI doit constituer la forme normale des relations contractuelles dans le monde du travail « classique » – car c’est le contrat qui protège le mieux les salariés –, c’est tout l’inverse dans le monde sportif.
Dans un environnement régi par les saisons sportives, la constitution d’équipes et les résultats des compétitions, c’est bien le CDD qui protège le mieux la stabilité de l’emploi sportif comme l’équité des compétitions.
C’est pourquoi, mes chers collègues, l’article 9 de la proposition de loi crée un CDD propre au sport professionnel.
Celui-ci présente, je crois, toutes les caractéristiques nécessaires à la stabilité du lien contractuel, tant en ce qui concerne sa durée que ses modalités de rupture.
Je souhaiterais d’ailleurs m’attarder quelques instants sur la question de la durée minimale de ce contrat.
Avec cette proposition de loi, nous avons souhaité remédier aux pratiques qui prévalent dans les clubs de certaines disciplines, lesquels embauchent les joueurs pour neuf mois et les inscrivent au chômage les trois mois suivants. C’est pourquoi nous avons fixé à douze mois la durée minimale pour laquelle ce contrat de travail peut être conclu.
Certes, certaines situations justifient des durées inférieures, comme le remplacement d’un joueur absent pour raisons médicales ou mis à disposition de sa fédération. Notre commission a donc adopté un amendement visant à inscrire ces dérogations dans la loi. Je vous proposerai d’ailleurs, au cours de l’examen des amendements, de compléter cette liste.
Mais je ne crois pas souhaitable d’aller au-delà de ces quelques cas de figure pour adapter le droit à l’instabilité du marché du travail de certaines disciplines. Parce que ce contrat est conçu pour protéger les sportifs d’une éventuelle précarisation de leurs conditions de travail, le nombre de dérogations doit être limité.
La seconde partie du texte améliore également l’insertion professionnelle de ces sportifs, notamment en leur ouvrant le bénéfice des périodes de professionnalisation auxquelles ils ne peuvent accéder aujourd’hui.
L’article 10 fait également peser sur les clubs employeurs la responsabilité de leur suivi socioprofessionnel.
La proposition de loi répond aussi aux problèmes soulevés par le statut de travailleurs indépendants que certains sportifs revendiquent. C’est en particulier le cas dans des sports individuels comme le tennis ou le golf, où les sportifs travaillent pour leur propre compte et décident eux-mêmes des tournois auxquels ils participent.
Le droit du travail n’est pas adapté à leur situation et le risque d’une requalification en contrat de travail pèse sur les joueurs et les organisateurs de tournois.
C’est pourquoi notre commission a adopté un amendement tendant à créer une présomption de travail indépendant spécifique à ces sportifs, en plus de lever la présomption de salariat qui pèse sur eux en tant qu’artistes du spectacle.
Pour conclure, permettez-moi de citer des extraits de la tribune publiée ce jour dans un quotidien du sport, signée par des sportifs très emblématiques du haut niveau aux parcours divers, et qui s’adressent à nous.
Ils nous disent ceci : « Nous sommes plusieurs milliers de sportives et sportifs de haut niveau à porter avec fierté les couleurs de la France ; nous vivons pour le sport mais, pour la plupart, le sport ne nous fait pas vivre. Nous sommes sensibles au fait que les parlementaires pensent à nous. Écrire, à l’article 1er, que les sportifs de haut niveau concourent par leur activité au rayonnement de la nation est une reconnaissance extrêmement importante à nos yeux. Mesdames et messieurs les parlementaires, nous vous remercions de penser à nous et nous comptons sur vous pour faire aboutir ce texte de « haut niveau » – vous pourrez aussi compter sur nous et notre investissement dans le sport pour porter haut nos couleurs ! Allez la France ! »
Mes chers collègues, loin de moi, bien entendu, l’idée de faire pression sur vous mais je ne peux que vous inviter à voter cette proposition de loi particulièrement attendue du monde sportif…