Intervention de Pascal Deguilhem

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 21h35
Protection des sportifs de haut niveau — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Deguilhem :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, on ne peut pas vouloir des médailles – toujours plus de médailles – dans les grandes compétitions internationales et vouloir accueillir sur notre sol – c’est heureux – ces mêmes grandes compétitions européennes ou mondiales sans se préoccuper davantage – c’est l’objet de notre débat – des difficultés auxquelles sont confrontés les sportifs de haut niveau dans leur situation matérielle, sociale et professionnelle, présente ou future.

Je ne reviens pas sur cette situation largement évoquée par M. le secrétaire d’État et par Mme la rapporteure. Elle constitue l’essentiel de cette proposition de loi que vous avez souhaitée, madame la rapporteure, et que nous avons l’honneur et le plaisir de défendre ce soir dans cet hémicycle. Le terme « défendre » n’est sans doute pas le plus approprié, puisqu’à la suite du rapport de Mme Bourguignon, fruit d’une ample consultation du mouvement sportif en particulier, il s’est créé un large consensus sur le constat et les propositions de remédiation.

Le constat est le suivant : la véritable difficulté à laquelle doit faire face le sport de haut niveau est la faiblesse du statut juridique des sportifs. Pour bon nombre d’entre elles et eux, c’est la cause de conditions de vie souvent difficiles pendant leur carrière, mais aussi après leur carrière. Alors même qu’ils brillent – ou pas – dans les compétitions internationales, beaucoup sont précaires. Sans revenus stables, sans couverture sociale, concentrés sur leurs entraînements – M. le secrétaire d’État a décrit ce qui rythme le quotidien d’un sportif de haut niveau – et sur la performance, ils ne peuvent préparer convenablement leur vie d’après. J’observe d’ailleurs que plusieurs collègues parlementaires ont pu approcher ces réalités, directement ou indirectement, et qu’ils font tous le même constat.

Cette situation n’est ni digne, ni acceptable pour une grande nation qui souhaite rayonner à travers le sport sur la scène internationale. Comme l’a dit Mme Buffet, l’État joue un rôle prédominant dans le sport de haut niveau ; c’est notre histoire. Il y consacre des moyens humains et financiers importants à travers son soutien aux fédérations, et il a développé un réseau d’expertise et de performance. Nombreuses sont les nations qui nous envient notre vaisseau amiral du sport d’excellence qu’est l’INSEP, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, dont sont issus plus de la moitié de nos médaillés lors de chaque olympiade, tandis que les trois quarts des sportifs qui y sont accueillis réussissent dans leur formation universitaire ou professionnelle, même si tous les sportifs de haut niveau ne le fréquentent pas.

Depuis trente ans, l’État a développé une politique du double projet sportif visant à concilier la performance sportive et l’insertion professionnelle, mais elle est très inégalement appliquée. Des fédérations, des collectivités et des entreprises partenaires ont mis en oeuvre des dispositifs pour améliorer ces conditions. Aujourd’hui, nous le savons bien : notre responsabilité consiste à aller plus loin. Comme le souhaite le Président de la République, il faut « renforcer le statut des sportifs de haut niveau en élargissant leurs droits sociaux, leurs droits en matière de formation et d’insertion professionnelle ». Le Premier ministre l’a rappelé tout à l’heure à l’occasion du premier bilan du pacte de performance.

En France, les droits sociaux s’acquièrent avec le salariat et la cotisation aux différentes assurances sociales. N’étant que très rarement salariés, les sportifs de haut niveau ne bénéficient pas des protections nécessaires. C’est notamment le cas pour les accidents du travail. Or, nous savons bien que dans de nombreuses disciplines, la pratique de haut niveau entraîne des accidents et des traumatismes parfois durables. L’article 7 de notre proposition de loi étend aux sportifs de haut niveau le bénéfice de la convention pour la branche AT-MP.

De la même façon, nous souhaitons aujourd’hui apporter une amélioration concernant les questions de formation et d’insertion, qui sont trop importantes pour ne pas s’y attarder. La carrière des sportifs de haut niveau peut durer, mais elle est souvent très courte et n’excède que rarement une dizaine d’années. Ce n’est pas avec les gains qu’ils auront accumulés au cours de ces quelques années qu’ils pourront envisager l’avenir avec sérénité. Il est donc impératif que les sportifs puissent préparer pendant leur carrière et le plus tôt possible leur reconversion future. Si de nombreuses solutions existent déjà, elles sont utilisées ou appliquées de façon très inégale, et nous réussissons mieux en termes de performance qu’en matière d’accompagnement de la formation initiale et de la reconversion.

Responsabiliser davantage l’ensemble des acteurs du monde sportif, les fédérations, les entreprises et les collectivités concernant les droits et les devoirs de chacun en imposant un cadre conventionnel obligatoire constitue une véritable avancée sociale qui permet de rééquilibrer la place respective de la performance et de la formation dans les parcours de haut niveau.

De la même façon, cette proposition de loi contient des avancées sur ces questions pour les sportifs professionnels et pour les entraîneurs. Pour la grande majorité d’entre eux, la situation est tout aussi préoccupante pour l’après-carrière et il était nécessaire de confier de nouvelles responsabilités aux employeurs en matière de formation et de suivi socio-professionnel de leurs salariés.

D’autre part, à la suite du rapport de M. Karaquillo, nous souhaitons aujourd’hui réaliser des réformes sur des sujets majeurs qui sont en souffrance depuis longtemps. Ils présentent des risques juridiques, comme cela a été dit, et sont dangereux pour l’organisation même du sport français, compte tenu des contentieux récents. Stabiliser juridiquement les contrats de travail des sportifs et des entraîneurs en créant le contrat de travail spécifique et sécuriser le prêt des joueurs constituent des avancées notables et indispensables.

Pour conclure, chers collègues, nous avons financé à partir de 2013 un dispositif de retraite pour les sportifs, qui avait été introduit en 2012. Aujourd’hui, nous apportons quelques réponses supplémentaires à l’adresse de ceux qui, s’ils ne sont pas la masse des pratiquants, incarnent cette dimension symbolique du sport qui est partagée par une nation tout entière. Il s’agit d’une proposition de loi de reconnaissance – cela a été dit – mais aussi de sécurisation et de responsabilisation pour l’ensemble des acteurs de la compétition sportive de haut niveau et professionnelle. Nous sommes persuadés que ces avancées ne sont pas un privilège accordé à une minorité ; elles sont un préalable à l’excellence sportive. Le groupe socialiste, républicain et citoyen se félicite d’y apporter sa contribution.

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