Intervention de Philippe Vitel

Séance en hémicycle du 9 juin 2015 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, lorsque l’on a chez soi une table bancale, que fait-on ? Il y a deux solutions : soit placer un morceau de carton plié sous un pied et obtenir ainsi une stabilité relative et provisoire, soit tout simplement la jeter et en acheter une neuve, si possible parfaitement stable. Pour essayer de réparer votre loi de programmation militaire – LPM – bancale, monsieur le secrétaire d’État, c’est la première solution que vous avez choisie. Dans le milieu médical, on emploie parfois aussi l’expression : « mettre un emplâtre sur une jambe de bois. »

Monsieur le secrétaire d’État, il y a maintenant dix-huit mois, le groupe UMP avait, dans sa quasi-totalité, voté contre le projet de loi de programmation militaire que vous nous aviez présentée, car il nous semblait mettre tout simplement en grand danger notre outil de défense, et cela à un moment où il était évident que les menaces contre notre patrie et, de manière plus globale, contre l’Occident, étaient de plus en plus fortes. Nous nous étions opposés à ce projet de loi pour de multiples raisons. Nous ne comprenions pas votre proposition de réduire encore davantage le format de nos armées en ajoutant une déflation de 24 000 postes aux 54 000 suppressions déjà programmées, alors que cette même année 2013 nous avait amenés à engager nos valeureuses troupes, à qui je tiens à rendre ici un grand hommage, dans de difficiles opérations extérieures à haute intensité.

Nous ne comprenions pas que l’enveloppe financière de cette LPM ne soit pas en adéquation avec les objectifs stratégiques issus du Livre blanc de la défense nationale. Nous ne comprenions pas votre entêtement à vouloir compter sur plus de 6 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, dont le caractère totalement aléatoire ne pouvait échapper à personne. Nous ne comprenions pas non plus que notre volonté commune de doter nos soldats, nos marins, nos aviateurs, de moyens matériels que l’intensité et la répétition de leurs engagements exigent, se heurte aux fourches caudines de la maîtrise comptable, froide et cynique, de Bercy.

Au lieu de définir les besoins par rapport aux opérations, votre approche avait été inverse : il fallait donner un contenu stratégique et opérationnel à un objectif de dépense ! A posteriori, cela peut donner froid dans le dos : aurions-nous été capables de déclencher en trois jours l’opération Sentinelle et de mobiliser 10 500 soldats dans un délai aussi court, si les attentats avaient eu lieu par exemple le 7 janvier 2017 ? Posons-nous la question !

Aujourd’hui, tout en engageant la procédure accélérée, ce qui nous a empêchés de travailler sérieusement sur le texte, vous annoncez aller dans le sens de ce que nous proposions il y a dix-huit mois. Mais vous y allez bien trop timidement ! Non, vous ne répondez ni aux enjeux ni aux menaces et n’êtes pas au rendez-vous du nécessaire réarmement de notre pays. Tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il manque entre 10 et 15 milliards d’euros à cette LPM pour acquérir les matériels dont nos armées ont besoin et en assurer l’entretien programmé en même temps que la remise en condition opérationnelle des milliers de véhicules qui reviennent dans un état calamiteux des opérations extérieures que nos soldats mènent dans des territoires très hostiles. En effet, dans le projet de loi d’actualisation que vous présentez aujourd’hui, ce n’est qu’un bonus de 2 milliards d’euros qui y est consacré, et encore, en tenant compte de l’embellie d’1 milliard d’euros permise par des indices économiques particulièrement favorables. Non, monsieur le secrétaire d’État, le compte n’y est pas.

Si la budgétisation pérenne des recettes exceptionnelles, lesquelles ne sont d’ailleurs pas au rendez-vous, comme nous l’avions prévu il y a dix-huit mois, est une bonne chose, il est bon de rappeler que, sans ce sauvetage de dernière minute, nos armées étaient en cessation de paiement au 30 juin. Quant à la limitation des déflations de personnels, elle n’est, là encore, que trop partielle. De plus, elle va poser d’énormes problèmes de ressources humaines dans la marine et l’armée de l’air et nous ne pourrons compter en 2019 que sur une armée de 261 161 professionnels, soit moins qu’en 1996, année où a été décidée, après la suspension de la conscription, la professionnalisation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion