La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, ce week-end, entre deux avions, vous avez dit : « Nous devons continuer à réformer. » Votre langue a fourché ! Vous vouliez sûrement dire : « Nous devons commencer à réformer ! »
On allait voir ce qu’on allait voir avec la loi Macron, qui allait relancer l’économie. On voit surtout un texte composé de 405 articles, qui ne règle rien et crée encore des taxes, comme hier soir avec une nouvelle taxe sur les professions juridiques.
On allait voir ce qu’on allait voir avec la loi Rebsamen, grande réforme du dialogue social et du marché du travail. Au final, rien de concret sur les seuils ; pas de réforme structurelle ; rien sur le contrat de travail ; rien sur le code du travail. En revanche, que de contraintes supplémentaires pour les chefs d’entreprises ! Ceux-ci n’ont plus confiance en la reprise économique : leur inquiétude progresse sans cesse, de six points en trois mois, 84 % d’entre eux se disant inquiets face à la situation économique et même 21 % très inquiets, selon un dernier sondage.
Et pendant ce temps-là, le chômage explose : 615 000 demandeurs d’emploi de plus depuis mai 2012 ! Face à cela, votre réponse, c’est plus de contrats aidés – mais toujours pas de réforme ! Votre réponse, c’est l’annonce, dans l’urgence, de nouvelles mesures – mais toujours pas de réforme !
Monsieur le Premier ministre, ces nouvelles mesures, c’est la panique à bord ! Pourquoi ne figuraient-elles pas dans les projets de loi Macron et Rebsamen dès le début de leur examen ? Avez-vous une majorité pour faire adopter ces mesures, monsieur le Premier ministre ?
Avez-vous une majorité pour engager les réformes nécessaires et redonner confiance à nos entreprises ? Avez-vous une majorité qui, comme vous le prétendez, aime l’entreprise, monsieur le Premier ministre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, les réformes ont commencé et je regrette d’ailleurs que vous ne les suiviez pas lorsqu’elles permettent d’améliorer l’économie et l’activité de notre pays.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Quand il s’agit précisément de répondre à la problématique de la compétitivité de nos entreprises, quand il s’agit du pacte de responsabilité, quand il s’agit de moderniser le dialogue social, oui, ces réformes ont commencé et continueront !
Ce matin, le Premier ministre a annoncé une série de mesures permettant d’aller plus loin.
« Ah ! » sur divers bancs du groupe Les Républicains.
Pourquoi avoir attendu ? Parce qu’il y a un temps pour le dialogue social et parce que la compétitivité de ce pays ne se décidera pas – c’est peut-être ce qui nous sépare, et je le respecte – en réduisant les droits des salariés. Elle ne se décidera pas en affirmant des mesures qui n’ont pas d’abord été concertées ; c’est tout le travail initié en février dernier par le Premier ministre quand il a reçu les partenaires sociaux,…
…conduisant à un ensemble de concertations, la semaine dernière encore, et aux décisions qui ont été annoncées ce matin. Tout cela se fait en bon ordre et au bon rythme.
Quelles sont ces mesures ? Elles visent à répondre aux défis des PME et des TPE sur la commande publique, en donnant plus de souplesse dans l’accès et le renouvellement des contrats à durée déterminée,…
…en donnant plus de souplesse dans l’accès à l’apprentissage, en accroissant les durées – tout cela était demandé par les professionnels, vous le savez bien !
Ces mesures sont importantes car elles poursuivent la réforme initiée à l’Assemblée en janvier dernier…
… donnant plus de visibilité aux prud’hommes – répondant ainsi à la préoccupation des vrais salariés et des vrais chefs d’entreprise d’établir un plancher et un plafond – et à l’ensemble des acteurs sociaux.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Toutes les mesures annoncées ce matin forment un paquet cohérent : c’est le small business act à la française, parce que la réforme continue pour notre économie !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, « Tout pour l’emploi dans les PME et les TPE », tel est le nom du plan volontariste présenté aujourd’hui par le Gouvernement pour transformer l’essai et convertir la reprise en emplois.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ce plan ambitieux et pragmatique est issu d’un dialogue avec tous les acteurs que le Gouvernement conduit sur le plan national et que nous menons aussi au quotidien sur nos territoires. Il présente dix-huit mesures concrètes pour réinjecter de la confiance dans tous les secteurs de notre économie.
Tout d’abord, et c’est essentiel, il crée une aide de 4 000 euros à la première embauche pour les entreprises. Le développement des formations prioritaires dans les métiers en tension, le renforcement de l’apprentissage, une plus grande prévisibilité de la justice prud’homale doivent aussi lever certains freins à l’embauche. Par ailleurs, de nombreuses mesures opérationnelles étoffent notre stratégie de développement de l’emploi, dont la lutte contre le détachement abusif et l’accès facilité à la commande publique pour les PME.
Mes chers collègues, le danger pour nos économies – pas seulement pour celle de la France – c’est la croissance sans emploi. Notre majorité a raison de répondre à ce défi redoutable. Ne pas le faire serait une faute.
Oui, ce plan constitue un « Small business act » à la française
Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
qui soutiendra notre tissu productif, l’économie locale, ceux qui prennent des risques et veulent embaucher mais aussi tous ceux qui luttent quotidiennement pour développer l’emploi ou trouver un travail. Il peut être, nous le croyons, nous le voulons, un déclic décisif pour consolider la croissance.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous préciser les objectifs que vous assignez à ce plan ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, nous sommes, en France comme en Europe, dans un moment bien particulier. La croissance revient. Elle est cependant trop faible et trop fragile.
Mais elle n’avait pas été au rendez-vous depuis des années. Nous devons donc la soutenir, car elle est trop faible et trop fragile pour créer suffisamment d’emplois et faire baisser le chômage.
La priorité du Président de la République, qui présidait la réunion du conseil restreint de ce matin, c’est précisément l’emploi et l’embauche. Pour cela, il faut ne pas perdre de temps et agir sur tous les leviers, notamment en nous appuyant sur les PME et les TPE, qui représentent plus de 99 % des entreprises françaises et où travaillent 50 % des salariés français.
Vous les connaissez bien puisqu’elles font vivre vos territoires. Nous devons les soutenir, lever les freins à l’embauche, simplifier, leur donner plus de clarté, notamment quant à leurs commandes, car ce sont elles qui créeront des emplois.
Nous savons qu’un certain nombre de freins existent. Nous sommes en train de les lever, sans pour autant remettre en cause les droits des salariés et des travailleurs : c’est pour cela que nous ne remettrons pas en question le contrat à durée indéterminée, c’est pour cela que nous ne mettons pas en cause les droits fondamentaux.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas agir ni assouplir le marché du travail. Avec les ministres et avec le Président de la République, nous avons précisément fait ce choix. Nous envoyons ainsi un message de confiance à l’endroit de ces chefs d’entreprise qui, souvent, travaillent seuls. Nous leur donnons aussi la possibilité d’avoir enfin un salarié – je pense en particulier aux travailleurs indépendants, aux artisans et aux commerçants.
Madame la députée, le Gouvernement parle d’abord aux chefs d’entreprise, aux TPE et aux PME, parce que c’est là que des emplois et des richesses seront créés, ce dont le pays a besoin.
C’est ce message de confiance pour la France que nous avons voulu faire passer ce matin. Je suis convaincu que, demain, il permettra de gagner cette bataille essentielle pour le pays, pour la confiance et l’emploi, et que le chômage baissera.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, dont on écoute la question.
Monsieur le Premier ministre, dans certains départements, les contribuables ont jusqu’à ce soir pour valider en ligne leur déclaration d’impôts. D’aucuns se posent la question de savoir si c’est la dernière fois qu’ils se livrent à un tel exercice. En effet, reprenant une promesse de campagne du candidat François Hollande, vous avez annoncé samedi devant vos amis que vous alliez enclencher le système du prélèvement à la source, « première étape de la modernisation de notre imposition ».
Il est vrai que la France est un des derniers pays de l’OCDE à ne pas avoir encore lancé cette réforme fiscale, dont la mise en oeuvre est particulièrement complexe. C’est un sujet très important et nombre de nos concitoyens s’interrogent sur le calendrier ainsi que sur les modalités pratiques d’une telle réforme.
Parmi ces inquiétudes, la plus légitime concerne bien entendu le calendrier car chacun a compris que si cette mesure était appliquée, les contribuables paieraient deux fois les impôts sur une même année, ceux de l’année précédente avec l’ancien système et ceux retenus à la source pendant l’année en cours.
Si une telle option était choisie, le pouvoir d’achat des Français en pâtirait gravement, avec les conséquences économiques que l’on peut facilement imaginer. Si, en revanche, une option « d’année blanche fiscale » était retenue, j’imagine aisément que cela soulèverait un certain nombre de problèmes budgétaires pour notre pays.
Au-delà de cette question générale, nos concitoyens se posent toute une série de questions simples : des questions sur les modalités pratiques qui seront retenues pour cette année de transition, des questions concrètes concernant par exemple les oscillations du montant des revenus, par exemple pour les professions libérales, des questions sur la confidentialité des informations puisque, à salaire identique, les prélèvements ne seront pas les mêmes en fonction de la composition familiale et du revenu du conjoint.
Ce sujet inquiète donc légitimement de nombreux Français, qui souhaitent savoir à quelle sauce ils seront mangés. Alors, ma question coule de source, si j’ose dire : cette fameuse promesse électorale de la retenue à la base sera-t-elle enclenchée, et si oui, quand ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je vous remercie d’avoir tenté d’apporter quelques éléments factuels sur ce sujet complexe. Essayons de dégager quelques principes finalement assez simples.
Tout d’abord, la retenue à la source n’est qu’une modalité de recouvrement et non de calcul de l’impôt. Il n’y aura donc ni imposition supplémentaire
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
ni variation brutale, je vais y revenir. Encore une fois, il ne s’agit que d’une modalité de recouvrement.
Deuxième idée simple : c’est une demande des Français. En effet, ils souhaitent que l’on rapproche le moment du paiement de l’impôt de celui de la perception des revenus.
Par exemple, quelqu’un qui entre dans la vie active ne paie pas d’impôt la première année. Il s’habitue à la situation, si j’ose dire, et est ensuite surpris lorsqu’il doit s’acquitter de l’impôt. À l’inverse, quelqu’un dont la situation professionnelle se dégrade, par exemple suite à une perte d’activité, choisie ou non, dispose de moins de revenus et doit payer un impôt indexé sur une année où il en percevait plus. Il faut donc rapprocher les choses.
Des dispositifs existent déjà. Vous avez fait allusion à la déclaration en ligne. Pour un gros tiers des contribuables, qui utilisent ce moyen de déclaration, elle permet aujourd’hui dans la majorité des cas de connaître immédiatement l’impôt qui devra être acquitté. Mais même parmi eux, de trop nombreux Français ignorent qu’ils peuvent également ajuster en ligne le montant de leurs mensualités, grâce à une application très facile, ce qui permet d’éviter des variations et des remboursements de trop-perçu.
Enfin, vous m’interrogez sur le calendrier. La loi de finance posera un certain nombre de principes à la fin de cette année, mais compte tenu des problèmes que vous avez vous-même évoqués, je doute que cette mesure soit applicable complètement et uniformément avant 2018.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’intérieur, quelques jours à peine après le démantèlement violent d’un camp de migrants à La Chapelle, à Paris, l’évacuation policière de la halle Pajol, dans des conditions tout aussi déplorables, nous a profondément choqués. Cet étalage d’autorité inacceptable a montré les limites et l’inadaptation des procédures d’accueil des migrants en détresse et en situation de grande précarité.
On ne peut pas continuer à faire comme si ces réfugiés avaient le choix. Ces personnes arrivent – si elles ont la chance d’arriver – dans des embarcations de fortune, après avoir traversé les océans au péril de leur vie, et laissé derrière elles leur famille et leurs attaches. Certains partent pour gagner un eldorado économique ; d’autres pour fuir une guerre. Ces derniers sont particulièrement vulnérables : ils ne partent pas, ils fuient. Et ils se retrouvent dans un pays où ils n’ont aucun repère culturel, linguistique ou social.
Nos pays riches ont leur part dans la montée des inégalités économiques, sociales et environnementales, et ils doivent prendre leurs responsabilités dans la gestion de leurs conséquences. Si la France doit arbitrer sur l’accueil des migrants, ces décisions doivent, dans tous les cas, être appliquées dans le respect des droits humains et dans les conditions permettant l’accompagnement digne de leur accueil ou de leur départ.
Les écologistes, attachés à ces valeurs, demandent des solutions durables pour les réfugiés : l’accélération des procédures de demande d’asile et de places d’hébergement ; la mise en place d’un lieu pérenne d’accueil et de prise en charge collective des exilés dans chaque grande ville française, qu’ils soient en transit ou demandeurs d’asile ; un plan d’action national d’accueil et d’accompagnement des immigrés ; la mise en place, enfin, d’un plan européen de solidarité.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que vous accompagnerez désormais humainement et durablement ces femmes, hommes et enfants, réfugiés de notre planète trop souffrante ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la députée, je voudrais profiter de votre question pour apporter un certain nombre de précisions. D’abord, que fait le Gouvernement vis-à-vis des immigrés présents sur le territoire national…
…à l’instar de ceux qui avaient un campement à La Chapelle ou de ceux qui se trouvaient hier à la halle Pajol, sur l’esplanade Nathalie-Sarraute, à proximité d’une école et d’un gymnase, en présence de nombreux enfants et de nombreux jeunes ?
Ce que nous faisons est très simple : nous proposons l’asile à tous ceux qui peuvent y prétendre, et nous proposons également un hébergement à ces migrants. Pour ce qui concerne les femmes et les enfants qui sont en situation de vulnérabilité, nous faisons de même, en très étroite liaison avec la ville de Paris, dont je veux saluer l’excellente coopération avec le Gouvernement.
Enfin, pour ce qui concerne les autres migrants, nous essayons de les mettre à l’abri lorsqu’ils occupent des terrains de façon illégale. Je veux prendre des exemples concrets. S’agissant de l’évacuation de La Chapelle, préparée en liaison avec la ville de Paris et les associations, nous avons proposé 471 hébergements, c’est-à-dire un hébergement pour chacun des migrants évacués. Nous nous sommes employés à faire de même lors de l’opération d’hier.
Le Gouvernement agit avec humanité, et c’est vrai, madame la députée, qu’il est plus difficile d’agir avec humanité et responsabilité que de commenter sur tous les plateaux de télévision, avec la plus grande démagogie et la plus grande irresponsabilité les difficultés auxquelles le Gouvernement est confronté lorsqu’il s’emploie à faire face aux problèmes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je veux vous le dire très clairement, madame la députée : lorsque je vois un certain nombre de responsables politiques, qui n’ont de responsable que le nom, aller sur les plateaux de télévision pour expliquer avec le plus grand cynisme des choses qui sont fausses, alors que la situation des migrants appellerait plus de dignité, je me dis que nous avons raison d’agir dans la responsabilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Avec les beaux jours, les gens du voyage voyagent. Et pas seulement pour aller voir des matchs de foot.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
En Vendée, comme ailleurs, la grande majorité des collectivités prend soin de respecter les obligations légales en matière d’accueil. Pourtant, chaque été, la situation est explosive tant les occupations illégales de terrains se multiplient, au mépris des lois et des efforts consentis pour accueillir dignement les « grands rassemblements » estivaux. Tout se passe alors comme si les gens du voyage avaient tous les droits, et les habitants des communes qui les accueillent celui de subir et de payer ces occupations sauvages.
Tout se passe comme si certains Français étaient plus égaux que d’autres !
L’exaspération grandit chez les Français, qui demandent plus d’équité et de rapidité dans les procédures, plus de devoirs pour les gens du voyage, plus de droits et de moyens de défense pour les collectivités qui les accueillent. C’est le sens des deux propositions de loi que ma collègue Annie Genevard et moi-même avons, au nom des Républicains, déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale. Ce n’est malheureusement pas le sens de la proposition de loi socialiste dont nous allons débattre cet après-midi. Au lieu de prévoir de raccourcir vraiment les procédures et de majorer les sanctions des occupations illégales, la proposition socialiste prévoit toujours plus de droits pour les gens du voyage et toujours plus d’obligations et de dépenses pour les communes.
Monsieur le Premier ministre, arrêtez de matraquer les maires de contraintes et de dépenses obligatoires nouvelles ! Faites confiance aux maires de France ! Donnez-leur les moyens de lutter, à armes juridiques égales, contre les occupations sauvages, afin de garantir la propriété privée, la tranquillité publique et l’ordre républicain.
Monsieur le Premier ministre, pour que prévale l’équilibre entre les droits et les devoirs, le Gouvernement entendra-t-il les propositions des Républicains ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Monsieur le député, l’Assemblée nationale débattra cet après-midi d’une proposition de loi importante relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui entend mettre fin à des discriminations anciennes et injustifiées. Je veux saluer ici le travail important réalisé par Dominique Raimbourg, à
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
la fois en commission et, au-delà, avec l’ensemble des élus locaux, avec les parlementaires de tous bords et avec les associations des gens du voyage. Le texte qu’il nous propose est équilibré et constitue un progrès majeur en faveur de l’égalité des droits, puisqu’il met fin à un régime administratif spécifique et qu’il fait disparaître le livret de circulation, ainsi que la mention de la commune de rattachement.
C’est un texte équilibré…
…qui encadre mieux les obligations des collectivités territoriales en matière d’accueil et d’habitat des gens du voyage, en renforçant la capacité des préfets dans les communes qui n’ont pas rempli leurs obligations ; un texte qui améliore les schémas départementaux et qui donne les moyens de faire respecter les règles de droit, en améliorant notamment le dispositif de cessation des occupations illicites.
Il n’est pas besoin, monsieur Moreau, de polémiquer sur ce sujet important.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, rien ne justifie cette réaction. Écoutez la réponse de Mme la ministre !
Ce sujet fait partie des préoccupations de nos territoires et des élus locaux. La préoccupation du Gouvernement est de travailler dans un état d’esprit constructif, au cours d’un débat apaisé. Je vois bien que votre groupe n’est pas dans cet état d’esprit…
…et nous le regrettons, mais je vous invite à participer tout à l’heure au débat, de manière responsable et apaisée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Hervé Pellois, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, une fois de plus, l’Union européenne a rendez-vous avec son destin. Nous devons faire aboutir le processus de négociation avec les Grecs, car de l’accord sur la dernière tranche du plan de sauvetage dépend le sort de tous les Européens.
Si nous n’arrivions pas à nous entendre, tous nos efforts, mais surtout ceux que le peuple grec consent depuis des années, auraient été vains. Face à l’urgence de ce défi, l’Europe doit faire preuve de la détermination et de la solidarité qui ont forgé son identité depuis le début.
Monsieur le ministre, le dialogue est ardu, à la mesure de la situation, mais il est constructif et nous ne laisserons personne dire qu’il fait l’objet d’un ultimatum, voire d’un diktat. Les revendications du peuple grec sont légitimes, tout comme les propositions de la Commission européenne sont fondées.
La France, elle, réaffirme une position claire et juste, en refusant l’asphyxie d’Athènes, qui irait totalement à l’encontre de l’intérêt collectif des Européens. L’Europe va d’ores et déjà de l’avant : fin de l’euro cher, plan Juncker d’investissement, rachat de dettes par la Banque centrale européenne. En tant que pays fondateur, la France a joué un rôle décisif dans ces avancées.
Mais ces avancées ne sauraient se poursuivre sans une responsabilisation commune et un respect des règles du jeu que nous, Européens, nous sommes collectivement fixées.
De cela dépend notre crédibilité ainsi que notre capacité d’action par rapport au reste du monde.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles seront les prochaines étapes de ce dialogue pour aboutir à un accord profitable à tous ?
Monsieur le député, merci de cette question sur un sujet éminemment actuel, puisque le dialogue est en cours, avec les difficultés que vous avez soulignées, et qui est d’une importance majeure pour nous tous.
Il est absolument nécessaire de conclure, et d’abord pour la Grèce. Depuis trop longtemps, le peuple grec vit dans la difficulté, avec des salaires qui baissent, des allocations de toute nature qui diminuent, une croissance en berne. Depuis plus de cinq ans, la Grèce a perdu plus de 25 % de sa richesse nationale.
Il faut conclure, car c’est aussi dans l’intérêt de l’Europe et du projet européen. Le projet européen n’est pas de se rétrécir, d’exclure des pays. Le projet européen est de s’affirmer, de s’étendre et d’accueillir encore d’autres pays au coeur de la démocratie et du développement économique. Nous en avons besoin car nous avons besoin de cette croissance. Le peuple grec a besoin de cette croissance, l’Europe a besoin de cette croissance, la France a besoin de cette croissance. Et rien ne doit venir gêner d’une manière ou d’une autre le retour à la croissance.
Le dialogue est donc en cours, il est difficile. Il ne peut y avoir ni diktat, ni ultimatum, ni chantage, ni d’un côté ni de l’autre. Sinon, ce serait la négation du dialogue. Les partenaires de la Grèce ne peuvent pas lui dicter les mesures qu’elle a à prendre, car il y va de la souveraineté du peuple grec : il appartient au Parlement grec, au gouvernement actuel de proposer les mesures nécessaires.
Mais le gouvernement grec doit aussi prendre ses responsabilités, car la Grèce ne peut pas continuer de vivre à crédit en attendant uniquement le versement de telle ou telle aide par le reste de l’Europe. C’est le coeur de la responsabilité qui est aujourd’hui entre les mains de ceux qui négocient. La France, en tant que pilier de la construction européenne, mais aussi en tant qu’amie historique du peuple grec, jouera son rôle jusqu’au bout : le dialogue, le dialogue, parce qu’il faut conclure !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, dans toutes les communes de France, les maires et les élus locaux sont passés de l’inquiétude au désarroi. Ils se mobilisent et vous interpellent, mais vous ne les écoutez pas.
La baisse cumulée des dotations de l’État, trop forte et trop brutale – près de 16 milliards d’euros d’ici 2017 – et les transferts de charges et d’obligations, tout cela est devenu insoutenable. En vous attaquant ainsi aux communes, vous vous attaquez à la vie quotidienne des Français. C’est en effet le recul ou la suppression de services publics indispensables à la population qui se profile : de la petite enfance aux personnes âgées, de l’école au sport, à la culture et à la vie associative, il faudra se serrer la ceinture !
C’est aussi mettre en péril l’investissement, avec une baisse de 25 % des montants prévus d’ici 2017. Adieu les projets, bâtiments et travaux prévus dans nos villes et villages pour améliorer le cadre de vie ! Et combien de dizaines de milliers d’emplois seront sacrifiés et d’entreprises mises en péril, ajoutant du chômage au chômage ? C’est très grave. Et quelle situation catastrophique pour plus de 1 500 communes, qui seront bientôt dans le rouge et passeront sous la tutelle de l’État !
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures prendrez-vous rapidement afin de maintenir la vie et l’espoir dans nos communes ? À moins que votre seul but soit de transférer sur les élus locaux l’échec de votre politique, ainsi que votre impopularité.
Allez-vous infléchir cette marche forcée des baisses de dotations et écouter les maires de France, soucieux de bonne gestion, chaque jour au service de leurs concitoyens ? Ils méritent votre soutien. Et si vous leur accordez votre confiance, je ne doute pas que vous leur répondrez personnellement dans quelques instants.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, essayons de nous rassembler autour d’un certain nombre d’idées simples, sur lesquelles nous pourrions nous mettre d’accord.
Tout d’abord, une trajectoire a été votée par le Parlement, qui inclut effectivement une baisse des dotations de l’État en direction des collectivités locales. Je voudrais rappeler que les recettes des collectivités territoriales sont constituées pour un quart environ par des transferts de l’État. Reste donc les trois quarts des recettes de ces collectivités, qui connaissent une dynamique parfois spontanée – du fait de leur croissance – ou qui est due au Parlement, puisque vous avez décidé de revaloriser les bases des valeurs locatives à hauteur de 0,9 %.
La grosse part des dotations est constituée par la DGF. Le travail actuellement conduit sur ce sujet par Christine Pires Beaune, que je veux remercier, accompagnée au début par le regretté sénateur Jean Germain, a permis un constat : la DGF, aujourd’hui, est devenue, du fait de la sédimentation de différentes mesures, complètement opaque, injuste et illisible.
C’est ce chantier auquel le Gouvernement vous appelle : la réforme de la DGF pour plus de justice et pour une meilleure répartition, parce que le constat est accablant.
Vous dites qu’il n’y a pas d’écoute. J’étais aux côtés du Premier ministre il y a une semaine, lorsque le président de l’Association des maires de France, François Baroin, est venu dialoguer.
Le dialogue se poursuit, un certain nombre de pistes ont été évoquées : un renforcement de l’assiette du fonds de compensation de la TVA, ou la constitution d’une dotation d’investissement – le chiffre d’un milliard a été évoqué. Ce dialogue va reprendre, et nul doute que nous arriverons à entraîner l’ensemble des collectivités, avec l’État, dans une baisse de la dépense publique.
La parole est à M. Yann Capet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. J’y associe mes collègues Frédéric Cuvillier et Brigitte Bourguignon.
Les salariés de MyFerryLink sont de nouveau confrontés à l’épreuve et aux angoisses qu’ils subissent depuis des années. Le groupe Eurotunnel vient en effet d’annoncer, à la surprise générale, la vente de deux navires à DFDS et le maintien d’une activité de fret. La décision de la Cour d’appel britannique, qui a annulé l’interdiction d’accoster à Douvres, avait pourtant suscité l’espoir de voir conforter la coopérative et ses salariés. C’est un coup dur, un véritable gâchis, vécu comme une injustice par des salariés qui se sont battus au prix de nombreux sacrifices pour que MyFerryLink soit un succès non seulement économique, mais aussi social.
Vous me permettrez d’avoir une pensée pour Didier Cappelle, qui nous a quittés hier. Syndicaliste engagé, il a toujours été à la pointe du combat pour le pavillon français et la sauvegarde des emplois.
Je partage les interrogations des salariés au sujet de DFDS, qui a une part de responsabilité dans la situation de la compagnie. Ce choix pose de nombreuses questions. En l’absence de recours de l’Autorité britannique de la concurrence dans les jours qui viennent, l’exploitation actuelle avec la SCOP ne pouvait-elle pas continuer ? Peut-on encore élaborer un projet alternatif, prévoyant notamment l’investissement des collectivités ? Avec la reprise par DFDS, combien d’emplois seront-ils préservés ? Les navires seront-ils sous pavillon français ? Pour combien de temps ? Pour quelles conditions de travail ? Quel avenir pour les personnels sédentaires ? Comment et avec qui maintenir une activité de fret, qui ne peut s’exercer avec un seul navire ? Par ailleurs, le tribunal de commerce a interdit la revente des navires avant cinq ans : c’est donc une remise en cause de la chose jugée. Qu’en est-il aujourd’hui ? Autant de questions qui se posent dans un contexte tendu dans le Calaisis, déjà confronté à la montée de la pression migratoire et aux menaces de recours contre le projet « Calais Port 2015 ».
Je connais l’engagement du Gouvernement, d’abord par la voix de Frédéric Cuvillier, puis par la vôtre, monsieur le secrétaire d’État, pour défendre le pavillon français. Pouvez-vous nous éclairer sur ces nombreuses questions qui se posent avec urgence dans l’un des territoires les plus frappés par le chômage ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Comme vous, monsieur le député, je veux d’abord évoquer la mémoire de M. Cappelle, dirigeant historique de la SCOP, disparu subitement dans la nuit de dimanche à lundi.
À l’origine, le rachat des bateaux par Eurotunnel et l’exploitation par la SCOP nous permettaient d’espérer un retour à l’équilibre assez rapide. Il se trouve qu’Eurotunnel a été attaqué et qu’une décision de l’Autorité de la concurrence britannique a interdit à cette société de conserver ses bateaux. J’avais moi-même indiqué que cette décision était injuste – l’Autorité de la concurrence française s’était d’ailleurs prononcée en sens contraire. Heureusement, la Cour d’appel britannique a infirmé cette décision : dès lors, les conditions étaient effectivement réunies pour que l’exploitation puisse se poursuivre. Le responsable d’Eurotunnel a alors affirmé que, nonobstant la décision de la Cour d’appel, il existait toujours un risque provenant de l’Autorité de la concurrence britannique. Nous ne partageons pas cette appréciation.
La décision, annoncée hier par Eurotunnel, de vendre deux bateaux à DFDS, son concurrent, a été prise par une entreprise privée sans que le Gouvernement en ait été informé. Aujourd’hui, nous ne connaissons ni le prix ni les conséquences sociales de cette transaction.
Il est vraisemblable que la SCOP sera placée en redressement judiciaire. Nous avons immédiatement pris contact avec les repreneurs, et nous allons prendre contact avec les administrateurs pour pouvoir enfin répondre aux questions légitimes que vous posez. Certes, c’est une décision d’une entreprise privée, qui avait le droit de la prendre, mais avec vous, nous avons aussi le droit de poser les questions qui se rapportent au seul objectif poursuivi par le Gouvernement : sauver un maximum d’emplois dans un bassin déjà fortement touché par le chômage.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, je ne vais pas vous parler de Berlin, mais je vais vous poser une vraie question concernant le chômage.
Trente et un mois de hausse sur trente-cinq, 641 000 demandeurs d’emplois supplémentaires, 1 million en catégories A, B et C. Voilà le bilan de la gauche au pouvoir : un million de chômeurs de plus !
Sans crise économique majeure et alors que nos voisins allemands et anglais se portent mieux, c’est bien l’action de votre gouvernement qui a étouffé le dynamisme économique du pays, par des lois démagogiques et toxiques pour la vie des entreprises. En termes de croissance, rappelons vos résultats : 0,2 % en 2012, 0,7 % en 2013, 0,2 % en 2014. Vous qui aimez fustiger l’héritage de vos prédécesseurs, laissez-moi vous rappeler que la croissance était de 2 % en 2010 et de 2,1 % en 2011. La comparaison est sans appel.
Aujourd’hui, vous vous réjouissez d’un petit mieux. Au premier trimestre, la France a connu une croissance de 0,6 %, un chiffre supérieur, pour une fois, à la croissance allemande. Mais voilà, l’OCDE vient de publier ses prévisions pour 2015 : 1,1 % pour la France, 1,6 % pour l’Allemagne, 2,4 % pour le Royaume-Uni. Pour la zone euro, la prévision est de 1,4 %, un taux bien supérieur à la prévision concernant la France, qui restera à la traîne de l’Europe.
Monsieur le Premier ministre, les résultats de la gauche au pouvoir sont catastrophiques, et M. Montebourg a raison de dire que vous marchez droit vers le désastre.
Monsieur le Premier ministre, face à votre Waterloo économique, quel espoir peut avoir aujourd’hui le million de Français que vous avez poussés vers le chômage ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, nous pouvons continuer, comme nous l’avons fait les uns et les autres, à nous renvoyer à nos bilans passés.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je constate que le pays a déjà vécu longtemps avec une croissance faible. Depuis des années, il connaît un chômage de masse. Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement s’attaque à ce défi considérable.
Puisque vous parlez du passé, notamment du rapport avec l’Allemagne, je veux rappeler qu’au début des années 2000, deux pays, l’Allemagne et la France, ont demandé à la Commission européenne un délai supplémentaire pour réduire leurs déficits, à condition de faire des réformes.
Un pays a mené les réformes structurelles qui ont d’ailleurs coûté cher à celui qui les a engagées, le chancelier Schröder. Un autre pays, pourtant gouverné par une majorité de droite, n’a fait aucune réforme structurelle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il n’y a eu pratiquement aucune réforme structurelle pour préparer le pays à l’avenir.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pendant dix ans, nous avons connu à la fois une désindustrialisation de notre pays, une perte de compétitivité et un accroissement des inégalités à l’école.
Ces grands défis que sont la jeunesse, la formation, l’école, le soutien à l’industrie et à l’économie sont au coeur du pacte de responsabilité et de solidarité, dans le cadre duquel la nation consent à un effort de 40 milliards d’euros pour soutenir les entreprises, pour baisser le coût du travail, pour soutenir la croissance et la compétitivité. Ce travail avait été engagé par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, avec la mise en place du CICE et du pacte de responsabilité. Nous le prolongeons, depuis déjà plusieurs mois, en prenant des mesures pour la compétitivité et, aujourd’hui, en faveur des PME et des TPE.
Il est important que chacun joue son rôle – partenaires sociaux, Gouvernement, majorité et opposition.
Je veux saluer les déclarations des responsables des entreprises, qui ont reconnu aujourd’hui que ces mesures allaient dans le bon sens, non pour des raisons partisanes mais parce que nos entreprises, celles qui peuvent embaucher, savent que les mesures que nous avons prises vont dans la bonne direction.
Plutôt que d’être dans la critique systématique, je vous propose, monsieur le député, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, de nous rejoindre
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
et de soutenir la priorité que nous donnons à l’emploi, à la compétitivité et à la croissance.
Mêmes mouvements.
Un dernier mot, monsieur le député : le sport joue un rôle très important, d’autant que la France va accueillir des grands événements internationaux. Le rôle du chef du Gouvernement est de soutenir ces grands rendez-vous pour la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je continuerai à le faire, parce que c’est important pour l’image de notre pays, pour son attractivité, sa compétitivité et ses emplois. Pas de polémique : concentrons-nous sur l’essentiel !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, dans un avis récent, le Conseil économique social et environnemental s’inquiète légitimement de la gestion des terres agricoles. Entre autres préconisations, le rapport propose de limiter le développement des centres commerciaux péri-urbains. Il souhaite plus de commerces de proximité et invite à la rénovation des centres existants.
Les auteurs de ce rapport ont bien raison. À la veille de la COP21, nous pouvons en effet nous étonner de certaines contradictions entre nos ambitions affichées pour le développement durable et la réalité des décisions qui se prennent dans nos territoires. Ainsi, alors que tous les spécialistes s’accordent à dire que l’étalement urbain est un fléau pour notre environnement, 80 % des autorisations d’installation commerciale se font malheureusement en secteur péri-urbain, aux dépens des terres cultivables – aux dépens aussi, il faut bien le dire, de la beauté de nos paysages.
Pourtant, pendant ce temps-là, nous le savons, de nombreuses communes sont confrontées à la disparition du commerce local et à l’apparition, petit à petit, de friches commerciales. Cette situation, vous en conviendrez, n’est pas tenable. Il faut la corriger.
Ma question est donc simple : pour lutter contre l’étalement urbain, pour redynamiser l’emploi, pouvez-vous envisager de nouveaux dispositifs afin d’encourager le commerce de proximité et la rénovation des centres commerciaux déjà implantés en ville ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Monsieur le député, vous avez soulevé une problématique que le Gouvernement a décidé de traiter : lutter contre l’étalement urbain et la consommation d’espaces agricoles, et renforcer les fonctions de centralité des centres bourgs et en particulier le commerce de proximité.
Avec la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, nous avons mis en place de nouveaux dispositifs tels que le droit de préemption, que les communes peuvent déléguer aux intercommunalités ou aux sociétés d’économie mixte afin d’être plus opérationnelles, ou tels que le contrat de revitalisation commerciale. En outre, le FISAC – fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce – accorde des subventions d’État afin de soutenir le commerce de proximité, pour ce qui concerne l’accessibilité ou les travaux liés à la sécurité.
Nous soutenons également des associations. La semaine dernière, je me suis rendue aux assises de Centre-Ville en mouvement à Nîmes. Une véritable dynamique est en train de se créer en la matière.
Par l’adoption de plusieurs lois, nous avons aussi dégagé des moyens nouveaux. Dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous avons pris plusieurs dispositions en faveur de la protection des terres agricoles, avec notamment la création de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles, la création d’une taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles afin de limiter les changements d’usage des terres agricoles ou encore la création d’un observatoire. Et grâce au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, la surface des places de stationnement imperméabilisées comptera double à partir du 1er janvier 2016.
Oui, cette révolution est en marche. Oui, nous devons soutenir les centres bourgs de nos villes et villages, nous devons lutter contre l’artificialisation des terres agricoles et contre l’extension des centres commerciaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’objectif de votre réforme du collège est prétendument de lutter contre l’ennui des élèves à l’école. Voilà hélas un raisonnement qui ne va faire qu’accentuer la déconstruction de l’école de la République.
Depuis la loi Jospin de 1989, la gauche a placé les envies des élèves au coeur du système, reléguant le savoir au second plan. Les élèves ont désormais le choix de s’intéresser ou non à ce qu’on leur propose. Et s’ils ne s’y intéressent pas, c’est au corps enseignant de s’adapter.
Résultat : on ne fait plus de dictées et on simplifie la grammaire parce que la langue française est trop complexe. On n’apprend plus les tables de multiplication par coeur parce que les élèves ont des calculatrices.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Voilà comment, en quelques années, on a détruit une école qui faisait la fierté de notre nation à travers le monde. Le constat est aujourd’hui édifiant. La France ne cesse de reculer au classement PISA. La maîtrise de la langue française est désastreuse même chez les étudiants de bon niveau. Et les plus jeunes méconnaissent de plus en plus les événements majeurs de notre histoire.
Alors lorsque vous accusez nos rangs de prôner l’élitisme à l’école, permettez-moi de sourire : cela fait des années, hélas, que notre école ne forme plus assez d’élites, et c’est bien à cause de vos réformes successives.
Vous nous dites que le développement des pratiques interdisciplinaires va permettre aux élèves de mieux maîtriser les savoirs : mais dans ce cas, pourquoi cette volonté ne s’applique-t-elle pas aux programmes ? Comment les professeurs de lettres parviendront-ils à enseigner Voltaire, Montesquieu ou Rousseau si leurs collègues d’histoire font l’impasse sur les Lumières ?
Madame la ministre, votre réforme des collèges et vos nouveaux programmes vont contribuer à dévaloriser le savoir. C’est justement ce que nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas de votre réforme et nous ne sommes pas les seuls : preuve en est la mobilisation qui aura lieu jeudi.
Il est grand temps de replacer le savoir au coeur de l’école. Cela constituerait, enfin, une vraie réforme. C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande une nouvelle fois de retirer votre réforme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, merci pour votre question qui me donne l’occasion de vous donner des nouvelles de la mise en oeuvre de la réforme du collège et de celle à venir des programmes.
Comme je vous l’ai indiqué ici, nous recevrons à partir de demain les organisations syndicales pour travailler sur les textes d’application qui permettront à la réforme d’entrer en vigueur dans les meilleures conditions possibles, notamment en accompagnant et en formant les enseignants qui seront chargés de l’appliquer.
Je vais répondre d’abord sur la question de l’acquisition du français. Vous avez raison, monsieur Costes, je ne peux qu’être d’accord avec vous, cela fait partie de ces fondamentaux que nous devons veiller à faire acquérir aux enfants, à tous les enfants. On ne peut plus permettre en effet qu’un enfant sur cinq sorte du collège sans maîtriser ces fondamentaux. C’est la raison pour laquelle la réforme du collège a été lancée. Et au-delà du collège, c’est la raison pour laquelle, dans nos dernières mesures adoptées, que je vais vous rappeler, nous posons des exigences très fortes s’agissant de cette question.
Premièrement, nous préscolarisons les enfants avant l’âge de trois ans.
En effet, on sait que les écarts de vocabulaire et de langage s’installent malheureusement très tôt en fonction des situations sociales.
Deuxièmement, nous revoyons le programme de maternelle pour faire en sorte que ce qu’on appelle la conscience phonologique, c’est-à-dire le pré-apprentissage de la lecture et de l’écriture, s’installe très tôt chez les enfants.
Troisièmement, nous instaurons à partir de la rentrée prochaine, comme je l’ai annoncé, une évaluation systématique du niveau de français à l’entrée en CE2.
Quatrièmement, nous faisons en sorte que les programmes au collège répondent à des exigences plus fortes s’agissant du français, avec des programmes plus lisibles, plus cohérents, mieux évalués.
Un dernier mot pour vous dire, s’agissant de la réforme des programmes, et comme je vous l’avais indiqué, que les professeurs sont consultés en ce moment. Ils nous rendront leurs conclusions le 12 juin prochain. Ensuite, je serai amenée à adopter de nouveaux programmes qui n’ont qu’une seule vocation : faire mieux réussir les élèves.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Sylviane Bulteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, mon collègue Fabrice Verdier, que j’associe pleinement à cette question, et moi-même vous avons remis hier un rapport relatif au régime social des indépendants dans sa relation avec les usagers. Votre volonté de remédier rapidement à des dysfonctionnements qui perdurent depuis 2008 démontre qu’enfin un gouvernement prend à bras-le-corps cette question et s’occupe des travailleurs indépendants et de leurs difficultés.
« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Les pistes que nous avons évoquées regroupent trente propositions. Ce rapport ne constitue qu’une étape du travail que nous avons engagé. Il suggère des mesures très concrètes qui doivent permettre une amélioration sensible et immédiate pour les travailleurs indépendants. D’ici au mois de septembre, où sera remis le rapport final, nous aurons à réfléchir sur l’avenir de ce régime.
À celles et ceux qui aujourd’hui veulent précipiter les choses, au risque de créer une nouvelle « catastrophe industrielle » – pour reprendre les termes de la Cour des comptes –, alors qu’ils portent pourtant la très lourde responsabilité du cataclysme qui s’est abattu sur les travailleurs indépendants, nous répondons que notre méthode est celle de la concertation, de l’évaluation, voire de l’expérimentation.
Nous avons un gouvernement expérimental !
Bref, tout l’inverse de ce qui a été voulu et mis en place en 2008 par ceux qui étaient en responsabilité à l’époque.
La pérennité d’un système de protection sociale bénéficiant à tous, qui demeure au coeur de la solidarité nationale dont nous sommes collectivement très fiers, doit perdurer. Rétablir le lien de confiance entre les indépendants et leur caisse de Sécurité sociale, voilà aujourd’hui l’impératif, voilà aujourd’hui l’enjeu.
En conséquence, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, faire savoir à la représentation nationale quelles sont les orientations que vous comptez prendre afin d’améliorer la qualité de service rendu aux indépendants ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Madame la députée, vous nous avez en effet remis hier, avec votre collègue, M. Fabrice Verdier, le rapport dans lequel vous avez présenté des pistes d’améliorations à M. le Premier ministre et à plusieurs de mes collègues. Ce rapport comporte des propositions pragmatiques qui pourront s’appliquer très rapidement.
Vous avez pu relever que cette catastrophe industrielle qu’a été le régime social des indépendants – RSI – commence à s’améliorer, mais il n’y a pas encore assez de pistes et de résultats. Nous devons donc avoir un rythme de progression plus rapide.
Tout d’abord, vous avez proposé qu’il y ait, dans chaque département, des médiateurs, une présence physique pour pouvoir répondre aux interrogations et aux dossiers des artisans et des commerçants.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Bien entendu, il est également nécessaire qu’il y ait une réponse téléphonique de qualité.
Mêmes mouvements.
Dès le mois de juillet, c’est-à-dire d’ici à quelques semaines, il y aura une réinternalisation de ces réponses téléphoniques.
Le mode de calcul sera également modifié : les cotisations seront calculées sur les revenus de l’année dernière, et non pas sur ceux d’il y a deux ans. Ainsi, les erreurs seront limitées. En outre, la réduction des délais de remboursement des trop-perçus s’amplifiera, elle aussi, car nous ne pouvons pas mettre en difficulté des commerçants et des artisans par des erreurs de calcul.
Nous avons une meilleure communication, essentielle pour expliquer ce dispositif. Il faut en effet rappeler que 17 milliards d’euros sont versés pour 15 milliards collectés.
Oui, la solidarité nationale joue à plein. Oui, ce système doit s’améliorer et il s’améliorera. Oui, les commerçants et les artisans sont au coeur de nos préoccupations. Ce matin, lors de la conférence de presse que nous avons tenue, nous avons d’ailleurs rappelé que les très petites entreprises – TPE – sont au coeur de l’économie et que nous allons les aider par des dispositifs financiers et par des règles juridiques simplifiées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, la Commission de Bruxelles vient de se doter d’un groupe d’experts pour l’aider dans sa lutte contre la fraude fiscale. Curieusement, ce groupe est composé, pour l’essentiel, de représentants des lobbies bancaires et financiers impliqués dans de récents scandales d’évasion fiscale. Huit membres viennent de la banque HSBC, impliquée dans le scandale révélé par Swissleaks, cinq de la Barclays Bank, qualifiée d’usine à fraude fiscale en 2012 et condamnée à 1,5 milliard de dollars d’amende, et sept du cabinet KPMG, impliqué dans la tourmente des Luxleaks –, ce qui représente vingt experts sur vingt-cinq, soit 80 % du groupe. Il fallait oser ! La maison « Triche-Fisc » est sous contrôle !
Les spéculateurs, évadés fiscaux et corrompus de tout acabit peuvent continuer à frauder en toute tranquillité. C’est absolument inadmissible, quand ce cancer prive chaque année les États européens de 1 000 milliards d’euros et la France de 70 milliards.
Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette collusion structurelle européenne avec les multinationales les plus compromises ? Que fait la France pour qu’il soit mis fin à ces pratiques délétères et suicidaires pour l’avenir de l’Europe ? Quelle action allez-vous engager pour « rendre les groupes d’experts de la Commission européenne plus équilibrés et plus transparents » – pour citer le titre que du rapport proposé par la médiatrice européenne, Mme Emily O’Reilly ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur la composition d’un groupe d’experts auprès de la Commission européenne, chargé de ce que vous avez appelé vous-même l’échange automatique d’informations – je reviendrai sur cette politique d’échange automatique d’informations, qui est décisive et est déjà en cours pour lutter contre la fraude fiscale.
Vous me faites remarquer que certains experts choisis par la Commission seraient des représentants du secteur bancaire – ce qui n’est pas en soi anormal, car les modalités de transmission de ces informations posent des questions techniques qui supposent effectivement la connaissance des comptes dans les banques. Je vous signale aussi, sur la base des informations que j’ai obtenues, que ce groupe comporte également, et c’est parfaitement légitime, des acteurs de la société civile, comme les ONG Oxfam, Tax Justice Network ou Better Finance, ce qui démontre aussi la volonté d’un équilibre au sein de cette commission.
Évidemment, monsieur le député, je veillerai pour ma part à ce qu’il ne puisse y avoir aucun soupçon envers ce groupe d’experts dans la mise en oeuvre d’une politique fondamentale. Nous avons réussi, en Europe et en France, à mettre en oeuvre cette politique d’échange d’informations automatique, ce qui veut dire que nous sommes en train de réussir à lutter contre la fraude fiscale organisée, contre ces comptes bancaires à l’étranger qui permettaient de cacher de petites ou de grosses sommes.
Monsieur le député, comme vous le savez, l’année dernière, en France, le budget de l’État a reçu près de 2 milliards d’euros grâce à l’efficacité avec laquelle nous avons lutté contre cette fraude fiscale. Cette année, en 2015, grâce à l’échange d’informations automatique, ce sont près de 2,6 milliards d’euros de plus qui pourront être enregistrés dans nos comptes.
Oui, nous luttons contre la fraude fiscale et rien ne viendra jeter le soupçon sur l’efficacité de cette lutte.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
J’y associe le questeur Philippe Briand, qui, comme moi, a appris par voie de presse sa décision.
Vous avez en effet décidé que le site du CEA, c’est-à-dire le Centre…
…ou plutôt le Commissariat à l’énergie atomique du Ripault, en Indre-et-Loire, serait fermé pour rejoindre la région Aquitaine.
Vous vous êtes trompée de séance, madame Greff : cette question, il faut la poser un mardi matin lors des questions orales sans débat !
Près de 600 salariés sont concernés par cette fermeture, et plus d’un millier dans les entreprises sous-traitantes. Ce mardi 9 juin, les salariés du CEA du Ripault manifestent devant le ministère de la défense. Ils veulent connaître les raisons de cette fermeture. Ils comprennent bien qu’il est nécessaire d’anticiper les contraintes budgétaires à l’horizon 2020-2025, mais alors pourquoi, le 11 octobre dernier, avant les élections départementales, Mme Touraine, ancienne présidente du conseil général d’Indre-et-Loire, a-t-elle déclaré à la presse dans sa circonscription d’élection : « Je veux que tout le monde soit rassuré. Le Ripault ne fermera pas et conservera ses salariés » ?
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Encore une promesse non tenue du Gouvernement ! Pourquoi ce qui était vrai avant les élections ne l’est plus, comme par hasard, après que vous avez perdu les élections départementales ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Voulez-vous appauvrir encore la région Centre-Val-de-Loire, autrefois présidée par M. Michel Sapin ? Elle est pourtant durement touchée par de nombreux plans sociaux, dont celui de Michelin de 2014 – je rappelle que vous étiez déjà aux commandes, en 2014 ! Avec votre redécoupage, c’est bien vous qui en avez fait la plus faible région de France. Vous favorisez davantage, évidemment, la région Aquitaine, présidée par M. Rousset : pourquoi cela ?
Votre décision est injuste. C’est un choc pour les salariés et les familles. Les salariés regrettent qu’aucun scénario alternatif n’ait été étudié avec les personnels et leurs représentants. Le Premier ministre, sous couvert du secret défense, n’a donné aucune explication crédible à cette fermeture.
Vous sacrifiez l’emploi tourangeau. Vous devez revenir sur cette décision et étudier, avec tous les acteurs concernés, les possibilités…
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Merci, madame la députée.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, le Gouvernement est évidemment très attentif à la situation des salariés du Ripault. Ils seront d’ailleurs reçus cet après-midi par le ministre de la défense, dont je vous prie d’excuser l’absence : étant en déplacement en Tunisie, il ne peut vous répondre maintenant.
Comme vous le savez, même si vous avez omis de le rappeler, la structure du CEA du Ripault est dans une période de bas de cycle. Nous sommes en effet à la fin de la production d’un certain nombre de dispositifs militaires. Cette production reprendra d’ici quelques années, mais d’ici là, nous sommes dans un creux, prévu par la loi de programmation militaire qui est à l’heure actuelle encore en débat au Parlement.
Vous avez vous-même souligné que personne, ici, ne conteste la volonté de rationaliser la dépense publique, y compris au sein du budget de la défense. Ce n’est certainement pas vous qui me contredirez, parce que je vous sais très attachée à la problématique de la dépense publique : je vous ai entendue à de nombreuses reprises sur ce sujet.
Nous connaissons l’attachement des salariés et des Tourangeaux au centre du Ripault, qui contribue à la vie locale. Vous avez néanmoins oublié de souligner qu’il n’est pas question d’une suppression d’emplois, mais d’une réorganisation territoriale de l’activité nucléaire du CEA.
De façon plus précise, je tiens à vous dire que l’activité liée au pôle Lavoisier a vocation à rester au Ripault. Voilà, madame la députée, ce que nous voulions vous dire pour vous rassurer.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la secrétaire d’État chargée de la famille, longtemps ignorée des politiques publiques, la petite enfance est devenue au cours du siècle dernier un axe majeur de nos politiques familiales. Il s’agit, pour la puissance publique, de protéger ces enfants, de leur garantir un environnement leur permettant de grandir et de s’épanouir, et aussi de poser les fondements d’une société harmonieuse. En effet, les injustices vécues au plus jeune âge sont celles qui produisent plus tard les plus grands désaccords quant à la nécessité de vivre dans une société apaisée.
Dans la grande majorité des situations, la politique de la petite enfance assure très bien son rôle de protection et d’accompagnement des enfants, mais aussi des parents. Pourtant, des dysfonctionnements perdurent et il est de notre devoir de corriger ce qui doit l’être.
La nécessité d’améliorer les dispositifs existants a été soulignée dans plusieurs rapports, dont le dernier a été réalisé par Mmes Dini et Meunier en 2014. Dans le même temps, la politique publique de la petite enfance mobilise un nombre croissant d’acteurs : les départements, différents ministères, les communes, les associations. Tous ces acteurs s’interrogent aujourd’hui sur leurs propres pratiques, et estiment nécessaire de les faire évoluer.
En adoptant à l’unanimité, le 12 mai 2015, la proposition de loi relative à la protection de l’enfant – et j’en profite pour saluer mes collègues Le Houerou et Dumas pour leur excellent travail (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) – qui prévoit des ajustements à la loi de 2007, saluée elle-même en son temps comme une avancée, notre majorité a engagé avec détermination ce chantier des réformes.
Au cours de la discussion, Mme la secrétaire d’État avait rappelé que ce texte s’inscrivait dans le cadre d’une véritable réforme de la petite enfance, appuyée sur une concertation avec tous les acteurs. La concertation a touché à son terme. Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser l’action engagée ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Madame la députée, la réforme de la protection de l’enfance que vous évoquez s’inscrit dans une séquence très particulière pour la France. En effet, en 2009, la France avait été sévèrement tancée par l’ONU quant au respect de ses engagements internationaux en matière de droits de l’enfant. Le gouvernement de l’époque avait répondu à la fois avec beaucoup de désinvolture et très tardivement. Nous présenterons en janvier prochain au Comité des droits de l’enfant de l’ONU les efforts que nous faisons depuis 2012 afin que la France se rapproche des préconisations de la Convention internationale des droits de l’enfant.
La réforme de la protection de l’enfance que vous avez évoquée est très importante. Elle concerne 300 000 enfants et jeunes, et engage 7 milliards d’euros de financements publics par an. Elle sauve chaque année des milliers d’enfants de la maltraitance et offre à autant d’enfants des destins heureux. Cependant, nous avons constaté avec les professionnels, les enfants eux-mêmes et les parents d’enfants placés que cette politique a besoin d’être redéfinie. Ses fondamentaux doivent être réexaminés et les dysfonctionnements doivent être décortiqués.
Avec cette concertation, avec la proposition de loi actuellement en discussion, nous voulons d’abord assurer aux enfants de l’aide sociale à l’enfance un cadre affectif stable, comme pour tous les autres enfants. Trop d’entre eux aujourd’hui passent d’une famille d’accueil à un foyer, avant un retour en famille. Cela fait trop de ruptures dans leur vie. Il y a notamment trop de ruptures à 18 ans, quand ils arrivent à majorité : c’est pourquoi un bloc de mesures en faveur des jeunes majeurs est inclus dans ce texte.
Je salue l’ensemble des professionnels pour le travail que nous avons mené pendant six mois avec eux. Nous avons défini à la fois une réforme législative et une feuille de route pour les enfants et leurs parents, pour la prévention et le repérage précoce de la maltraitance.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, lorsque l’on a chez soi une table bancale, que fait-on ? Il y a deux solutions : soit placer un morceau de carton plié sous un pied et obtenir ainsi une stabilité relative et provisoire, soit tout simplement la jeter et en acheter une neuve, si possible parfaitement stable. Pour essayer de réparer votre loi de programmation militaire – LPM – bancale, monsieur le secrétaire d’État, c’est la première solution que vous avez choisie. Dans le milieu médical, on emploie parfois aussi l’expression : « mettre un emplâtre sur une jambe de bois. »
Monsieur le secrétaire d’État, il y a maintenant dix-huit mois, le groupe UMP avait, dans sa quasi-totalité, voté contre le projet de loi de programmation militaire que vous nous aviez présentée, car il nous semblait mettre tout simplement en grand danger notre outil de défense, et cela à un moment où il était évident que les menaces contre notre patrie et, de manière plus globale, contre l’Occident, étaient de plus en plus fortes. Nous nous étions opposés à ce projet de loi pour de multiples raisons. Nous ne comprenions pas votre proposition de réduire encore davantage le format de nos armées en ajoutant une déflation de 24 000 postes aux 54 000 suppressions déjà programmées, alors que cette même année 2013 nous avait amenés à engager nos valeureuses troupes, à qui je tiens à rendre ici un grand hommage, dans de difficiles opérations extérieures à haute intensité.
Nous ne comprenions pas que l’enveloppe financière de cette LPM ne soit pas en adéquation avec les objectifs stratégiques issus du Livre blanc de la défense nationale. Nous ne comprenions pas votre entêtement à vouloir compter sur plus de 6 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, dont le caractère totalement aléatoire ne pouvait échapper à personne. Nous ne comprenions pas non plus que notre volonté commune de doter nos soldats, nos marins, nos aviateurs, de moyens matériels que l’intensité et la répétition de leurs engagements exigent, se heurte aux fourches caudines de la maîtrise comptable, froide et cynique, de Bercy.
Au lieu de définir les besoins par rapport aux opérations, votre approche avait été inverse : il fallait donner un contenu stratégique et opérationnel à un objectif de dépense ! A posteriori, cela peut donner froid dans le dos : aurions-nous été capables de déclencher en trois jours l’opération Sentinelle et de mobiliser 10 500 soldats dans un délai aussi court, si les attentats avaient eu lieu par exemple le 7 janvier 2017 ? Posons-nous la question !
Aujourd’hui, tout en engageant la procédure accélérée, ce qui nous a empêchés de travailler sérieusement sur le texte, vous annoncez aller dans le sens de ce que nous proposions il y a dix-huit mois. Mais vous y allez bien trop timidement ! Non, vous ne répondez ni aux enjeux ni aux menaces et n’êtes pas au rendez-vous du nécessaire réarmement de notre pays. Tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il manque entre 10 et 15 milliards d’euros à cette LPM pour acquérir les matériels dont nos armées ont besoin et en assurer l’entretien programmé en même temps que la remise en condition opérationnelle des milliers de véhicules qui reviennent dans un état calamiteux des opérations extérieures que nos soldats mènent dans des territoires très hostiles. En effet, dans le projet de loi d’actualisation que vous présentez aujourd’hui, ce n’est qu’un bonus de 2 milliards d’euros qui y est consacré, et encore, en tenant compte de l’embellie d’1 milliard d’euros permise par des indices économiques particulièrement favorables. Non, monsieur le secrétaire d’État, le compte n’y est pas.
Si la budgétisation pérenne des recettes exceptionnelles, lesquelles ne sont d’ailleurs pas au rendez-vous, comme nous l’avions prévu il y a dix-huit mois, est une bonne chose, il est bon de rappeler que, sans ce sauvetage de dernière minute, nos armées étaient en cessation de paiement au 30 juin. Quant à la limitation des déflations de personnels, elle n’est, là encore, que trop partielle. De plus, elle va poser d’énormes problèmes de ressources humaines dans la marine et l’armée de l’air et nous ne pourrons compter en 2019 que sur une armée de 261 161 professionnels, soit moins qu’en 1996, année où a été décidée, après la suspension de la conscription, la professionnalisation.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, les membres du groupe Les Républicains confirmeront dans leur très grande majorité leur vote de décembre 2013.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le métier de militaire est comparable à nul autre car l’engagement peut aboutir au sacrifice suprême, celui de la vie. À cet instant, je voudrais plus particulièrement rendre un hommage appuyé aux treize de nos hommes morts en opération en 2013 et 2014. Ils méritent la considération du peuple français et de la représentation nationale en particulier. Je tiens également à avoir une pensée pour nos blessés, qui se comptent par plusieurs dizaines et qui ont souffert dans leur chair du fait de leur engagement dans le cadre de ces opérations extérieures.
En 2013, monsieur le secrétaire d’État, le groupe UDI s’était opposé à la loi de programmation militaire parce qu’il avait relevé certains manquements : je pense notamment aux 23 500 suppressions de postes supplémentaires que vous aviez décidées et qui s’ajoutaient aux 54 000 prévues par les précédentes lois de programmation militaire. C’était là un effort de trop demandé à la défense.
Nous avions également fait valoir que les 6,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles risquaient de n’être pas au rendez-vous. Et d’ailleurs en grande partie, elles ne l’ont pas été !Nous avions ensuite souligné la vétusté d’un certain nombre de nos matériels, qu’il s’agisse des hélicoptères Alouette, des véhicules de l’avant blindé – les VAB – ou de certains patrouilleurs et ravitailleurs en vol, qui ont tous plus de cinquante ans d’âge. Nous avions insisté sur la nécessité de mobiliser des moyens suffisants pour que nos troupes puissent accomplir leurs missions dans de bonnes conditions.
Force est de constater que, depuis 2013, certaines incertitudes que nous avions pointées à l’époque n’ont pas été levées. Nous tenons aussi à souligner que les opérations extérieures, qu’il s’agisse de l’opération Sangaris, de l’opération Serval qui l’a précédée, de l’opération Chammal en Irak, ou maintenant de l’opération Barkhane dans toute la bande sahélo-saharienne, ont fortement mobilisé l’ensemble de nos hommes. C’est un point particulièrement important car il montre que la France tient sa place dans le concert des nations : membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle assume ses responsabilités.
Une inflexion était nécessaire à la suite des tragiques événements que notre pays a connus au mois de janvier, lesquels ont conduit au lancement de l’opération Sentinelle, qui a mobilisé 10 000 hommes, puis 7 000, sur le territoire national. Cette inflexion a lieu dans le cadre de ce projet de loi actualisant la programmation militaire : les 3,8 milliards d’euros programmés ne combleront certes pas tous les manques mais, en tout état de cause, ils permettront d’éviter à court terme la cessation de paiement du ministère de la défense, qui serait intervenue au mois de juillet si nous n’avions rien fait. Plus largement, les hommes et femmes qui combattent sous notre drapeau doivent disposer de tous les moyens nécessaires pour assumer leurs missions dans de bonnes conditions. Or nous nous interrogeons sur les moyens supplémentaires consacrés aux matériels : ils sont certes significatifs mais ne seront certainement pas à la hauteur.
Cela dit, nos débats nous ont permis de constater un certain nombre d’avancées sur des sujets auxquels l’UDI est très sensible, comme celui de l’Europe de la défense – je pense notamment à la révision du mécanisme budgétaire européen Athéna de financement des opérations extérieures. En effet, la solidarité des autres pays de l’Union européenne doit être également financière.
Au regard de l’engagement fort de nos troupes sur le terrain, il était indispensable de parer au plus pressé. Cette actualisation de la loi de programmation militaire ne répondra certes pas à tous les besoins ni toutes les demandes de nos hommes sur le terrain, mais il s’agit en tout état de cause d’une inflexion positive. Dès lors, et parce que le groupe UDI défend une position constructive, nous nous abstiendrons positivement sur ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente et rapporteure de la commission de la défense, mes chers collègues, à peine un an et demi après l’adoption de la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019, nous examinons son actualisation, et nous le faisons dans un climat très particulier, marqué par les menaces bien réelles qui pèsent sur le monde, qui s’accroissent, et auxquelles la France n’échappe pas. Ce contexte oblige chacune et chacun à se placer à la hauteur de la gravité de l’enjeu, en faisant des propositions plutôt qu’en polémiquant. Alors que l’opposition essaie de perpétuer le mythe d’une puissance militaire globale que serait la France en essayant de faire croire que le budget militaire pourrait augmenter fortement, comme si la contrainte budgétaire n’existait pas, nous souhaitons, nous, adopter une approche pragmatique. Certes, ce texte comporte de petites inflexions, avec notamment une pause dans la baisse des effectifs et un petit coup de pouce budgétaire. Nous pourrions discuter à nouveau du fond de ces orientations mais elles se comprennent dans le contexte actuel.
Lors du débat, j’ai réaffirmé nos désaccords avec certains choix lourds de la loi de programmation militaire initiale votée il y a dix-huit mois, notamment la sanctuarisation tout à la fois politique et financière de l’arsenal nucléaire au détriment des forces conventionnelles. Nous continuons de penser que des choix plus clairs et plus marqués devraient être faits pour mettre en cohérence notre outil de défense avec les menaces d’aujourd’hui, mais aussi avec les priorités diplomatiques de la France. Ces divergences sont connues et aujourd’hui actées : elles doivent être intégrées mais elles ne nous empêchent pas d’avancer sur d’autres sujets, sur lesquels nos positions peuvent être plus convergentes. Et, il faut le reconnaître, cette actualisation comporte des propositions indispensables à la modernisation de nos armées : je pense au reformatage de notre modèle de ressources humaines et à la réduction du taux d’encadrement. Je l’avais appelé de mes voeux lors de la LPM initiale et je considère que les nouveaux outils d’incitation au départ vont dans le bon sens.
Mais je pense surtout à la reconnaissance du droit d’association des militaires, qui constitue tout à la fois un progrès social et un progrès du droit. Sur ce sujet, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter d’avoir trouvé, au cours de nos débats d’abord en commission puis en séance, un point d’équilibre qui modifie sensiblement le texte initial du Gouvernement. Il garantira aux militaires le droit de faire entendre leurs légitimes revendications professionnelles dans des conditions sans nullement remettre par ailleurs en cause les spécificités de leur fonction. C’était là un défi majeur et nous l’avons relevé ensemble. Et je veux ici saluer l’attitude du ministre de la défense et de la présidente et rapporteure de la commission, qui nous ont permis d’avancer dans un esprit d’exigence, d’écoute et finalement de consensus.
Par ailleurs, les écologistes ont fait adopter plusieurs amendements visant à réaffirmer l’objectif de construction d’une Europe de la défense. En dépit d’une réalité de terrain malheureusement bien éloignée de nos espérances, cela répond aux attentes de certains de nos partenaires européens et de nos concitoyens et il était important de le réaffirmer politiquement dans ce projet de loi actualisant la programmation militaire.
Pour conclure, les écologistes entendent réaffirmer leur opposition de fond à la stratégie arrêtée dans le cadre du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale puis de la loi de programmation militaire initiale, mais veulent également saluer les avancées permises par le présent texte. Et c’est par une abstention que le groupe écologiste traduira ce positionnement.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, chers collègues, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord parce que cette actualisation était prévue. La loi de programmation militaire que nous avons votée en décembre 2013 dispose, en effet, que celle-ci ferait l’objet d’une série d’actualisations, dont la première devait intervenir avant la fin de l’année 2015. Nous constatons que, face aux événements du début de l’année et à la suite du Conseil de défense du mois d’avril, le Gouvernement n’a pas attendu cette échéance, ce que nous saluons.
Ces actualisations sont en effet nécessaires : elles doivent, d’une part permettre de vérifier la bonne adéquation des objectifs fixés par la loi aux réalisations, d’autre part d’affiner certaines des prévisions qui y figurent, notamment dans les domaines de l’activité des forces et des capacités opérationnelles.
Force est de constater que le contexte a évolué. D’une part, les dramatiques attentats perpétrés à Paris en janvier dernier ont démontré la nécessité d’un déploiement accru des forces sur le sol national, tant pour garantir la sûreté des populations que pour participer à la lutte contre le terrorisme. D’autre part, la multiplication des crises en Afrique et au Moyen-Orient a contraint l’armée française à déployer des moyens importants sur de nouveaux théâtres pour des opérations militaires de contre-terrorisme exigeantes.
Il est temps de tirer les conséquences des engagements intensifs de nos forces armées et des nouveaux besoins apparus depuis le vote de la loi de programmation militaire : cette actualisation est justifiée et urgente. Les 31,4 milliards d’euros des crédits de la défense qui seront sanctuarisés en 2015 et les 3,8 milliards de crédits supplémentaires alloués pour les quatre prochaines années permettront de faire face, tant en termes d’effectifs que d’équipements.
En termes d’effectifs tout d’abord : le nouveau contrat opérationnel de protection permettra le déploiement sur le territoire national, dans la durée, de 7 000 hommes des forces terrestres, cet effectif pouvant, pendant un mois, s’élever à 10 000 hommes. Des moyens adaptés seront accordés aux forces navales et aériennes. Le renforcement des effectifs de la Force opérationnelle terrestre, qui atteindront 77 000 hommes au lieu des 66 000 prévus dans la loi de programmation militaire initiale, va dans le même sens.
En termes d’équipements ensuite : cette actualisation permettra de renouveler et mettre à niveau les matériels. Dans le domaine des équipements critiques, elle bénéficiera à la capacité de projection aérienne tactique ou encore du renseignement.
Hormis les quelques réserves que nous avons sur l’institution d’un droit d’association professionnelle des militaires qui aurait dû, selon nous, faire l’objet d’un recours devant la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, nous soutenons ce projet de loi qui prévoit d’expérimenter un service militaire volontaire ayant pour ambition d’accompagner de jeunes « décrocheurs », âgés de dix-sept à vingt-cinq ans, sur le chemin de la socialisation et de l’emploi, en leur offrant une formation globale de six à douze mois au sein de l’armée de terre. Ce dispositif a déjà fait ses preuves outre-mer.
Ce projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 donne donc à la France les moyens de mettre en oeuvre un modèle d’armée ambitieux, à même de répondre à l’évolution des enjeux internationaux ainsi qu’aux besoins de sécurisation du territoire national. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste le votera.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ainsi que sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, chers collègues, faisons le bilan du débat relatif à l’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Le groupe Les Républicains a fait preuve de peu d’opposition, et pour cause : les évolutions en matière de défense sous François Hollande sont dans le droit fil de ce qui se passait sous Nicolas Sarkozy.
La privatisation de l’industrie de défense continue. La vente de notre patrimoine militaire – pour remplir, à courte vue, les caisses – est toujours d’actualité. Les restructurations et dissolutions ne sont pas remises en cause, pas plus que le partenariat public-privé avec Bouygues pour l’opération de Balard.
Après dix ans de baisse du budget, 3,8 milliards d’euros supplémentaires seront attribués à la défense au cours des quatre prochaines années, mais 2,5 milliards sont programmés après 2017, c’est-à-dire pour les années 2018 et 2019. Cet effort supplémentaire intervient surtout parce que la politique d’austérité ne permet plus de faire fonctionner l’armée au quotidien. Beaucoup trop d’équipements sont vétustes. L’entraînement des personnels comme la vie courante dans les unités font les frais de l’austérité.
Rappelons qu’entre 2008 et 2013, la précédente loi de programmation a supprimé 54 000 postes. Dès 2007, la France s’est alignée sur les positions des États-Unis, en réintégrant le commandement militaire de l’OTAN.
Les suppressions de postes continuent, même si leur ampleur est moindre. Si aujourd’hui les crédits attribués au ministère de la défense augmentent et si la baisse des effectifs subit un coup de frein, c’est pour assurer l’opération Sentinelle, lancée après les attentats de janvier, ainsi que les nombreuses opérations extérieures, notamment en Afrique et en Irak – dont on ne voit pas la fin. La France continue à se faire le gendarme de l’Afrique et à placer ses pas dans ceux des Américains.
Je commenterai trois points particuliers. Ce projet de loi contient une expérimentation portant sur le service militaire volontaire. Alors que de trop nombreux jeunes rencontrent de graves problèmes d’insertion, il sera créé un service militaire volontaire destiné aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, et ce pour une durée variable de six mois à un an. Une formation militaire élémentaire, pour une durée d’un mois, au sein de l’armée de terre, leur apprendra le goût de l’effort et du dépassement. Cette expérimentation va dans le bon sens : 1 000 jeunes seraient concernés, ce qui est toujours bon à prendre, mais ce qui est trop peu.
Deuxième point : le texte prétend appliquer les arrêts rendus en matière de représentation professionnelle par la Cour européenne des droits de l’homme en octobre dernier. Là non plus, ce texte ne va pas assez loin. On peut s’attendre à l’ouverture d’autres contentieux qui aboutiront à ce qu’un jour les militaires aient le droit de se syndiquer. Je rappelle que les juges ont estimé que la liberté des militaires pouvait faire l’objet de restrictions légitimes, mais pas au point d’interdire, de manière pure et simple, de constituer un syndicat ou d’y adhérer. Or, cette interdiction subsiste. S’appuyant, de manière orientée, sur les règles de la discipline militaire, le texte propose, avec des associations professionnelles strictement encadrées, une réforme a minima. Il n’y a pourtant aucune incompatibilité entre la discipline militaire et le fait de défendre les conditions de vie et de travail. La position réactionnaire du Front national dans ce débat est à noter : il voudrait conférer un caractère expérimental aux associations professionnelles nationales de militaires, les APNM. Ce parti, qui prétend défendre les sans-grade et les petits, est hostile à toute réforme permettant d’améliorer les conditions de travail et de vie des militaires les plus humbles. Les militaires sont des professionnels qui connaissent les aspects opérationnels et savent qu’à l’instar d’autres professions, ils n’ont pas le droit de grève. Ils savent aussi ce que neutralité et discipline veulent dire.
Troisième point : en dépit de son inutilité, la dissuasion nucléaire reste malheureusement la clé de voûte de notre défense. Elle engloutira, pour la période 2015-2019, 19,7 milliards d’euros, contre 41,8 milliards dévolus à l’armement conventionnel. Toute perspective d’interdiction de cette arme, sur le modèle de l’interdiction des armes chimiques, a été écartée. La dissuasion nucléaire coûte chaque jour 10,8 millions d’euros à notre pays. L’austérité, qui détruit nos services publics, ne vaut donc pas pour l’armement nucléaire, dont on sait pourtant quelles conséquences il pourrait avoir pour les civils. Je ne cesserai de le répéter : la poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire, qui prépare leur renouvellement, ne respecte pas les engagements que nous avons souscrits en signant le traité de non-prolifération.
En conclusion, ce projet de loi met un terme à certaines élucubrations comptables comme les sociétés de projets. Certaines recettes exceptionnelles sont transformées en crédits budgétaires, ce qui est positif. Mais la France reste prise entre le marteau de la politique d’austérité exigée par Bruxelles et l’enclume des missions confiées à nos armées. C’est toute la stratégie de défense, l’organisation de nos armées et de leurs équipements qu’il faudrait revoir.
Ce projet de loi, s’il n’est pas entièrement négatif, ne se conjugue pas avec une réelle politique de défense nationale au service du peuple français et de la paix dans le monde. Aussi les députés du Front de Gauche voteront-ils contre.
La parole est à M. Christophe Léonard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente et rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, chers collègues, le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, sur lequel nous sommes aujourd’hui amenés à nous exprimer au nom du peuple français, est un texte nécessaire et ambitieux, que la représentation nationale a enrichi.
Il s’agit d’un projet de loi nécessaire, parce qu’il traduit, au lendemain des attentats de janvier 2015, la décision du Président de la République, chef des armées, de déployer nos soldats sur le territoire national au travers de l’opération Sentinelle. Il l’est également parce qu’il respecte l’article 6 de la loi du 18 décembre 2013 portant programmation militaire pour les années 2014 à 2019, qui prévoyait expressément cette actualisation pour s’adapter aux menaces extérieures comme intérieures.
Il est également nécessaire parce qu’il convient de tirer collectivement les enseignements des LPM 2002-2008 et 2008-2014. En 2004, notre armée de terre souffrait d’un sous-équipement de l’ordre de 6 000 équivalents temps plein, faute des crédits de rémunération nécessaires. Sur la période 2009-2012, comme l’a souligné la Cour des comptes, son budget n’a pas été maîtrisé : les recettes exceptionnelles attendues ne se sont pas réalisées, la masse salariale a augmenté de plus de 2 milliards d’euros, sans oublier un report de charges cumulé se montant à 3 milliards d’euros à la fin de 2012, et tout cela dans un contexte où la dette publique de la France doublait, passant entre 2002 et 2012 de 930 à 1 860 milliards d’euros, soit de 60 à 90 % de notre produit intérieur brut.
Ce projet de loi est aussi nécessaire car il renforce, enfin, la puissance militaire de notre pays, indissociable de toute puissance économique, comme en attestent la volonté de la France, depuis mai 2012, d’assumer ses responsabilités de grande puissance mondiale, et la présence de 7 000 de nos soldats en opérations extérieures.
Ce projet de loi a été, disais-je, enrichi par la représentation nationale. Il l’a été même si, par volonté polémique, les députés du groupe UMP, devenu depuis le groupe Les Républicains, ont déserté la réunion de la commission de la défense du 27 mai dernier, au cours de laquelle il était examiné, au motif de l’engagement de la procédure accélérée – à seule fin de faire aboutir rapidement l’examen du texte.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe les Républicains.
Au regard des besoins de protection du territoire national et de l’état des menaces en Europe et dans le monde, tous les groupes politiques de cette assemblée sont convaincus de cette urgence, pour nos armées comme pour la sécurité des Français. Cet esprit de concorde républicaine s’est traduit concrètement, lors de l’examen du texte dans l’hémicycle, par le vote à l’unanimité d’un certain nombre d’amendements, issus de tous les groupes. Ces amendements visaient notamment à réaffirmer le rôle majeur de la France dans la construction de l’Euorpe de la défense ainsi que la nécessité de mettre en place un budget européen dédié à la politique de sécurité et de défense commune. Ils visaient également à garantir notre trajectoire d’investissements militaires, quelles que soient les conditions économiques futures, par l’inscription dans la loi d’une clause de sauvegarde financière, ou encore à assurer une meilleure représentativité des associations professionnelles nationales de militaires.
Ce projet de loi est ambitieux : il consacre une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros pour la période 2015-2019 et substitue des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles prévues dans la loi de programmation militaire initiale, pour un montant de 5 milliards d’euros. Il ramène également la déflation des effectifs militaires à 6 918 équivalents temps plein, contre 25 668 initialement prévus. Il institue un nouveau contrat de protection permettant de déployer dans la durée 7 000 hommes – effectif pouvant monter jusqu’à 10 000 hommes – sur le territoire national. Il acte également le renforcement des effectifs, d’au moins 2 000 personnes, dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense. Il prévoit par ailleurs un effort d’investissement en faveur de nos hélicoptères Tigre, de nos avions ravitailleurs et de transport militaires MRTT et C-130, de nos bâtiments multi-missions et de soutien, ainsi que de nos capacités satellitaires.
Ce projet de loi instaure parallèlement, à titre expérimental, un service militaire volontaire, et assouplit les conditions d’emploi des réservistes. Enfin, il met notre pays en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, établie par un arrêt du 2 octobre 2014, en reconnaissant aux militaires le droit d’association.
Dès lors, au nom des valeurs républicaines, au nom de la France, sachons unanimement nous rassembler, par le vote que nous allons exprimer dans quelques instants, derrière notre armée, les femmes et les hommes qui la composent, et soutenir ce projet de loi qui, pour la première fois dans l’histoire, augmente les crédits d’une LPM en cours d’exécution.
Exclamations sur les bancs du groupe les Républicains.
Les Français nous regardent, nos soldats nous attendent : ils ne comprendraient pas que l’on puisse préférer la posture à l’intérêt supérieur de la nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 550 Nombre de suffrages exprimés: 486 Majorité absolue: 244 Pour l’adoption: 291 contre: 195 (Le projet de loi est adopté.)
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Dominique Raimbourg, Jean-Louis Touraine, Mme Marie-Line Reynaud, M. Pierre-Alain Muet, Mme Elisabeth Pochon et M. Jean-Patrick Gille et plusieurs de leurs collègues relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage (nos 1610, 2812).
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la ministre du logement, mes chers collègues, je vais soumettre à l’Assemblée un texte concernant le groupe social que constituent les gens du voyage.
Ce groupe, composé de 350 000 à 400 000 personnes, est hétérogène. Cent mille de ces personnes environ voyagent, qu’il s’agisse d’industriels forains ou de commerçants ; les autres voyagent beaucoup moins, de moins en moins pour certains, et se sédentarisent.
Les origines de ce groupe hétérogène remontent assez loin. Selon les savants sur le sujet, une partie des gens du voyage viennent de l’Europe de l’Est ou de l’Inde, une partie d’entre eux seraient les descendants de combattants de la guerre de Trente Ans, et une troisième partie de sédentaires qui ont peu à peu adopté un mode de vie nomade.
Quoi qu’il en soit, cette histoire a souvent été assez sombre. Je vous rappelle l’édit de Louis XIV, qui condamnait les gens du voyage aux galères. Histoire encore plus sombre, évidemment, celle de l’Allemagne nazie, avec sa politique d’extermination, mais cela ne doit pas cacher que, dans le même temps, la France de Vichy obéissait à l’occupant. Dans un premier temps, en avril 1940, elle assignait les gens du voyage à résidence et, dans un second temps, en octobre 1940, procédait à leur internement. Il reste aujourd’hui près de vingt-sept de ces camps et il faut rappeler qu’il n’a parfois été mis fin à cet internement qu’un certain temps après la cessation des hostilités.
La loi de 1969 est l’héritière de cette histoire, même si elle se voulait plus humaine et était une version plus douce de la loi de 1912, qui avait institué un véritable carnet anthropométrique permettant d’identifier les gens du voyage.
Cette histoire, curieusement, a produit du consensus.
La critique, d’abord, est unanime à l’encontre de ces dispositions présentées comme discriminantes, position de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, en 2007, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme en 2008, du comité des droits de l’Homme de l’ONU en 2014, du Défenseur des droits en 2014 et, enfin, du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2014.
Mais, curieusement, il y a aussi un consensus pour essayer de répondre à la question que soulève la cohabitation entre un groupe majoritaire composé de sédentaires et un groupe minoritaire composé de gens du voyage. La loi Besson du 5 juillet 2000 en est d’ailleurs l’illustration. Elle a été votée quand Lionel Jospin était Premier ministre ; la droite a continué de l’appliquer ; et, jusqu’à aujourd’hui, elle n’a jamais été remise en cause. Les rapports qui ont suivi, sur cette loi et sur la situation des gens du voyage, vont tous dans le même sens, que ce soit le rapport que nous avons remis, Didier Quentin, Charles de La Verpillère et moi-même, en 2011, le rapport de Pierre Hérisson, ancien président de la commission nationale consultative des gens du voyage, ou celui d’Hubert Derache, déposé à la demande de M. le ministre de l’intérieur de l’époque, Manuel Valls, lors d’un colloque que nous avions organisé à l’Assemblée nationale en juillet 2013. Il y a donc un consensus pour considérer que la loi doit évoluer.
C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui plusieurs évolutions pour lesquelles je sollicite votre approbation. Elles vont essentiellement dans deux directions. La première d’entre elles, c’est l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969. Sur ce point, la proposition de loi rejoint les conclusions du rapport de M. Derache, puisqu’elle prévoit une abrogation du livret de circulation et une réintégration des gens du voyage dans le droit commun de la République,…
…avec obligation pour eux de détenir un titre d’identité, sous la forme d’une carte d’identité ou d’un passeport, soit le titre d’identité de tout un chacun. Elle prévoit également l’abrogation de l’obligation de rattachement à une commune et, partant, de l’interdiction de rattachement de plus de 3 % de gens du voyage à la même commune. C’est donc la fin d’un statut administratif particulier. Nous faisons le pari, qui sera à mon avis réussi, que spontanément les aires d’accueil des gens du voyage ne seront occupées que par des gens du voyage, parce que c’est ainsi que les choses se passent depuis des années – non sans difficultés parfois. Pour l’instant, il n’y a pas eu de concurrence entre des sédentaires qui voudraient s’installer dans les aires réservées aux gens du voyage et ceux-ci. C’est ce pari optimiste sur une bonne façon de vivre ensemble que je vous propose d’adopter.
Le deuxième volet concerne la réactivation des lois Besson de 1990 et de 2000 dans trois directions. La première, c’est de rappeler que l’obligation qui pèse sur les communes de 5 000 habitants de construire une aire d’accueil des gens du voyage n’a, à ce jour, pas été complètement appliquée. Sur les 41 500 emplacements qui devaient être construits, seulement 30 000 environ l’ont été. L’exécution est à hauteur de 65 % pour les aires et de 50 % pour les terrains de grand passage. Il convient d’aller jusqu’au bout de cette obligation et que, quinze ans après son vote, la loi soit appliquée, car c’est le b.a.-ba de la vie en République.
Évidemment, certains me reprochent de mettre à la charge des communes de nouvelles obligations. Cela est faux. Les communes avaient le devoir d’organiser cette implantation et de construire ces aires jusqu’au 31 décembre 2008. Un fonds spécial de concours de l’État était prévu. Celles qui n’ont pas construit l’aire qu’elles devaient construire sont dans le meilleur des cas en retard, quand elles ne font pas preuve, parfois, d’une réticence qui ne s’apparente pas à la bonne foi, pour dire les choses avec un euphémisme que j’espère délicat. Le préfet aura désormais le pouvoir de consigner dans le budget de la commune les sommes nécessaires à la construction d’un espace d’accueil. Des garde-fous ont toutefois été mis en place, puisque deux mises en demeure préalables seront nécessaires. Cette disposition vient simplement rappeler cette maxime très simple en République, selon laquelle la loi doit être appliquée partout : en l’espèce, les aires d’accueil exigées doivent être créées.
Deuxième élément : pour donner toute leur force aux schémas départementaux, dont la Cour des comptes considère qu’ils n’ont pas toute la vigueur nécessaire, un mécanisme a été prévu dans la loi, qui n’est en fait que le rappel de ce qui était initialement prévu par la loi Besson. La commune peut choisir de créer une aire d’accueil, un terrain de grand passage ou un terrain familial pour répondre aux évolutions du mode de vie des gens du voyage et au fait que de plus en plus d’entre eux se sédentarisent.
Enfin, cette réactivation de la loi Besson vise à renforcer la nécessité pour les gens du voyage de respecter leurs obligations, dès lors que les sédentaires ont fait le nécessaire pour se doter des capacités d’accueil nécessaires. Dans ce cas, des pouvoirs supplémentaires sont donnés au préfet par le biais de dispositions juridiques sur lesquelles nous reviendrons en détail lorsque nous examinerons les amendements. L’arrêté de mise en demeure, qui fait obligation aux contrevenants stationnant en dehors des aires prévues de cesser ce stationnement irrégulier, aura une durée de validité prorogée de sept jours. Nous avons emprunté à diverses sources pour composer ce mécanisme, qui avait été initialement pensé par l’opposition avant d’être repris dans une réflexion commune avec le ministère – je remercie d’ailleurs tous les interlocuteurs qui ont favorisé notre travail. Ce mécanisme devrait donner satisfaction.
Pour conclure, sans me pousser du col, cette loi essaie de répondre à la question la plus noble dans l’art de la politique : faire vivre ensemble des gens qui vivent de façon différente et qui ont parfois des intérêts différents. Modestement, à son niveau, cette proposition de loi tente d’apporter sa contribution. Puisse-t-elle être le premier temps d’un travail d’accompagnement qui ne cessera pas, une fois qu’elle sera votée, mais qu’il faudra reprendre en permanence. Elle aura, assurément, marqué une avancée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui soulève des questions très importantes, car elle porte sur les problématiques spécifiques concernant le statut, l’accueil et l’habitat des gens du voyage. Je tiens tout d’abord à vous féliciter, monsieur le rapporteur, pour la qualité du travail qui a été mené et pour l’engagement qui a été le vôtre tout au long de l’élaboration de ce texte. L’ensemble des groupes parlementaires se sont impliqués lors du débat en commission, ce qui démontre un réel intérêt pour ce sujet de la part de la représentation nationale.
Cette proposition de loi vise à améliorer les droits et à renforcer les devoirs d’une population trop souvent oubliée, régulièrement stigmatisée et parfois rejetée. Le demi-million de Français que l’on désigne par ce vocable de « gens du voyage » appartiennent pourtant pleinement à l’histoire de notre pays, et tout autant à son avenir. Par refus du communautarisme qu’aurait pu induire la définition ethnique d’une identité et d’un mode de vie, la loi de 1969 a créé une catégorie juridique pour « l’exercice des activités économiques ambulantes et le régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ». On abolissait ainsi le détestable carnet anthropométrique instauré en 1912, qui nous renvoyait aux errements scientifiques du XIXe siècle et à leurs terribles conséquences politiques. De nouveaux titres de circulation ont été instaurés – un carnet et un livret – et la notion de commune de rattachement a fait son apparition.
En dépit de cette avancée sensible, des obligations très lourdes continuaient de peser sur les gens du voyage. La possession du carnet était obligatoire sous peine d’emprisonnement, et il devait être visé tous les trois mois sous peine d’amende, tandis que le livret, lui aussi obligatoire, devait être visé tous les ans. Le Conseil constitutionnel, par une décision du 5 octobre 2012, a supprimé le carnet de circulation, ainsi que la disposition qui imposait trois ans de rattachement ininterrompu pour être inscrit sur les listes électorales, ramenant ce délai au droit commun de six mois. Ce qui vous est proposé aujourd’hui – et le Gouvernement y est très favorable –, c’est de mettre fin une fois pour toutes à ce régime administratif spécifique, souvent vécu, à juste titre, comme une discrimination, et de reconnaître une citoyenneté pleine et entière à ces Français, qui l’attendent depuis bien trop longtemps.
Le texte prévoit l’abrogation pure et simple de la loi du 3 janvier 1969, et donc la disparition du livret de circulation, de la notion de commune de rattachement et du quota de 3 % qui lui est afférent. Actuellement, les gens du voyage doivent en effet être rattachés à une commune pour faire valoir leurs droits, mais dans la limite de 3 % du total de la population. Il est temps de mettre fin à cette logique aberrante. Les gens du voyage pourront désormais élire domicile dans la commune de leur choix, et pour ceux qui se sont sédentarisés sur un terrain privé et qui en sont propriétaires, nous préciserons dans quelles conditions ils pourront faire valoir celui-ci comme domicile légal.
La domiciliation conditionne en effet l’ouverture de nombreux droits, notamment sociaux, et les familles qui souhaitent accéder à la propriété, mais continuer à vivre dans une résidence mobile, ne doivent pas être pénalisées. La loi, pour la première fois, propose d’ailleurs de définir leur habitat. L’élément central est, bien sûr, la présence d’une résidence mobile. Il s’agit d’un progrès majeur en faveur de l’égalité des droits, que la représentation nationale s’honorerait de consacrer. Le vivre ensemble, que nous devons nous efforcer de favoriser en ces temps troublés, c’est aussi cela. Nous ne devons pas nier pour autant les problèmes qui sont posés aux collectivités et aux élus locaux.
Les règles d’urbanisme s’imposent à tous et il ne saurait, par exemple, être question de tolérer des occupations sauvages ou sur des terrains que le plan local d’urbanisme destine à un usage agricole.
La loi ALUR permet d’apporter des réponses à la fois aux besoins des familles et aux contraintes qui sont celles des élus. En particulier, le système du pastillage autorise, lorsque celles-ci constituent l’habitat permanent de leur utilisateur, l’installation de résidences mobiles dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées qui sont normalement non constructibles. Ces pastilles doivent, en revanche, être prévues par le règlement des PLU dans les zones agricoles ou naturelles. Elles peuvent également recevoir les terrains familiaux locatifs, où s’établissent ceux qui désirent disposer d’un ancrage territorial, sans toutefois renoncer au voyage une partie de l’année.
En effet, l’autre volet majeur de cette proposition de loi est bien la prise en compte de la diversité des besoins d’accueil et d’habitat des gens du voyage. La loi Besson du 5 juillet 2000, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, avait déjà permis de franchir une étape, en instaurant l’obligation pour chaque commune de plus de 5 000 habitants de prévoir une aire permanente d’accueil sur son territoire. Les maires se sont progressivement approprié cette loi, et dans l’ensemble le travail a été fait. Il faut le saluer, car les élus sont confrontés à une lourde tâche : il n’est pas toujours simple de surmonter les tensions qui peuvent survenir entre riverains et populations nouvellement arrivées dans une commune, selon les modes de vie et d’habitat de chacun.
Les schémas initiaux élaborés après l’adoption de la loi de 2000 ont presque tous été approuvés et publiés et, sur les quatre-vingt-douze départements concernés par un schéma daté de plus de six ans, quatre-vingt-un ont adopté une révision. Au total, sur les 39 000 places qui doivent être réalisées, plus de 28 000, soit les trois quarts, avaient fait l’objet d’un engagement financier fin 2013. La proposition de loi qui nous occupe renforce les pouvoirs des préfets dans les communes qui n’ont pas encore rempli leurs obligations, afin que chacun prenne bien sa part dans l’effort de solidarité. Ces derniers pourront notamment, après une mise en demeure restée infructueuse, consigner les sommes correspondant aux dépenses d’investissement indispensables à la réalisation de l’aire entre les mains du comptable public. Les sommes seront restituées au fur et à mesure de l’exécution des mesures.
Si rien n’a été fait dans un délai de six mois, le préfet, après une nouvelle mise en demeure, pourra également se substituer à la commune ou à l’intercommunalité défaillante, et prendre l’ensemble des actes nécessaires pour réaliser l’équipement. Je sais, par ailleurs, que cela suscite des interrogations sur les possibilités de financement des équipements. Si ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi, puisque le sujet est d’ordre réglementaire, c’est toutefois un point important qu’il faudra étudier, en envisageant par exemple que les préfets puissent flécher une partie de la dotation d’équipement ds territoires ruraux, la DETR, en fonction des besoins, ou dans le cadre du prochain projet de loi de finances.
Afin d’organiser le stationnement de groupes nombreux à l’occasion de rassemblements traditionnels ou liés à des événements particuliers, la place des aires de grand passage est également précisée dans les schémas départementaux. Il est essentiel d’avancer sur ce sujet, d’aller plus loin que la loi Besson car les situations varient considérablement d’un endroit à l’autre.
Le texte entreprend aussi, et c’est sûrement l’un de ses aspects les plus innovants, de tenir compte des besoins des voyageurs qui souhaitent s’installer durablement sur un territoire. Contrairement à une idée reçue, la majorité des familles circule de moins en moins et s’inscrit peu à peu dans une dynamique de sédentarisation. Or, les aires d’accueil ne sont pas destinées à l’habitat en résidence mobile, mais bien à des populations itinérantes. C’est pourquoi la proposition inscrit également les terrains familiaux locatifs dans les schémas départementaux. Suite aux travaux de votre commission des lois, elle prohibe aussi le refus de scolarisation des enfants au seul motif de leur habitat en résidence mobile car cela ne saurait en aucun cas être accepté. De nombreuses familles ne souhaitent plus perpétuellement voyager mais, par choix ou obligation, continuent de vivre en résidence mobile. C’est une donnée que la République, sans porter de jugement de valeur, doit prendre en considération. Certaines feront alors le choix d’acquérir des terrains privés et, sous réserve que les règles d’urbanisme soient respectées, nous devons les y aider. Toutefois, toutes ne le pourront pas, et en reconnaissant les terrains familiaux locatifs, nous donnons aux communes des outils pour faciliter leur choix. Ces espaces seront comptabilisés au titre des obligations introduites par la loi Besson puisqu’il s’agit d’un effort demandé aux collectivités.
L’esprit de ce texte est bel et bien de renforcer les droits et les devoirs des uns et des autres : il est nécessaire de mieux préciser les obligations des collectivités territoriales en matière d’accueil et d’habitat des gens du voyage, et il est tout aussi important de leur donner les moyens de faire respecter les règles. Les situations d’occupations illicites sont inacceptables quand les équipements prévus par la loi existent. Il est donc essentiel de simplifier et de renforcer les procédures d’évacuation à disposition des élus en cas de violation de propriété. La commission des lois a amélioré le dispositif de cessation des occupations illicites en prévoyant que lorsqu’une caravane procède, dans un délai de sept jours, à nouveau à un stationnement en violation du même arrêté d’interdiction et qui porte la même atteinte à l’ordre public, la mise en demeure continue de s’appliquer. En outre, le délai laissé au président du tribunal administratif pour statuer sur un recours contre une mise en demeure sera réduit à quarante-huit heures.
L’égalité des droits et des devoirs : voilà ce qui constitue le socle commun de notre République. Cette égalité est au coeur de la proposition de loi que vous allez examiner. Je vous informe à cet égard de la réinstallation prochaine de la Commission nationale consultative des gens du voyage, suite aux préconisations du rapport du préfet Derache de 2013, repris dans les objectifs du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Présidée par Dominique Raimbourg – je vous remercie encore, monsieur le rapporteur, d’avoir accepté cette fonction – et composée notamment de représentants des associations de voyageurs et d’élus locaux, elle aura vocation à connaître de l’ensemble des sujets qui ne sont pas traités dans ce texte. Celui-ci, bien sûr, apportera des réponses, mais ne prétend pas régler toutes les questions.
Aujourd’hui, c’est un premier pas qui est franchi avec la discussion de cette proposition de loi et je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à l’adopter pour nous permettre d’améliorer la cohésion de notre société et de faire vivre l’égalité dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Annie Genevard.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je tiens à dire, en propos liminaire, à ceux de mes collègues de la majorité à l’origine de cette proposition de loi, ma perplexité sur leurs motivations. N’y avait-il rien de plus urgent, de plus opportun dans notre actualité parlementaire, qui plus est à l’approche de l’été, période de grandes migrations des gens du voyage, que de présenter ce texte qui leur accorde des droits supplémentaires ? N’y avait-il rien de plus urgent et de plus opportun, dans un contexte budgétaire des plus contraints, que d’imposer aux communes ou à leurs groupements des charges supplémentaires alors que la baisse des dotations, la hausse des charges en tout genre, les dépenses liées à vos choix politiques et la loi NOTRe qui les prive autoritairement de compétences a mis les maires à cran et que la révolte monte dans leurs associations ? N’en entendez-vous pas la rumeur ? C’est pourtant le moment que vous avez choisi… L’on hésite dans l’analyse entre l’inconscience et la provocation. Certains des vôtres, plus sages, l’avaient pressenti et avaient souhaité un report. Que ne les avez-vous sagement écoutés !
Cette proposition de loi apporte-elle une réponse globale et équilibrée aux difficultés liées au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, comme le prétend le rapport ?
Je ne le crois pas, et ce pour une double raison. D’une part, elle ne répond que très partiellement aux difficultés que connaissent les maires, et surtout, d’autre part, elle en crée de nouvelles : c’est ce double manquement qui va en faire une loi inappropriée dont vous n’aurez pas fini d’entendre parler quand sa pleine application entrera en oeuvre.
Trois points figurent dans l’intitulé de la loi : le statut, l’accueil et l’habitat.
Parlons d’abord de la question du statut des gens du voyage puisque c’est le premier point que vous mettez en avant, monsieur le rapporteur. La suppression du livret de circulation semble ne pas poser de difficultés particulières. Ce relatif consensus n’interdit tout de même pas de poser quelques questions auxquelles votre proposition de loi ne répond pas. Ainsi, dans une question prioritaire de constitutionnalité du 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel n’avait pas jugé discriminant l’existence d’un titre de circulation pour une catégorie de la population déterminée par un mode de vie fondé sur l’itinérance. Or, vous l’avez jugé discriminatoire en ce qu’il accentuerait chez les gens du voyage un sentiment de stigmatisation. On pourrait entendre cet argument si nous avions affaire à des personnes toujours respectueuses des droits qu’elles revendiquent pour elles-mêmes. Mais comment ignorer la foule de problèmes que nous rencontrons chaque année au moment des itinérances estivales ? Croyez-vous vraiment qu’en supprimant tout titre de circulation, vous supprimerez ipso facto les problèmes de comportement de certains groupes ? Quelle naïveté ! Désormais, les gens du voyage vont rejoindre le statut des sans domicile stable, autre nom donné aux sans domicile fixe. Je ne vois là rien qui soit véritablement plus valorisant.
Par ailleurs, qu’est ce qui demain permettra de dénombrer une population pour laquelle on cherche précisément à adapter l’offre d’accueil ? Le sujet est sensible, mais on peut l’aborder de façon dépassionnée. Les problèmes qui sont tus ne sont jamais résolus. Le titre II de l’article 1er de la loi de 2000 dispose que c’est au vu d’une évaluation préalable des besoins que le schéma départemental est élaboré. Comment, demain, estimera-t-on les besoins ? Si le livret de circulation était inefficace, supprimons-le ou, pourquoi pas, remplaçons-le. Du reste, la mission à laquelle vous aviez participé, monsieur le rapporteur, et dirigée par notre collègue Didier Quentin, préconisait non pas sa suppression mais son remplacement par une carte de résident itinérant qui permettait tout à la fois de reconnaître l’itinérance, marque constitutive et ancestrale de cette population, et la résidence dans une commune de rattachement, et donc d’évaluer les besoins.
Le deuxième point nous pose particulièrement problème. En effet, la suppression pure et simple de la loi de 1969 mettrait fin aux règles administratives du rattachement à une commune qui satisfaisaient deux conditions pour nous importantes : le lien avec la commune de rattachement et la limite de 3 % de la population que le législateur avait décidée pour que la proportion de gens du voyage ne soit pas déséquilibrée par rapport à la population globale. Nous souhaitons que ces conditions soient conservées, et pas seulement pour des raisons électorales mais parce que cette population a tendance à se sédentariser, vous l’avez dit madame la ministre, et que, assez naturellement, la sédentarisation s’effectue où l’on a sa commune de résidence et que des problèmes d’intégration peuvent survenir en cas de proportion importante. Ce n’est faire injure à quiconque que de le dire. C’est une question de bon sens, fondée sur la connaissance concrète des situations que donne l’exercice d’un mandat local. Et l’on voit en l’occurrence qu’un cumul raisonnable, celui d’un mandat local et d’un mandat national, est utile.
Monsieur le rapporteur, vous qui êtes aussi un élu local, sans doute le savez-vous, même si vous n’êtes pas d’accord sur le principe.
Venons-en à présent à la question de l’accueil. La loi de 2000 se fondait sur un pacte de confiance entre les pouvoirs publics et ces populations, pacte censé favoriser de nouveaux comportements plus respectueux chez les gens du voyage en contrepartie de l’obligation faite aux communes de créer des aires d’accueil. Vous estimez que la mise en oeuvre d’aires d’accueil est insuffisante. On pourrait s’entendre sur le fait qu’elle est incomplète, mais elle atteint tout de même presque 70 %, ce qui est loin d’être médiocre ! Vous condamnez dans votre rapport l’inertie des communes sans vous interroger suffisamment sur les raisons de la réalisation partielle des objectifs fixés. Les difficultés sont en effet énormes. Vous ne les évoquez pas. C’est le point aveugle de votre rapport. Pourquoi stigmatiser ainsi les élus locaux sans traiter de façon équilibrée des problèmes des uns et des autres. Savez-vous que chaque année, dans des cas hélas trop nombreux, les maires ou les présidents d’établissements publics intercommunaux, tels de véritables Sisyphe, doivent réparer, voire reconstruire, ce qui a été cassé, détruit, démoli sur les aires d’accueil de leur commune ? C’est usant, révoltant même, car tout cela se fait évidemment à grand renfort de fonds publics et coûte beaucoup d’argent. La Cour des comptes, que votre rapport a l’honnêteté de mentionner, dit bien que les subventions d’investissement de l’État représentent un effort financier important, qui ne correspond toutefois qu’à une part minoritaire du coût réel de réalisation des aires… Et que dire de l’obligation de les remettre en état périodiquement ?
Avec les difficultés que j’ai évoquées, ajoutées aux problèmes financiers aggravés par l’arrêt des subventions versées par l’État pour la réalisation d’aires d’accueil depuis la fin de 2008, il ne faut pas s’étonner que les élus locaux hésitent ! C’est plus que compréhensible !
Avez-vous une petite idée de la colère des élus quand ils vont découvrir le pouvoir donné aux préfets de consigner des fonds publics pour les obliger à réaliser les aires exigées ? Que croyez-vous qu’il se passera lorsque pour remplir cette obligation, ceux-ci devront supprimer des services rendus à leur population, des subventions à leurs associations ou des équipements dans les écoles ? C’est en effet à cela que votre texte va aboutir. Vous vous préparez à une colère dont vous n’avez même pas idée ! Je trouve incroyable votre argumentation, monsieur le rapporteur, lorsque vous nous dites en commission que cette disposition de consignation des fonds est faite pour ne pas être appliquée.… J’avoue que l’argument me laisse sans voix. Dans ma grande naïveté, je pensais que les lois étaient faites pour être appliquées. Cet argument infantilise les maires qu’il faut effrayer pour les faire rentrer dans le rang. C’est une provocation !
Cette loi va créer des difficultés supplémentaires alors que l’on aurait pu attendre qu’elle en résolve. Autre exemple de difficulté supplémentaire : l’obligation faite aux élus de prévoir des dispositifs de substitution en cas de fermeture temporaire d’une aire permanente d’accueil. Ainsi donc, obligation pourrait être faite aux maires de reloger ceux-là mêmes qui auraient été la cause de la fermeture du fait de dégradations causées comme cela arrive trop souvent. Cette disposition, je le signale, a été ajoutée en commission sans qu’à mon sens, ses conséquences aient été véritablement évaluées. Si votre proposition de loi donnait aux maires des outils vraiment efficaces et adaptés aux problèmes posés par l’occupation illégale de terrains publics ou privés, les élus locaux seraient peut-être plus enclins à organiser l’accueil.
Il y a toutefois quelques avancées, que Mme la ministre a rappelées, mais qui méritent d’être précisées et complétées. J’espère donc qu’elles seront amendées sur la base de nos propositions et que vous ne les rejetterez pas, madame la ministre, au motif qu’elles émanent de l’opposition.
La durée de validité de la mise en demeure de quitter les lieux pour les occupants qui étaient déjà en situation de stationnement illicite doit être allongée, et le champ d’application géographique de la disposition doit être impérativement précisé, de sorte qu’il couvre le territoire de la collectivité locale ayant compétence pour les gens du voyage, qu’il s’agisse des communes ou des communautés de communes.
S’agissant de l’habitat, troisième volet de la proposition de loi, on voit se dessiner des orientations en vue de satisfaire aux nouvelles tendances qui apparaissent parmi les gens du voyage en faveur de la sédentarisation. Les terrains familiaux figureront bientôt dans tous les schémas départementaux. L’article 2 de la proposition de loi fait d’ailleurs explicitement référence à l’évolution des modes de vie et à la demande de sédentarisation. Aires de grands passages, aires d’accueil temporaires… demain, obligation sera-t-elle faite aux élus locaux de trouver du foncier pour la sédentarisation ? Si tel est le cas, de nouvelles difficultés sont à craindre !
Tous les gens du voyage – ce sera ma conclusion – ne se comportent pas mal ; prétendre le contraire serait en effet discriminatoire. Mais occulter les difficultés ou, pire encore, les connaître et ne pas y répondre, c’est aggraver le ressentiment de la population envers eux !
En la matière, vous, monsieur le rapporteur, qui rapportez ce texte et, en réalité, l’avez inspiré, et vous, madame la ministre, portez une lourde responsabilité. Renoncez à la consignation des fonds et à l’obligation de substitution, subventionnez les collectivités auxquelles vous imposez la construction de nouvelles aires d’accueil – j’ai bien entendu les annonces que vous venez de faire –, et, surtout, améliorez les outils pour faire respecter la loi et que les droits soient adossés à la juste contrepartie du respect des devoirs.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Quelques observations – brièvement.
D’abord, à aucun moment, il n’a été dans mes intentions de remettre en cause l’action des élus locaux ; j’en ai été moi-même un pendant près de dix-neuf ans dans la ville de Nantes et pendant six ans, au sein de l’opposition, dans une ville de l’agglomération nantaise. Je mesure parfaitement les difficultés qu’il y a à faire cohabiter des gens qui ont des modes de vie différents. Je mesure le niveau de rejet d’une communauté par l’autre – ce rejet pouvant être partagé : il n’y a pas les bons d’un côté, les méchants de l’autre ; il y a, malheureusement, des difficultés. Je mesure aussi la rage que l’on peut éprouver lorsque des efforts ont été faits et que ceux-ci sont anéantis par le comportement irresponsable de certains groupes, qui ne respectent pas le bien qui a été mis à leur disposition. Je mesure parfaitement tout cela.
Cependant, la Cour des comptes nous rappelle à juste titre, et l’expérience nous démontre aussi, que lorsque des efforts d’accueil sont faits, les choses ont tendance à se réguler et à mieux se passer.
J’en veux pour preuve ce qui se passe dans l’ouest de la France. Les quatre départements de la Bretagne administrative ont ainsi désigné dans chaque préfecture un référent afin de mettre en oeuvre une coordination, et les choses s’y passent avec… disons une certaine harmonie – je ne chercherai pas à vous raconter des histoires à l’eau de rose. Les Pays de la Loire suivent ; les choses se passent parfois avec une certaine harmonie, et parfois mal : il est incontestablement difficile pour certaines communes de faire face à des arrivées massives.
Vous dites que je condamne avec trop de force l’inertie de certaines communes, mais je ne suis malheureusement pas le seul à le faire : les tribunaux administratifs se sont déjà prononcés à plusieurs reprises sur le sujet. J’ai ainsi dans mon dossier des décisions du tribunal administratif de Marseille et du tribunal administratif de Nice, qui, dès 2010 pour le premier et en 2014 pour le second, ont fait injonction au préfet de mettre en oeuvre leur pouvoir de substitution, ancêtre de la mesure de consignation que je vous propose.
D’autre part, la procédure de consignation est une sanction. Je souhaite donc que, comme toutes les sanctions, elle n’ait pas besoin d’être appliquée : cela signifierait que les choses se passent correctement.
Dernière observation : j’ai écouté avec attention les objections formulées par l’opposition et j’ai pris bonne note que – même si ce n’est pas ma lecture du texte – l’on pouvait comprendre qu’un décret en Conseil d’État introduirait une obligation à créer une aire de substitution. Je vous proposerai par conséquent un amendement tendant à modifier les termes employés. Il sera par la suite impossible de penser qu’il y aura obligation de créer une aire de substitution lorsque l’on procédera à la fermeture annuelle d’une aire pour travaux de rénovation.
Quant aux autres points que vous avez évoqués, je les aborderai lorsque nous examinerons les amendements.
Je conclus en appelant bien évidemment au rejet de la motion de rejet préalable.
Nous en venons aux explications de vote sur cette motion de rejet préalable.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Notre groupe ne partage pas les arguments développés par notre collègue Annie Genevard pour défendre la motion de rejet préalable. Nous portons au contraire une appréciation favorable sur le texte, et cela pour deux raisons principales.
La première est qu’il abrogera la loi de 1969 qui, bien que largement censurée par le Conseil constitutionnel en 2012, maintient un régime discriminatoire pour les gens du voyage. Nous considérons que cette abrogation est un préalable à la reconnaissance de ces derniers comme des citoyens à part entière.
La deuxième raison est que nous jugeons qu’il s’agit d’un texte à la fois pragmatique et équilibré, qui permettra une évolution significative du statut des gens du voyage et renforcera tant l’obligation d’accueil des communes que les moyens de lutte contre les stationnements illicites.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame Genevard, cela ne vous surprendra pas que je reprenne les arguments développés par le rapporteur pour appeler au rejet de votre motion de rejet préalable.
La première raison – Marc Dolez vient de le rappeler –, c’est qu’il importe d’abroger, comme le prévoit l’article 1er de la proposition de loi, les dispositions de la loi de 1969, que nous considérons comme discriminatoires envers la communauté des gens du voyage.
La deuxième raison, c’est que dans votre intervention, vous avez utilisé des mots durs, reprochant au texte de ne pas régler tous les problèmes. Or, nous l’avons dit en commission, celui-ci n’a pas prétention à le faire ; le rapporteur, auteur de la proposition de loi, l’a dit et répété : il n’avait pas la prétention de couvrir l’intégralité des problèmes et de régler toutes les questions.
Par contre, le texte aborde un certain nombre d’entre elles et propose des solutions. Je trouve donc que vos mots sont durs ; au lieu de la condamnation et des reproches que vous avez adressés au texte, vous auriez pu souligner que l’on avait recherché un équilibre. Par exemple, si l’on prévoit la possibilité d’une consignation, c’est après deux mises en demeure et sur la base d’un calendrier précis, afin justement de rendre cette contrainte plus légère, conformément à l’intention du rapporteur, qui est que la disposition ne soit pas utilisée, mais qu’elle soit incitative. Vous auriez aussi pu indiquer que les nouvelles prérogatives données au préfet vont de pair avec une plus grande facilité accordée aux maires confrontés à des occupations illégales pour faire procéder à l’évacuation des camps concernés.
Pour terminer, il y a trois choses que je voudrais préciser afin d’expliquer notre opposition à cette motion de rejet préalable.
Premièrement, aucun des sujets dont vous avez déploré l’absence dans le texte n’est incompatible avec celui-ci. Si votre groupe décidait de faire inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi que vous avez déposée, rien ne nous empêcherait de poursuivre le débat sur ces questions.
Deuxièmement, l’examen du texte nous permettra d’avancer sur deux sujets : celui du dispositif de substitution, qui nous a inquiétés en commission – il suffit de songer aux débats que nous avons eus sur ce point –, à propos duquel le rapporteur a commencé à vous répondre dans un sens dont je me félicite, et cela d’autant plus que j’ai pu avoir connaissance de son amendement ; et celui du financement, que la ministre a évoqué dans son intervention, et sur lequel j’ai déposé, avec le groupe socialiste, un amendement. Voilà qui nous permettra d’engager le débat, dans l’objectif de trouver, une fois encore, un équilibre, afin de ne pas donner une prime à celles et ceux qui, sciemment, ne réalisent pas d’aires d’accueil – même s’il est vrai qu’ils sont minoritaires –, tout en accompagnant celles et ceux qui essaient, avec bonne volonté, de répondre à leurs obligations.
Le groupe socialiste votera donc contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette motion de rejet préalable brillamment défendue par Annie Genevard, députée mais aussi élue locale, qui, comme beaucoup d’entre nous, est une praticienne de l’accueil des gens du voyage.
Ce texte est inopportun. Il intervient dans un contexte où les élus locaux sont déjà confrontés à de nombreuses obligations. C’est un message très négatif qui leur est adressé aujourd’hui.
Il est inopportun, car il est – il faut bien le dire – teinté d’idéologie et d’angélisme ; force est de le constater quand on connaît les comportements de certains groupes !
Il est inopportun, enfin, car vous n’avez pas engagé de concertation avec les associations représentatives des élus locaux.
Vous avez évoqué la Commission nationale consultative des gens du voyage, mais nous aurions aimé qu’au préalable, l’Association des maires de France, l’Association des maires ruraux de France ou l’Association des petites villes de France, bref toutes celles et tous ceux qui sont les praticiens de l’accueil des gens du voyage soient consultés, de manière que ce texte de loi, qui les concerne directement, soit produit avec eux. C’eût été un minimum !
On constate ainsi l’impréparation qui entoure l’examen de ce texte. Annie Genevard l’a souligné : pourquoi une telle urgence ? Revenons dessus, et commençons par consulter les élus locaux, qui sont de bonne volonté ; certains ont depuis bien longtemps appliqué les schémas départementaux, d’autres mettent plus de temps, mais le dialogue avec les élus locaux est aussi important que celui avec les gens du voyage !
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Nous sommes, sur ces bancs, de nombreux élus locaux, et nous sommes souvent confrontés à des difficultés de cohabitation entre nos administrés et les gens du voyage. Il nous semble bon de tout mettre à plat, de discuter et de donner une autre vie au dispositif législatif. C’est pourquoi le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne votera pas la motion de rejet préalable.
On peut être sensible aux difficultés évoquées par notre collègue Genevard, notamment celles rencontrées par les élus locaux lorsque, tous les ans, il leur faut réparer les dégâts qui ont été commis, ou les problèmes de coexistence entre des populations qui n’ont pas toujours les mêmes modes de vie. Ce qui m’étonne en revanche, c’est qu’elle ait passé sous silence dans son intervention l’obligation instituée par la loi Besson II de créer 41 000 emplacements dédiés.
On en est aujourd’hui à 30 000 seulement, et en écoutant votre discours, madame Genevard, on a l’impression – pardonnez ma franchise – que les difficultés rencontrées justifient que les élus s’affranchissent de la loi !
Aujourd’hui, la loi n’est donc pas respectée et c’est un des mérites du texte présenté par notre collègue Raimbourg que de vouloir répondre à la censure par le Conseil constitutionnel d’une partie de la loi de 1969, une loi qui a été décriée et a valu à la France de nombreuses condamnations de la part des instances de défense des droits de l’homme et des libertés, à l’échelle européenne comme à l’échelle mondiale – je rappelle que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a dénoncé le livret de circulation.
La volonté manifestée par le rapporteur de faire rentrer des Français comme vous et moi dans le droit commun est donc une avancée considérable pour l’État de droit. Même si le texte n’est pas parfait – mais je crois que le rapporteur a la volonté de le faire évoluer, peut-être même en acceptant des amendements présentés par l’opposition –, il constitue un pas en avant. C’est pourquoi nous ne voterons pas la motion de rejet préalable.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Yannick Moreau.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’accueil des gens du voyage est un sujet sensible. Si tout allait bien dans le meilleur des mondes, nous ne serions pas là à débattre d’une éventuelle évolution législative.
Mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même regrettons simplement que vous le fassiez, mesdames et messieurs les députés socialistes, de manière partisane et partiale, en stigmatisant les mauvais élus locaux qui ne feraient pas leur travail et en omettant de traiter le problème majeur que rencontrent nos provinces et nos territoires : la gestion des occupations illégales de terrains privés et publics par certains groupes de gens du voyage. Vous aviez l’occasion, avec cette proposition de loi de doter les maires, les présidents de communautés de communes et les départements de nouveaux outils juridiques pour faire face à ces difficultés croissantes d’accueil, à ces occupations illégales de terrains inadaptés par des groupes de gens du voyage.
Contrairement à ce que vous laissez entendre, la plupart des collectivités honorent leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage. Et celles qui le font en mettant à disposition une aire permanente et une aire de grand passage sont les premières victimes d’occupations illégales. Ces occupations, toujours plus nombreuses sur l’ensemble du territoire national, comme c’est le cas en Vendée, notamment en Vendée littorale, sont, pour nos compatriotes, une source d’exaspération, parce qu’ils constatent année après année que les pouvoirs publics sont impuissants à lutter contre une violation évidente de la loi et du droit de propriété, au mépris des efforts consentis par les collectivités pour accueillir dignement les groupes de gens du voyage. La plupart du temps, ces groupes se déplacent comme des touristes dans les départements touristiques, et préfèrent parfois séjourner sur des terrains, privés ou publics, comme un terrain de football municipal en herbe, plutôt que sur une aire spécialement prévue, à quelques centaines de mètres, sur laquelle la collectivité a investi pour acheminer eau et électricité et installer des commodités, pour en faire un lieu adapté à l’accueil de ces communautés et conforme à leurs habitudes de voyage et de séjour.
C’est une occasion ratée que cette proposition de loi, une occasion ratée de rééquilibrer les droits et les devoirs des gens du voyage d’un côté et ceux des collectivités d’accueil de l’autre. Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, pâtit de ce déséquilibre fondamental. Vous aviez l’occasion de donner de nouveaux outils. Vous l’avez fait timidement, et nous en discuterons au cours de nos débats, mais vous avez surtout évité d’embrasser l’ensemble des enjeux. Vous avez, par exemple, évité d’évoquer les sanctions supplémentaires que le groupe Les Républicains vous proposera d’adopter par voie d’amendement, afin, par des mesures dissuasives, de limiter les occupations illégales. Au cours du débat, notre groupe proposera très clairement ce rééquilibrage des droits. Vous imposez des contraintes et des charges financières supplémentaires aux maires, alors que vous devriez les aider à faire face aux occupations illégales. Ils devraient recevoir votre soutien plutôt qu’être soumis à de nouvelles contraintes et obligations financières, à vos injonctions, à vos projets de consignation des fonds communaux pour financer les aires d’accueil, alors que la plupart des élus locaux de la République remplissent déjà leurs obligations légales en la matière.
Je ne voudrais pas être trop long. Le débat permettra de faire le point sur tous ces sujets
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vous remercie de vos encouragements, mes chers collègues, mais j’ai encore un petit peu de temps.
J’ai encore une douzaine de pages écrites. Si vous le souhaitez, je peux vous les lire, ce sera passionnant, chers collègues.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vous remercie. Puis-je continuer, chers collègues ?
Monsieur le rapporteur, vous aviez, disais-je, l’occasion de rééquilibrer les droits et les devoirs. Vous ne le faites pas, ou insuffisamment. Cette proposition de loi est une occasion manquée. Vous portez à la charge des collectivités territoriales des obligations qui ne nous conviennent pas sans introduire d’obligations nouvelles pour les gens du voyage. Au contraire, vous leur ouvrez de nouveaux droits, sans contrepartie. C’est donc une occasion manquée, comme nous allons le dénoncer au cours de ce débat, et je pense qu’un nouvel examen du texte en commission nous permettrait de l’améliorer.
J’ai noté que sous la pression de la proposition de loi qu’Annie Genevard et moi-même avons déposée, avec le soutien de nombreux députés de notre groupe, vous avez quelque peu musclé votre proposition de loi et entendu les demandes d’amendement concernant les délais. Le délai de recours contre les arrêtés d’expulsion a ainsi été ramené de 72 à 48 heures. Encore un petit effort et nous pourrions aboutir, ensemble, à un délai de 24 heures, ce qui était l’objet de notre proposition. Car que se passe-t-il en réalité, avec ces occupations illégales ? Des personnes qui connaissent parfaitement la législation s’installent où et comme elles veulent, sachant pertinemment qu’en l’état actuel du droit, il n’est pas possible de les faire bouger avant huit jours. Nos citoyens savent que les élus investissent de l’argent public pour aménager des aires et constatent que les pouvoirs publics n’ont pas les moyens pendant huit jours de lutter contre une occupation illégale ! Ce sentiment d’impuissance et cette impunité ne sont pas sains pour notre République.
Il faut donc réduire les délais des procédures visant à mettre fin à un trouble à l’ordre public régulièrement constaté. Il faut que les maires et les présidents de communautés de communes compétents puissent mettre en oeuvre les outils juridiques à leur disposition pour faire cesser les occupations illégales dans un délai de deux ou trois jours, pas de huit jours ! Faute de quoi, on encourage le phénomène et les gens du voyage en transit d’un site de vacances à un autre, restent huit jours en situation illégale dans un endroit, puis huit jours dans un autre, et ainsi de suite. Vous avez fait, monsieur le rapporteur, une petite avancée s’agissant du délai, mais je vous encourage à aller plus loin encore. Je pense que le seul moyen de rééquilibrer véritablement les droits et les devoirs respectifs des gens du voyage et des collectivités serait d’examiner de nouveau le texte en commission. C’est pourquoi je vous soumets, chers collègues, cette proposition de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.
La parole est à Mme Paola Zanetti, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’obligation faite aux communes date, chers collègues, de la loi Besson. Ce n’est pas cette proposition de loi qui l’institue. Celle-ci vient apporter un équilibre nécessaire et fait un pas supplémentaire dans la continuité de la loi Besson. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, elle ne stigmatise ni les gens du voyage ni les élus qui font leur travail, le rapporteur l’a rappelé tout à l’heure dans son intervention sur la motion de rejet. Il existe bien souvent des tensions, nul ne le conteste, entre les gens du voyage et la population. Pour les résoudre, il faut que chacun réussisse à faire un pas, tant du côté de ses droits que de celui de ses devoirs.
Cette proposition de loi engage, à notre sens, ce nouveau pas.
Aussi le groupe socialiste ne votera-t-il pas cette motion de renvoi en commission.
Comme beaucoup d’entre vous ici, je suis maire et, depuis l’origine, ma commune est en règle avec la loi Besson. Ce n’est pas fabuleux,…
…c’est une réalité. Et le fait d’être en règle avec les lois de la République permet de faire des constats, sur l’existant et sur ce qu’est censé apporter ce nouveau texte. Dans ma commune, j’ai pris la décision de créer deux fois plus de places que la loi ne m’obligeait à le faire, précisément pour me mettre à l’abri de toute difficulté ultérieure.
Si, demain, parce que ce texte a été mal préparé, nous sommes obligés dans ma commune d’offrir une aire de substitution parce que, deux mois dans l’année, il faut fermer l’aire existante pour la réparer, la remettre en état – nous le faisons toujours, sans qu’il y ait nécessairement eu de dégradations –, c’est tout l’équilibre sur lequel que nous travaillons depuis vingt-cinq ans qui sera réduit à néant. J’ai pris l’exemple de ma commune, mais le constat vaut certainement pour beaucoup d’autres.
Ce texte aurait pu être l’occasion d’apporter des éléments complémentaires de sécurisation des maires, élus de la République, qui veulent respecter la loi et que les moyens leur en soient donnés. Vous faites tout l’inverse, et en croyant donner des gages à nos concitoyens gens du voyage, qui méritent l’estime et le respect, vous créez un déséquilibre néfaste à l’efficacité d’un dispositif qui peine à se mettre en place et qui rencontrera encore plus de difficultés.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, chers collègues, à saisir l’occasion donnée par le groupe Les Républicains : prenons le temps d’un véritable examen au fond, pour équilibrer ce texte dans le sens que nous souhaitons tous, celui d’un meilleur respect d’une loi meilleure. Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, ne va pas dans ce sens. Il faut donc que nous retournions en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Mes chers collègues, pour les mêmes raisons que pour la motion de rejet préalable, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne votera pas cette proposition de renvoi en commission. Et que les débats commencent !
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez, premier orateur inscrit.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à apporter une réponse aux difficultés liées au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, en abordant la question sous l’angle de l’égalité républicaine. C’est pourquoi nous nous réjouissons de son examen. Tout en confortant les efforts accomplis depuis une vingtaine d’années, elle considère les gens du voyage comme des citoyens à part entière.
Avec la suppression du carnet de circulation en vigueur depuis 1912, la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012 a ouvert la voie à une évolution significative du statut des gens du voyage, afin de leur permettre de jouir des mêmes droits et de remplir les mêmes devoirs que leurs concitoyens. Avec l’abrogation des articles restants de la loi du 3 janvier 1969, cette proposition de loi met fin au régime spécifique de domiciliation des gens du voyage pour l’aligner sur le droit commun de la domiciliation des personnes sans domicile stable. Nous saluons cette avancée, car, comme le rappelle notre rapporteur, le principe même de l’existence de ce statut administratif exorbitant du droit commun et de la limitation des libertés publiques est à la fois discriminatoire et stigmatisant.
De plus, en ouvrant aux intéressés la possibilité d’élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé, le texte lève les obstacles au service des prestations sociales, à l’exercice des droits civils, à la délivrance des pièces d’identité ou à l’exercice du droit de vote.
Dans le même esprit, nous nous félicitons de l’adoption par la commission d’un amendement qui réaffirme que l’habitat dans une résidence mobile installée sur le territoire d’une commune ne saurait être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire. La mission d’information conduite en 2011 par Pierre Hérisson et Didier Quentin avait établi que 70 % des enfants de gens du voyage fréquentent l’école primaire, mais seulement 30 % des enfants de voyageurs permanents. Elle avait préconisé que ces enfants soient inscrits au Centre national d’enseignement à distance et à l’école de la commune.
Nous sommes, comme beaucoup, favorables à cette double inscription qui permettrait de pleinement reconnaître le droit de chaque enfant à être inscrit dans une école.
Dix ans après la loi Besson du 5 juillet 2000, qui visait à définir un équilibre entre droits et obligations réciproques pour les collectivités territoriales et les gens du voyage, le texte aborde à nouveau l’obligation d’accueil des communes et les moyens de lutte contre les stationnements illicites.
C’est un sujet sensible, mais les chiffres cités par notre rapporteur sont éloquents : ils soulignent la lenteur de la mise en place des obligations prévues par la loi de 2000 puisque, au 31 décembre 2014, c’est-à-dire en treize ans, seulement 65 % des aires d’accueil et 49 % des aires de grand passage avaient été réalisés.
C’est pourquoi nous nous félicitons que la proposition de loi réaffirme la position d’équilibre trouvée en 2000 : la possibilité d’obtenir plus facilement l’évacuation d’un campement illicite doit avoir pour nécessaire corollaire le renforcement de l’obligation pour les communes et les EPCI de construire des aires d’accueil.
Nous avons toutefois quelques réserves sur le dispositif de l’article 2 qui prévoit de sanctionner l’immobilisme des communes par la possibilité offerte au préfet de consigner entre les mains d’un comptable public les sommes nécessaires à la réalisation des travaux d’aménagement des aires d’accueil. Nous ne contestons ni le principe de cette mesure ni le pouvoir de substitution confié au représentant de l’État. Mais, comme la Cour des comptes l’a fait observer, la réalisation et la gestion de ces aires d’accueil représentent un effort financier important, d’un coût réel estimé à 632 millions sur l’ensemble de la période 2000-2011.
Ce coût est d’autant plus important que la charge foncière, les coûts de voirie et réseaux divers, l’aménagement d’équipements sanitaires individualisés sont assumés par les communes et les EPCI sans aide de l’État, depuis l’arrêt des subventions intervenu au 1er janvier 2009. L’obstacle financier n’est certes pas toujours le plus déterminant, mais la baisse massive des concours de l’État aux collectivités pèse lourdement sur le budget des communes et sur la capacité de celles-ci à financer les services publics de proximité. C’est pourquoi, madame la ministre, l’État doit aussi prendre ses responsabilités,…
…notamment en ce qui concerne la mise en place des aires de grand passage – seize départements ont réalisé la totalité des aires de grand passage prévues par leur schéma. C’est d’ailleurs pour répondre à cette situation que la loi du 13 juillet 2006 avait décidé que l’État pourrait subventionner ces aires à 100 % et que la loi de finances pour 2008 avait précisé que l’État pourrait en assurer la maîtrise d’ouvrage.
De nombreux rapports, à commencer par celui remis au Gouvernement par le préfet Hubert Derache en 2013, ont proposé de transférer à l’État la compétence pour désigner les terrains de grand passage, maîtriser le foncier, procéder aux aménagements, prévoir et organiser l’occupation des terrains. Il s’agirait là d’une mesure de sagesse, si l’on veut rapidement rattraper le retard.
Pour conclure, les députés du Front de gauche voteront résolument ce texte qui, si bien sûr il ne règle pas tout, met fin à une grave situation d’injustice en supprimant le livret de circulation et en permettant aux gens du voyage de disposer de papiers d’identité identiques à ceux des sédentaires.
C’est l’aboutissement d’un long combat des associations de gens du voyage pour mettre un terme à l’accumulation des tracasseries administratives et à une situation d’injustice et de ségrégation qui a valu à la France d’être plusieurs fois condamnée. Pour toutes ces raisons, nous approuvons cette proposition de loi. Enfin, je remercie le rapporteur Dominique Raimbourg d’avoir porté celle-ci, tout au long de son élaboration, avec autant de conviction.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aujourd’hui encore, dans notre pays, des citoyens français sont soumis à un statut administratif exorbitant du droit commun en raison de leur mode de vie. Ce sont, comme l’a rappelé Dominique Raimbourg, environ 350 000 personnes qui appartiennent ainsi à la catégorie administrative dite des « gens du voyage ».
La loi du 3 janvier 1969 prévoyait en effet que toute personne de plus de seize ans et n’ayant pas de domicile ou de résidence fixe devait être en possession d’un carnet de circulation si elle n’avait pas de ressources régulières, ou d’un livret de circulation si elle exerçait une activité professionnelle.
Ce régime administratif spécifique, vécu le plus souvent par les personnes concernées comme stigmatisant et discriminatoire, a été en partie jugé non constitutionnel dans le cadre d’une question priorité de constitutionnalité en octobre 2012, les membres du Conseil constitutionnel ayant estimé que le carnet de circulation représentait une atteinte disproportionnée à la liberté publique d’aller et de venir.
L’article 1er de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui propose d’abroger le reste de la loi du 3 janvier 1969 : nous considérons que c’est une avancée majeure. En conséquence de cette abrogation, par le biais de ses articles 8 et 9, la proposition de loi permettra aux gens du voyage de relever désormais du régime du droit à la domiciliation mis en place au profit des personnes sans domicile stable par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable. Ce régime leur permettra d’élire domicile soit auprès d’un CCAS ou d’un CIAS, soit auprès d’un organisme agréé, pour prétendre au service des prestations sociales, à l’exercice des droits civils et civiques ainsi qu’à la délivrance des pièces d’identité.
Cette proposition de loi a également un autre mérite, que je veux souligner : celui d’être un texte d’équilibre. S’inscrivant dans la continuité de la loi Besson du 5 juillet 2000, elle répond à un double constat. D’une part, les dispositions en matière d’implantation d’aires d’accueil ne sont pas encore respectées quinze ans après la promulgation de la loi : environ 35 % des aires d’accueil et 51 % des aires de grand passage restent en effet à construire. D’autre part, il est nécessaire de permettre aux élus locaux qui ont respecté leurs obligations en matière d’aire d’accueil d’obtenir plus facilement du préfet l’évacuation des occupants d’un campement illicite. Le dispositif actuel est en effet très lourd, souvent coûteux et complexe, notamment pour les plus petites communes.
C’est la raison pour laquelle la proposition de loi renforce les prérogatives du préfet en matière de mise en place des aires d’accueil, tout en assouplissant les conditions de mise en oeuvre des évacuations forcées pour les communes en règle avec leurs obligations.
L’examen en commission des lois a permis d’améliorer et d’enrichir cette proposition de loi dans le respect de l’équilibre initial du texte. Je tiens à saluer le travail important mené par Dominique Raimbourg, rapporteur et auteur de la proposition de loi, pour arriver à ce résultat.
L’article 2 diversifie désormais les modes d’accueil pouvant être mis en place par les communes et les EPCI compétents, en prévoyant que les schémas départementaux prescrivent la réalisation non seulement d’aires permanentes d’accueil, d’aires de grand passage, mais également de terrains familiaux locatifs. Cette précision a un double avantage : elle permet de prendre en compte les évolutions du mode de vie des gens du voyage tout en élargissant le type d’aménagement pouvant être réalisé par les collectivités.
Concernant le régime de consignation des sommes nécessaires par le préfet en cas de défaillance d’une commune ou d’un EPCI pour la mise en place d’une aire d’accueil, deux amendements ont permis de rassurer en précisant que cette mise en demeure devra s’accompagner d’une estimation des besoins financiers requis et que le délai de mise en demeure pourra se présenter sous forme de calendrier.
Le dispositif prévu à l’article 3 visait à permettre aux maires des communes respectant leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage de demander au préfet une mise en demeure d’évacuer les lieux même en l’absence de trouble à l’ordre public « dès lors qu’il existe, dans un rayon de 50 kilomètre, une aire d’accueil spécialement aménagée et offrant des capacités d’accueil suffisantes ». Un tel dispositif pouvait sembler anticonstitutionnel et c’est la raison pour laquelle la commission des lois a adopté, à l’article 3 bis, un nouveau dispositif destiné à faciliter l’usage du régime administratif de l’évacuation forcée pour les communes et les EPCI qui satisfont à leurs obligations, en prévoyant que la mise en demeure du préfet continue de s’appliquer lorsqu’une même caravane procède à un nouveau stationnement illicite dans un délai de sept jours en violation du même arrêté municipal ou intercommunal d’interdiction de stationnement et portant la même atteinte à l’ordre public.
Par conséquent, les campements illicites qui auraient fait l’objet d’une mise en demeure ne pourront se reconstituer à faible distance et ainsi obliger l’autorité et la collectivité territoriale à recommencer la procédure permettant une évacuation forcée.
En outre, le délai laissé au tribunal administratif pour statuer sur un recours contre une mise en demeure passe de soixante-douze à quarante-huit heures pour être plus efficace. Enfin, le propriétaire d’un terrain affecté à une activité économique dans une commune non inscrite au schéma départemental pourra lui aussi demander au préfet de mettre en demeure les occupants d’un campement illicite.
Par ailleurs, en tant que rapporteur du projet de loi NOTRe, je tiens à souligner que la suppression des articles 4 à 7 se justifie puisque de telles dispositions figurent dans le texte porté par Marylise Lebranchu aux articles 18,19, 20 et 21 qui prévoient un transfert de cette compétence au profit des intercommunalités. Ce dernier article prévoit, dans sa rédaction issue de la deuxième lecture au Sénat, que ce transfert obligatoire aux communautés de communes et d’agglomération, portant sur l’accueil des gens du voyage en termes d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil, doit être réalisé au plus tard le 31 décembre 2016.
Je terminerai justement en rappelant le contexte particulier dans lequel se trouve le bloc communal aujourd’hui, confronté à une baisse importante des dotations de l’État et à une nécessité de réaliser des économies. Je suis particulièrement satisfait que le rapporteur ait entendu les inquiétudes exprimées en commission des lois au sujet des dispositifs dits de substitution pour les périodes de fermeture des aires, et je soutiendrai évidemment son amendement visant à remplacer ce dispositif par une procédure de concertation. Je suis également favorable à ce qu’un fonds soit créé ou qu’un fonds existant soit orienté en direction des communes et des EPCI pour leur permettre de respecter leurs obligations. Le groupe SRC a déposé un amendement appelant à un débat sur cette question. Vous avez compris, madame la ministre, que sur ce sujet comme sur les modalités, nous sommes également ouverts à vos propositions.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, personne ici ne met en cause ni ne critique le fait que cette proposition de loi cherche des solutions à une très grande difficulté que rencontrent beaucoup de collectivités locales. Mon voisin de gauche Michel Pouzol, mon voisin de droite Jean-Marie Tetart et moi-même sommes frontaliers, tous les trois élus de la partie rurale de l’Île-de-France, et nous connaissons bien, comme beaucoup d’entre vous ici, le genre de difficultés auxquelles sont confrontés ceux qui sont dans les territoires que les gens du voyage élisent comme leur domicile passager. Mme Descamps-Crosnier, qui est aussi Yvelinoise, me fait signe qu’elle est également concernée : je le confirme puisque nous partageons parfois, madame la députée, quelques cortèges identiques, à quelques jours d’intervalle.
Que l’on veuille faire un effort pour aider à la sédentarisation ou, du moins, l’encourager – c’est que je crois comprendre de votre texte, monsieur le rapporteur –, personne ne peut être contre dans la mesure où chacun peut constater que lorsque les gens du voyage sont sédentarisés, les choses se passent sinon mieux, du moins de façon plus satisfaisante sur le plan social que quand ils ne le sont pas. C’est souvent vrai et, pour ceux qui sont attachés, comme nous tous ici, au respect des personnes, ce n’est pas une mauvaise nouvelle.
Personne ne peut non plus regretter le fait que les dispositions portant sur les obligations à respecter par les collectivités locales soient mieux respectées. Ici, à l’Assemblée nationale, nous ne pouvons nous satisfaire d’une disparité dans l’application de la loi. Ayant le bonheur d’avoir en gestion deux aires d’accueil des gens du voyage sur le territoire de ma communauté d’agglomération, je ne peux que me féliciter de cette disposition.
Cela étant dit, monsieur le rapporteur, votre proposition porte selon moi deux risques importants. Tout d’abord, elle encourage une fois encore l’État non pas à se débarrasser – ce terme serait un peu offensif à cette heure de l’après-midi –, mais à délaisser une de ses obligations pour la transférer vers les collectivités locales.
Je sais bien que, dans le cadre de la loi NOTRe, que notre collègue Dussopt a mentionnée tout à l’heure à la tribune, un certain nombre de dispositions conforteront ce qui est inclus dans votre proposition de loi et je le regrette. En effet, la philosophie même des aires d’accueil, c’est-à-dire la capacité, comme leur nom l’indique, d’accueillir en petit nombre – vingt ou trente caravanes, c’est-à-dire soixante à quatre-vingts personnes – des personnes soit de passage, soit sédentarisées, correspond parfaitement aux obligations sociales de nos collectivités. Après tout, il n’y a rien de choquant à ce que des citoyens français soient traités par les régimes sociaux, par les écoles, par les services publics exactement de la même manière : il n’y a rien à redire à cela et les collectivités doivent assumer cette responsabilité.
En revanche, les aires de grand passage ne correspondent pas à un besoin social de la collectivité mais à un besoin de stationnement passager, comme leur nom l’indique de manière très claire. Il faut de grandes superficies pour accueillir les populations dont nous parlons puisque, selon les estimations, on oscille entre 200, 300 et 400 caravanes, ce qui représente un millier de personnes d’un coup. Ces situations étant temporaires par nature, on ne comprend pas pourquoi l’État se débarrasserait de son obligation d’assurer la sécurité et le stationnement de ces rassemblements ni pourquoi il s’en dessaisirait pour la confier aux collectivités territoriales.
J’ajoute que, comme d’habitude – c’est malheureusement une tradition assez ancienne, madame la ministre – l’État s’en dessaisit sans aucunement assurer le transfert des moyens qui devrait accompagner ces investissements puisque la création d’aires de cette nature nécessite des millions d’euros, au bas mot, et encore faut-il que ces aires ne soient pas trop éloignées de l’approvisionnement en eau, des raccordements d’électricité, qu’elles soient d’accès plutôt aisé afin que – pardonnez cette trivialité – les ordures ménagères puissent être ramassées et certaines autres interventions puissent avoir lieu dans de bonnes conditions.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, les collectivités locales n’ont plus les moyens de faire face à ces dépenses.
Si votre texte, monsieur le rapporteur, sortait conforté par la loi NOTRe qui sera discutée à nouveau en commission la semaine prochaine, à l’exaspération de la population à l’égard des gens du voyage – parfois, d’ailleurs, exagérée et injuste – s’ajouterait celle des élus locaux qui, elle, serait renforcée à l’endroit de votre dispositif, ce qui ne serait pas la meilleure manière de traiter ce qui est un vrai sujet.
En outre, nous avons la plus grande difficulté à faire comprendre à nos administrés que cette question doit être traitée. En effet, même si les Français partagent l’idée selon laquelle toute personne doit être respectée pour ce qu’elle est, même lorsqu’elle ne respecte pas les règles de droit, il y a des limites à tout. Nos concitoyens sont capables d’accepter que d’autres, les nomades comme on disait autrefois, aient choisi un mode de vie non sédentaire, mais votre proposition de loi, monsieur le rapporteur manque cruellement d’une affirmation de nouvelles obligations clarifiées pour les personnes concernées, et cela n’est pas non plus de nature à instaurer l’équilibre attendu par les Français.
On comprend que les gens du voyage veuillent voyager ; on ne comprend pas qu’ils ne se soumettent que si peu aux règles habituelles de la vie en commun. Tant que nous ne traiterons pas cette question, nous ne trouverons pas de solution pertinente.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la problématique de l’accueil et de l’habitat des gens du voyage témoigne de la réalité des enjeux auxquels les élus locaux sont confrontés chaque jour lorsqu’il s’agit d’assurer une cohabitation harmonieuse entre les différents modes de vie d’une population.
En matière de statut, d’accueil et d’habitat des gens du voyage, de nombreux problèmes subsistent : la mise en place insuffisante des aires d’accueil, l’émergence de nouvelles tensions liées aux grands passages ou, encore, la scolarité des enfants.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois depuis le mois de juin 2012 que nous discutons du sujet.
Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même reconnu le caractère modeste de cette proposition de loi, qui n’aborde pas tous les aspects de la question.
Selon les objectifs affichés, ce texte viserait à réintégrer les gens du voyage dans le droit commun de la République et à fixer les droits et devoirs de tout un chacun.
En premier lieu, vous proposez d’abroger la loi du 3 janvier 1969 et, par conséquent, de mettre fin au régime spécifique des gens du voyage en les faisant bénéficier du droit à la domiciliation mis en place au profit des personnes sans domicile stable.
On peut certes reconnaître la nécessité de supprimer des mesures qui n’étaient plus véritablement opérantes et dont certaines ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision du 5 octobre 2012.
En effet, le Conseil constitutionnel a jugé qu’imposer que le carnet de circulation soit visé tous les trois mois et que punir d’une peine d’emprisonnement les personnes circulant sans ce carnet portait atteinte à l’exercice de la liberté d’aller et de venir.
Il a également déclaré contraire à la Constitution l’obligation de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour permettre une inscription sur les listes électorales.
En outre, le Conseil d’État a jugé que l’amende pour les personnes circulant sans livret spécial de circulation portait atteinte à l’exercice de la liberté de circulation.
On peut donc concevoir l’abrogation d’un régime devenu inopposable par la fin des peines applicables en l’absence de présentation des titres.
Pour autant, y avait-il lieu de supprimer l’ensemble de la loi ?
Le seuil de 3 % de la population communale au-delà duquel les personnes détentrices d’un titre de circulation sont invitées à choisir une autre commune de rattachement a pourtant été déclaré conforme à la Constitution.
Le rapport d’information de notre collègue Didier Quentin daté de 2011, de même que le rapport de Pierre Hérisson, alors sénateur, préconisaient de conserver le système de rattachement administratif à une commune dans la limite de 3 % de la population communale.
Le premier de ces rapports soulignait que ce seuil avait été « institué à l’origine pour prévenir toute manoeuvre électorale » et que les auditions avaient « mis en lumière le fait que nombre d’élus de petites ou moyennes communes sont attachés à son maintien. » L’abrogation de cette mesure n’était donc pas nécessaire.
Concernant les autres dispositions de cette PPL, nous considérons que si la loi du 5 juillet 2000 nécessite une adaptation, ce doit être dans le respect d’un juste équilibre entre les droits et les devoirs réciproques des collectivités et des gens du voyage.
Trop souvent, les élus locaux, maires et présidents d’EPCI, ont le sentiment d’être démunis face au stationnement illicite de caravanes, stationnement qui, à mesure qu’il se prolonge, crée des situations conflictuelles avec les populations locales.
Or, cet équilibre ne se retrouve pas dans cette proposition de loi.
Tout d’abord, ce texte renforce considérablement le pouvoir de substitution des préfets. Le préfet pourra ainsi recourir à une procédure de consignation des fonds communaux ou intercommunaux en cas de manquement d’une commune ou d’une intercommunalité à ses obligations de construction d’aires d’accueil.
Il est très contestable de soumettre ainsi les collectivités à un système de sanctions financières, dans un contexte de réduction drastique des dotations. Cela revient à asphyxier encore les communes en leur imposant des contraintes supplémentaires.
En outre, cette mesure ne traduit-elle pas une nouvelle forme de désengagement de l’État ?
J’ajoute que ce pouvoir a encore été renforcé lors de l’examen du texte en commission. En effet, la simple faculté laissée au préfet d’ordonner la consignation des fonds nécessaires et de mettre en place les aires nécessaires a été remplacée par l’obligation de l’ordonner.
Cet équilibre a également été mis à mal en commission par la suppression de l’article 3. Cet article permettait aux élus qui satisfaisaient aux prescriptions du schéma départemental de demander au préfet de mettre en demeure les gens du voyage stationnant leurs caravanes en dehors des aires d’accueil aménagées de quitter les lieux dès lors qu’il existait, dans un rayon de 50 kilomètres, une aire d’accueil spécialement aménagée et offrant des capacités d’accueil suffisantes. Dans un souci d’équilibre, cette mesure aurait pourtant permis d’assouplir les conditions dans lesquelles les communes peuvent demander l’éviction forcée des campements illicites.
Autre disposition de cette proposition de loi que nous désapprouvons : la précision par décret des dispositifs de substitution à mettre en oeuvre en cas de fermeture temporaire d’une aire d’accueil permanente. Vous exigez ainsi des communes un effort supplémentaire en leur imposant de créer une aire provisoire pendant les périodes d’entretien annuel.
Enfin, cette proposition de loi ne règle pas un certain nombre de problèmes, notamment celui des grands passages. Confondant encore largement aires d’accueil et aires de grand passage, la loi n’a pris en compte la problématique des grands passages que de façon partielle et progressive.
Or, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que l’accueil de quelques véhicules et caravanes n’est en rien comparable à l’afflux de plusieurs dizaines ou même centaines de véhicules lors de grands rassemblements. Un simple schéma départemental n’est pas en mesure de répondre à cette problématique.
La proposition de loi examinée par notre assemblée en 2012 proposait une solution à laquelle nous souscrivions. Elle établissait une stricte distinction entre l’accueil temporaire, qui doit rester de la responsabilité des communes ou des EPCI, et la gestion des grands passages, qui ne peut être assurée que par l’État, sur des terrains que lui seul est en mesure de choisir et d’aménager tout en assurant la sécurité et la tranquillité tout à fait légitimes des riverains.
En conclusion, cette proposition de loi repose sur un paradoxe : elle renforce les droits tant des gens du voyage que des collectivités sans s’assurer en contrepartie que chacun ait bien conscience de ses devoirs.
En raison des déséquilibres qu’elle instaure, le groupe UDI ne la votera pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, en juillet 2012, le Conseil constitutionnel avait été saisi sur la conformité à la Constitution de la loi de 1969 relative au régime de circulation des gens du voyage par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Dès le mois de juin 2012, je le rappelle, Esther Benbassa, sénatrice du Val-de-Marne, et le groupe écologiste du Sénat avaient déposé une proposition de loi dans le but d’abroger ce texte : il était et il est d’ailleurs toujours important de faire entrer les gens du voyage dans le droit commun.
Je l’ai dit lors des explications de vote sur les motions de procédure, la loi de 1969 est depuis longtemps décriée par de nombreuses associations, des institutions et des parlementaires de tous bords politiques. Son abrogation répond à une impérieuse nécessité tant elle est contraire aux principes fondamentaux de notre démocratie. Cette loi est discriminatoire et liberticide.
Héritière de la loi de 1912 relative au contrôle des nomades, qui avait instauré des carnets anthropométriques et permis la persécution des tziganes en France pendant la Seconde guerre mondiale, la loi de 1969 oblige les gens du voyage à posséder des passeports intérieurs, comme l’a rappelé Olivier Dussopt l’a rappelé.
Ils doivent en outre posséder des titres de circulation à faire viser régulièrement par les forces de l’ordre et la loi impose des quotas de population, soit, 3 % maximum par commune.
Or, après de multiples condamnations de la France par les instances internationales et européennes de protection des droits de l’homme, le Conseil constitutionnel n’a que partiellement censuré, le 5 octobre 2012, les dispositions de la loi de 1969.
Si elle comporte quelques avancées notables, la décision du Conseil constitutionnel est donc loin de mettre un terme au régime d’exception dont les gens du voyage font l’objet. C’est seulement le carnet de circulation, imposant un contrôle très strict avec un visa trimestriel des autorités et le délit de circuler sans titre visant les plus démunis, c’est-à-dire les personnes sans ressources et les bénéficiaires du RSA, qui est déclaré anticonstitutionnel. À ce jour, les personnes considérées comme « du voyage » doivent posséder un livret de circulation.
Le Conseil constitutionnel n’avait pas non plus censuré les dispositions relatives à la commune de rattachement, qui restent en vigueur – le texte défendu par Dominique Raimbourg, de ce point de vue-là notamment, comporte une avancée.
La proposition de loi assouplit les conditions et permet aux gens du voyage d’« élire domicile » dans une association agréée par la préfecture ou un centre communal d’action sociale.
Mes chers collègues, le Conseil d’État avait estimé le 19 novembre 2014 que les dispositions des articles 10 et 12 du décret de 1970 qui sanctionnent d’une amende contraventionnelle les personnes circulant sans livret de circulation ou qui ne peuvent produire de justificatif qu’ils en possèdent un portaient une atteinte disproportionnée – au regard du but poursuivi – à l’exercice de la liberté de circulation garantie par l’article 2 du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
Le Conseil d’État a enjoint le Gouvernement d’abroger les articles 10 et 12 du décret dans un délai de deux mois soit, au plus tard, le 19 janvier 2015.
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a également épinglé le livret de circulation en 2014.
Le Gouvernement se devait donc de mettre le droit français en conformité avec l’article 2 du quatrième protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme et le législateur se devait de mettre fin au régime discriminatoire que subissent les gens du voyage, contraire au principe d’égalité.
Je remercie de ce point de vue-là M. le rapporteur pour le travail qu’il a accompli. Contrairement à ce que les orateurs de l’opposition ont prétendu, un travail assez riche a également été mené en commission, lequel a permis de faire évoluer le texte dans le sens d’un équilibre plus riche et plus fertile encore.
Mes chers collègues, cette proposition est une initiative nécessaire mais certaines dispositions appellent encore à poursuivre le débat. J’espère que le rapporteur fera preuve en séance publique de la même ouverture d’esprit qu’en commission.
Les élus locaux ayant respecté leurs obligations s’agissant des aires d’accueil pourront obtenir plus facilement du préfet l’évacuation des gens du voyage occupant un campement illicite dès lors qu’il existe, dans un rayon de 50 kilomètres, une aire d’accueil spécialement aménagée et offrant des capacités d’accueil suffisantes, et ce sans saisine du juge, sans que le stationnement soit de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique.
En somme, l’article 3 du texte qui prévoit une procédure de mise en demeure de quitter les lieux crée un nouveau cas d’expulsion sommaire.
Cet article a, à juste titre, soulevé les plus vives réserves du Défenseur des droits car ces dispositions ne semblent pas répondre aux exigences posées par l’arrêt Winterstein du 17 octobre 2013 de la Cour européenne des droits de l’homme en termes de respect du droit à la sécurité, à la vie privée et au respect du domicile. Le contrôle du juge, garant des libertés publiques, est à mon sens toujours nécessaire.
Pour ma part, j’ai demandé au nom du groupe écologiste la suppression de cet article car la mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique. La condition d’atteinte à l’ordre public doit être semble-t-il maintenue, sans exception, pour toutes les situations.
Il faut se garder de porter une atteinte excessive aux droits des personnes concernées, notamment au regard de l’intérêt supérieur des enfants tel que préconisé par l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Élargir davantage les possibilités d’expulsion ne saurait répondre aux exigences de protection des enfants, dont la scolarité risque d’être interrompue ou qui peuvent être même déscolarisés.
La question de la scolarisation des enfants du voyage est aussi capitale à mon sens. Le contrôle de l’assiduité opéré par les caisses d’allocation familiale doit d’ailleurs être amélioré et il serait souhaitable de systématiser la double inscription au Centre national d’enseignement à distance préconisée dans le rapport de Didier Quentin remis en 2011. À cet égard, je remercie M. le rapporteur d’avoir bien voulu accepter un amendement de mon groupe visant à faciliter la scolarisation.
Mes chers collègues, si des stationnements illégaux demeurent, c’est avant tout par manque d’aires d’accueil ou en raison de leur insuffisance, c’est-à-dire en raison du non-respect de la loi par une partie des autorités publiques – donc par des élus locaux –, notamment de la loi Besson du 5 juillet 2000. En effet, sur les 41 000 emplacements d’accueil prévus il y a quinze ans, seuls 30 000 ont vu le jour – en incluant les créations en cours.
C’est nettement insuffisant, et même scandaleux, et je tiens à vous dire, madame la ministre, que la situation ne changera pas sans un engagement ferme de l’État sur le plan financier. Et c’est là que le bât blesse, car je ne suis pas sûr que l’État soit aujourd’hui prêt à faire ces efforts.
Je rappelle que le groupe écologiste au Sénat avait demandé, dans sa proposition de loi déposée en juin 2012, la suppression intégrale de la loi de 1969, et je crois que la gauche, sur ce sujet, est totalement unie et totalement convergente. Aujourd’hui, la proposition de loi présentée par le groupe socialiste, républicain et citoyen et portée par Dominique Raimbourg reste une initiative importante. Mais son examen, repoussé bien après les élections départementales de mars 2015, arrive en première lecture à l’Assemblée nationale alors que la gauche n’est plus majoritaire au Sénat. J’espère que ce changement politique n’empêchera pas son adoption.
Nombreux sont ceux qui instrumentalisent – nous l’avons vu tout à l’heure – les peurs et les haines contre les gens du voyage, contre des Français dont la carte d’identité devrait suffire, et qui doivent pourtant s’adresser à la préfecture, aux services qui traitent des demandes de visa des étrangers, pour établir un livret.
Ne vous sentez pas visés, chers collègues ! J’espère que cette proposition de loi permettra d’assurer une meilleure relation entre ces Français itinérants et les pouvoirs publics. Nous devons rendre leur dignité à tous nos concitoyens : ce sera aussi une façon de regagner la nôtre, sur ce sujet très sensible.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui vise à trouver une solution globale et efficace aux difficultés sociales rencontrées par les gens du voyage en raison de leur statut, des conditions de leur accueil et des règles applicables à l’habitat.
La loi du 16 juillet 1912, encadrant l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades, avait mis en place les carnets anthropométriques d’identité. Ces carnets, sorte de passeports intérieurs pour les personnes nomades en France, permettent de justifier d’un mode de vie itinérant et consignent des éléments comme la taille, la hauteur du buste, la longueur et la largeur de la tête, des oreilles, des pieds ou des mains. Ce document était inspiré des méthodes utilisées par Alphonse Bertillon dans les années 1880 pour le fichage des criminels. Toutes les personnes qualifiées de « nomades », de « sans domicile ou résidence fixe » ou de « gens du voyage » ont l’obligation de détenir un titre de circulation, qui atteste de l’exercice d’une activité ambulante et d’un mode de vie itinérant, mais qui permet aussi de justifier d’une identité, même si ce document ne peut remplacer la carte nationale d’identité.
Par la suite, la loi du 3 janvier 1969 a prévu, pour les gens du voyage, l’attribution de livrets ou carnets de circulation, régissant le statut actuel applicable aux gens du voyage. Enfin, diverses lois ont prévu les dispositions applicables aux gens du voyage en ce qui concerne le droit au logement. Ainsi, la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ont encadré les obligations pesant sur les communes dans le cadre de l’accueil des gens du voyage.
Or la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012, concluant à la conformité à la Constitution du principe des titres de circulation attribués aux gens du voyage, sous réserve de trois dispositions jugées discriminatoires, confirme l’existence de ces documents spécifiques pour une catégorie de la population. Le Conseil constitutionnel a refusé de juger contraire à la Constitution le principe de l’existence des titres de circulation pour les gens du voyage, étant donné qu’ils permettent « l’identification et la recherche de ceux qui ne peuvent être trouvés à un domicile », sans introduire « aucune discrimination fondée sur une origine ethnique ».
En France, les termes « gens du voyage », « Roms » et « Tsiganes » sont utilisés indistinctement, alors qu’ils recouvrent des réalités différentes. Le statut de « gens du voyage » a été créé et défini par l’administration en 1969, puis par la loi de juillet 2000. Il qualifie les populations qui résident habituellement en abri mobile terrestre – caravane ou mobile-home. Elles ont la nationalité française et sont en possession d’un titre de circulation. Cette difficulté d’appréhension des notions est renforcée par le fait que d’autres pays européens utilisent le terme « Roms » pour désigner l’ensemble des populations tsiganes. Seules la France et la Belgique recourent à l’utilisation de la notion de « gens du voyage ».
La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions dispose que : « La lutte contre toutes les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation. » Ainsi, nous ne pouvons que nous féliciter des dispositions contenues dans cette proposition de loi visant à l’amélioration du statut personnel des gens du voyage. Cette catégorie administrative, très contraignante, est totalement excessive et discriminante par rapport aux règles applicables aux autres citoyens français, sédentaires, et il apparaissait urgent et nécessaire de remettre en cause ces contraintes.
De même, nous sommes satisfaits des dispositions relatives aux conditions d’inscription sur les listes électorales et du passage à six mois de rattachement pour pouvoir être inscrit sur les listes électorales. Le délai de trois ans de rattachement à la commune d’accueil paraît en effet trop long et totalement disproportionné par rapport aux conditions applicables aux autres électeurs français, à savoir un minimum de résidence de trois mois dans la commune.
Toutefois, nous sommes inquiets quant aux obligations imposées aux communes en matière d’aires de stationnement des gens du voyage. En effet, si les débats relatifs à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – la loi NOTRe – visent déjà à donner compétence obligatoire aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération en matière d’aménagement des aires d’accueil des gens du voyage, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui renforce encore les obligations des communes.
Ainsi vise-t-elle au renforcement des moyens de mise en place des aires d’accueil des gens du voyage, en conformité avec le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage. Nous nous félicitons, monsieur le rapporteur, de votre amendement tendant à établir un lien entre le schéma départemental et le plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées. Cela va dans le sens d’une plus grande cohérence des politiques locales. En outre, les pouvoirs du préfet sont renforcés pour permettre l’évacuation forcée des résidences mobiles stationnant illégalement en cas d’existence de places disponibles dans des aires d’accueil à proximité.
Cependant, nous estimons que les règles imposées aux communes et aux intercommunalités en matière d’accueil des gens du voyage sont trop contraignantes financièrement, tant en matière de fonctionnement qu’en matière de gestion – quand les services de l’État ne font pas, de surcroît, obstacle à la volonté des communes de se conformer à leurs obligations ! Les communes doivent mettre en place des zones réservées à l’accueil de ces populations, payer les dommages causés par un usage particulier des infrastructures mises à disposition, mais aussi payer les fluides de ces zones. Les frais de construction et de gestion des aires de stationnement grèvent les finances publiques locales des communes, alors même que celles-ci se trouvent dans des situations budgétaires contraintes.
Si l’on considère, comme le fait la Cour des comptes, que l’État se désengage de ses responsabilités en transférant ses obligations de construction et de gestion des aires d’accueil aux collectivités territoriales sans pour autant leur donner les fonds nécessaires pour prendre en charge cette responsabilité, il est légitime que ces collectivités locales demandent au Gouvernement que les terrains correspondant aux aires d’accueil soient intégrés au titre des logements sociaux en vertu de la loi SRU.
Monsieur le rapporteur, c’est parce que la mise en oeuvre de la législation issue de la loi Besson n’est pas satisfaisante que la proposition de loi que vous nous proposez est utile. Je dirais même qu’elle est courageuse. Vous avez essayé honnêtement d’aboutir à un texte équilibré en attribuant des droits supplémentaires aux élus locaux en cas d’occupation illégale sur des terrains. Pour autant, certaines dispositions adoptées en commission nous paraissent inopportunes. Je pense notamment au mécanisme de substitution à mettre en oeuvre en cas de fermeture temporaire d’une aire permanente d’accueil. Cela revient purement et simplement à imposer la création de deux aires quasi permanentes dans chaque commune, ce qui ajoute évidemment une contrainte supplémentaire.
Dominique Baudis, qui était alors Défenseur des droits, avait demandé aux parlementaires d’agir après que le Conseil constitutionnel, par sa décision du 5 octobre 2012, avait imposé une réécriture du texte. Vous avez, mes chers collègues, pris acte de cette invitation, malgré les divergences politiques. Même si nous estimons que les dispositions que vous souhaitez mettre en place ne satisferont pas aux besoins de l’ensemble des réclamations et des obligations pesant sur les pouvoirs publics, nous saluons les avancées contenues dans ce texte et rendons hommage à votre esprit de mesure et de conciliation, monsieur le rapporteur.
Pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera cette proposition de loi tout en veillant à ce que les discussions parlementaires en améliorent encore les dispositifs, puisqu’il s’agira notamment de respecter les équilibres entre les exigences de ce texte, l’attitude des services de l’État, les possibilités économiques et les contraintes urbanistiques des collectivités locales.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis de l’examen de cette proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, déposée par notre groupe et dont je suis signataire. Ce texte vise à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage en abrogeant purement et simplement la loi du 3 janvier 1969.
La proposition de loi dont nous débattons cet après-midi est le fruit d’importants travaux conduits depuis plus de six ans. Dès le 17 décembre 2009, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité – HALDE – avait considéré que les dispositifs contenus dans la loi de 1969 étaient contraires à la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’article 13 de celle-ci garantit en effet un droit de circuler et de stationner à toutes les personnes, indépendamment de leur identité culturelle, de leur moyen de mobilité ou de tout autre critère. Toute entrave à ces droits est considérée comme un acte de discrimination et comme une infraction. L’ancienne HALDE avait également fait remarquer, et à juste titre, que les gens du voyage peuvent circuler librement dans l’Union européenne, mais pas dans leur propre pays.
À la suite de cette décision de la HALDE et du travail collectif que le groupe socialiste avait mené sur ce sujet sous l’autorité de notre rapporteur, nous avions déposé une proposition de loi similaire à celle-ci, qui fut examinée le mercredi 26 janvier 2011 et rejetée par la majorité de droite de l’époque. La tentative de justification de ce rejet nous avait été apportée par notre collègue Didier Quentin, qui menait alors une mission sur ce sujet et qui nous avait simplement expliqué qu’il n’était pas contre la suppression des titres de circulation, mais qu’il était urgent d’attendre.
Malheureusement pour notre proposition de loi et pour les gens du voyage, nous étions dans une période peu propice, puisque le chef de l’État d’alors, devenu aujourd’hui le président du principal parti d’opposition, désignait trop souvent les minorités comme étant responsables de tous les maux de notre société. Nous étions dans une période où l’on considérait, du côté droit de cet hémicycle, qu’une bonne loi devait être régressive, répressive, stigmatisante et enfermante.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous ne sommes pas là pour assister à un procès ! Parlez-nous de votre proposition de loi !
J’y viens ! Cette époque est révolue et nous allons, avec ce texte, accorder des droits et des devoirs nouveaux aux gens du voyage, honorant ainsi une promesse de campagne.
Sur le fond, j’avais mis en garde le gouvernement Fillon il y a quatre ans de cela : je lui avais dit que si les dispositions de la loi de 1969 devaient être déférées devant le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, il était quasiment certain que la censure serait prononcée par les sages pour non-respect du principe de liberté. Et les faits m’ont donné raison, puisque la plus haute juridiction de notre pays a abrogé certaines dispositions de la loi de 1969 en supprimant le carnet de circulation et en rétablissant le droit de vote dans les règles du droit commun.
Comme notre rapporteur l’a indiqué, cette proposition de loi comporte deux volets, l’un visant à réintégrer les gens du voyage dans le droit commun de la République, l’autre fixant de manière équilibrée les droits et les devoirs de tout un chacun. Avant la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012, les gens du voyage n’obtenaient le droit de vote qu’après trois ans de rattachement à une commune. Le Conseil a censuré cette disposition et rétabli le droit de vote dans les règles du droit commun : un rattachement depuis six mois est désormais suffisant pour obtenir ce droit fondamental.
Concernant les mesures prévues pour permettre une pleine et entière application des deux lois Besson de 1990 et 2000, des inquiétudes ont été soulevées, en particulier sur le financement des aires d’accueil prévu dans le schéma départemental. C’est pourquoi Olivier Dussopt, rapporteur du projet de loi NOTRe, a déposé un amendement d’appel qui vise à permettre aux crédits de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, d’être attribués par le préfet, sous forme de subvention pour le financement de ce schéma. Madame la ministre, vous pourrez peut-être nous préciser tout à l’heure les engagements financiers que vous comptez prendre pour aider les collectivités à financer ces schémas.
Pour conclure, notre assemblée est honorée de procéder au rétablissement des gens du voyage dans leur pleine citoyenneté, à égalité de droits et de devoirs. N’attendons pas plus longtemps ! Je vous invite à adopter cette proposition de loi, que nous allons améliorer, pour rendre à nos concitoyens leur honneur et leur dignité, et faire en sorte que tous soient égaux devant la loi, selon les grands principes de notre République.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi – je vous cite : « sera un pas important vers la reconnaissance des gens du voyage comme des Français à part entière ».
Nous pensons, nous, que la citoyenneté française confère des droits, certes, mais qu’elle impose aussi des devoirs. C’est sur les devoirs des gens du voyage que je souhaite insister.
Le premier devoir des gens du voyage, comme pour tout Français, réside dans le respect de la loi républicaine. Respecter la tranquillité d’autrui, la salubrité, la propriété – qu’elle soit publique ou privée. Respecter en particulier l’obligation qui est faite aux gens du voyage de stationner uniquement sur les terrains qui sont aménagés spécialement pour eux.
Trop souvent, ce n’est pas le cas. Dans ma circonscription, la communauté de communes de la Plaine de l’Ain a aménagé trois aires d’accueil pour les petits groupes et un terrain pour les grands passages. Les gens du voyage qui s’arrêtent chez nous ont donc l’obligation de les utiliser, en payant la redevance modeste qui est demandée.
Or, vendredi 29 mai, à Ambutrix, village gaulois de 750 habitants, le terrain de foot municipal et une parcelle agricole attenante ont été envahis par 130 caravanes. Les gens du voyage sont restés dix jours en refusant d’utiliser le terrain de grand passage tout proche, d’une capacité de 150 caravanes, dont l’entretien coûte 100 000 euros par an à la communauté de communes.
Et lorsqu’ils sont partis, dimanche après-midi, ils ont derechef occupé illégalement un terrain appartenant au syndicat mixte du parc industriel de la Plaine de l’Ain, à 5 kilomètres !
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je pourrais multiplier les exemples. Ils abondent sur la Plaine de l’Ain et la Côtière, en allant vers Lyon. Cette situation est intolérable. Les élus communaux et intercommunaux n’en peuvent plus et m’ont demandé de vous le faire savoir. Et la population est exaspérée.
Malheureusement, votre texte va rendre encore plus difficile à mettre en oeuvre, et donc inefficace, la procédure d’évacuation forcée prévue à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000.
Les députés républicains veulent au contraire simplifier cette procédure et la renforcer. Renforcer est bien le terme, car force doit toujours rester à la loi. Nous avons déposé de nombreux amendements à cet effet et nous vous demandons, mesdames, messieurs les députés de gauche, de les examiner sans parti pris.
Plus généralement, madame la ministre, permettez-moi d’émettre un voeu en direction du Gouvernement. Je souhaite que l’État prenne l’entière responsabilité des grands passages. Les élus locaux, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont démontré leur volonté et leur capacité à gérer les petits groupes. Mais lorsque plusieurs centaines de caravanes circulent et stationnent ensemble, entre Nancy et Les Saintes-Maries-de-la-Mer, comment voulez-vous que les maires ou les présidents de communautés de communes sur l’itinéraire puissent faire face ?
C’est à l’État de gérer de bout en bout ces grands passages. C’est à lui aussi que devraient incomber la désignation, l’aménagement et la gestion des terrains de grand passage. Ainsi, serait réalisé un équilibre entre les missions des collectivités territoriales et celles de l’État, de même qu’il doit y avoir un équilibre, nous l’avons dit et nous sommes tous d’accord là-dessus, entre les droits et les devoirs des gens du voyage.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il faut prendre des mesures fortes pour que la situation ne dégénère pas. Nous vous faisons des propositions. Sachez les entendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici face à un texte important, porteur de valeurs, un texte historique puisqu’il met un terme à des décennies, voire des siècles, de discriminations à l’égard des gens du voyage.
En relais de textes précédents, également discriminatoires, la loi du 3 janvier 1969 a confirmé la stigmatisation de nos compatriotes nomades, les reléguant à un statut de citoyens de seconde zone. Les voyageurs sont humiliés et mis à l’écart du reste de la population française. Leur accès à une place juste et égale dans notre société est entravé. Nous ne pouvons tolérer plus longtemps que des citoyens français soient marginalisés, exclus, mis en retrait de notre République en raison d’un mode de vie que certains considèrent comme singulier.
Cette proposition de loi est le fruit d’un long travail, et du combat de notre groupe politique depuis plusieurs années. Par ce texte, nous balayons une injustice et nous répondons à un voeu très légitime des gens du voyage, à qui nous redonnons espoir et confiance dans la communauté nationale.
À de trop nombreuses reprises, leurs aspirations naturelles à un traitement égalitaire ont été déçues. Le monde du voyage attend beaucoup des législateurs que nous sommes. Dans une perspective d’égalité républicaine et de liberté – valeurs qui nous sont communes et qui sont précieuses –, l’abrogation de la loi de 1969 constitue une avancée prioritaire. Nous pourrons collectivement être fiers d’avoir éliminé ces mesures discriminatoires qui pèsent lourdement sur nos concitoyens itinérants.
Je formule le voeu que nos débats se déroulent dans un climat de dignité et d’apaisement, à l’écart de tous propos haineux et populistes, à l’écart des amalgames et des fantasmes véhiculés par certains responsables à des fins politiciennes, sans respect des valeurs d’humanisme, de justice et d’égalité. Notre devoir commun est de réconcilier les Français et de dénoncer les idées fausses qui circulent au sujet des gens du voyage.
Des progrès ont déjà été réalisés. La décision du Conseil constitutionnel a consacré quelques avancées notables par la censure opportune de plusieurs articles de la loi de 1969, en rappelant la stigmatisation injuste dont sont victimes les voyageurs. Cette décision doit aujourd’hui être complétée. La discrimination entre Français perdure dans l’indifférence quasi générale depuis la loi du 16 juillet 1912 sur les nomades.
Les livrets de circulation sont toujours obligatoires et le problème de la commune de rattachement demeure, perpétuant l’idée d’une différence entre Français sédentaires et Français nomades. Nos compatriotes itinérants continuent d’être discriminés jusque dans l’exercice de leurs droits civiques. Le droit de vote, droit fondamental de tout citoyen français majeur, est bafoué par l’obligation de rattachement à une commune pendant plus de trois ans et l’application d’un quota de 3 % par commune. Les gens du voyage se voient refuser constamment un accès à la pleine citoyenneté à cause de leur culture, de leurs traditions et d’un mode de vie minoritaire. Ce régime ne fait qu’accentuer leur marginalisation et encourage la population française à les mettre à l’écart.
La représentation qu’ont les Français sédentaires du monde du voyage doit être améliorée. Cela passe en particulier par la construction de toutes les aires d’accueil prévues par la loi dans les communes de plus de 5 000 habitants. Guère plus de la moitié a été réalisée, c’est inacceptable.
Nous ne pouvons être intransigeants avec le stationnement sauvage, qui contribue à véhiculer une image erronée des gens du voyage, si les communes ne respectent pas leurs engagements.
Ce texte n’a pas vocation à être une loi mémorielle, mais les débats parlementaires de ce jour contribueront à lever le voile sur toutes les injustices dont ont été victimes nos compatriotes nomades dans l’histoire, en particulier lors de la Seconde guerre mondiale, période durant laquelle ils ont été internés et exterminés par le régime nazi. Plus d’un an après la fin de la guerre, nombre de voyageurs français étaient encore internés dans des camps.
La sérénité de nos débats ne doit pas être entravée par des amalgames inappropriés. Certains voudraient que la situation des Roms soit englobée dans cette proposition de loi. Ce serait encore une fois mélanger des situations incomparables. Bien entendu, les Roms ont le droit au respect de leur condition humaine et à un traitement digne. Je ne remets évidemment pas en doute ce droit inaliénable, auquel chaque être humain peut naturellement prétendre. La France s’honore de faire respecter cet humanisme.
Toutefois, il est parfaitement absurde de vouloir, par un même texte, traiter de deux situations aussi différentes. Les Roms ne posent pas les mêmes questions que les gens du voyage. De plus, n’étant pas de nationalité française, ils n’appartiennent pas à la même catégorie administrative. Les intégrer dans ce texte reviendrait à cautionner les amalgames réalisés par la loi de 1912.
La France doit être fière d’avoir dans sa communauté nationale la composante des voyageurs qui, par leur culture, enrichissent le patrimoine de notre pays.
Les Français itinérants sont constitutifs de notre identité au même titre que les Français sédentaires. Il est temps que nous leur témoignions notre reconnaissance en leur donnant la place qui leur revient de droit dans République française, c’est-à-dire celle de citoyens à part entière. Nous avons aujourd’hui l’occasion, maintes fois repoussée, de franchir un pas vers plus d’égalité et de dignité pour nos concitoyens itinérants, de pacifier notre société et de rejeter l’exclusion.
Cet équilibre entre droits et devoirs des gens du voyage, de même que l’équilibre entre nomades, populations sédentaires et collectivités locales, ne pourra être effectif que si nous parvenons à élever nos débats au-dessus des dérapages verbaux et populistes qui gangrènent trop souvent les discours politiques autour de cette question. Foin de toute discrimination, vive l’humanisme et l’égalité des droits entre tous les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je voudrai d’abord saluer le rapporteur, dont je connais le travail et l’écoute, et je suis sûr que les propos que je vais tenir vont l’amener à considérer ce soir quelques amendements que je vais défendre avec mes collègues cosignataires.
Dans ce domaine, les socialistes sont croyants, mais pas pratiquants.
Dans la commune de Tourcoing que j’ai eu l’honneur de remporter aux dernières élections municipales, cela faisait vingt-cinq ans que le député-maire socialiste votait des lois Besson sans jamais les appliquer, ni dans sa circonscription ni dans sa commune qui compte pourtant 100 000 habitants. Il ne faut pas aujourd’hui s’étonner que lorsque les actes s’éloignent des discours, la population ne suive pas très bien.
Me voilà donc maire de Tourcoing, par ailleurs député d’une circonscription – cela a son intérêt, monsieur le rapporteur, madame la ministre – devant ce texte très important, je l’imagine bien, mais aussi devant les difficultés de nos concitoyens. Mon territoire, à commencer par ma ville, doit en effet se mettre en conformité avec l’exigence de mise à disposition d’une aire pour les gens du voyage. En tant que républicain, je me mettrai évidemment en conformité avec cette disposition.
Très bien, certes, mais si votre collègue l’avait fait depuis vingt-cinq ans, nous n’en serions pas là aujourd’hui !
Monsieur le rapporteur, j’ai déposé trois amendements qui me semblent équilibrés, dont deux principaux. Le premier concerne une problématique soulevée par les élus de ma circonscription, une circonscription périurbaine située entre la frontière belge et la métropole lilloise, et qui comprend la ville de Tourcoing, de 93 000 habitants.
Dans ma circonscription, des communes sont en contravention avec les dispositions de la loi SRU – c’était le cas avec le seuil de 20 %, c’est encore plus vrai avec le seuil de 25 % depuis la loi Duflot – et doivent construire des logements sociaux. Quoi qu’ils pensent de ce texte de loi, les maires républicains essaient de l’appliquer. Mais ces communes doivent également appliquer la loi Besson sur les aires d’accueil pour les gens du voyage.
Nous avons un schéma départemental des gens du voyage, et une répartition sur le territoire. Ce territoire tourquennois, notamment les communes de Neuville-en-Ferrain, de Mouvaux, d’Halluin ou de Roncq doivent prévoir ces aires d’accueil pour les gens du voyage.
Mais prenons l’exemple de la commune de Neuville-en-Ferrain, qui n’a plus de foncier pour construire des logements sociaux. Lorsqu’elle en récupère un petit peu, à force de grignoter notamment les terres agricoles, elle annonce au préfet qu’elle va construire des logements sociaux, mais il lui répond que la commune n’est pas en conformité avec l’obligation d’avoir une aire d’accueil des gens du voyage. Alors la commune décide de construire une aire d’accueil des gens du voyage. On lui répond alors qu’elle n’est pas en conformité avec la loi SRU. Ainsi, la ville de Neuville-en-Ferrain – et sa maire très courageuse, comme ses prédécesseurs – doit payer des amendes à la fois pour non-respect de la loi SRU et pour l’absence d’aire d’accueil des gens du voyage, alors qu’elle a très peu de foncier pour construire.
C’est pourquoi je proposerai un amendement concernant uniquement les villes dépourvues de foncier disponible mais manifestant un intérêt, intérêt qu’un sous-amendement pourrait charger le préfet de vérifier. Afin que l’aire d’accueil des gens du voyage ne concurrence pas les logements sociaux, elle pourrait être prise en compte dans le pourcentage de logements sociaux au sens de la loi SRU ou inversement, selon l’amendement de repli que je proposerai tout à l’heure.
Quant à la ville de Tourcoing, elle connaît, comme d’autres villes en France, des difficultés sociales très fortes, particulièrement mises en lumière ces derniers jours. Il se trouve que les gens du voyage viennent s’y installer en toute illégalité – même si le maire que je suis n’est guère fondé à demander leur expulsion, dans la mesure où nous ne sommes pas en conformité avec la loi…
Le quartier de la Bourgogne, le plus sensible de la ville, compte déjà 88 % de logements sociaux. Mes prédécesseurs avaient imaginé y organiser l’accueil des gens du voyage afin de se mettre en conformité avec la loi Besson. Il ne me semble pas très sérieux de cumuler les difficultés. Je respecte pleinement le choix de vie des gens du voyage dans le respect des lois de la République, mais il est permis de penser que certaines difficultés sont susceptibles de naître s’ils s’implantent près des logements sociaux qui rassemblent eux-mêmes de grandes difficultés sociales. Je proposerai donc par amendement d’exempter les villes relevant de la dotation de solidarité urbaine ou connaissant des difficultés sociales très importantes. Peut-être proposerez-vous par amendement qu’elles le soient temporairement, monsieur le rapporteur ! Ainsi, nous nous préoccuperons au moins de la population qui est déjà installée sur le territoire et qui est en très grande difficulté.
Par ailleurs, peut-être d’autres communes à la politique publique particulièrement efficace, dont les difficultés budgétaires, l’endettement, la politique sociale ne sont pas les mêmes, pourraient-elles accueillir une aire d’accueil des gens du voyage ? Ainsi, dans ma circonscription, la ville de Bondues, réputée riche et très à droite – Nicolas Sarkozy y obtint 82 % des voix – a construit, elle, une aire d’accueil des gens du voyage et même une aire de grand passage. Il est tout de même étonnant qu’une municipalité socialiste, en vingt-cinq ans, ne se soit pas mise en conformité avec la loi Besson alors qu’un maire de droite depuis toujours a construit une aire de grand passage à Bondues !
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, entre républicains, de bien vouloir prêter attention aux amendements d’un simple député qui se fait le porte-voix des élus de son territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Qu’on les appelle gitans, manouches ou parfois bohémiens, les gens du voyage cheminent sur les routes de France depuis fort longtemps. Pour autant, même si ces groupes font partie de notre paysage, car la France abrite l’une des plus importantes communautés de gens du voyage, leur mode de vie intrigue encore bien souvent. Dans nos communes, le stationnement de ces familles est parfois complexe. Si de nombreux groupes sont aujourd’hui sédentaires ou presque, il subsiste des familles pour lesquelles le voyage demeure quotidien. Il faut donc prévoir des aires de stationnement décentes susceptibles d’accueillir une famille ou un groupe pour quelques jours. Il faut aussi de plus en plus prévoir l’accueil de grands rassemblements comptant parfois plusieurs centaines et plus rarement quelques milliers de caravanes, ce qui constitue un véritable défi pour nos collectivités et pour l’État.
La France dispose pourtant, depuis la promulgation de loi Besson du 5 juillet 2000, d’un cadre juridique en matière de stationnement des gens du voyage. Un schéma départemental d’accueil des gens du voyage doit être mis en place et les communes de plus de 5 000 habitants doivent obligatoirement y être intégrées. En outre, des emplacements temporaires doivent être prévus pour les rassemblements importants.
Après quinze années de mise en oeuvre et la constitution d’un fonds spécial destiné aux communes jusqu’en 2008, force est pourtant de constater que cette loi, bien souvent, est encore insuffisamment appliquée. D’autres constats doivent également être dressés, et d’abord celui de la marginalisation des gens du voyage, marginalisation qu’il faut combattre en préservant leur liberté de se déplacer et en les réintégrant dans le droit commun de la République grâce notamment à un droit au logement décent et à un droit à la propriété, faute de quoi les tensions persisteront. Un deuxième constat est celui des campements illicites qui sont difficiles à faire évacuer dans les communes ou EPCI ayant consenti beaucoup d’efforts pour aménager des aires d’accueil.
Face à ces constats multiples, il fallait apporter des réponses équilibrées, modernes et respectueuses de chacun dans la continuité de la loi Besson. À cette fin, notre groupe a déposé une proposition de loi à l’initiative de Dominique Raimbourg.
Elle vise, sans méconnaître les contraintes des communes et des EPCI, à ce que chacun, voyageur ou sédentaire, trouve pleinement sa place dans notre société. Bien sûr, elle ne prétend pas résoudre tous les problèmes qui se posent. Ainsi, elle n’évoque pas l’accès à la santé des familles. Elle constitue néanmoins un pas décisif pour améliorer les conditions d’accueil des voyageurs et donc leurs relations parfois difficiles avec les habitants des communes dans lesquelles ils s’installent pour quelques jours ou quelques semaines. Elle est équilibrée car elle fixe clairement les droits et devoirs de chacun, ce qui est la condition d’une intégration parfaite au sein de la communauté nationale des voyageurs et des sédentaires. Elle reconnaît le droit constitutionnel des voyageurs d’aller et venir, dont découle celui de bénéficier d’aires d’accueil dignes – car il faut en finir avec les terrains d’accueil tout près des stations d’épuration et des déchetteries et très éloignés des équipements et services publics.
Quant aux collectivités qui ne respectent pas la loi, elles doivent y être contraintes, notamment par le renforcement des prérogatives du préfet en matière de mise en place des aires d’accueil. Notre rapporteur rappelait tout à l’heure que les tribunaux administratifs condamnent de plus en plus les communes et font injonction aux préfets de se substituer. Mais il faut aussi que celles qui ont mis en place des aires d’accueil, qui respectent donc la loi Besson, puissent faire valoir leurs droits plus efficacement en cas d’occupation illicite d’une partie de leur territoire.
La proposition de loi est également respectueuse des situations vécues par chacun. Elle définit en effet, à l’initiative du rapporteur dont je salue ici le travail, un habitat des aires du voyage et prescrit aux politiques et aux schémas d’habitat et d’urbanisme de le prendre en compte. En outre, la commission des lois a prévu des dispositions permettant la mise en place, dans le cadre du schéma, de terrains familiaux constituant pour certaines familles un premier pas vers une installation sédentaire ou semi-sédentaire dans des communes.
Enfin, elle est respectueuse des communes et EPCI qui remplissent leurs obligations, car l’article 3 bis introduit par le rapporteur assouplit les conditions de mise en demeure et d’évacuation forcée des résidences mobiles en stationnement illicite fixées par la loi Besson. Il s’agit de mesures importantes pour les communes et les EPCI. Le texte rappelle que la mise en demeure du préfet s’applique toujours si une même caravane procède à un nouveau stationnement illicite dans un délai de sept jours en violation du même arrêté municipal ou intercommunal d’interdiction de stationnement et porte atteinte à l’ordre public. Un autre assouplissement limite à 48 heures le délai laissé au tribunal administratif pour statuer sur un recours contre une mise en demeure. Un autre enfin autorise le propriétaire d’un terrain affecté à une activité économique dans une commune non inscrite au schéma départemental à demander au préfet de mettre en demeure les occupants d’un campement illicite.
Si tous les problèmes ne sont pas réglés ni évoqués par le texte, convenons tout de même que les dispositions proposées ici en réponse à des constats récurrents constituent un pas essentiel vers une plus grande reconnaissance mutuelle. C’est donc avec la conviction que nous faisons ce soir oeuvre utile que je soutiens ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Dimanche dernier, quatre-vingts habitants et élus de la petite commune de Mareil-sur-Mauldre, située dans ma circonscription, se sont opposés à l’installation sur place de 300 caravanes. Ils ont bloqué les trains en s’allongeant sur les voies ainsi que la départementale traversant le village. Les incidents se multiplient et sont de plus en plus graves. Vous avez raison de vouloir faire évoluer les choses, monsieur le rapporteur, mais vous le faites une fois de plus en imposant des contraintes et des responsabilités aux collectivités locales qui n’en peuvent plus des obligations et des charges que ce gouvernement leur fait assumer sans compensation.
Une fois de plus, vos propositions ignorent la réalité et sont promises à l’échec, je le crains. Quelle est la situation ? Les aires d’accueil ne sont pas assez nombreuses et ne remplissent pas le rôle qu’on leur avait attribué. Elles sont souvent privatisées par un groupe alors qu’une rotation devrait être assurée. Ainsi, on s’installe pour l’hiver mais on fait garder sa place pendant les grandes migrations d’été. Nous avons en quelque sorte offert aux frais des collectivités et des contribuables une possibilité de résidentialisation aux gens du voyage alors que les autres Français peinent à se loger ou y consacrent des efforts souvent insupportables.
Les aires d’accueil n’assurent pas, compte tenu de leur mode d’occupation et de leur capacité, la rotation des groupes en itinérance qui est leur vocation. Telle est la réalité, monsieur le rapporteur ! Vous êtes pourtant prêt à aller, sans en tirer les conséquences, jusqu’à la consignation de fonds intercommunaux destinés aux collectivités récalcitrantes aux obligations légales d’aires d’accueil mêmes si celles-ci sont inefficaces ou dévoyées !
Les aires d’accueil ne peuvent pas non plus recevoir les groupes intermédiaires, qui comptent plus d’une cinquantaine de caravanes, souvent en route vers les grands rassemblements. Ces groupes posent problème en envahissant des terrains publics ou privés, y compris dans les plus petits villages. La proposition de loi laissera le problème entier car ces regroupements de taille intermédiaire ne relèvent ni des aires d’accueil, ni des aires de grand passage.
Ma petite commune, qui n’est pas soumise aux obligations d’accueil, accueille chaque année pendant deux à trois semaines une communauté d’une cinquantaine de caravanes sur la base d’une convention fixant les modalités d’occupation du terrain et de couverture des charges. Cette communauté revient chaque année, ce qui consolide la confiance et l’acceptabilité. Mais cette attitude accueillante ne doit pas faire figurer ma commune dans le guide du routard des gens du voyage ! Plutôt que de contraindre, proposez donc un système incitatif qui amènerait la grande majorité des communes à accepter une fois par an une communauté dans les conditions que je viens de décrire en bénéficiant alors de la garantie que tout envahissement supplémentaire au cours de l’année donnerait lieu à une expulsion systématique.
Au bout de l’itinérance, il y a les grands rassemblements de 400, 500, 600 caravanes, voire plus, sur les aires de grand passage que l’on demande aux collectivités d’organiser et de gérer. Mais dans un département comme le mien, dont le schéma départemental prévoit deux aires de grand passage, il n’est pas rare de compter simultanément cinq à six rassemblements de cette taille ! La gestion de ces grands rassemblements, de leurs enchaînements et de leur superposition, ne peut dépendre des communes et des départements. Il appartient à l’État de fournir les terrains nécessaires aux aires de grand passage, de les équiper, d’assurer la gestion des grands rassemblements : déclaration préalable des itinéraires, négociation de l’optimisation des déplacements sur les aires de grand passage, gestion des files d’attente…
Enfin, vous souhaitez la sédentarisation partielle des familles par la mise à disposition dans les plans locaux d’urbanisme de zones dédiées à l’habitat démontable ou mobile et de terrains familiaux locatifs dont l’équipement en réseaux est à la charge de la collectivité. Cela ne résoudra évidemment pas les problèmes causés par l’itinérance et les regroupements saisonniers, mode de vie que par ailleurs je ne conteste pas. Une fois de plus, vous aurez placé les élus locaux en porte-à-faux vis-à-vis de leurs habitants sédentaires à qui l’on oppose chaque jour les règles tatillonnes de l’urbanisme.
La proposition de loi ne réglera pas vraiment les problèmes. Elle n’apaisera pas les tensions mais les amplifiera. Elle aggravera le ras-le-bol des élus locaux et le sentiment d’injustice, de « deux poids deux mesures » qui radicalise nos habitants et mène au vote que nous connaissons parfois, ce que je regrette profondément. Je voterai donc contre cette proposition de loi en l’état.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le sujet dont nous sommes amenés à discuter aujourd’hui ne fait pas complètement consensus, comme en témoigne la question posée par le député du parti « radical conservateur », dirais-je, Yannick Moreau, lors des questions au Gouvernement. Il doit néanmoins être traité afin que notre société puisse espérer connaître un contexte de pacification républicaine.
Monsieur Darmanin, vous avez donné un exemple et vous l’avez généralisé.
Je ne suis pas sûr que telle soit véritablement la situation vécue par nos compatriotes. La situation actuelle voit s’opposer les gens du voyage, certes de moins en moins mobiles, qui sont à la recherche d’un terrain et la population locale qui craint des installations sauvages. Elle ne doit plus perdurer, nous en sommes tous d’accord.
La proposition de loi offre l’occasion d’apaiser les relations entre ceux qui ont fait le choix d’être nomades et ceux qui sont sédentaires. Elle parvient à l’équilibre du vivre ensemble qui est l’absolue nécessité de toute société juste et fraternelle. Par son esprit, elle contraste avec certaines propositions de loi émanant des bancs de l’opposition et qui menaient à l’amalgame, au durcissement des sanctions, voire au désengagement des collectivités. Cela ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons de la République : « sans respect des droits il n’y a pas de grand peuple », disait Tocqueville.
C’est pourquoi il est nécessaire de faire des gens du voyage des citoyens de plein droit dont le mode de vie est pris en considération dans le cadre du droit commun. Rappelons, au-delà des discours tendant à marginaliser, qu’il n’existe qu’une seule catégorie de gens en France, celle des citoyens, qui naissent libres et égaux en droit, sédentaires ou non. Aucun ne doit être victime de discrimination.
Nous sommes amenés à légiférer sur ce sujet car la loi du 3 janvier 1969, héritière de celle de 1912, est issue d’une démarche de méfiance et de contrôle des gens du voyage qui a été remise en cause par la question prioritaire de constitutionnalité du 5 octobre 2012.
Cet héritage doit être abrogé. Il ne correspond pas aux valeurs d’égalité et de vivre ensemble que nous souhaitons promouvoir. L’action de rattachement à une commune et les conséquences qu’impliquait cette loi étaient inacceptables. Le législateur doit donc s’engager sur la voie ouverte par le Conseil constitutionnel.
À notre tour, chers collègues, supprimons le délai de trois ans ininterrompus et le seuil de 3 % de la population de la commune de rattachement pour que les gens du voyage puissent être inscrits sur les listes électorales et bénéficier des droits du citoyen.
La loi Besson du 5 juillet 2000 avait formé un premier équilibre sous tension entre les droits et les devoirs touchant aux gens du voyage. L’obligation d’accueil des communes a longtemps été non organisée et insatisfaisante. Sa mise en oeuvre se heurte à leur inertie et aux nouvelles tensions liées à chaque grand passage au retour des beaux jours.
Quinze ans après la loi Besson, 64,8 % des aires et 48,8 % des aires de grands passages ont été construites. Toutefois, il faut noter de grandes disparités régionales : 75 % de ces aires sont construites dans l’Ouest et le Centre, alors que ce taux est très faible en Île-de-France, en région PACA ou dans le Languedoc-Roussillon.
Il est donc nécessaire que la réalisation des aires d’accueil se fasse dans de bonnes conditions. Il faut renforcer les prérogatives du préfet à ce propos et transférer aux communautés de communes ou d’agglomération la compétence pour leur réalisation et leur fonctionnement.
Pour autant, l’intervention du préfet ne devra être que l’ultime recours pour assurer le respect de la loi et donc l’intérêt général, parfois mis à mal par des pressions de toute nature. Ces dernières font appel à des logiques d’exclusion souvent exprimées de manière voilée par tous, toutes tendances politiques confondues – et sur ce point, je rejoins M. Darmanin : nous sommes tous pour de nouvelles aires d’accueils, mais pas chez nous !
Vous avez évoqué, madame Genevard, une éventuelle colère des élus, ainsi que des difficultés dans l’accueil. À cela, je répondrai qu’il y a des difficultés lorsque rien n’est prévu. Elles sont générées par l’absence de réponses concrètes sur le terrain. Le courage de cette proposition de loi, c’est de vouloir faire avancer cette question et de ne plus attendre. Dans la logique d’équilibre et de recherche du vivre ensemble qui guident ses auteurs – et je salue à cet égard le rapporteur Dominique Raimbourg, véritable artisan de cette proposition de loi – les communes ayant rempli leurs obligations en matière d’accueil doivent, en contrepartie, être dotées de moyens légaux pour mettre fin à l’occupation illégale des terrains.
Prendre en compte les évolutions du mode de vie des gens du voyage, améliorer le dispositif d’évacuation des campements illicites tout en facilitant sa mise en oeuvre : tels sont les enjeux que cette proposition de loi s’efforce d’approfondir pour l’avenir.
Dans cette optique, la République et ses valeurs doivent plus que jamais nous inspirer. Les gens du voyage sont libres de choisir un mode de vie nomade. Ces citoyens, avec des droits et des devoirs, ne doivent plus être tolérés : tolérer, c’est offenser, c’est marginaliser, c’est discriminer. Ils doivent être respectés, considérés, et intégrés !
Ainsi, avec la modification équilibrée de cette législation, nous permettons aux gens du voyage d’être des citoyens à part entière et non des gens entièrement à part.
Je ferai trois brèves observations tenant lieu de mise au point. Premièrement, aucune nouvelle charge n’est imposée aux communes. Ces charges existent depuis la loi Besson et n’ont pas été remises en cause depuis, par aucun gouvernement ni aucune majorité. Le texte ne fait que rappeler l’obligation de créer des aires d’accueil.
Deuxièmement, contrairement à ce qui été dit, j’ai procédé à l’ensemble des auditions nécessaires. L’association des maires de France ainsi que l’association des communautés urbaines de France ont été reçues, et toutes les associations d’élus ont été invitées. Les associations représentant les gens du voyage ont également été auditionnées. Je tiens à remercier tous ceux qui ont voulu ou pu participer à ces auditions, dans des délais il est vrai relativement courts. Par ailleurs, d’autres auditions avaient eu lieu antérieurement : cette loi a été préparée de longue date.
Troisièmement, on reproche à l’État de faire peser sur les communes un certain nombre d’obligations, mais je vous rappelle qu’il a offert de rouvrir la discussion sur la prise en charge par l’État d’une partie de l’installation. C’est une opportunité qui était inespérée et qui doit être saisie.
Pour le reste, la proposition de loi ne prétend pas faire des miracles. Elle résulte d’un long travail de pacification. J’ai entendu les témoignages des uns et des autres et je sais qu’il est parfois difficile d’être confronté à une installation sauvage, mais l’objectif de notre travail est précisément de faire en sorte que cela arrive moins souvent.
Je souhaite réagir à l’intervention de Hugues Fourage. Depuis le début de notre débat, les orateurs qui se sont succédé ont tous fait preuve de respect à l’égard de leurs collègues et de leur appartenance à leurs groupes politiques respectifs. Mais M. Fourage m’a qualifié de député radical conservateur. Je demande que, conformément aux décisions de la conférence des présidents, notre appartenance au groupe Les Républicains soit respectée.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à Mme Catherine Vautrin.
Nous sommes tous d’accord pour dire que chacun dans notre pays a le droit de choisir son mode de vie, mais ce droit s’accompagne du devoir de respecter le droit de propriété, qui a valeur constitutionnelle.
Nombreux sont les maires et présidents d’EPCI qui sont confrontés au quotidien au problème du non-respect du droit de propriété. Nous sommes là pour agir en élus responsables et donc cesser de faire de l’angélisme. Pour ma part, je suis l’élue d’une agglomération qui respecte la loi et qui dispose d’une aire d’accueil, qui n’est pas complètement occupée. Or chaque semaine, nous rencontrons des problèmes avec des gens du voyage qui refusent ostensiblement de s’installer sur cette aire d’accueil.
Dans la présente proposition de loi, on demande une fois de plus aux collectivités locales d’avancer. On pointe celles qui n’ont pas réalisé d’aire. Mais rien n’est prévu pour celles qui doivent assumer les conséquences des installations illicites ! Très souvent, les installations sauvages provoquent d’importants dégâts. Lorsqu’un propriétaire dépense 50 000 euros pour remettre en état l’ensemble de son local qui a été détruit, personne n’est là pour l’accompagner, pas plus que pour aider les collectivités qui voient d’anciens sites industriels totalement dévastés.
Très souvent, la situation résulte du fait que l’État qui a été appelé pour faire évacuer l’installation illégale a été très lent à intervenir. C’est tout le sens de mon amendement no 25 qui vise à permettre aux collectivités, notamment les communes, de faire appliquer et exécuter encore plus rapidement les mises en demeure applicables pendant sept jours à compter de la notification. Le laisser-aller génère des dégâts, et ces derniers sont à la charge des contribuables.
Je me réjouis de la présence de cet article 1er et remercie Dominique Raimbourg d’avoir porté cette proposition de loi. En 2011, alors que nous étions dans l’opposition, nous avions préparé une autre proposition de loi sur le sujet et avions réfléchi aux modifications qu’il fallait apporter à la loi de 1969. La conclusion avait été qu’il n’y avait qu’une seule modification à apporter : son abrogation.
En abrogeant cette loi, on replace les gens du voyage dans le droit commun. Ils deviennent des citoyens français à part entière. Une carte d’identité suffit à prouver leur identité. Cette proposition de loi répond aux critiques émanant de toutes les commissions relatives aux droits de l’homme, la commission nationale mais aussi le Comité des droits de l’homme de l’ONU ou le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. On arrive enfin – il aura fallu du temps – à faire des gens du voyage des citoyens à part entière, disposant des mêmes droits que les citoyens français.
Cette proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage donne suite à une promesse du parti socialiste et vient mettre à mal un équilibre difficilement trouvé sur un sujet extrêmement sensible.
L’article 1er supprime le livret de circulation. Le rapporteur et les associations en ont fait un document discriminatoire alors que le Conseil constitutionnel l’a validé en 2012, ne l’estimant pas contraire au principe d’égalité et à la liberté d’aller et venir.
L’article 1er supprime aussi l’obligation faite aux gens du voyage de choisir une commune de rattachement, prétendument pour mettre fin à une discrimination. Vous attribuez aux gens du voyage le bénéfice du régime du droit à la domiciliation mis en place au profit des personnes sans domicile stable. Je ne suis pas persuadé que cela soit la meilleure réponse à apporter.
Si l’on peut regretter que toutes les aires d’accueil prévues ne soient pas effectives, fallait-il recourir aux moyens que ce texte octroie au préfet ? Je ne le pense pas non plus. Ce texte force la main aux élus locaux, qui rencontrent déjà beaucoup de difficultés sur le terrain : difficultés liées à l’hostilité des habitants, qui ne sont pas favorables à l’implantation d’aires d’accueil – on peut y être favorable sur le principe, mais personne n’en veut à proximité de son domicile, c’est une réalité ! – et difficultés financières aussi, compte tenu des baisses de dotation que le Gouvernement fait subir aux collectivités : avec quels moyens réaliser ces aires ?
Ce texte est une mauvaise réponse à un vrai problème. Il sera source de nouvelles inquiétudes pour les élus locaux qui n’en ont pourtant guère besoin. De nombreux nouveaux maires de ma circonscription sont préoccupés par la question des gens du voyage. C’est le sujet qui vient en premier dans leurs préoccupations à l’issue de quelques mois de mandat.
Ce texte ne répond pas non plus à la préoccupation de nos concitoyens qui sont exaspérés par les occupations illégales et sauvages. Ils demandent au Gouvernement de mieux garantir la propriété privée et de mieux garantir l’équilibre entre les droits et les devoirs des citoyens.
La présente proposition de loi répond avant tout à la promesse faite sous la précédente législature de supprimer les titres de circulation considérés comme discriminatoires.
L’article 1er va même plus loin en abrogeant l’intégralité de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, qui organise les conditions spécifiques de rattachement des membres de la communauté des gens du voyage via les CCAS des communes.
Permettez-moi de vous livrer les remarques du SIGETA, le syndicat intercommunal de gestion des terrains d’accueil, qui regroupe soixante et une communes de ma circonscription et de celle de Martial Saddier.
Comme l’ont rappelé mes collègues, dans un contexte de baisse des dotations, les communes et intercommunalités refuseront la domiciliation car elles craignent de devoir à l’avenir supporter financièrement ces familles.
Avec la suppression des titres de circulation, comment allez-vous évaluer le nombre réel de personnes du voyage et leurs besoins, qui ne seront désormais plus identifiés, alors que les schémas départementaux doivent être évalués et révisés ? Les familles n’y auront aucun intérêt car elles auront des difficultés à se faire domicilier et donc à obtenir des cartes d’identité en tant que personnes sans domicile stable pour après faire valoir leurs droits.
Les aires existantes deviendront ingérables. Montrer au gardien une carte d’identité même portant une élection de domicile auprès d’un CCAS en tant que personne sans domicile stable n’apportera jamais la preuve que la personne appartient à la communauté censée rentrer sur les aires dédiées aux familles du voyage.
À court terme, risque aussi de se poser un problème d’accès de familles étrangères ou françaises en situation de précarité, vivant en caravane, qui entreront sur les aires d’accueil, de familles souhaitant obtenir des emplacements de caravane au rabais par rapport aux campings privés ou publics.
Comme nous sommes encore au début du débat, j’en appelle à une tolérance réciproque. Monsieur le rapporteur, j’ai été frappée par votre tentation de victimiser cette population. Vous avez convoqué l’histoire – Louis XIV, Vichy, le nazisme – pour rappeler les discriminations dont a été victime cette « catégorie sociale », pour reprendre vos termes.
Je ne sais pas si ce rappel, si la victimisation de cette population sont utiles. Il me semble en effet que cela donne à notre débat une certaine coloration. Aujourd’hui, nul ne songe à considérer ces personnes comme indignes ou ne méritant pas notre respect et notre attention. Le sujet n’est pas là. Évitons la victimisation et le manichéisme : il n’y a pas, d’un côté, les conservateurs indifférents aux droits de l’homme et de l’autre les humanistes que vous incarneriez. Nous sommes tous des législateurs de bonne volonté et, pour la plupart, des élus locaux responsables qui ont l’ambition de régler les problèmes par la loi. Les problèmes existent, vous les connaissez. Il ne sert à rien de les nier. Essayons, par la loi, de les régler.
Voilà ce que je voulais dire en préambule, afin d’éviter que, sur un sujet éminemment sensible, nous ne tombions dans un débat caricatural.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Cet article 1er propose l’abrogation de la loi de 1969 instituant un régime administratif spécifique pour les gens du voyage, qui pose problème. L’abrogation ici proposée est historique. Elle met fin à une inégalité républicaine insupportable et inacceptable. Elle sonne le glas de dispositions dérogatoires et discriminatoires à l’égard des gens du voyage.
Héritière des carnets anthropométriques et de la loi sur la circulation des nomades de 1912, celle de 1969 prévoit des titres de circulation particuliers pour les personnes n’ayant pas de domicile ou résidence fixe : des carnets pour les personnes sans ressources régulières et des livrets pour les autres. Ces titres doivent être visés à intervalles réguliers par la police ou la gendarmerie, le porteur s’exposant, à défaut, à des sanctions pénales.
Le traitement discriminatoire touche également les droits civiques, car la délivrance d’un titre de circulation est conditionnée au rattachement à une commune.
Ce n’est pas tout : le nombre des personnes détentrices d’un titre de circulation sans domicile ni résidence fixe rattachées à une commune ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale. Les gens de voyage votent dans leur commune de rattachement, mais seulement après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune. Voilà les discriminations.
En 2012, le Conseil constitutionnel a, comme cela a été rappelé, partiellement censuré cette loi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité et abrogé le carnet de circulation et le délai requis de trois ans de rattachement ininterrompu, mais il a maintenu le livret de circulation et le dispositif de la commune de rattachement, ainsi que le taux maximum de 3 % de la population.
C’est pourquoi il incombe aujourd’hui au législateur de terminer le travail, d’autant qu’on ne compte plus les instances qui enjoignent à la France d’abroger ces dispositions – le Défenseur des droits, comme cela a été rappelé, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale et même le Comité de droits de l’homme des Nations unies qui, en 2014, a condamné la France pour violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
L’abrogation de cette loi est, c’est vrai, un combat du groupe socialiste depuis plusieurs années. En 2011 déjà, dans l’opposition, nous avions déposé une proposition de loi, rejetée à l’époque. Aujourd’hui, la chance nous est offerte de mettre fin à cette discrimination. On sent bien que certains veulent faire des gens du voyage une population entièrement à part. Nous souhaitons quant à nous, avec cette abrogation, qu’ils soient des Français à part entière. C’est pourquoi je vous invite, chers collègues, à voter cette abrogation.
L’article 1er est adopté.
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 1er. La parole est à M. Yannick Moreau, pour soutenir l’amendement no 12 .
Cet amendement, cosigné par un grand nombre de députés du groupe Les Républicains, a pour objet de reprendre, dans le droit fil des travaux de nos prédécesseurs, les recommandations du rapport Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun remis en 2011 au Premier ministre par Pierre Hérisson, parlementaire en mission. Il tend notamment à acter la suppression des titres de circulation, tout en conservant cependant un système de rattachement administratif à une commune pour les gens du voyage, et à regrouper toutes les dispositions relatives aux gens du voyage au sein de la loi de juillet 2000, pour plus de cohérence.
Le maintien du rattachement administratif permettrait, entre autres avantages, de conserver le seuil de 3 % de la population communale au-delà duquel les gens du voyage sont invités à choisir une autre commune rattachement et de prévenir ainsi toute manoeuvre électorale, afin de ne pas peser sur les scrutins locaux des communes accueillant un grand nombre de gens du voyage.
Avis défavorable.
Je voudrais faire une première observation sur la question de la victimisation : le rappel historique s’imposait. Il visait simplement à dire que nous sommes porteurs de cette histoire, et qu’il fallait y mettre fin. Il n’y a pas là de volonté de victimisation. J’ai également rappelé que les réactions de rejet étaient partagées entre les deux communautés.
S’agissant du rattachement, M. Quentin, M. de La Verpillière et moi-même, auteurs du rapport déjà évoqué, nous sommes posé un temps cette question, ainsi que celle de la réservation de l’accès aux aires d’accueil pour les gens de voyage. Nous sommes là au coeur d’une contradiction très complexe : soit un statut spécial garantit aux gens du voyage un accès privilégié aux aires d’accueil, auquel cas ce statut est, par nature, discriminatoire, soit il n’y a pas de statut spécial, auquel cas on ne sait plus comment leur garantir cet accès. Le choix qui a été fait exclut le statut spécial. Nous pensons que, pour des raisons sociologiques, l’accès aux aires d’accueil sera, dans les faits, réservé aux personnes habituellement membres de cette communauté. C’est le pari que fait le préfet Hubert Derache dans son rapport et je crois que ce pari réussira.
S’agissant de la domiciliation, la proposition de loi prévoit qu’elle soit maintenue dans le CCAS dès lors que la domiciliation et la commune de rattachement sont identiques aujourd’hui. Nous observons cependant aujourd’hui un double phénomène de rattachement à une commune et de domiciliation, cette dernière étant nécessaire pour la perception de droits éventuellement ouverts auprès des CAF. J’ajoute enfin que la domiciliation n’ouvre pas l’accès aux droits offerts par la commune : il n’y a donc pas de risque d’aggravation de la charge de la commune dans laquelle est enregistrée la domiciliation au CCAS.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons fait le choix, qui, j’en conviens, est intellectuellement assez difficile, de part et d’autre, car nous sommes au coeur d’une contradiction complexe, de supprimer le dispositif de la commune de rattachement ainsi que le pourcentage de 3 %. En effet, après de longues discussions avec le ministère de l’intérieur, nous nous sommes rendus à l’idée du préfet Derache selon laquelle il est impossible d’organiser une quelconque fraude aux élections en tentant de faire venir des gens du voyage dans une commune. Une telle fraude entraînerait en effet l’annulation de l’élection et est, de toute façon, très peu probable compte tenu du taux d’abstention observé aujourd’hui dans ce groupe social.
Avis également défavorable.
Monsieur le rapporteur, quelques-uns de mes collègues et moi-même venons de voter l’abrogation du régime particulier des gens du voyage, mais l’argument que vous utilisez ici est étonnant. Comme Coluche, qui disait que moins que rien, c’est déjà quelque chose, je dirai que le très peu probable est déjà du possible ! Et de surcroît, vous dites compter sur l’abstention du « groupe social » que constituent les gens du voyage. Il faudrait savoir ! Soit vous considérez, comme nous, et c’est pour cela que nous avons voté l’article 1er, que les gens du voyage sont des citoyens français et qu’il ne faut pas les distinguer de la communauté nationale, soit vous faites une discrimination, vous affirmez que, par nature, structurellement, culturellement, ils ne votent pas, mais c’est alors leur dénier cette fonction de citoyens à part entière !
Au lieu de formuler des prospectives ou des hypothèses sur le fait qu’en majorité, ils ne pourraient pas voter et que la fraude serait très peu probable, le rapporteur sérieux et efficace que nous vous savons être devrait sans doute reprendre la parole pour développer dans le compte rendu publié au Journal officiel des arguments forts sur l’amendement défendu par M. Moreau. En effet, on ne peut pas considérer qu’une fraude électorale n’est jamais susceptible de se produire. Les propos du rapporteur et de la ministre devraient permettre d’éviter les divisions possibles – je suppose en effet que cette question importante a donné lieu à de longues discussions, y compris avec le ministère de l’intérieur, qui a dû s’y intéresser lui aussi. Au contraire, une réponse telle que la vôtre, dès le premier amendement, est tout à fait étonnante.
Monsieur le rapporteur, je suis, comme M. Darmanin, surprise par la nature de votre argument. Comment fonder une argumentation sur une probabilité ? Vous utilisez les termes « très peu probable » mais après tout, on peut supposer que la loi que vous nous proposez aura une incidence sur le comportement de gens du voyage – c’est du reste précisément ce que vous dites en attendre ! En l’occurrence, l’exercice des droits civiques s’en trouverait amélioré car, de fait, renoncer à l’abstention est plutôt un progrès civique par rapport à la probabilité d’abstention sur laquelle vous comptez !
Il me semble que les nouveaux droits de domiciliation, le rattachement à une commune et les droits qui sont induits ne sont pas indifférents à la question et que le législateur doit s’interroger sur les conséquences possibles des dispositions qu’il prend. Il n’y a pas si longtemps que la limite de 3 % a été pensée par le législateur, et elle n’est pas si absurde que cela. En tout cas, elle mérite que l’on s’interroge sur les effets produits par une domiciliation importante et non proportionnée à la population de la commune concernée.
Je me suis déjà expliqué. D’abord, il y a d’autres personnes qui ont la possibilité de s’inscrire dans un CCAS, ce qui entraînera à terme le droit de vote, et personne ne s’est posé la question que vous soulevez. Ensuite, à court terme, cette probabilité de fraude électorale – car c’est bien de cela qu’il s’agit – est très faible, car le taux d’abstention est aujourd’hui très important parmi les gens du voyage. À plus long terme, une fraude suppose un accord entre un candidat et des gens qui viendraient pour le soutenir, c’est-à-dire une sorte de pacte de corruption. Si de telles manoeuvres avaient lieu, les tribunaux interviendraient pour annuler l’élection. Le risque est donc totalement nul.
L’argument est surprenant car, quand on écrit une loi, on n’en fixe pas la durée à court ou à moyen terme.
Par ailleurs, et sans revenir sur l’argumentaire qui vient d’être développé à propos de l’abstention, votre dernier argument est tout aussi surprenant : si je comprends bien, vous considérez qu’une fraude est forcément découverte et que par principe, les tribunaux annuleront l’élection concernée ! Or, le principe d’une fraude électorale est précisément de ne pas être découverte par un tribunal, sans quoi il n’y en aurait jamais eu dans l’histoire de notre République ! Si donc il y a possibilité de fraude, ne nous dites pas que cette fraude ne se réalisera pas pour la simple raison que les tribunaux annuleraient l’élection. Non. L’idée d’une fraude, c’est qu’elle n’a pas vocation à être découverte.
L’amendement no 12 n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement no 46 .
Le rapporteur Dominique Raimbourg vient d’évoquer le rapport d’information qu’il a remis avec M. Didier Quentin et moi-même à la commission des lois, laquelle l’a adopté à l’unanimité le 9 mars 2011. Je tiens à appeler l’attention de notre assemblée sur la proposition n° 14 de ce rapport.
Elle comprenait deux éléments : : « Supprimer les titres de circulation », parce que nous avions, évidemment, pressenti que la loi du 3 janvier 1969 était à la fois inconstitutionnelle et inconventionnelle, et « instituer une carte de résident itinérant au caractère facultatif et conditionnant avant tout l’accès aux aires d’accueil » et aux droits propres aux gens du voyage. Eh bien, mes chers collègues, c’est très exactement le contenu de l’amendement no 46 .
En adoptant l’article 1er de cette proposition de loi, et je l’ai voté, nous avons abrogé la loi du 3 janvier 1969 : il n’y a donc plus de titre de circulation pour les gens du voyage et la première partie de la proposition no 14 est donc appliquée. Il faut dès lors se demander comment les personnes – ou plus précisément les familles, j’insiste sur ce point – qui appartiennent à la communauté des gens du voyage pourront faire valoir leurs droits, qui ne concernent pas que l’accès aux aires de grand passage et aux aires d’accueil : il y a aussi un certain nombre de droits en matière sociale ou éducative.
C’est pourquoi cet amendement propose d’instituer une carte facultative, qui serait valable sur l’ensemble du territoire national.
Avis défavorable. À la réflexion, si cette carte peut être délivrée à toute personne qui en fait la demande, alors elle ratera son objectif. C’est la difficulté. Il n’y a pas de constitution d’un groupe qui pourrait réserver les aires. Il est vrai que nous avions examiné cette possibilité, mais je pense que cela ne peut pas fonctionner.
Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes favorables à l’abrogation totale de la loi du 3 janvier 1969, qui prévoyait pour les gens du voyage un statut particulier qui peut être considéré aujourd’hui comme discriminatoire et peu utile. Votre amendement propose, en dernière analyse, de créer une nouvelle version de ce statut particulier.
Je précise tout d’abord que la création d’une nouvelle carte délivrée en préfecture serait peu cohérente avec l’objectif général de cette proposition de loi. On voit mal au regard de quels critères cette carte serait délivrée, si ce n’est au regard de la définition légale des gens du voyage, à savoir les personnes dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. S’il s’agit de constater qu’une personne correspond bien à cette définition, les responsables des aires peuvent le faire directement, sans qu’il soit besoin de créer un nouveau document. En ce qui concerne la simplification de la gestion de l’accès aux aires d’accueil, la création d’une nouvelle carte ne semble donc pas pertinente. En revanche, la question de la gestion de l’accès aux aires pourra être examinée par la Commission nationale consultative des gens du voyage.
Je ne suis pas du tout convaincu par les arguments de Mme la ministre et M. le rapporteur. On ne peut pas s’en remettre à la Commission nationale consultative des gens du voyage : ce n’est pas à elle, mais au législateur de fixer les conditions d’accès aux droits des gens du voyage. Parmi ces droits, il y a certes l’accès aux aires de grand passage et aux aires d’accueil, mais il y a aussi, comme je l’ai dit, des droits particuliers en matière sociale et en matière de scolarisation. Il faut que l’accès à ces droits soit régi par un texte d’ordre législatif.
Je ne comprends vraiment pas non plus pourquoi notre rapporteur Dominique Raimbourg a changé d’avis. Je crois que l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969, que nous avons votée à la quasi-unanimité, laisse un vide qu’il faut absolument combler. C’était le sens de la proposition no 14, avec ses deux volets : abroger la loi du 3 janvier 1969 et créer un titre facultatif pour l’accès aux droits propres aux gens du voyage.
L’amendement no 46 n’est pas adopté.
À l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, et plus précisément de l’article 2, je souhaite témoigner de mon expérience de terrain. Je suis élu des Pyrénées-Orientales, notamment de la côte du département. C’est un territoire traditionnel de grands passages et de grandes migrations des gens du voyage, notamment pendant la saison estivale.
Les Pyrénées-Orientales disposent, comme tous les départements, d’un schéma d’accueil des gens du voyage. Ce schéma, par le biais des intercommunalités, définit les aires d’accueil et les aires de grand passage, et leur capacité. Or les aires de grand passage de l’agglomération de Perpignan sont très souvent fermées pendant l’été pour cause de travaux. Pourtant, comme vous le savez, c’est pendant la saison estivale que les rassemblements traditionnels ou occasionnels ont lieu, et l’agglomération de Perpignan s’étend sur une grande partie du département. Aussi la fermeture de ces aires de grand passage entraîne-t-elle d’énormes difficultés pour les territoires voisins, qui respectent le schéma départemental et ont aménagé des aires d’accueil et qui voient ainsi s’installer chez eux, en toute illégalité, de grands rassemblements.
J’ai appelé l’attention du préfet sur ces dysfonctionnements du schéma départemental à plusieurs reprises. Il m’a répondu que le préfet était chargé de mettre en place le schéma départemental d’accueil des gens du voyage, ce qu’il avait fait, mais qu’il n’avait pas le pouvoir de le faire appliquer.
La proposition de loi que nous examinons doit nous donner l’occasion de créer de bonnes conditions d’accueil des gens du voyage, en prise directe avec les réalités du terrain dont j’ai voulu témoigner ici. Il me semble qu’il serait judicieux de placer un référent dans les préfectures pour que les groupes de voyageurs puissent profiter des aires de grand passage. Il est évident que tout cela ne peut marcher que si les uns et les autres consentent des efforts.
Hugues Fourage avait raison de dire que tout va mieux lorsqu’on est préparé.
Je suis maire et président de communauté d’agglomération, et je dois dire que j’ai vécu des moments très difficiles avant d’aménager, sur le territoire de mon agglomération, un terrain permanent d’accueil pour les gens du voyage. Depuis, les choses vont réellement beaucoup mieux, même si elles ne sont pas parfaites, naturellement. Je tenais à dire cela avant toute chose, car sur cette question éminemment humaine, il ne faut pas nous déchirer.
S’agissant du coût pour les collectivités, vous avez dit, monsieur le rapporteur, que cette proposition de loi n’entraînait pas de charge nouvelle. Je vous en donne acte, suite à la discussion que nous avons eue en commission des lois. Je m’étais ému des charges qu’aurait pu faire peser sur les collectivités – communes ou EPCI – la nécessité de terrains de substitution. Cela me paraissait poser de grandes difficultés.
Nous savons bien qu’il faut, chaque année, deux ou trois semaines pour entretenir et mettre aux normes les terrains permanents d’accueil. Des difficultés peuvent survenir à ce moment-là, et des terrains de substitution apparaissaient donc nécessaires. Dès lors, les collectivités qui respectent la loi, qui font leur devoir, auraient dû en plus aménager un autre terrain ! Et selon quelles normes ? Le texte de la proposition de loi ne le dit pas, et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les dispositifs de substitution à mettre en oeuvre.
Dans votre grande sagesse, monsieur le rapporteur, vous avez déposé un amendement que vous défendrez certainement tout à l’heure aux termes duquel il ne s’agirait plus que d’organiser une coordination territoriale. C’est la sagesse, et je vous en remercie.
L’article 2 contient les éléments les plus contraignants du texte, dont nous allons débattre en détail avec les amendements. En effet, il aborde les nouvelles sanctions pour les collectivités, les dispositions en matière de substitution, et la consignation des fonds.
Car voilà le déroulement de la proposition de loi : l’article 1er consacre de nouveaux droits pour les gens du voyage, et l’article 2 prévoit de nouvelles sanctions pour les collectivités. Le déséquilibre dont nous parlons, on le retrouve dans l’organisation même du texte, puisque les quelques menues avancées visant à répondre aux problèmes rencontrés par les maires en matière d’occupation illégale de terrain sont reléguées à la fin ! La structure même de cette proposition de loi dit bien où sont vos priorités. De notre point de vue, elle ne remplit pas sa fonction.
En commission, j’ai déploré le manque général d’équilibre de cette proposition de loi. Certes, il est nécessaire de faire évoluer le statut des gens du voyage : ce sont des citoyens français, il est donc impératif que leurs droits soient effectifs et respectés. Cependant, on ne peut pas demander davantage aux communes sans prendre en compte la question du stationnement illégal. Même lorsque les aires sont en nombre suffisant et réglementaire, il y a des stationnements illégaux : on le voit dans les quelques départements où se concentrent les grands passages, ce qui est le cas de la Haute-Savoie.
Il faut donc bien équilibrer les droits et les devoir : faire respecter les obligations des communes, mais aussi garantir le droit de propriété. L’examen de ce texte en commission a permis d’avancer légèrement en faveur d’une gestion plus stricte du stationnement illégal, ce qui est fondamental. Néanmoins, des obligations ont été rajoutées à la charge des communes.
J’ajoute que ce texte n’est que la suite logique de la loi ALUR – pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – qui consacrait l’existence de « pastilles », c’est-à-dire de terrains destinés à un habitat sédentaire en caravane. J’avais déploré, à l’époque, ce qui était envisagé comme une généralisation. Comme on pouvait s’y attendre, ces zones seront intégrées au schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Dans les faits, un troisième type d’aire est donc créé alors que nous avons déjà du mal à gérer les deux premiers !
Quoi qu’il en soit, les amendements des Républicains vont dans le sens d’un meilleur équilibre. Ils sont issus de l’expérience du terrain et visent à éviter les conflits. J’en profite pour vous demander, madame la ministre, si la Commission nationale consultative des gens du voyage, récemment réformée par décret, a pu être consultée. Sachant qu’il n’y a qu’un texte tous les quinze ans sur ce sujet, j’espère qu’elle a pu se réunir et produire un avis sur la présente proposition de loi !
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 68 , qui est un amendement de suppression.
Nous proposons par cet amendement de supprimer l’article 2, pour les raisons que je viens d’évoquer. Je tiens à apporter quelques précisions.
Tout d’abord, une remarque : vous savez, madame la ministre, que les finances des collectivités territoriales sont en grande difficulté. Nous vivons une période de baisse des dotations inédite, et il faut prendre en compte cet élément. Toute charge nouvelle imposée aux communes, dans le contexte que nous connaissons, est proprement inacceptable pour les élus. Nous peinons déjà beaucoup à boucler nos budgets. Nous peinons à remplir nos obligations en matière de sécurité, d’aménagement urbain, d’école et que sais-je encore. Nous imposer une nouvelle charge au moment précis où nos dotations baissent de façon drastique, c’est très difficile à accepter.
D’autre part, l’examen du texte en commission a aggravé les choses. Ainsi, le texte initial présenté à la commission des lois prévoyait que le représentant de l’État « peut l’obliger » – la commune ou l’EPCI – « à consigner » ; le texte issu des travaux de la commission des lois prévoit que le représentant de l’État dans le département « lui ordonne de consigner ». Un peu plus loin, « l’État peut acquérir les terrains nécessaires » est devenu « l’État acquiert les terrains nécessaires ». Plus bas, il y a manifestement eu un oubli, puisque la formule « le représentant de l’État peut faire procéder d’office » est demeurée la même. Mais ensuite, « le représentant de l’État peut se substituer » est devenu « le représentant de l’État dans le département se substitue ».
Les travaux en commission n’ont donc pas conduit à prendre en compte nos arguments, mais au contraire à aggraver la situation. Ce ne sont plus des possibilités qui sont confiées au représentant de l’État, mais des obligations ; il y a donc véritablement une injonction faite aux collectivités, sans possibilité de s’y dérober.
Avis défavorable. C’est un article important : s’il est supprimé, il n’y a plus de texte.
Je partage l’avis du rapporteur : cet amendement viderait cette proposition de loi de l’essentiel de ses dispositions. Le Gouvernement souhaite inciter les élus locaux à s’acquitter de leurs obligations, mais de façon graduée, dans le dialogue avec le représentant de l’État. Cet article détaille un mécanisme dissuasif qui existe dans de nombreux domaines, notamment en matière d’environnement et de production de logements sociaux. Ce dispositif a fait ses preuves dans de nombreux champs de l’action publique et nous pensons que ce sera aussi le cas pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Madame la ministre, vous nous répondez, et c’est bien compréhensible, que la suppression de cet article viderait la loi de sa substance. Mais ce n’est pas l’argument qui a été avancé en commission : le rapporteur avait alors convenu que le pouvoir de substitution et la consignation des fonds étaient des dispositions un peu violentes, mais il ajoutait qu’elles étaient faites pour ne pas être appliquées. Au fond, M. le rapporteur a eu plutôt tendance à atténuer la portée de cet article quand Mme la ministre, elle, en a fait le coeur de la loi. Il y a là manifestement une ambiguïté qui mérite d’être dissipée.
L’amendement no 68 n’est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly