Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du 9 juin 2015 à 15h00
Statut accueil et habitat des gens du voyage — Présentation

Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui soulève des questions très importantes, car elle porte sur les problématiques spécifiques concernant le statut, l’accueil et l’habitat des gens du voyage. Je tiens tout d’abord à vous féliciter, monsieur le rapporteur, pour la qualité du travail qui a été mené et pour l’engagement qui a été le vôtre tout au long de l’élaboration de ce texte. L’ensemble des groupes parlementaires se sont impliqués lors du débat en commission, ce qui démontre un réel intérêt pour ce sujet de la part de la représentation nationale.

Cette proposition de loi vise à améliorer les droits et à renforcer les devoirs d’une population trop souvent oubliée, régulièrement stigmatisée et parfois rejetée. Le demi-million de Français que l’on désigne par ce vocable de « gens du voyage » appartiennent pourtant pleinement à l’histoire de notre pays, et tout autant à son avenir. Par refus du communautarisme qu’aurait pu induire la définition ethnique d’une identité et d’un mode de vie, la loi de 1969 a créé une catégorie juridique pour « l’exercice des activités économiques ambulantes et le régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ». On abolissait ainsi le détestable carnet anthropométrique instauré en 1912, qui nous renvoyait aux errements scientifiques du XIXe siècle et à leurs terribles conséquences politiques. De nouveaux titres de circulation ont été instaurés – un carnet et un livret – et la notion de commune de rattachement a fait son apparition.

En dépit de cette avancée sensible, des obligations très lourdes continuaient de peser sur les gens du voyage. La possession du carnet était obligatoire sous peine d’emprisonnement, et il devait être visé tous les trois mois sous peine d’amende, tandis que le livret, lui aussi obligatoire, devait être visé tous les ans. Le Conseil constitutionnel, par une décision du 5 octobre 2012, a supprimé le carnet de circulation, ainsi que la disposition qui imposait trois ans de rattachement ininterrompu pour être inscrit sur les listes électorales, ramenant ce délai au droit commun de six mois. Ce qui vous est proposé aujourd’hui – et le Gouvernement y est très favorable –, c’est de mettre fin une fois pour toutes à ce régime administratif spécifique, souvent vécu, à juste titre, comme une discrimination, et de reconnaître une citoyenneté pleine et entière à ces Français, qui l’attendent depuis bien trop longtemps.

Le texte prévoit l’abrogation pure et simple de la loi du 3 janvier 1969, et donc la disparition du livret de circulation, de la notion de commune de rattachement et du quota de 3 % qui lui est afférent. Actuellement, les gens du voyage doivent en effet être rattachés à une commune pour faire valoir leurs droits, mais dans la limite de 3 % du total de la population. Il est temps de mettre fin à cette logique aberrante. Les gens du voyage pourront désormais élire domicile dans la commune de leur choix, et pour ceux qui se sont sédentarisés sur un terrain privé et qui en sont propriétaires, nous préciserons dans quelles conditions ils pourront faire valoir celui-ci comme domicile légal.

La domiciliation conditionne en effet l’ouverture de nombreux droits, notamment sociaux, et les familles qui souhaitent accéder à la propriété, mais continuer à vivre dans une résidence mobile, ne doivent pas être pénalisées. La loi, pour la première fois, propose d’ailleurs de définir leur habitat. L’élément central est, bien sûr, la présence d’une résidence mobile. Il s’agit d’un progrès majeur en faveur de l’égalité des droits, que la représentation nationale s’honorerait de consacrer. Le vivre ensemble, que nous devons nous efforcer de favoriser en ces temps troublés, c’est aussi cela. Nous ne devons pas nier pour autant les problèmes qui sont posés aux collectivités et aux élus locaux.

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