Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du 9 juin 2015 à 15h00
Statut accueil et habitat des gens du voyage — Présentation

Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité :

Les règles d’urbanisme s’imposent à tous et il ne saurait, par exemple, être question de tolérer des occupations sauvages ou sur des terrains que le plan local d’urbanisme destine à un usage agricole.

La loi ALUR permet d’apporter des réponses à la fois aux besoins des familles et aux contraintes qui sont celles des élus. En particulier, le système du pastillage autorise, lorsque celles-ci constituent l’habitat permanent de leur utilisateur, l’installation de résidences mobiles dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées qui sont normalement non constructibles. Ces pastilles doivent, en revanche, être prévues par le règlement des PLU dans les zones agricoles ou naturelles. Elles peuvent également recevoir les terrains familiaux locatifs, où s’établissent ceux qui désirent disposer d’un ancrage territorial, sans toutefois renoncer au voyage une partie de l’année.

En effet, l’autre volet majeur de cette proposition de loi est bien la prise en compte de la diversité des besoins d’accueil et d’habitat des gens du voyage. La loi Besson du 5 juillet 2000, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, avait déjà permis de franchir une étape, en instaurant l’obligation pour chaque commune de plus de 5 000 habitants de prévoir une aire permanente d’accueil sur son territoire. Les maires se sont progressivement approprié cette loi, et dans l’ensemble le travail a été fait. Il faut le saluer, car les élus sont confrontés à une lourde tâche : il n’est pas toujours simple de surmonter les tensions qui peuvent survenir entre riverains et populations nouvellement arrivées dans une commune, selon les modes de vie et d’habitat de chacun.

Les schémas initiaux élaborés après l’adoption de la loi de 2000 ont presque tous été approuvés et publiés et, sur les quatre-vingt-douze départements concernés par un schéma daté de plus de six ans, quatre-vingt-un ont adopté une révision. Au total, sur les 39 000 places qui doivent être réalisées, plus de 28 000, soit les trois quarts, avaient fait l’objet d’un engagement financier fin 2013. La proposition de loi qui nous occupe renforce les pouvoirs des préfets dans les communes qui n’ont pas encore rempli leurs obligations, afin que chacun prenne bien sa part dans l’effort de solidarité. Ces derniers pourront notamment, après une mise en demeure restée infructueuse, consigner les sommes correspondant aux dépenses d’investissement indispensables à la réalisation de l’aire entre les mains du comptable public. Les sommes seront restituées au fur et à mesure de l’exécution des mesures.

Si rien n’a été fait dans un délai de six mois, le préfet, après une nouvelle mise en demeure, pourra également se substituer à la commune ou à l’intercommunalité défaillante, et prendre l’ensemble des actes nécessaires pour réaliser l’équipement. Je sais, par ailleurs, que cela suscite des interrogations sur les possibilités de financement des équipements. Si ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi, puisque le sujet est d’ordre réglementaire, c’est toutefois un point important qu’il faudra étudier, en envisageant par exemple que les préfets puissent flécher une partie de la dotation d’équipement ds territoires ruraux, la DETR, en fonction des besoins, ou dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Afin d’organiser le stationnement de groupes nombreux à l’occasion de rassemblements traditionnels ou liés à des événements particuliers, la place des aires de grand passage est également précisée dans les schémas départementaux. Il est essentiel d’avancer sur ce sujet, d’aller plus loin que la loi Besson car les situations varient considérablement d’un endroit à l’autre.

Le texte entreprend aussi, et c’est sûrement l’un de ses aspects les plus innovants, de tenir compte des besoins des voyageurs qui souhaitent s’installer durablement sur un territoire. Contrairement à une idée reçue, la majorité des familles circule de moins en moins et s’inscrit peu à peu dans une dynamique de sédentarisation. Or, les aires d’accueil ne sont pas destinées à l’habitat en résidence mobile, mais bien à des populations itinérantes. C’est pourquoi la proposition inscrit également les terrains familiaux locatifs dans les schémas départementaux. Suite aux travaux de votre commission des lois, elle prohibe aussi le refus de scolarisation des enfants au seul motif de leur habitat en résidence mobile car cela ne saurait en aucun cas être accepté. De nombreuses familles ne souhaitent plus perpétuellement voyager mais, par choix ou obligation, continuent de vivre en résidence mobile. C’est une donnée que la République, sans porter de jugement de valeur, doit prendre en considération. Certaines feront alors le choix d’acquérir des terrains privés et, sous réserve que les règles d’urbanisme soient respectées, nous devons les y aider. Toutefois, toutes ne le pourront pas, et en reconnaissant les terrains familiaux locatifs, nous donnons aux communes des outils pour faciliter leur choix. Ces espaces seront comptabilisés au titre des obligations introduites par la loi Besson puisqu’il s’agit d’un effort demandé aux collectivités.

L’esprit de ce texte est bel et bien de renforcer les droits et les devoirs des uns et des autres : il est nécessaire de mieux préciser les obligations des collectivités territoriales en matière d’accueil et d’habitat des gens du voyage, et il est tout aussi important de leur donner les moyens de faire respecter les règles. Les situations d’occupations illicites sont inacceptables quand les équipements prévus par la loi existent. Il est donc essentiel de simplifier et de renforcer les procédures d’évacuation à disposition des élus en cas de violation de propriété. La commission des lois a amélioré le dispositif de cessation des occupations illicites en prévoyant que lorsqu’une caravane procède, dans un délai de sept jours, à nouveau à un stationnement en violation du même arrêté d’interdiction et qui porte la même atteinte à l’ordre public, la mise en demeure continue de s’appliquer. En outre, le délai laissé au président du tribunal administratif pour statuer sur un recours contre une mise en demeure sera réduit à quarante-huit heures.

L’égalité des droits et des devoirs : voilà ce qui constitue le socle commun de notre République. Cette égalité est au coeur de la proposition de loi que vous allez examiner. Je vous informe à cet égard de la réinstallation prochaine de la Commission nationale consultative des gens du voyage, suite aux préconisations du rapport du préfet Derache de 2013, repris dans les objectifs du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Présidée par Dominique Raimbourg – je vous remercie encore, monsieur le rapporteur, d’avoir accepté cette fonction – et composée notamment de représentants des associations de voyageurs et d’élus locaux, elle aura vocation à connaître de l’ensemble des sujets qui ne sont pas traités dans ce texte. Celui-ci, bien sûr, apportera des réponses, mais ne prétend pas régler toutes les questions.

Aujourd’hui, c’est un premier pas qui est franchi avec la discussion de cette proposition de loi et je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à l’adopter pour nous permettre d’améliorer la cohésion de notre société et de faire vivre l’égalité dans notre pays.

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