Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à apporter une réponse aux difficultés liées au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, en abordant la question sous l’angle de l’égalité républicaine. C’est pourquoi nous nous réjouissons de son examen. Tout en confortant les efforts accomplis depuis une vingtaine d’années, elle considère les gens du voyage comme des citoyens à part entière.
Avec la suppression du carnet de circulation en vigueur depuis 1912, la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012 a ouvert la voie à une évolution significative du statut des gens du voyage, afin de leur permettre de jouir des mêmes droits et de remplir les mêmes devoirs que leurs concitoyens. Avec l’abrogation des articles restants de la loi du 3 janvier 1969, cette proposition de loi met fin au régime spécifique de domiciliation des gens du voyage pour l’aligner sur le droit commun de la domiciliation des personnes sans domicile stable. Nous saluons cette avancée, car, comme le rappelle notre rapporteur, le principe même de l’existence de ce statut administratif exorbitant du droit commun et de la limitation des libertés publiques est à la fois discriminatoire et stigmatisant.
De plus, en ouvrant aux intéressés la possibilité d’élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé, le texte lève les obstacles au service des prestations sociales, à l’exercice des droits civils, à la délivrance des pièces d’identité ou à l’exercice du droit de vote.
Dans le même esprit, nous nous félicitons de l’adoption par la commission d’un amendement qui réaffirme que l’habitat dans une résidence mobile installée sur le territoire d’une commune ne saurait être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire. La mission d’information conduite en 2011 par Pierre Hérisson et Didier Quentin avait établi que 70 % des enfants de gens du voyage fréquentent l’école primaire, mais seulement 30 % des enfants de voyageurs permanents. Elle avait préconisé que ces enfants soient inscrits au Centre national d’enseignement à distance et à l’école de la commune.
Nous sommes, comme beaucoup, favorables à cette double inscription qui permettrait de pleinement reconnaître le droit de chaque enfant à être inscrit dans une école.
Dix ans après la loi Besson du 5 juillet 2000, qui visait à définir un équilibre entre droits et obligations réciproques pour les collectivités territoriales et les gens du voyage, le texte aborde à nouveau l’obligation d’accueil des communes et les moyens de lutte contre les stationnements illicites.
C’est un sujet sensible, mais les chiffres cités par notre rapporteur sont éloquents : ils soulignent la lenteur de la mise en place des obligations prévues par la loi de 2000 puisque, au 31 décembre 2014, c’est-à-dire en treize ans, seulement 65 % des aires d’accueil et 49 % des aires de grand passage avaient été réalisés.
C’est pourquoi nous nous félicitons que la proposition de loi réaffirme la position d’équilibre trouvée en 2000 : la possibilité d’obtenir plus facilement l’évacuation d’un campement illicite doit avoir pour nécessaire corollaire le renforcement de l’obligation pour les communes et les EPCI de construire des aires d’accueil.
Nous avons toutefois quelques réserves sur le dispositif de l’article 2 qui prévoit de sanctionner l’immobilisme des communes par la possibilité offerte au préfet de consigner entre les mains d’un comptable public les sommes nécessaires à la réalisation des travaux d’aménagement des aires d’accueil. Nous ne contestons ni le principe de cette mesure ni le pouvoir de substitution confié au représentant de l’État. Mais, comme la Cour des comptes l’a fait observer, la réalisation et la gestion de ces aires d’accueil représentent un effort financier important, d’un coût réel estimé à 632 millions sur l’ensemble de la période 2000-2011.
Ce coût est d’autant plus important que la charge foncière, les coûts de voirie et réseaux divers, l’aménagement d’équipements sanitaires individualisés sont assumés par les communes et les EPCI sans aide de l’État, depuis l’arrêt des subventions intervenu au 1er janvier 2009. L’obstacle financier n’est certes pas toujours le plus déterminant, mais la baisse massive des concours de l’État aux collectivités pèse lourdement sur le budget des communes et sur la capacité de celles-ci à financer les services publics de proximité. C’est pourquoi, madame la ministre, l’État doit aussi prendre ses responsabilités,…