C’est pourquoi il est nécessaire de faire des gens du voyage des citoyens de plein droit dont le mode de vie est pris en considération dans le cadre du droit commun. Rappelons, au-delà des discours tendant à marginaliser, qu’il n’existe qu’une seule catégorie de gens en France, celle des citoyens, qui naissent libres et égaux en droit, sédentaires ou non. Aucun ne doit être victime de discrimination.
Nous sommes amenés à légiférer sur ce sujet car la loi du 3 janvier 1969, héritière de celle de 1912, est issue d’une démarche de méfiance et de contrôle des gens du voyage qui a été remise en cause par la question prioritaire de constitutionnalité du 5 octobre 2012.
Cet héritage doit être abrogé. Il ne correspond pas aux valeurs d’égalité et de vivre ensemble que nous souhaitons promouvoir. L’action de rattachement à une commune et les conséquences qu’impliquait cette loi étaient inacceptables. Le législateur doit donc s’engager sur la voie ouverte par le Conseil constitutionnel.
À notre tour, chers collègues, supprimons le délai de trois ans ininterrompus et le seuil de 3 % de la population de la commune de rattachement pour que les gens du voyage puissent être inscrits sur les listes électorales et bénéficier des droits du citoyen.
La loi Besson du 5 juillet 2000 avait formé un premier équilibre sous tension entre les droits et les devoirs touchant aux gens du voyage. L’obligation d’accueil des communes a longtemps été non organisée et insatisfaisante. Sa mise en oeuvre se heurte à leur inertie et aux nouvelles tensions liées à chaque grand passage au retour des beaux jours.
Quinze ans après la loi Besson, 64,8 % des aires et 48,8 % des aires de grands passages ont été construites. Toutefois, il faut noter de grandes disparités régionales : 75 % de ces aires sont construites dans l’Ouest et le Centre, alors que ce taux est très faible en Île-de-France, en région PACA ou dans le Languedoc-Roussillon.
Il est donc nécessaire que la réalisation des aires d’accueil se fasse dans de bonnes conditions. Il faut renforcer les prérogatives du préfet à ce propos et transférer aux communautés de communes ou d’agglomération la compétence pour leur réalisation et leur fonctionnement.
Pour autant, l’intervention du préfet ne devra être que l’ultime recours pour assurer le respect de la loi et donc l’intérêt général, parfois mis à mal par des pressions de toute nature. Ces dernières font appel à des logiques d’exclusion souvent exprimées de manière voilée par tous, toutes tendances politiques confondues – et sur ce point, je rejoins M. Darmanin : nous sommes tous pour de nouvelles aires d’accueils, mais pas chez nous !
Vous avez évoqué, madame Genevard, une éventuelle colère des élus, ainsi que des difficultés dans l’accueil. À cela, je répondrai qu’il y a des difficultés lorsque rien n’est prévu. Elles sont générées par l’absence de réponses concrètes sur le terrain. Le courage de cette proposition de loi, c’est de vouloir faire avancer cette question et de ne plus attendre. Dans la logique d’équilibre et de recherche du vivre ensemble qui guident ses auteurs – et je salue à cet égard le rapporteur Dominique Raimbourg, véritable artisan de cette proposition de loi – les communes ayant rempli leurs obligations en matière d’accueil doivent, en contrepartie, être dotées de moyens légaux pour mettre fin à l’occupation illégale des terrains.
Prendre en compte les évolutions du mode de vie des gens du voyage, améliorer le dispositif d’évacuation des campements illicites tout en facilitant sa mise en oeuvre : tels sont les enjeux que cette proposition de loi s’efforce d’approfondir pour l’avenir.
Dans cette optique, la République et ses valeurs doivent plus que jamais nous inspirer. Les gens du voyage sont libres de choisir un mode de vie nomade. Ces citoyens, avec des droits et des devoirs, ne doivent plus être tolérés : tolérer, c’est offenser, c’est marginaliser, c’est discriminer. Ils doivent être respectés, considérés, et intégrés !
Ainsi, avec la modification équilibrée de cette législation, nous permettons aux gens du voyage d’être des citoyens à part entière et non des gens entièrement à part.