Intervention de Pascal Popelin

Réunion du 27 novembre 2012 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Je salue la précision et la rigueur de votre rapport, qui apporte un éclairage précis sur tous les points énumérés par la lettre de mission du président de la République. Pour l'essentiel, les propositions qu'il contient répondent aux engagements pris durant les échéances nationales du printemps. Elles emportent largement, à ce titre, l'agrément des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen. Néanmoins, m'exprimant à titre personnel, je veux dire ici que nous sommes un certain nombre à ne pas partager vos idées en matière de limitation du cumul des mandats.

L'engagement n° 48 de François Hollande, lorsqu'il n'était encore que candidat à la présidence de la République, était ainsi formulé : « Je ferai voter une loi sur le non-cumul des mandats. » C'est pourquoi je regrette que votre commission se soit limitée à la situation des parlementaires et des membres du Gouvernement – même si tel était le cadre fixé par la lettre de mission. Il s'agit, me semble-t-il, d'une vision pour le moins réductrice d'un sujet de grande ampleur.

Personnellement, je suis favorable à une nouvelle étape en matière de limitation du cumul des mandats, après les deux précédentes déjà franchies à l'initiative de la gauche, en 1985 et en 2000. Mais, pour cela, il convient de fixer clairement et précisément les objectifs assignés à une telle réforme : elle ne peut se concevoir comme une forme d'automutilation expiatoire de la part des responsables politiques soucieux de se faire pardonner des vilenies qu'à mon sens, pour le plus grand nombre, ils ne commettent pas. Je vois deux principaux objectifs à assigner à cette nouvelle étape : la capacité à exercer personnellement la responsabilité que l'on se voit confier, et la lutte contre les conflits d'intérêts.

S'agissant du premier objectif, j'approuve totalement votre proposition de prendre en compte les fonctions qui découlent de certains mandats – je pense en particulier aux établissements publics et aux syndicats intercommunaux. Mais ne traiter que la question des parlementaires en situation de cumul revient, vous en conviendrez, à éluder l'essentiel du problème.

Surtout, ce que j'ai le plus grand mal à comprendre, c'est que vous puissiez juger possible de concilier un mandat de conseiller général avec « la disponibilité et l'engagement qu'exige le travail parlementaire », mais pas l'exercice d'une fonction d'adjoint au maire. C'est tout à fait contraire à ma propre expérience – j'ai d'ailleurs démissionné de mon mandat de conseiller général quand je suis devenu parlementaire.

Quant au risque de conflit d'intérêts, il me semble important lorsqu'un élu appartient à deux exécutifs d'entités distinctes, c'est-à-dire lorsqu'il est l'ordonnateur, direct ou délégué, de différents budgets. À ce jour, ce cas ne se rencontre pratiquement jamais chez les parlementaires – hormis des maires de toutes petites communes –, alors qu'il concerne un nombre considérable d'autres élus.

Donc, à la différence de ce que propose le rapport, je considère qu'une nouvelle étape dans la limitation du cumul, pour être utile et acceptable, devrait fixer la règle suivante : pas plus de deux mandats et fonctions dérivées – sur ce point, nous sommes d'accord, à condition d'appliquer ce principe à tous les élus – et, parmi ces deux mandats ou fonctions, une seule responsabilité exécutive. C'est sur ce dernier point que nous divergeons, puisque par définition, une fonction parlementaire n'est pas exécutive.

D'aucuns affirmeront qu'il serait plus simple de recourir à la solution du mandat unique, en appuyant leurs dires sur les sempiternels exemples étrangers – vous avez vous-même parlé d'exception française. Cette solution n'a pas été retenue par votre commission, même si certains de ses membres l'auraient volontiers souhaité. Il s'agit sans doute d'un objectif à envisager pour l'avenir, comme le bâtisseur d'une maison envisage le matériau qu'il emploiera pour réaliser sa couverture. Mais avant de penser au toit, il convient de ne pas négliger les fondations. En l'espèce, les fondations ont pour nom : le renforcement des pouvoirs du Parlement – qui devra aller bien au-delà de la réforme de 2008, pour que le Parlement français soit comparable à ceux des pays cités en exemple en matière de cumul – ; une véritable autonomie fiscale pour les collectivités territoriales – de ce point de vue, l'exception française vaut au moins autant qu'en matière de cumul – ; et un statut de l'élu, en particulier de l'élu local.

Certes, le rapport souligne l'urgence d'adopter un tel statut. Mais tout porte à croire qu'en ce domaine, nous en resterons pour longtemps au stade de l'intention. Pourtant, convaincre qu'une démocratie irréprochable a un coût et doit être capable de motiver les meilleurs pour son service est au moins aussi important, pour redonner aux Français confiance dans leurs institutions, que de franchir une nouvelle étape, aussi nécessaire soit-elle, dans la limitation du cumul des mandats et des fonctions.

Faute de temps, je n'aborderai pas la question du remplacement automatique des parlementaires démissionnaires, mais il faudra y revenir si nous voulons respecter le suffrage des citoyens.

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