Intervention de Daniel Vaillant

Réunion du 27 novembre 2012 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Vaillant :

Clarté, hauteur de vues, honnêteté : on ne peut que penser du bien de ce rapport. Aucune des trente-cinq propositions ne peut être regardée comme hors sujet, aucune ne trahit un quelconque intérêt électoraliste. Selon plusieurs articles de presse, comme celui de Jérôme Jaffré dans Le Monde, le parti auquel j'appartiens serait même le premier pénalisé par la mise en oeuvre de certaines ! En approuvant donc la plupart, je limiterai mon propos à celles qui m'inspirent quelques interrogations, étant entendu qu'il reviendra au Parlement de légiférer pour lui-même, ce qui n'est jamais simple.

Éthique, rénovation et transparence sont les mots-clés de l'édifice que vous nous présentez. Après le nécessaire débat sur le rapport, il reviendra néanmoins au Gouvernement de nous soumettre des projets de loi – puisqu'un seul ne suffirait sans doute pas.

La proposition n° 1 me semble séduisante et susceptible de faire consensus, dans la mesure où elle devrait éviter le prétendu suspense sur la collecte par tel ou tel des parrainages requis et écarter les candidatures peu sérieuses ou obéissant à des intérêts autres que politiques. Le système proposé assure de surcroît l'anonymat des parrains. Je m'interroge néanmoins sur les conditions de la campagne de démarchage auprès des électeurs. Le seuil de 150 000 signatures ne risque-t-il pas d'éliminer des courants politiques historiques ? Les préfectures, instances pertinentes pour la vérification des parrainages transmis au Conseil constitutionnel, auront-elles les moyens d'assumer cette mission ?

Je m'interroge aussi sur la proposition n° 6. La mise en oeuvre de l'action gouvernementale impose peut-être, en effet, une réduction du délai entre l'élection présidentielle et les élections législatives. Cependant, le laps de temps accordé à la campagne des législatives est déjà court. De plus, le raccourcissement du délai entre les deux élections renforcerait le caractère présidentiel de nos institutions, puisque les députés sont en quelque sorte élus avec le label du Président qui vient de l'être. Le lien avec l'électeur peut aussi s'en trouver distendu.

Je suis d'accord avec l'introduction d'une part de proportionnelle à hauteur de 10 %, mais il faudra alors poser la question du redécoupage, car l'écart entre départements, que le Conseil constitutionnel avait déjà jugé problématique, peut s'en trouver accru. Aujourd'hui, certaines circonscriptions sont en effet bien en dessous de la moyenne de 125 000 habitants, quand d'autres, en milieu urbain, atteignent 150 000 habitants.

Quant à la proposition n° 14, pourquoi écarter la possibilité de retrouver un mandat local au sortir de fonctions ministérielles ?

La proposition n° 15 relative au cumul entre un mandat parlementaire et un mandat local, qui est sans doute celle qui suscite le plus de débats parmi nous, me semble exigeante et ambitieuse. J'aurais donc tendance à l'approuver, mais à certaines conditions. La première est que le rôle des parlementaires soit revalorisé. Vous avez eu raison, monsieur le Premier ministre, de défendre la possibilité, pour eux, de conserver un mandat local : le fait, pour les députés, de ne vivre qu'en chambre ne donne pas toujours de bons résultats.

Il faudrait aussi poser la question des moyens des parlementaires, qui aujourd'hui travaillent dans des bureaux de dix mètres carrés, avec un seul collaborateur pour les assister. Certes, nous devrions alors affronter l'opinion et les médias, qui ne manqueraient pas de nous accuser de nous octroyer des avantages supplémentaires. Le Gouvernement doit donc y réfléchir lui aussi, car il serait difficile pour nous d'affronter seuls ces problèmes. En matière de communication ou d'expertise, par exemple, la différence est considérable avec les moyens dont disposent les maires des grandes villes ou les présidents de région. Nous pourrions aussi prendre exemple sur d'autres pays, comme l'Allemagne, où les parlementaires ont des moyens bien plus importants qu'en France.

S'agissant de la définition des exécutifs, laissons le Gouvernement nous faire des propositions. Si d'ailleurs nous décidions de limiter le cumul des mandats, il faudrait des lois complémentaires pour limiter aussi celui des mandats exécutifs locaux, ne serait-ce que pour éviter la marginalisation des parlementaires au sein de l'espace public démocratique.

Enfin, comment accepter que les parlementaires soient inégaux au regard des incompatibilités professionnelles ? Pourquoi certains pourraient-ils continuer d'exercer leur profession et d'autres non ? Un salarié du privé ne peut pas cumuler métier et mandat, tandis qu'un professeur d'université, un médecin, un avocat le peuvent dès lors qu'ils exerçaient leur profession avant d'être élus. J'ai beaucoup apprécié les précautions suggérées pour prévenir les conflits d'intérêts, mais si on s'engage dans cette voie, il faut être logique et aller jusqu'au bout : on ne peut diriger une entreprise et être député, ou être maire d'une ville de 100 000 habitants et exercer une profession. Cela sortait certes du cadre de votre mission, monsieur le Premier ministre, mais l'application de vos recommandations nous laissera beaucoup de travail ensuite. Ainsi, la question du statut de l'élu local ne pourra être renvoyée aux calendes grecques – c'est-à-dire au moment où nos finances publiques seront enfin rétablies !

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