Je ne suis pas totalement d'accord, il y a tout de même une séparation très marquée entre les pays démocratiques et les pays non démocratiques. Certes, il faudrait s'accorder sur ce qu'on entend par niveau démocratique, mais sur toutes les démocraties dans le monde, cinq seulement appliquent la peine de mort, et une étude a montré que les trois quarts des pays dits « démocratiques » ont aboli la peine de mort ou ne la pratiquent plus.
Depuis ces quinze dernières années, l'Indonésie a élevé son niveau démocratique. Ce pays s'inscrit dans un vrai processus de démocratisation depuis la chute de Suharto, et M. Widodo a été légitimement élu président. Pour moi, c'est un pays démocratique.
L'Indonésie et l'Inde oscillent entre des périodes de moratoire – elles ont cessé les exécutions pendant environ huit années – et des périodes où elles appliquent la peine de mort au gré de certains événements : le terrorisme, la chute des dictatures, les crimes abominables. Les viols en Inde révèlent une justice totalement exsangue et une société qui ferme les yeux sur la situation des femmes, en particulier les femmes victimes de viol collectif ou au sein de la cellule familiale.
Dans ces pays, la peine de mort est un outil suprême pour masquer toutes les errances des politiques précédentes. C'est le cas en Inde sur la question du viol. C'est le cas en Indonésie sur la question du trafic de drogue. On désigne des victimes expiatoires – sans doute coupables, mais pas toutes –, ce qui constitue une politique facile à destination de l'opinion publique. Car oui, l'opinion n'est pas toujours favorable à l'abolition – cela était le cas en France en 1981. Selon les sondages IFOP, 45 % des Français étaient favorables à la peine de mort il y a cinq ans, ils seraient 50 % aujourd'hui.
Pour reprendre votre typologie, je dirai qu'un énorme paquet de pays a aboli la peine de mort et que ceux qui ne l'ont pas abolie ont quand même établi l'Etat de droit, ce qui signifie que l'on peut travailler sur ces pays-là. On peut travailler sur les États-Unis, on peut avancer sur l'Indonésie. Notre lobbying, le vôtre, celui du Gouvernement, celui de l'UE ont un effet – on le voit pour le cas de Serge Atlaoui, dont on a sauvé la tête pour l'instant.