Intervention de Laurence Millet

Réunion du 5 décembre 2012 à 9h00
Commission des affaires sociales

Laurence Millet, élue SUD :

Les scientifiques ne travaillent jamais isolés. La recherche est un travail d'équipe, le plus souvent au niveau international. Ainsi, la préparation de ma thèse m'a amenée à échanger avec des chercheurs travaillant aux États-Unis, en Tchécoslovaquie et en Italie. Ces échanges existent depuis toujours dans la recherche publique comme dans la recherche privée, y compris chez Sanofi. J'ajoute que des échanges ont toujours existé entre la recherche publique et la recherche privée, cette dernière étant nécessaire à la première qui a besoin de fonds. Ainsi, un grand nombre de thésards ou de post-doctorants sont payés dans les laboratoires publics grâce à des contrats avec des industries privées. Nous ne remettons pas en cause cette collaboration. Néanmoins, il serait dangereux que la recherche publique assume une grande partie de la recherche actuellement assurée par le secteur privé, car cela conduirait à ce que la recherche appliquée privée se nourrisse des découvertes de la première.

Le recentrage des activités de Sanofi sur les sites de Paris et Lyon, voire Strasbourg, témoigne d'une vision très restrictive des pôles scientifiques du territoire français et signifiera un désengagement territorial important. Montpellier et Toulouse sont des villes très dynamiques au niveau universitaire, et il est indispensable que des entreprises privées, dont Sanofi pour les aspects chimie et biologie, continuent à y être présentes. D'ailleurs, à l'annonce du plan de restructuration cet été, des universitaires responsables de formations sur le campus de Rangueil à Toulouse se sont inquiétés auprès de nous sur le devenir de leurs stagiaires et sur les débouchés pour les jeunes diplômés.

Sanofi a toujours affiché sa volonté de ne pas faire figurer le terme « oncologie » à l'intérieur du site de Toulouse. J'ignore pourquoi. Néanmoins, diverses équipes du site mènent des recherches en oncologie depuis longtemps. En avril, Sanofi, Aviesan et l'Institut Claudius Regaud ont même signé un accord de collaboration de recherche dans le domaine de l'oncologie à Toulouse. La direction de Sanofi ne peut donc affirmer qu'il n'y a pas d'activité oncologique dans cette ville.

En outre, l'entité infectiologie existe sur le site de Toulouse depuis trois ans, où des collaborations existent avec le secteur public. Alors qu'ils ont déjà commencé à obtenir des résultats très intéressants, les salariés, qui se sont investis et formés, s'entendent dire qu'ils devront arrêter de travailler sur cette thématique ou, s'ils veulent continuer, aller travailler à Lyon. Or à Lyon, aucun projet n'est porté par Sanofi à l'institut de recherche technologique (IRT). Quant au centre d'infectiologie de Lyonbiopôle, il est en cours d'installation. Ainsi, rien n'est signé, aucun bâtiment ne peut accueillir les chercheurs à Lyon. On nous promet que les structures seront installées à l'horizon 2016, mais que vont devenir les salariés de Toulouse d'ici là ?

Sanofi s'est largement désengagée de sa recherche. Le projet de réorganisation Transforming 1 a entraîné une baisse de 22 % des effectifs en R&D, de 15 % des budgets R&D, de 34 % des projets de recherche et de 27 % des projets de développement. La direction justifie l'arrêt des projets en affirmant qu'ils n'étaient pas porteurs. En réalité, ils ne l'étaient pas au regard de la medical value – ce terme renvoyant à l'apport financier pour la société lorsqu'elle met un médicament sur le marché ! Ajouté aux réductions drastiques des investissements en R&D, ce changement d'éthique complique considérablement la tâche des chercheurs qui, après s'être investis pendant trois, sont blessés de s'entendre dire qu'ils n'ont pas été efficaces dans leur travail.

La recherche est un processus long, coûteux et risqué. Si Sanofi – dont les résultats sont très bons – n'investit pas dans la recherche, quelle société va le faire ? En abandonnant la pharmacie, Sanofi devient une entreprise de santé. L'investissement dans la recherche pharmaceutique – et non de santé – est donc une nécessité absolue.

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