COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 5 décembre 2012
La séance est ouverte à neuf heures dix.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission entend les coordonnateurs syndicaux de Sanofi sur le plan de restructuration des activités en France annoncé par ce groupe
Nul n'ignore la crise survenue au sein de Sanofi, un de nos plus grands groupes industriels, qui touche au secteur du médicament, donc de la santé. Elle nous concerne d'autant plus que l'industrie pharmaceutique est solvabilisée par la sécurité sociale et les assurances complémentaires, nos cotisations finançant indirectement la recherche et le développement des médicaments.
Parce que nous sommes tous attachés à Sanofi, qui emploie 28 000 personnes en France et plus de 110 000 dans le monde, j'ai tenu à ce que la Commission des affaires sociales reçoive ce matin, à leur demande, les coordinateurs syndicaux et auditionne cet après-midi les représentants de la direction. Il y a en effet de quoi s'interroger : comment une entreprise du CAC 40, qui réalisent des bénéfices, peut-elle envisager une restructuration qui débouchera sur des suppressions d'emplois ?
Je demanderais à nos interlocuteurs de se présenter, avant d'évoquer la situation de leur entreprise.
Je suis coordonnateur pour la CFDT du groupe Sanofi et je viens du site de production et de recherche de vaccins de Marcy l'Étoile, situé dans la région lyonnaise.
Je suis coordonnateur pour la CGT et statisticien au centre de recherche de Vitry.
Je suis coordonnateur de la CFTC pour le groupe Sanofi en France, et mon métier d'origine est la visite médicale.
Je suis coordonnateur pour la CFE-CGC du groupe Sanofi, et je suis attaché au site de recherche de Montpellier.
Je suis le coordonnateur de FO pour le groupe Sanofi. Je viens de Sanofi-Aventis France (SAF), c'est-à-dire de la partie commerciale du groupe.
Le 5 juillet 2012, la direction de Sanofi a annoncé un plan de restructuration touchant la recherche, l'activité vaccins et les fonctions support pour l'ensemble des activités du groupe dans notre pays. Cette annonce fait suite au vaste plan de restructuration Transforming, engagé il y a trois ans et mis en oeuvre à l'arrivée de M. Christopher Viehbacher à la direction générale du groupe. Depuis lors, 3 500 à 4 000 postes – dont 1 200 dans la recherche et 1 500 dans la visite médicale – ont été supprimés. Le centre de recherche de Porcheville a été fermé tandis que les sites chimiques de Romainville et de Neuville, dont une centaine de salariés ne sont toujours par reclassés, doivent disparaître.
Le plan actuel concernerait 2 000 à 2 400 salariés supplémentaires. Un patron de l'activité industrielle a déclaré récemment que, quelles que soient les molécules qu'on pourrait trouver en France, elles seraient désormais produites ailleurs. Pourtant, Sanofi, leader de l'industrie pharmaceutique en France comme en Europe et quatrième industrie pharmaceutique mondiale, a réalisé 33 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011 et dégagé près de 9 milliards d'euros de bénéfice, dont la moitié, soit l'équivalent de la masse salariale en France, a été redistribuée aux actionnaires. Autant dire que l'entreprise a les moyens de conserver tous ses emplois. En outre, elle bénéficie depuis plusieurs années de près de 150 millions de crédit d'impôt recherche.
Il est envisagé de sacrifier une grande partie de la recherche en supprimant l'ensemble des postes qui lui sont consacrés sur le site de Montpellier et en fermant le site de recherche de Toulouse. Les fonctions support seront réparties sur deux pôles d'excellence créés à Lyon et à Paris, ce qui entraînera des milliers de mobilités. Les vaccins paieront eux aussi un lourd tribut à ce plan de restructuration, dont l'objectif purement boursier parachèvera le démantèlement scientifique et industriel engagé il y a trois ans.
Dans le monde entier, les cabinets conseils qui assistent les grands groupes de l'industrie pharmaceutique conseillent de ne plus financer le risque de la recherche. Selon eux, il faudrait renoncer à la recherche interne et acheter à l'extérieur des produits, qu'on développerait en interne pour en faire des médicaments, en sous-traitant éventuellement les parties du développement les moins stratégiques.
C'est pourquoi Sanofi, qui réunit 40 % des effectifs de la pharmacie en France et 30 % des effectifs de la recherche, envisage le désengagement total du site de Toulouse et l'arrêt de la recherche sur celui de Montpellier, désormais voué au développement. Le directeur général a jugé « insuffisant » le tissu scientifique environnant ces deux villes. Quelle absurdité quand on songe à leur tradition dans les domaines scientifique, médical et pharmaceutique !
En 2009, le plan Transforming s'est traduit par l'arrêt de certaines recherches sur le site de Montpellier. La ligne oncologie a été transférée à Boston aux États-Unis et les chercheurs français ont dû se reconvertir au prix d'une formation lourde. La direction répète que la recherche n'est pas productive. C'est exact : on n'a pas laissé aux personnels le temps ni la sérénité nécessaires pour obtenir des résultats.
Faut-il citer un autre exemple de gâchis ? Aventis, qui possédait une ligne antibiothérapie particulièrement performante, l'a arrêtée. Considérant qu'il s'agissait d'un enjeu majeur de santé publique, l'ancien directeur général l'a fait démarrer à Toulouse. Alors qu'elle commence juste à donner des résultats, on veut à nouveau la fermer.
La direction prétend envisager seulement un transfert vers Lyon ou Vitry ; mais, de manière significative, elle parle désormais de recherches sur les maladies infectieuses et non plus sur les antibiothérapies. Les unités transférées vers Lyon seront intégrées à celles de Sanofi Pasteur. Nous y voyons le risque d'un abandon des recherches sur les antibiotiques, particulièrement stratégiques, puisque seules deux entreprises au monde – Sanofi et AstraZeneca – s'y consacrent encore.
La direction prétend que la recherche n'est plus productive, mais sa productivité dépend des projets qu'elle retient. Récemment, elle les sélectionnait encore sur leur potentiel et leur intérêt thérapeutique. À présent, seul prévaut le critère financier, au mépris de toute considération scientifique. Le groupe Sanofi a lancé en Asie un Lactacyd white intimate destiné à blanchir la peau des parties intimes des femmes asiatiques. En France, il a créé un joint-venture avec Coca-Cola pour commercialiser une boisson qui stimule le moral, les cheveux et la peau. Il débauche même des cadres de Coca-Cola ! Étape ultime de l'externalisation de la recherche, une opération masquée sous le nom de Sunrise vise à créer, avec des capitaux extérieurs, des start-up dédiés à un sujet, où du personnel de Sanofi pourra être détaché pendant quelques années. En fonction de leurs succès, ces entreprises seront intégrées à Sanofi ou mourront. Une société créée aux États-Unis sous le nom Warp Drive Bio, a embauché quinze chercheurs pour reprendre des travaux menés jusqu'à présent sur le site Sanofi de Francfort. Cependant, le nombre de salariés diminue dans nos services de pharmacovigilance.
Sur le site de recherche de Toulouse, la première phase de Transforming s'est traduite par des réductions d'effectifs, qui n'ont été compensées ni par des remplacements ni par des embauches, alors même qu'on nous demande d'innover. Les budgets de fonctionnement, de maintenance, de formation ou de déplacement ont diminué. Les axes de recherche ont été reconsidérés de manière drastique. Ainsi, on a supprimé le service dédié au système nerveux central, qui travaillait sur les maladies d'Alzheimer et de Parkinson. Les salariés ont dû se reclasser sur les axes anti-infectieux, anti-parasitaire ou antibiotique, mais, en tant que tel, cet axe, dont la partie chimie sera transférée vers Paris et la partie biologie vers Lyon, sera détruit.
La première phase de Transforming s'est traduite, en outre, par la réduction des projets. Bien que les équipes de Toulouse se soient adaptées avec succès, puisqu'elles sont à l'origine de deux des trois produits passés en développement cette année, Chris Viehbacher a annoncé le 5 juillet : « Il n'y a probablement pas de rôle pour le site de Toulouse à l'intérieur du groupe Sanofi. Je n'ai pas de solution concrète à proposer. »
En réunion, c'est devenu un sujet tabou. M. Elias Zerhouni, directeur de Sanofi R&D au niveau mondial, répond aux questions de manière erronée, renvoyant tout cela à la décision qui sera prise par une mission ministérielle. La direction nie que ce centre soit concerné par le plan, mais reconnaît que 200 personnes rattachées aux fonctions support ou à la ligne anti-infectieux devraient postuler à Paris ou à Lyon. Il reste 400 personnes, qui ne semblent pas concernées par le plan mais qui, si elles postulent ailleurs, bénéficieront tout de même des mesures d'accompagnement de départs dits « volontaires ». La direction sait-elle où elle va ? Une chose est sûre cependant : le plan vise à réduire le nombre d'emplois.
À Toulouse, les salariés se mobilisent. Nous en serons demain au vingt-deuxième jeudi de la colère. Le conflit se durcit. Nous envisageons de bloquer le site. Nous attendons un positionnement clair de la direction. L'entreprise doit conserver son site de recherche à Toulouse, maintenir les emplois et prévoir les investissements nécessaires pour développer les projets liés aux axes thérapeutiques, notamment en cancérologie, recherche translationnelle et infectiologie, sur lesquels elle travaille déjà.
Pour l'activité vaccins, le plan prévoit 800 suppressions de postes, compensées en théorie par la création de 300 postes nouveaux. Comme dans le reste du groupe, les fonctions support sont touchées. Plus généralement, on observe depuis dix ans dans le domaine du vaccin tout ce qu'on commence seulement à constater sur la recherche en médicaments : les réorganisations successives mènent à l'arrêt de nombreux projets et à des externalisations. Les secteurs les plus touchés sont l'industriel et la production, en raison de la politique désastreuse qui a été menée en matière de recherche.
Dans la partie vaccins, la restructuration prévoit huit arrêts de production, notamment à Marcy l'Étoile, deuxième site le plus touché après Toulouse. Ils concernent les vaccins contre la rougeole, la rubéole, les oreillons, la pneumonie, la méningite, la coqueluche cellulaire et la rage. L'atelier de répartition des seringues est également touché. Ces arrêts de production s'étaleront entre 2013 et 2017, date d'arrêt de la commercialisation.
On nous reproche de n'avoir pas sorti des vaccins de seconde génération, qui devaient améliorer ceux qu'on arrête aujourd'hui. Nous n'y sommes pas parvenus parce que la direction a mis fin, pour des raisons financières, aux projets de recherche. Le Pneumo 23 de deuxième génération nous aurait permis de maintenir notre activité. Pour le vaccin contre les oreillons, le procédé de culture sur cellules aurait dû remplacer celui de culture sur oeufs, mais, là encore, la direction a renoncé au projet. Pour justifier ses décisions, elle invoque le coût de l'investissement dans l'outil de production, notamment pour l'unité de répartition des seringues, pour les vaccins contre la rubéole et la rougeole, et pour Imogam Rage. Capable de dégager des milliards de cash-flow pour les actionnaires, Sanofi ne parvient pas à trouver les quelques centaines de millions d'euros nécessaires pour maintenir l'outil en état et garantir l'avenir de la production !
Nous déplorons également des délocalisations : le vaccin contre la coqueluche cellulaire sera produit en Inde.
L'arrêt des vaccins contre la rubéole et la rougeole serait une catastrophe en termes de santé publique. D'ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) demande à la direction de maintenir sa production, car la rougeole tue encore chaque année des centaines de milliers de personnes. Sanofi est un cas d'école, qui montre que la financiarisation conduit à la désindustrialisation et à l'abandon de la recherche.
Alors que salariés et organisations syndicales se mobilisent pour l'arrêt du plan, la direction est intraitable. C'est pourquoi nous avons besoin de vous. Il faut s'attaquer à la racine du mal, la finance internationale, et à ses outils, les banques d'affaires. Citigroup et Morgan Stanley conseillent à l'industrie pharmaceutique de dégager plus de profit en économisant sur la recherche et l'industriel. Dans le même temps, elles mettent à genoux les États européens, par le biais de la dette publique, et les multinationales, via les dividendes reversés aux actionnaires. À l'heure où les plans sociaux explosent, nous sommes solidaires de toutes les entreprises confrontées aux mêmes difficultés que Sanofi et de tous les États soumis aux politiques de rigueur.
Seule une loi peut faire reculer la direction. Il faut engager une régulation de la finance, définir les motifs économiques pouvant justifier un plan social, redonner du pouvoir aux instances représentatives du personnel dans le cadre des consultations liées aux plans de restructuration, et rénover la gouvernance des entreprises. Les politiques salariales laissent à désirer, comme la composition des conseils d'administration. Enfin, nous avons demandé plusieurs fois qu'on interdise les suppressions d'emplois abusives. Une loi qui traiterait des seuls licenciements ne suffit pas, car elle ne concernerait pas les multinationales comme Sanofi, qui recourent aux départs dits volontaires. Si l'une des premières entreprises du CAC 40 peut se permettre de détruire de l'emploi dans le contexte actuel, qui en créera demain ? Qui assurera l'avenir de la recherche, de l'innovation, de notre industrie et de nos enfants ?
Le plan actuel est le septième en cinq ans. Nous en avons connu trois à la visite médicale, un à la chimie, un en recherche et développement et un à Sanofi-Aventis Groupe, qui réunit les personnels des sièges parisiens. En tout, presque 3 000 emplois ont été supprimés, sans parler des emplois indirects. Si les effectifs de Sanofi ont pu se maintenir, c'est uniquement parce que l'achat de Mérial et de Genzyme a permis le remonter de 24 000 à 28 000 le nombre de salariés en France.
Le nouveau plan touche la recherche, l'industrie des vaccins et l'ensemble des fonctions support. Si la recherche disparaît en France et que Sanofi continue à investir en rachetant des entreprises de biotechnologie à l'étranger, qui peut croire qu'une molécule trouvée en Inde, au Japon ou aux États-Unis, sera développée un jour en France, par exemple à Montpellier, centre d'excellence mondial ? Le groupe, qui se désengage aujourd'hui de la recherche, abandonnera demain la production industrielle. Il cédera ses sites, et les plans sociaux continueront de se succéder. Après Sanofi-Aventis, nous assisterons peut-être à la naissance de Sanofi-Coca-Cola, puisque la recherche sanitaire n'est plus une priorité.
Les fonctions support touchées par le plan se répartissent sur tout le territoire : achats, finances, ressources humaines, informatique sont présents dans la cinquantaine de sites que nous possédons en France. Il est question de les regrouper dans des centres de services partagés, à Lyon et à Paris, comme on n'en trouve plus qu'en France, car dans toute l'Europe, ils sont externalisés. Leur regroupement permettra de calculer leur rentabilité : celle des centres de Paris et Lyon d'abord, puis celle de Sanofi et d'autres prestataires. À moyen terme interviendra fatalement une nouvelle externalisation, qui détruira encore de l'emploi dans le groupe.
Toutes les organisations syndicales de l'entreprise sont unies car son avenir est en jeu, comme celui de l'industrie pharmaceutique française. Cette industrie de haute technologie est aussi une industrie d'avenir, qui génère des milliers d'emplois induits, auxquels la direction ne fait jamais allusion.
Conserver son indépendance est un enjeu stratégique. Où les jeunes trouveront-ils un emploi si cette industrie continue à supprimer des milliers de postes de travail ? Si les pouvoirs publics, à commencer par l'Assemblée nationale, valident la stratégie de réduction des coûts du travail, tous les groupes l'adopteront, ce qui sera une catastrophe. La restructuration vise non, comme on le prétend, à maintenir la compétitivité de la recherche, mais à augmenter la rentabilité financière du groupe. Pour s'en convaincre, il suffit de relire les déclarations de la direction en septembre 2011 ou en mai 2012, lors de l'assemblée générale des actionnaires. La loi ne devrait pas permettre qu'on supprime des emplois pour augmenter la financiarisation.
Le seul engagement pris par M. Christopher Viehbacher a été d'augmenter de manière continue les dividendes, quels que soient les résultats de l'entreprise, et de les porter à 50 % du résultat net. Son premier actionnaire étant L'Oréal, Sanofi continuera à enrichir Mme Bettencourt en cassant un potentiel scientifique et industriel de premier ordre. Au-delà des salariés du groupe, la question concerne toute la Nation.
Nous avons formulé des propositions. Quand une entreprise choisit d'augmenter le niveau des dividendes indépendamment de ses résultats économiques, elle doit aussi s'engager à maintenir des sites, des activités et des emplois, voire à assurer leur développement. Seul le travail crée des richesses. Les actionnaires de Sanofi n'ont pas placé un euro dans l'entreprise depuis des années, alors qu'ils accaparent 3,5 à 4 milliards de dividendes par an. Les élus doivent préserver le potentiel scientifique et industriel national, d'autant qu'il a été, dans le passé, financé par l'argent public, puisque l'État a pris des participations dans Sanofi, Rhône-Poulenc et Roussel-Uclaf pour les aider à se développer, et que l'industrie pharmaceutique vit des organismes payeurs telle la sécurité sociale.
Vous devez légiférer pour garantir l'avenir industriel de la France, en empêchant les suppressions d'emplois à visée boursière, sans quoi aucun texte ne permettra plus de préserver les emplois futurs. Il serait impensable que les mesures votées par le Sénat l'an dernier ne le soient pas aujourd'hui par l'Assemblée nationale.
La loi doit aussi donner plus de droits et de pouvoirs aux salariés dans les comités d'entreprise et les conseils d'administration. Elle doit obliger les entreprises à investir à proportion des bénéfices qu'elles réalisent. Pour lutter contre la financiarisation de l'économie, il faut aussi supprimer les privilèges exorbitants dont bénéficient certains dirigeants d'entreprise, dont ceux de Sanofi : retraites chapeaux, actions de performance, parachutes dorés, et tout ce qui permet d'augmenter le bénéfice net par action sans créer d'emplois.
Enfin, l'industrie pharmaceutique est stratégique pour notre pays, compte tenu des enjeux de santé publique. Notre responsabilité et la vôtre, mesdames, messieurs les députés, est de garantir l'accès de la population française – et, au-delà, mondiale – à des soins de qualité à des prix raisonnables. Il serait temps que l'État soit représenté au sein des organes de gouvernance des entreprises pharmaceutiques.
Nous sommes disponibles pour travailler avec les groupes parlementaires prêts à s'engager sur nos propositions, qui émanent de l'ensemble des organisations syndicales. L'enjeu est de taille : le plan de restructuration actuel de Sanofi est mortifère non seulement pour la recherche du groupe – les sites de Montpellier et Toulouse ne sont pas les seuls concernés, dans la mesure où ils travaillent pour les autres sites –, mais aussi pour l'avenir de l'ensemble de ses activités.
Nous prenons nos responsabilités : les salariés sont mobilisés depuis le mois de juillet et vont continuer leur action. Nous souhaitons que les députés prennent les leurs et nous aident face à une direction qui a pour unique objectif l'augmentation des dividendes.
Je vous remercie, madame et messieurs.
Tout d'abord, le rapprochement entre les industries pharmaceutiques et agroalimentaires s'impose à mon attention. Vous avez cité Coca Cola, mais Sanofi s'est également associée avec Kraft Foods, LU et Nestlé. L'objectif est, semble-t-il, de constituer des groupes encore plus importants. On se demande cependant ce que font des laboratoires pharmaceutiques, qui soignent le diabète de type 2, avec des industries agroalimentaires, qui contribuent à créer ce même diabète. Ils organisent même des colloques communs. Je me suis déjà exprimée clairement à ce sujet l'année dernière.
Ensuite, si la diminution des effectifs en matière de recherche ne laisse pas de nous inquiéter, il n'en va pas de même dans le domaine de la visite médicale. La direction de Sanofi– nous verrons ce qu'elle en dira – est dans l'obligation de réduire cette activité pour deux raisons. Premièrement, de nombreux brevets de Sanofi tombent dans le domaine public et l'entreprise n'a, dès lors, aucun intérêt à promouvoir des médicaments qui peuvent être prescrits sous forme de génériques. Deuxièmement, pour peu que la direction en donne les moyens aux chercheurs, l'avenir est aux médicaments portant sur le vivant, basés sur des stratégies ciblées de décodage du génome. À cet égard, la majorité de gauche – je l'ai dit devant les Entreprises du médicament (LEEM) à la Maison de la Chimie il y a quelques semaines – autorisera la recherche sur les embryons, bloquée dans notre pays alors qu'elle ne l'est pas dans les pays anglo-saxons.
Enfin, j'espère que Sanofi continuera à fabriquer en France le vaccin contre la dengue. Compte tenu de l'augmentation de la pauvreté et de la recrudescence de maladies telles que la rougeole en France, on peut s'étonner que la production des vaccins soit délocalisée.
Je vous remercie, madame et messieurs, d'avoir éclairé la représentation nationale sur la situation que vous vivez depuis déjà un certain temps. Déjà en 2005, les syndicats s'étaient déjà mobilisés contre la stratégie suivie par Sanofi, de manière solidaire, comme en atteste votre présence aujourd'hui.
Au-delà de la question – essentielle – des suppressions d'emplois, vous abordez des problèmes de politique industrielle et de santé qui nous concernent tous. Assistons-nous véritablement à une mutation de l'industrie pharmaceutique et à la remise en cause – c'est votre opinion – de l'activité de recherche, qui serait considérée comme insuffisamment rentable ? En outre, si toute entreprise a le droit de proposer une restructuration, les citoyens et les élus peuvent-ils accepter qu'un groupe qui se porte bien et a bénéficié de 150 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche procède à une restructuration se traduisant par un affaiblissement de la recherche et la suppression d'emplois ? Nous nous trouvons face à une situation que l'on retrouve ailleurs, celle de la primauté donnée à la logique financière, au détriment de la recherche et de la santé. Nous devons nous interroger sur cette évolution et vous soutenir et être à vos côtés, tout en écoutant les arguments du président directeur général que nous auditionnerons cet après-midi.
Par contraste avec la pratique des années passées, le Gouvernement s'est engagé à vos côtés : si mes informations sont exactes, grâce à son action, le nombre de suppressions d'emplois prévues par le plan – le site de Toulouse mis à part – serait passé de 1 500 à 900. Pouvez-vous nous le confirmer ?
S'agissant du site de Toulouse, les sénateurs ont proposé, après vous avoir reçus, la nomination d'un médiateur. Qu'en pensez-vous ? Cela semble indiquer que le dialogue entre la direction et vous est déjà rompu. Qu'en est-il ?
Enfin, vous avez formé des recours devant les tribunaux. Quelle a été votre argumentation ? Quels résultats avez-vous obtenus ?
Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir organisé cette audition d'un type nouveau pour notre commission. Elle présente un intérêt certain, compte tenu des enjeux et de la situation difficile que connaît l'industrie pharmaceutique, en raison de la conjoncture et de mutations économiques profondes. Nous aurons des débats analogues sur d'autres secteurs, notamment la métallurgie.
Nous partageons, madame et messieurs, vos inquiétudes : un plan de restructuration est toujours vécu comme une injustice par les employés, à plus forte raison lorsqu'il est de cette ampleur ; un tel plan représente, en outre, un échec économique et social pour tout un territoire. En l'espèce, les enjeux dépassent largement le site de Toulouse.
Pour autant, nous, parlementaires, devons rester très prudents dans nos réactions. Juger une stratégie industrielle demande une expertise, dont je ne dispose pas pour ma part. Nous devons connaître les tenants et aboutissants, en étant conscients que gérer, c'est prévoir. L'industrie française doit s'adapter et s'organiser pour anticiper les mutations auxquelles nous seront confrontés à l'avenir.
S'agissant de la recherche, d'autres industries pharmaceutiques ont connu des développements analogues à ceux que connaît aujourd'hui Sanofi. Nous avons tous des exemples en tête. Dans le département de la Côté-d'Or, dont je suis élu, l'agglomération de Dijon disposait d'une industrie pharmaceutique importante, qui est depuis une quinzaine d'années – y compris Sanofi – confrontée à une situation difficile. Les industries pharmaceutiques ont souvent été rachetées par des groupes étrangers, qui ont maintenu pendant un certain temps les unités de recherche et de production, avant de les fermer, les unes après les autres. Ainsi, encore récemment, le groupe Abbott a décidé de fermer le site de recherche de Dijon pour le rapatrier aux États-Unis. Nous perdons ainsi – c'est dramatique – tout un pan du savoir-faire français.
Néanmoins, le regroupement des unités de recherche n'est-il pas un gage de pérennité ? La concentration de la recherche sur un pôle unique ne permet-elle pas, grâce à l'optimisation des moyens, de la rendre plus performante et moins vulnérable ?
L'avenir que vous décrivez pour les vaccins ne laisse pas de nous inquiéter. Dans la mesure où le groupe Sanofi n'a pas donné la priorité aux vaccins en matière de recherche, le site de production de Quétigny, près de Dijon, qui a été récemment modernisé, pourrait être menacé. Ces évolutions ne vont-elles pas à l'encontre des orientations de santé publique, notamment de l'accent mis sur la politique de vaccination ?
Au-delà de la préoccupation que j'exprime pour l'avenir du site de Montpellier, nous devons envisager la situation de l'entreprise et le combat à mener de manière globale. Nous défendons, avant tout, des principes. Il faut éviter que la direction de Sanofi ne joue un site contre l'autre.
Je souscris aux propos introductifs de la présidente : la production de médicaments n'est pas une activité industrielle qui obéit aux seules lois du marché. L'industrie pharmaceutique vit grâce à la solidarité nationale. Personne ne peut soutenir, en France, que le médicament doit devenir une marchandise comme les autres, compte tenu de notre système de sécurité sociale, dont nous venons de décider de maintenir le niveau de financement. Plus encore que dans d'autres secteurs, nous sommes en droit de demander des comptes au nom de la Nation, comme nous le faisons aujourd'hui.
J'appelle l'attention de nos collègues qui pensent avant tout aux intérêts économiques : le désengagement en matière de recherche au profit des activités immédiatement rentables aura, à terme, des conséquences économiques et représente un danger pour la stratégie industrielle de notre pays. Nous ne pouvons pas accepter de telles logiques.
Nous devons également dénoncer la stratégie actuelle de Sanofi, qui se tourne, au nom de la rentabilité économique, vers des secteurs totalement étrangers à la production de médicaments –la présidente l'a rappelé. Ayons également conscience du symbole : Sanofi est en train de faire entrer Coca Cola dans les pharmacies ! Les défenseurs des politiques de santé publique et de prévention ne peuvent l'accepter.
J'ai entendu, madame et messieurs, vos propositions. Je retiens deux idées importantes. Premièrement, le champ de la loi tendant à interdire les licenciements boursiers doit être étendu aux suppressions d'emplois dans leur ensemble, certaines entreprises mettant déjà en oeuvre des stratégies de contournement. Deuxièmement, je suggère de conditionner le bénéfice du futur crédit d'impôt compétitivité emploi à l'absence de plan de suppression d'emplois non justifié par des réalités économiques. Cette mesure serait-elle, selon vous, de nature à faire reculer la direction de Sanofi et, au-delà, d'autres entreprises qui envisagent de tels plans ?
L'industrie pharmaceutique est, en effet, un secteur d'activité différent des autres. Sans me faire le porte-parole de la direction de Sanofi et sous le contrôle des chercheurs ici présents, je précise néanmoins que la recherche pharmaceutique peut coûter très cher, en particulier lorsque le lancement d'un médicament doit être abandonné en phase II d'étude clinique, parce que les résultats ne sont pas concluants.
Je salue l'initiative de la Présidente, qui organise des débats intéressants dans différents domaines. Il est important que la représentation nationale entende directement tant les directions que les organisations représentatives du personnel. J'ai été sensible, madame et messieurs, à la convergence de vos analyses et à votre demande commune que nous, parlementaires, prenions toutes nos responsabilités.
Je partage votre analyse : le plan envisagé est très préoccupant, tant en termes d'emploi que de recherche et de santé publique. Tous ces points nous concernent. L'industrie pharmaceutique – nous l'avons souvent rappelé ici – n'est pas un secteur banal, dans la mesure où les remboursements de sécurité sociale contribuent à ses bénéfices. La puissance publique doit examiner attentivement la situation et prendre ses responsabilités. Il n'est pas acceptable qu'une entreprise qui se porte bien ait pour seul objectif d'augmenter les dividendes, à plus forte raison dans le secteur pharmaceutique.
Il appartient aux différents groupes politiques et au Gouvernement de prendre des initiatives : nous devons non seulement demander des comptes, mais surtout légiférer pour empêcher de tels dysfonctionnements. Les avantages exorbitants dont vous faites état et qui n'existent pas uniquement dans l'industrie pharmaceutique, n'honorent pas notre pays, à un moment où nous avons tant besoin de moyens financiers. Nous, parlementaires, nous honorerions en y mettant un terme. Nous devrions également réfléchir aux moyens d'obliger les entreprises à investir lorsqu'elles réalisent des bénéfices et distribuent des dividendes. Les entreprises qui disposent de moyens ne doivent pas les consacrer seulement à l'augmentation des dividendes, mais également à l'investissement et au développement des activités de recherche et de production.
Le groupe GDR y insiste : certaines activités de recherche et de production devraient avoir un caractère public. Nous défendons depuis longtemps cette idée dans le secteur pharmaceutique : nous devons constituer un pôle de recherche publique fort, qui sera un stimulant pour la recherche privée, ainsi qu'un pôle de production également public. Ce secteur a, en effet, un fort impact sur la population.
Nous sommes très attentifs aux questions que vous avez soulevées. Je le suis d'autant plus en ma qualité d'élu du département du Rhône : le site de Marcy-l'Étoile – qui accueille le centre de recherche et de développement le plus important de Sanofi, un pôle d'excellence européen pour les nouveaux projets et un pôle d'expertise – est très représentatif de l'histoire de votre entreprise. Nous sommes évidemment très inquiets.
Je souhaite néanmoins souligner quelques éléments positifs. La France demeure et demeurera un pays stratégique pour Sanofi. Le groupe contribue pour plus de 7 milliards d'euros au solde positif de notre balance commerciale dans le domaine du médicament. Sur ces cinq dernières années, il a réalisé des investissements importants, à hauteur de 3,4 milliards d'euros – notamment 350 millions d'euros pour faire de l'usine de Neuville-sur-Saône le premier site de production mondial du vaccin contre la dengue. Ce n'est pas négligeable. Enfin, Sanofi a décidé d'installer à Lyon les sièges internationaux de ses activités en matière de vaccins et de santé animale, auparavant situés en Amérique du nord.
Nous aurons l'occasion d'interroger votre direction sur le plan de restructuration qu'elle envisage. Ce plan vise à créer une nouvelle dynamique de succès dans la recherche interne pour confier des volumes de production plus importants aux usines du groupe, à améliorer la productivité et à développer les entreprises industrielles, notamment la production de vaccins au sein de la filiale Sanofi Pasteur.
Votre direction s'est engagée à mettre en oeuvre ces « adaptations », selon ses propres termes, dans le strict cadre du volontariat, grâce à d'ambitieuses mesures d'accompagnement. Quelles doivent être ces mesures selon vous ? Quel est votre point de vue sur ces annonces ?
Elle affirme, en outre, que la réduction d'environ 900 postes sera réalisée sans aucun licenciement, mais au moyen de propositions de mobilité en France, de départs volontaires et de dispositifs spécifiques pour les seniors, notamment de congés de fin de carrière, de congés de transition à la retraite et de congés de partage d'expérience – ces derniers ne coûtant rien à la collectivité. Qu'en pensez-vous ?
Nous sommes également soucieux de connaître les activités de votre groupe qui pourraient, le cas échéant, être remises en cause. Qu'en est-il des nouveaux partenariats scientifiques, en particulier dans le domaine de la cancérologie ? Vous avez également évoqué les vaccins.
Le site internet de Sanofi met en avant deux grandes priorités : « un tissu industriel créateur de valeur », « des vaccins pour protéger à chaque étape de la vie ». Il conviendrait de faire de ces slogans de véritables objectifs pour le groupe, grâce au dialogue social et aux mesures prises de part et d'autre. La recherche pharmaceutique et la santé concernent, en effet, tous nos concitoyens.
Je vous remercie à mon tour, madame la présidente, d'avoir organisé cette audition pertinente, qui sera complétée par celle de la direction cet après-midi. La production de médicaments est un secteur sensible, compte tenu des enjeux pour la santé et pour notre industrie. Il ne se passe pas un jour où nous ne nous interrogions sur l'avenir de notre pays, la situation de l'emploi, l'état de notre appareil industriel. Je me félicite que soyons invités à donner notre avis sur ces sujets dans le cadre de notre commission.
Je salue le travail réalisé en commun par les syndicats présents aujourd'hui et souligne leur unanimité. Vous réfléchissez, dans le respect de votre diversité, à l'avenir de votre groupe et de votre secteur. C'est votre rôle. Il est essentiel que les salariés aient voix au chapitre. Votre parole compte et vous avez raison de la porter devant notre commission. Nous sommes nous aussi dans notre rôle. Si nous ne pouvions pas nous saisir de ce dossier et donner notre opinion, ce serait à désespérer de la République.
Le sujet est complexe. Nous écouterons la direction de Sanofi cet après-midi et ferons la synthèse des points de vue. Tout plan de restructuration suscite des interrogations. Certains peuvent être valables ou acceptables. D'autres le sont moins. Plusieurs plans récents ont fait l'objet d'une forte médiatisation, en particulier celui de PSA, qu'il a fallu revoir.
Des éléments concordants nous permettent de nourrir des doutes quant au bien-fondé du plan de restructuration de Sanofi. La concomitance, d'une part, de la baisse des effectifs et, d'autre part, de l'augmentation des bénéfices et des dividendes versés – les deux courbes se croisent – ne laisse pas de nous inquiéter.
Nos collègues de droite posent des questions et citent le slogan de l'entreprise, mais je ne les ai pas entendus soutenir les salariés, qui s'inquiètent non pas de leur situation personnelle, mais de la situation de l'emploi industriel dans notre pays. Nous connaissons leur position, qui consiste à soutenir les plans de restructuration.
Le groupe RRDP estime que la majorité doit réaliser un important travail législatif pour faire évoluer la situation. À défaut, ce serait à désespérer de la gauche. Nous sommes favorables aux initiatives législatives, d'où qu'elles viennent. Pour notre part, nous avons déposé la proposition de loi n° 372 relative aux licenciements collectifs pour motif économique, qui tend à modifier plusieurs aspects importants du code de travail et à empêcher les licenciements abusifs.
J'en viens à mes questions.
Quels sont, selon vous, les objectifs de la direction ? Pensez-vous qu'elle souhaite réorienter l'activité du groupe ? Il est question de Coca Cola, pourquoi pas McDonald's ! Ces suppressions de postes cachent-elles une volonté de délocalisation de la part de la direction ?
Pouvez-vous, en outre, faire le point sur vos relations avec le Gouvernement et vos contacts avec les différents ministres ?
Enfin, pouvez-vous nous dire à quel stade de la procédure en est le plan social ?
Vous ne croyez pas si bien dire, monsieur Carpentier : Sanofi participe en effet à une fondation dans laquelle figure McDonald's.
Je suis stupéfait par les propos de notre collègue. Cette commission ne devrait pas être un lieu pour les polémiques politiciennes.
Mon expérience de chercheur au sein d'un centre hospitalier universitaire et d'un laboratoire en pharmacologie me permet de le dire : nous assistons sur le plan international à une révolution scientifique dans le domaine du médicament. Cela concerne la recherche tant publique que privée.
J'entends, madame et messieurs, vos arguments et vos propositions. On ne peut que partager vos inquiétudes sur la situation de l'emploi et le devenir de la recherche en France.
Cependant, doit-on conserver les choses en l'état dans le secteur pharmaceutique ? Sur les quarante-sept médicaments approuvés par l'Agence européenne des médicaments l'année dernière, aucun n'est issu des laboratoires français et aucun ne sera fabriqué en France. Qu'y changera le vote d'une loi supprimant les privilèges des dirigeants ou donnant davantage de droits et de pouvoirs aux salariés – on peut d'ailleurs y être favorable – au sein des comités d'entreprise ?
S'agissant d'une éventuelle nationalisation, qu'attendez-vous des pouvoirs publics ? Si la position du Gouvernement est la même pour l'industrie pharmaceutique que pour la métallurgie et la sidérurgie, votre attente risque d'être longue.
Comment faire pour s'adapter, d'un point de vue non pas législatif, mais économique et industriel, à cette révolution de la recherche et de l'industrie du médicament ?
Je suis élu de la circonscription de Haute-Garonne dans laquelle se trouve le site de Sanofi à Toulouse. Je soutiens bien évidemment votre action depuis le début et continuerai à le faire.
Au-delà du plan de restructuration, vous affirmez que Sanofi se désengage de la recherche. Avant la première grande réunion du comité d'entreprise de Sanofi sur ce plan en septembre, j'avais formulé plusieurs exigences à l'attention du groupe, en particulier celle d'un maintien – essentiel à mes yeux – de son niveau d'investissement en matière de recherche et développement. La direction a indiqué qu'elle maintiendrait cet effort. Vous le démentez. Pouvez-vous étayer votre argumentation ?
En outre, s'agissant de l'articulation entre les sites de Toulouse et de Lyon dans le domaine de l'infectiologie, la direction invoque l'efficacité de la recherche : dans la mesure où la puissance publique a décidé d'ouvrir un institut de recherche technologique (IRT) à Lyon, Sanofi aurait intérêt à y regrouper ses forces en matière de recherche, notamment pour collaborer avec les organismes publics. Vous contestez cette approche. Pouvez-vous, là aussi, préciser vos arguments ?
En ma qualité de député de la Haute-Garonne, j'apporte mon soutien à Christophe Borgel, qui est concerné au premier chef.
L'un d'entre vous a indiqué, madame et messieurs, que le site de Toulouse consacrait une part de son activité de recherche à l'oncologie. Or, la direction de Sanofi le nie catégoriquement et ne se dit d'ailleurs pas concernée par le projet de canceropôle. Qu'en est-il précisément ?
Quoi qu'il en soit, dans le contexte de montée du chômage que nous connaissons et au regard de l'évolution des dividendes que le groupe a distribués, il est révoltant qu'il continue à adapter ses effectifs en fonction de ses objectifs de rentabilité.
En outre, qu'en est-il des vaccins qui ne seront plus fabriqués en France ? Le groupe cessera-t-il ou délocalisera-t-il leur production ? C'est une question non seulement de santé publique – Jacqueline Fraysse l'a dit –, mais aussi de sécurité nationale, sur laquelle l'État se doit d'être vigilant. Les vaccins ne peuvent être stockés de manière préventive : il est nécessaire de les produire au moment où on en a besoin, en tenant compte de l'évolution des germes concernés.
Enfin, les partenariats développés par le groupe avec les organismes de recherche publics sont-ils considérés comme porteurs ou constituent-ils au contraire un prétexte au désengagement de certains sites ?
Votre question, monsieur Bapt, est d'autant plus importante que nos concitoyens perdent confiance dans les médicaments. Je ne reviendrai pas sur le livre irresponsable écrit à ce sujet par deux médecins français.
Le président de Sanofi France a déclaré ne pas être sûr que l'industrie du médicament créerait demain de nouveaux emplois dans les pays dit matures, mais qu'elle le ferait en revanche dans les pays émergents, particulièrement dans les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Pour sa part, M. Louis Gallois indique clairement dans son rapport que la santé et l'économie du vivant constituent des secteurs essentiels pour le développement économique.
Il semble que la direction générale de Sanofi, qui s'est longtemps reposée sur ses lauriers, n'a pas su anticiper sa stratégie de restructuration, notamment en matière de recherche et de biotechnologies. Est-ce là votre analyse ? Le rachat de Genzyme suggère que le groupe accusait en effet un retard important dans ces domaines. La recherche de rentabilité à court terme que vous attribuez au nouveau directeur général explique-t-elle tout ou bien le défaut d'anticipation du groupe au cours des dernières années a-t-il également joué ? Une représentation des salariés au conseil d'administration de l'entreprise, telle qu'elle est proposée dans le rapport Gallois, aurait-elle pu changer la donne ?
L'industrie pharmaceutique est un sujet important à plus d'un titre : elle figure parmi les axes prioritaires de développement de notre commerce extérieur ; elle représente un enjeu en matière d'emploi, préoccupation première de nos concitoyens.
J'ai été très intéressée par vos propos. M. Vially a exprimé vos attentes en matière de législation contre les licenciements abusifs. L'outil législatif existe déjà et a été utilisé dans l'affaire Unilever dans le sud de la France : les salariés ont contesté la qualification de licenciements économiques et ont obtenu gain de cause ; le groupe a dû revitaliser le site concerné. Sans doute conviendrait-il de renforcer cet outil et de l'adapter aux évolutions en cours.
Vous avez beaucoup parlé, à juste titre, de recherche. Je rejoins Mme la présidente : la France est confrontée à un véritable problème dans ce domaine. Qu'en est-il de la recherche fondamentale, qu'il convient de ne pas négliger ?
En outre, avez-vous réalisé des projections pour évaluer les répercussions d'un désengagement du groupe en matière de recherche sur sa production en France ? Le site de production de Sanofi situé dans la commune où je suis élue est, à ce stade, épargné. Cependant, si le groupe cherche aujourd'hui à réaliser des gains de productivité en matière de recherche, il n'y a guère de raison qu'il ne le fasse pas également dans la production à l'avenir.
En ma qualité d'élu d'une circonscription de Toulouse, je soutiens le combat engagé pour maintenir le site de recherche de Sanofi dans cette ville. On ne peut pas prétendre que l'environnement est insuffisant pour la recherche dans l'agglomération toulousaine, alors que son potentiel dans ce domaine est l'un des plus élevé en France.
La montée en puissance du canceropôle représente une perspective de développement pour le site de Toulouse. Cette idée est-elle évoquée dans les discussions ? Cette solution est-elle explorée ?
Vous nous avez fourni le chiffre d'affaires et les résultats du groupe dans sa globalité. Pouvez-vous, comme pour les effectifs, nous les préciser pour la France ?
Les représentants de la direction de Sanofi m'ont indiqué que la productivité du groupe baissait en France, alors que tel ne serait pas le cas dans d'autres de ses implantations à l'étranger. Quelle est votre analyse sur ce point ?
Cette journée d'auditions va nous permettre – je m'en félicite – d'être davantage éclairés sur ce dossier, emblématique au niveau national et problématique pour les salariés concernés.
Je suis élu de la circonscription de l'Essonne dans laquelle se trouve le site de Chilly-Mazarin et j'ai rencontré récemment la coordination intersyndicale locale.
Quel regard portez-vous sur la qualité du dialogue social au sein de votre groupe ? De quelle manière la puissance publique pourrait-elle ou devrait-elle, selon vous, prendre le relais et stimuler ce dialogue ? Que pensez-vous de la proposition de désignation d'un médiateur formulée par les sénateurs ?
Vous avez été reçus à l'Elysée il y a quelques jours et avez demandé une réunion tripartite entre les pouvoirs publics, la direction et les organisations syndicales, compte tenu – je peux souscrire à cette approche – de l'importance des aides publiques dont bénéficie Sanofi : remboursements de la sécurité sociale qui garantissent la solvabilité d'une partie du marché, crédit d'impôt recherche et, demain, crédit d'impôt compétitivité et emploi. On peut estimer que Sanofi percevra, avec ses 28 000 salariés, 50 à 60 millions d'euros au titre de ce dernier dispositif. Se posera, dès lors, la question des contreparties. Quel est votre point de vue sur cette question ?
Vous nous avez présenté un cas d'école. J'estime, à titre personnel, qu'il nous oblige : nous devons légiférer pour dissuader, sanctionner, voire interdire les licenciements ou les suppressions d'emplois dont le seul objectif est d'améliorer la rémunération des actionnaires.
(M. Jean-Patrick Gille, vice-président, prend le fauteuil de président.)
La note que vous nous avez distribuée indique que « la part du chiffre d'affaires consacrée à la R&D diminue ces dernières années pour passer sous la barre des 15 %, contre plus de 17 % quatre ans plus tôt. » Ce pourcentage correspond-il bien à l'effort global de recherche de Sanofi, et non à la seule R&D menée au plan interne ? Si c'est le cas, il témoigne d'une baisse significative en la matière.
J'ai lu que Sanofi est très réputée pour sa recherche, notamment dans le domaine de la chimie, mais qu'elle accuserait un retard en matière de biotechnologies. Ce retard est-il avéré et, si c'est le cas, quels remèdes préconisez-vous ? Quelle recherche vous paraît avoir le plus d'avenir : celle en chimie ou celle dans le domaine des biotechnologies ?
Vous avez déposé des recours en justice contre Sanofi. J'aimerais connaître la teneur de l'argumentation qui a été développée et les réponses qui vous ont été apportées.
Comme vous le savez, le rôle du juge est relativement restreint en matière de licenciements pour motif économique. Il l'est au stade du plan de sauvegarde de l'emploi, puisque la Cour de cassation a estimé, au premier semestre de cette année, que le juge ne pouvait pas annuler un tel plan au motif qu'il n'existait pas de cause économique de licenciement, et que l'existence de la cause ne conditionnait pas la validité du plan. Ainsi, seule une modification législative est de nature à remettre en cause cette jurisprudence. En outre, après jugement du conseil de prud'hommes et de la chambre sociale de la cour d'appel, la Cour de cassation considère que le juge du contrat de travail ne peut apprécier les moyens par lesquels l'employeur remédie à la cause économique du licenciement. Quel est votre avis sur ce point ?
Pour ce qui nous concerne, nous ne pourrons intervenir qu'après les négociations actuellement en cours entre les partenaires sociaux et sans doute sur la base de celles-ci.
Au vu des chiffres que vous nous avez communiqués, il me semble plus que normal que l'industrie pharmaceutique participe mieux et davantage au financement de la sécurité sociale.
En outre, il est important de s'interroger sur les conditions dans lesquelles est octroyé le crédit d'impôt recherche, lequel ne doit pas être détourné de son objectif initial.
Enfin, que pensez-vous du lobbying des laboratoires pharmaceutiques auprès des institutions européennes ? Qu'attendez-vous des pouvoirs publics français au regard des enjeux en matière de santé ?
(La présidente Catherine Lemorton reprend le fauteuil de président.)
Les scientifiques ne travaillent jamais isolés. La recherche est un travail d'équipe, le plus souvent au niveau international. Ainsi, la préparation de ma thèse m'a amenée à échanger avec des chercheurs travaillant aux États-Unis, en Tchécoslovaquie et en Italie. Ces échanges existent depuis toujours dans la recherche publique comme dans la recherche privée, y compris chez Sanofi. J'ajoute que des échanges ont toujours existé entre la recherche publique et la recherche privée, cette dernière étant nécessaire à la première qui a besoin de fonds. Ainsi, un grand nombre de thésards ou de post-doctorants sont payés dans les laboratoires publics grâce à des contrats avec des industries privées. Nous ne remettons pas en cause cette collaboration. Néanmoins, il serait dangereux que la recherche publique assume une grande partie de la recherche actuellement assurée par le secteur privé, car cela conduirait à ce que la recherche appliquée privée se nourrisse des découvertes de la première.
Le recentrage des activités de Sanofi sur les sites de Paris et Lyon, voire Strasbourg, témoigne d'une vision très restrictive des pôles scientifiques du territoire français et signifiera un désengagement territorial important. Montpellier et Toulouse sont des villes très dynamiques au niveau universitaire, et il est indispensable que des entreprises privées, dont Sanofi pour les aspects chimie et biologie, continuent à y être présentes. D'ailleurs, à l'annonce du plan de restructuration cet été, des universitaires responsables de formations sur le campus de Rangueil à Toulouse se sont inquiétés auprès de nous sur le devenir de leurs stagiaires et sur les débouchés pour les jeunes diplômés.
Sanofi a toujours affiché sa volonté de ne pas faire figurer le terme « oncologie » à l'intérieur du site de Toulouse. J'ignore pourquoi. Néanmoins, diverses équipes du site mènent des recherches en oncologie depuis longtemps. En avril, Sanofi, Aviesan et l'Institut Claudius Regaud ont même signé un accord de collaboration de recherche dans le domaine de l'oncologie à Toulouse. La direction de Sanofi ne peut donc affirmer qu'il n'y a pas d'activité oncologique dans cette ville.
En outre, l'entité infectiologie existe sur le site de Toulouse depuis trois ans, où des collaborations existent avec le secteur public. Alors qu'ils ont déjà commencé à obtenir des résultats très intéressants, les salariés, qui se sont investis et formés, s'entendent dire qu'ils devront arrêter de travailler sur cette thématique ou, s'ils veulent continuer, aller travailler à Lyon. Or à Lyon, aucun projet n'est porté par Sanofi à l'institut de recherche technologique (IRT). Quant au centre d'infectiologie de Lyonbiopôle, il est en cours d'installation. Ainsi, rien n'est signé, aucun bâtiment ne peut accueillir les chercheurs à Lyon. On nous promet que les structures seront installées à l'horizon 2016, mais que vont devenir les salariés de Toulouse d'ici là ?
Sanofi s'est largement désengagée de sa recherche. Le projet de réorganisation Transforming 1 a entraîné une baisse de 22 % des effectifs en R&D, de 15 % des budgets R&D, de 34 % des projets de recherche et de 27 % des projets de développement. La direction justifie l'arrêt des projets en affirmant qu'ils n'étaient pas porteurs. En réalité, ils ne l'étaient pas au regard de la medical value – ce terme renvoyant à l'apport financier pour la société lorsqu'elle met un médicament sur le marché ! Ajouté aux réductions drastiques des investissements en R&D, ce changement d'éthique complique considérablement la tâche des chercheurs qui, après s'être investis pendant trois, sont blessés de s'entendre dire qu'ils n'ont pas été efficaces dans leur travail.
La recherche est un processus long, coûteux et risqué. Si Sanofi – dont les résultats sont très bons – n'investit pas dans la recherche, quelle société va le faire ? En abandonnant la pharmacie, Sanofi devient une entreprise de santé. L'investissement dans la recherche pharmaceutique – et non de santé – est donc une nécessité absolue.
Certes, il est possible d'imaginer assujettir l'obtention du crédit d'impôt recherche à l'existence, par exemple, d'un plan de sauvegarde des emplois. Néanmoins, il faut savoir qu'un simple document recto verso peut suffire à son obtention. Pis, l'industrie ou l'entreprise bénéficiaire n'est pas tenue de fournir un cahier des charges, voire une justification de l'utilisation qu'elle a en fait. Ces trois dernières années, Sanofi a touché entre 130 et 150 millions d'euros par an au titre du crédit d'impôt recherche. Étant donné les destructions d'emploi dans la recherche, les organisations syndicales peuvent se demander si ce crédit d'impôt recherche n'a pas été consacré à les faciliter. Nous n'osons pas l'imaginer, mais pourquoi pas ?
Nous pensons, sur la base de l'analyse de plusieurs experts, que le nombre de 914 suppressions de postes annoncés par la direction est sous-estimé. D'abord, il n'inclut pas les risques de pertes d'emplois sur les sites de R&D de Toulouse. Ensuite, il ne constitue que le solde de créations d'emplois hypothétiques et de suppressions de postes envisagées. Or les risques de pertes d'emplois ne sont pas réductibles aux variations de postes. En réalité, les pertes d'emplois sans mobilité géographique déjà identifiées concernent au moins 1 620 personnes, et les risques de pertes d'emplois liées aux hypothétiques créations de postes sans mobilité s'élèvent à 355, auxquels il convient d'ajouter le risque sur le maintien des postes de recherche à Toulouse. Au total, le nombre de suppressions de postes est compris entre 2 028 et 2 373. Quant aux départs volontaires, certains d'entre eux seront quelque peu appuyés ! Nous n'en doutons pas puisque, entre 2009 et 2011, Sanofi a déjà supprimé près de 4 000 postes en France.
Nous ne sommes pas opposés à la nomination d'un médiateur. Toutefois, nous avons déjà rencontré plusieurs ministres, ainsi qu'un conseiller de l'Élysée la semaine dernière. Depuis le début, l'intersyndicale de Sanofi réclame l'organisation d'une réunion tripartite. En effet, les organisations syndicales doivent pouvoir discuter avec la direction générale de Sanofi pour lui exposer ses arguments, et avec les pouvoirs publics pour qu'ils vérifient les dires de la direction, sachant que les engagements de cette dernière auprès du Gouvernement ne figurent pas dans les documents qui nous sont fournis. Nous ne travaillons pas dans un climat de confiance et les choses sont totalement bloquées : la direction ne démord pas de son plan d'origine alors que les organisations syndicales en demandent le retrait. Comment est-il possible de discuter d'un plan de restructuration avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête des salariés ? Ainsi, l'amorce d'une discussion avec la direction générale passe obligatoirement par le gel du plan.
Si la recherche et la division vaccins de Sanofi ont été abordées à plusieurs reprises, et à juste titre, les fonctions support ne doivent cependant pas être oubliées. Elles existent en effet dans toutes les activités du groupe et seront touchées par les mesures de mobilité dans le cadre de la création des deux pôles d'excellence à Lyon et à Paris.
Enfin, le site de Toulouse était initialement inclus dans un plan global, puis il a été isolé. C'est bien la preuve que la direction de Sanofi entend détacher ce site de l'ensemble du groupe.
Le plan de réorganisation de 2009 de Sanofi a entraîné la suppression de 1 200 postes dans la recherche. Le plan actuel, imposé par la direction, entraînera la suppression de 900 à 1 000 postes qui seront compensés non en France, mais partiellement à l'étranger. En effet, le pouvoir décisionnel pour l'oncologie est basé à Boston, et des centres de recherche sont créés en Inde et en Chine. Il s'agira ni plus ni moins d'une délocalisation masquée de la recherche.
Le site de Montpellier est dimensionné pour accueillir 1 800 à 2 000 salariés, mais en comprend un peu moins de 1 100 depuis le premier plan de 2009. Selon les chiffres validés par la direction au dernier comité central d'entreprise, ce nombre passera à 800 en raison de la suppression de 252 postes. Il s'agit du seul site en France où toutes les activités de la recherche sont menées jusqu'à la mise sur le marché du médicament. Si la recherche s'arrête à Montpellier, la pérennité du site sera remise en cause, nous en sommes convaincus.
La diminution drastique des activités dans le domaine de la chimie à Montpellier a eu pour conséquence de « mettre sous cloche » un investissement de 120 millions d'euros. L'ancienne direction générale avait lancé la construction d'un pilote chimie. Malheureusement, cet outil moderne et performant, mis au point il y a tout juste un an, est aujourd'hui inadapté car la nouvelle direction générale a réorienté les sites de chimie vers les biotechnologies. Or la chimie est un domaine qui a beaucoup d'avenir. L'industrie mondiale commet une erreur stratégique en s'orientant tête baissée vers les biotechnologies, même si elles ont connu un formidable essor au cours des dernières décennies : Elf Sanofi a même créé Elf Bio Recherches à Labège, mais tous les partenaires se sont désengagés de ce centre biotechnologique au bout de dix ans. Aujourd'hui, Roche est la seule firme pharmaceutique mondiale qui continue à miser sur la chimie. Sur le site de Montpellier, un laboratoire au sein de l'unité exploratoire travaille sur la chimie des petites molécules : cette activité, qui a pourtant beaucoup d'avenir, va s'arrêter. Ainsi, le désengagement de la recherche en France est patent.
Trois référés sont en cours, pour la recherche, Pasteur et Merial. Les juges nous ont déboutés en première instance. Nous avons fait appel pour le volet recherche, et le jugement sera rendu le 28 janvier. En réalité, les juges se sont laissés berner par l'argumentation des avocats de la direction à propos des départs volontaires. De même, l'Élysée et le ministère du redressement productif sont en train d'être bernés par la direction de Sanofi. En effet, le volontariat a ses limites. Les mesures d'âge ne pourront pas empêcher les suppressions de postes dans la recherche, la division vaccins et les fonctions support. Pour Montpellier, où 252 postes seront supprimés, on sera arrivé au bout du bout si l'on parvient péniblement à une centaine de mesures d'âge. Ainsi, 150 personnes se retrouveront dans une situation de quasi-licenciement, mais la direction affirmera ne pas avoir eu recours à des licenciements, à l'instar de ce qu'elle a fait pour les visiteurs médicaux.
Il faut savoir que les salariés du groupe dont le poste est supprimé se voient proposer par la direction de partir de façon volontaire en signant une convention de rupture – régie par le code civil, et non le code du travail – et de recevoir une indemnité sous la forme d'une aide à la formation bien supérieure à une prime de licenciement. Sachez que toutes les sociétés ont recours à ce mode de départ. Cette formule permet de supprimer des milliers de postes et à la direction d'affirmer – elle le dit déjà – son engagement à ne pas licencier. Mesdames, messieurs les députés, où est le volontariat lorsque le salarié n'a pas d'autre choix que de signer cette convention ?
En conclusion, il est faux de dire que l'intervention du ministère du redressement productif a permis de faire passer le nombre de suppressions de poste de 2 500 à 914. C'est la présentation des chiffres qui a changé et, in fine, les postes sont bien supprimés. Vous devez le savoir. Ne vous laissez pas berner à votre tour par les propos des représentants de la direction générale que vous auditionnerez cet après-midi.
Depuis le mois de juillet, nous demandons instamment le gel du plan de restructuration afin de pouvoir discuter avec la direction de Sanofi de manière correcte, et non avec un couteau sous la gorge. Cela s'est révélé impossible puisque cette dernière continue à dérouler son plan. C'est pourquoi nous réclamons une réunion tripartite associant les pouvoirs publics, la direction et les syndicats. Le plan est composé d'un livre I, relatif aux mesures d'accompagnement, et d'un livre II, sur le projet économique de l'entreprise.
L'action de l'intersyndicale vise à obtenir des explications sur la justification économique de ce plan et sur ses conséquences en termes de fermetures de sites et de suppressions d'emplois. Nous refusons donc d'ouvrir le livre I, relatif aux mesures d'accompagnement, car le faire signifierait que l'intersyndicale commence à valider le plan. Pour l'heure, nous menons un combat car nous n'acceptons pas que cette entreprise licencie, alors qu'elle réalise des milliards d'euros de bénéfices. Vous l'avez compris : l'annonce de Sanofi sur un plan de « 914 départs volontaires et zéro licenciement » est un leurre.
Les fonctions support (ressources humaines, achats, informatique, etc.) sont présentes sur l'ensemble des sites – Ambarès, Tours, Toulouse, Quétigny, etc. Certes, seuls dix à quinze salariés sont concernés pour chaque site, mais ils n'ont qu'une alternative : soit accepter les mesures d'âge, s'ils ont la chance d'entrer dans les critères, soit rejoindre Paris ou Lyon. Or ceux qui ne souhaiteront pas aller à Lyon ou à Paris, notamment pour des raisons familiales, seront poussés vers la sortie. Lors de certains comités d'entreprise, des salariés dont le poste est supprimé se sont entendus dire qu'ils pourraient rester sur le site s'ils refusaient de partir ! Mais que feront-ils sur le site puisque leurs fonctions n'y existeront plus ? Au total, ces salariés n'entrent pas dans la comptabilité de l'entreprise et le chiffre de 914 annoncé par la direction ne correspond pas à la réalité puisqu'elle considère que tout le monde va accepter ces mutations.
En définitive, nous ne trouvons aucune justification au plan de restructuration de Sanofi, ni pour la recherche et la division vaccins, ni pour les fonctions support.
Depuis le mois de juillet, nous demandons l'organisation d'une réunion tripartite, ce que la direction de Sanofi refuse. Vous pourrez demander aux représentants de la direction que vous allez auditionner cet après-midi le motif de ce refus. Nous souhaiterions de surcroît que l'État soit davantage porteur de cette exigence au regard des enjeux en termes de santé publique.
En 2005, des articles dithyrambiques sont parus dans la presse à propos de la recherche de Sanofi, qui avait permis de grandes avancées et d'importants profits. Je pense au Plavix, au Lovenox, ainsi qu'au Taxotère développé grâce à une collaboration avec la recherche publique dans une logique de développement réciproque et de coopération entre chaque entité. À cette époque, tout était merveilleux. Une pilule prétendument miracle présentée par les dirigeants aux actionnaires fut cependant retirée pour cause d'effets secondaires indésirables.
Cette même année, les organisations syndicales avaient interpellé Sanofi à son plus haut niveau, à savoir M. Jean-François Dehecq, sur la nécessité d'investir dans les biotechnologies – sans oublier pour autant la chimie, qui reste fondamentale en permettant des avancées majeures en termes de santé publique –, car l'utilisation des anticorps monoclonaux commençait à être envisagée pour le traitement de certaines pathologies. Il a fallu attendre 2007 pour que la direction accepte finalement le principe de cette proposition.
Lorsque les projets de recherche sont abandonnés, les équipes dispersées, lorsque le départ de 1 300 personnes n'est pas compensé par des embauches – seuls deux post-doctorants en recherche et dix personnes ont été recrutés en 2011 par Sanofi en France –, lorsque les salariés sont inquiets sur leur avenir dans le groupe, comment peut-on parler de stimulation interne ?
Nous avons demandé à la direction de nous présenter le bilan de son projet Transforming de 2009, ce qu'elle a refusé de faire. Nous vous invitons donc à demander à M. Lajoux, cet après-midi, les raisons de son refus de présenter le bilan du précédent plan de restructuration de Sanofi, en particulier en ce qui concerne l'amélioration de la productivité de la recherche.
En réalité, Sanofi est totalement discréditée. Elle abandonne des projets, pour les reprendre plus tard. La division des anti-infectieux était basée à Paris, elle a été arrêtée pour des raisons financières, puis transférée à Toulouse, où elle sera stoppée pour être transférée à Lyon ! D'ailleurs, au travers du transfert à l'IRT de Lyon, Sanofi espère obtenir des fonds publics ! Le groupe s'est fixé comme objectif de supprimer plusieurs postes à Toulouse pour fragiliser davantage le site et pouvoir ainsi le scinder, le vendre… Où est l'efficacité de la recherche dans ces conditions ?
Aux 2 milliards d'euros d'économies que vise Sanofi d'ici à 2015, vient donc s'ajouter ce plan de restructuration. En effet, en raison d'études cliniques coûteuses, la direction générale – qui a promis aux actionnaires d'améliorer la rentabilité de l'entreprise – a décidé d'engager un plan d'économies en mettant fin à la recherche à Montpellier, en faisant disparaître le site de Toulouse et en fragilisant les autres sites.
Nous sommes prêts à discuter, dans le cadre de la réunion tripartite que nous réclamons, des moyens permettant de promouvoir une recherche et des collaborations plus efficaces. Mais la direction, lors du comité centrale d'entreprise consacré à la recherche, a déclaré de façon très claire que son projet actuel ne subirait aucune modification.
Nous sommes déboutés de nos actions en justice parce que l'avocat de la direction avance l'argument des départs volontaires et l'engagement de la direction « pour zéro licenciement », alors que tout démontre qu'il s'agit bien d'un plan de suppressions d'emplois visant à augmenter la rentabilité financière de l'entreprise, ce qui est illégal ! Nous n'allons pas attendre que nos collègues soient licenciés pour agir ! Il faut une évolution législative sur cette question. Si nous ne l'obtenons pas, le plan de restructuration ira à son terme !
Sanofi vient de passer un important accord de sous-traitance de dix ans pour 2 milliards de dollars avec Covance, une entreprise américaine de recherche. Alors pourquoi est-il impossible d'obtenir ne serait-ce qu'un engagement de cinq ans de maintien des sites et des emplois de Sanofi en France ? Posez cette question à M. Lajoux tout à l'heure.
Sans l'intervention des pouvoirs publics, sans votre aide, le dialogue avec la direction restera bloqué et 28 000 salariés se mettront en grève. Et nous serons tous responsables autour de cette table !
Il y a des diminutions d'effectifs dans l'ensemble des services de recherche et développement de Sanofi. Nos collègues travaillant dans ces services nous ont alertés de la pression extrême qu'ils subissent dans l'exercice de leur métier. Ce phénomène touche également certaines productions, sur lesquelles nous avons reçu des alertes via la Food and drug administration (FDA).
Cette pression exercée sur les salariés à tous les niveaux vise à augmenter la productivité, alors que celle-ci est déjà l'une des meilleures au monde ! La direction générale a même annoncé à ses actionnaires que l'entreprise pharmaceutique sera la plus rentable au monde dans trois ans, ce que confirment tous les analystes ! Comment alors accepter ces suppressions de postes ?
Il y a donc bien une pression sur nos collègues travaillant au département de pharmacovigilance. Mais elle concerne aussi tous nos métiers. Cette situation n'est plus tenable.
En réalité, après le plan de 2009, ce plan de restructuration a vocation à être suivi d'un troisième plan en 2015-2016, ce qui entraînera l'arrêt de la recherche pharmaceutique et de nombreuses productions dans notre pays. Nous en sommes convaincus, et c'est ce qui explique le front commun des syndicats et la mobilisation des salariés. Aidez-nous à empêcher la direction de mettre en oeuvre un plan inacceptable.
La gauche, lorsqu'elle était dans l'opposition, a été à l'origine de la création du statut de lanceur d'alerte en matière de pharmacovigilance.
D'ailleurs, Roche est actuellement en grande difficulté puisque la Commission européenne vient de cibler des effets secondaires provoqués par des médicaments que le groupe pharmaceutique suisse veut développer et qu'il a cachés à la FDA.
Nul ne conteste à la direction le droit de restructurer l'entreprise, surtout pour améliorer son efficacité. Il serait suicidaire de s'opposer à tout changement. Ce que nous contestons, c'est le postulat selon lequel il faudrait réduire les coûts et supprimer des emplois dans le seul but d'augmenter les dividendes versés aux actionnaires.
Nous avons toujours été ouverts à la discussion, comme le montrent les nombreux accords auxquels nous sommes parvenus, mais le dialogue social sur la restructuration ne pourra reprendre que lorsque la direction aura suspendu la procédure en cours – on ne négocie pas avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête – et qu'elle se sera engagée à modifier son plan, sur la base d'une réflexion commune pour améliorer l'efficacité de la recherche. La direction et les organisations syndicales partagent le même but, mais ces dernières veulent l'atteindre sans supprimer d'emplois ni augmenter de manière indécente la rentabilité de l'entreprise.
Nous avons retourné le problème en tous sens : la seule solution est de légiférer. À l'heure actuelle, un seul plan social a été jugé non fondé économiquement et, lorsqu'il a été reconnu comme tel, il était trop tard, puisque le personnel avait déjà été licencié. Globalement, on manque de recul pour évaluer certaines procédures. Les plans de départ volontaire – ou prétendu tel – sont apparus récemment et ne favorisent pas les salariés, ce qui nourrit en ce moment un contentieux. C'est d'autant plus regrettable que les grands groupes auraient les moyens de payer leur restructuration.
Je vous confirme l'arrêt de la production de plusieurs vaccins. Dans la plupart des cas, il s'agit d'un arrêt total. Actuellement, seuls deux acteurs sont capables de produire, en respectant des critères de qualité et de quantité, des vaccins contre la rougeole : Sanofi Pasteur et Serum Institute of India. Si l'un d'eux disparaît, l'autre ne pourra pas répondre à la demande mondiale, ce qui posera un grave problème de santé publique.
Sanofi continuera de produire le vaccin contre la coqueluche cellulaire, mais en Inde, dans le cadre d'une délocalisation, et Imogam Rage sera sous-traité, au motif que ce produit ne rapporte plus assez.
En matière de compétitivité, la première erreur consiste à isoler le prix de revient en faisant abstraction du reste. L'innovation et le lancement de nouveaux produits participent aussi à la compétitivité, que l'on met en danger en cassant la recherche. Une seconde difficulté tient au mode de calcul des coûts. La direction annonce que, chez Sanofi Pasteur, le prix de revient industriel des vaccins a augmenté de 27 % en quatre ans, mais, selon l'expert mandaté par le comité central d'entreprise, le mode de calcul a changé pendant la période et, à méthode constante, l'augmentation tombe à 20 %. Sur ces 20 %, 18 s'expliquent par la hausse des effectifs, qui a également permis d'augmenter le chiffre d'affaires en France. Plus fiable est le ratio entre l'évolution du coût de revient d'un produit et le chiffre d'affaires qu'il génère, autrement dit le rapport entre ce que coûte un produit et ce qu'il rapporte. Or ce ratio n'a augmenté que de 3,6 % en quatre ans. Enfin, pour les mêmes produits, l'évolution du prix de revient industriel pour Sanofi Pasteur est de 18 % dans le reste du monde contre 20 % en France, ce qui ne représente pas un écart considérable. La direction oriente la communication. D'où la nécessité de faire appel à un expert économique.
En interne, la direction justifie également son plan en invoquant la falaise des brevets, mais, quand elle s'adresse aux investisseurs et aux actionnaires, elle explique que cette falaise est derrière nous. Notre expert économique le confirme : après 2013, seuls 6 % de nos produits seront exposés à la générification.
Il est exact que vaccins et santé animale sont des domaines voisins, ce qui suppose que les équipes soient très proches, mais elles l'étaient déjà : quinze kilomètres séparent Lyon de Marcy l'Étoile. Le travail sur les anti-infectieux, qui était basé à Toulouse, est bien différent. Peut-être pourra-t-on créer des synergies dans le cadre de partenariats public-privé ou améliorer la communication entre les équipes de recherche. Mais quand on rapproche ainsi des unités, on en éloigne d'autres. Au final, ces mutations ne rendent la communication ni meilleure ni pire. Disons qu'elles la modifient, mais, chaque fois, on perd des postes et la motivation diminue, car les salariés n'apprécient pas d'être déplacés tous les deux ans.
En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche, l'entreprise doit fournir des garanties. Si l'État apporte de l'argent, il doit pouvoir vérifier qu'on crée des emplois dans la recherche et que les entreprises travaillent sur des questions de santé publique. En échange du crédit d'impôt recherche, Sanofi devrait accélérer la recherche ou procéder à des investissements pour trouver un vaccin contre le sida. Une telle politique aurait plus d'allure qu'une alliance avec Coca-Cola, qui n'aura pas d'autre effet sanitaire que d'augmenter le nombre de diabétiques.
La première fois que la question du crédit d'impôt recherche a été évoquée au comité d'entreprise, il n'a été question ni de projet de recherche ni de réponse aux besoins fondamentaux de la population. Des responsables des services juridiques et financiers se sont contentés de nous expliquer combien ils espéraient gagner grâce à cette mesure, ce qui nous a profondément choqués.
Ce sont les organisations syndicales qui ont demandé des investissements dans les biotechnologies. Ceux-ci ont malheureusement eu lieu à Vitry, où la suppression de production chimique et biochimique a touché plusieurs centaines de salariés, et à Neuville, où le site chimique, qui en regroupait 800, a fermé. C'est d'ailleurs l'ancienne direction qui a investi. La nouvelle ne l'aurait pas fait à cette hauteur, et il est peu probable qu'elle investira en France.
Depuis trois ans, Sanofi a signé quelque soixante-quinze acquisitions ou partenariats. Très peu ont permis des investissements destinés à faire évoluer le groupe en France.
Quel est le rendement des molécules achetées à l'extérieur ? Combien d'entre elles arrivent à terme ? Quel est leur taux de réussite par rapport aux produits réalisés en interne ? La direction n'a pas répondu à ces questions. Vous pourrez les leur poser lorsque vous les auditionnerez. Nous savons pertinemment que les molécules issues des biotechnologies externes ne sont pas meilleures que les nôtres, preuve que la mise en concurrence est un faux argument.
La séance est levée à onze heures cinquante.