Certaines contraintes légales ou réglementaires aux États-Unis ont abouti à ce que la CIA prenne quelques libertés avec le traitement des prisonniers, inventant la détention à Guantánamo faute de traitement judiciaire possible sur le territoire américain. L'excès autant que le manque de réglementation sont nuisibles.
On a atteint, dans l'Hérault, une centaine de signalements. La démarche, efficace, demande un important travail en amont – ne parvient aux départements que ce qui a été trié par la cellule nationale – et pour nos services, car nous devons vérifier la véracité des informations qui nous sont transmises : des signalements peuvent émaner de gens inquiets sans raison ou de personnes malveillantes, dont des membres de couples en difficulté… Mais des signalements proviennent aussi de familles véritablement démunies et qui appellent à l'aide. Pour l'instant, les signalements remontent de la plateforme du numéro vert plus que des élus ou du milieu éducatif. C'est que la reconnaissance des signaux faibles demande une formation, et qu'il faut aussi apprendre à connaître l'islam. Très peu de ceux qui ont un rôle à jouer dans le dispositif de prévention de la radicalisation – professeurs des écoles, responsables associatifs, élus… – sont capables de décrire ce qu'est l'islam et de distinguer les obédiences. Une intense formation est nécessaire pour faire comprendre cette culture et éviter qu'elle ne soit rejetée en bloc.
En matière de prévention toujours, un effort d'envergure s'impose pour faire naître un islam de France et francophone, dans la liberté et le respect mais avec une grande détermination ; il est néfaste que les imams qui prêchent dans notre pays soient payés par des pays étrangers.
Enfin, il est impératif de condamner systématiquement les islamistes radicaux et ceux qui aident à la radicalisation avec une intention malveillante tendant à la commission d'actes terroristes. Nous disposons pour cela d'un arsenal de neutralisation judiciaire que bien des pays nous envient, caractérisé par la centralisation des poursuites, des incriminations et de l'instruction et par le chef d'accusation d'« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».
Ce qu'il faut améliorer maintenant est ce qui permet de traiter du pré-terrorisme ou ce qui lui est périphérique. Lors de la guerre en Afghanistan, les djihadistes partis de France et qui menaçaient de revenir étaient quelques dizaines et nous jugions ce phénomène très inquiétant. À présent, c'est à quelques milliers de djihadistes que nous avons à faire et, aussi bien armée soit la DGSI, elle ne peut suivre 3 000 à 4 000 personnes, leurs familles et leurs contacts, d'autant que notre système anti-terroriste centralisé atteindra très vite ses limites. Dans le cas de Lunel, une information judiciaire avait déjà été ouverte à la suite des morts de ressortissants français en Syrie mais ce n'était pas la priorité du magistrat instructeur, submergé par les dossiers. Finalement, une opération judiciaire a finalement pu être déclenchée, que j'ai fini par obtenir à l'influence et avec beaucoup de mal. Mais que dire de tout ce qui entoure ces affaires ? Ainsi, pour ce qui est de la soustraction d'une BMW chez le loueur par quatre garçons qui étaient déjà dans le collimateur des services, on aurait sans doute pu agir plus tôt sans que cela soit nécessairement centralisé au parquet anti-terroriste. En d'autres termes, le parquet local pourrait se saisir de certaines affaires et les traiter pour désencombrer la justice anti-terroriste. Il va sans dire que la condition impérative d'un tel partenariat est le maintien d'un lien très étroit entre les intervenants, pour que l'on ne retombe pas dans les travers des années 1980, avec une dispersion complète des affaires judiciaires.