Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d'intérêt, mais j'ai trouvé votre exposé liminaire – pardonnez-moi – un peu académique. Il exprime une sorte de colbertisme de l'éducation nationale : tout est bien rangé, les livrets sont là, etc. Cela met mal à l'aise. Car s'agissant de ce à quoi vous êtes confrontée comme ministre, et des difficultés que cela comporte, nous avons déjà entendu il y a bien des années, dans le cadre de la mission d'information conduite par Jean-Louis Debré sur la laïcité – entre autres instances –, des témoignages attestant que la situation devenait intolérable dans certaines classes du fait du prosélytisme et du refus opposé à l'enseignement de la gymnastique, de la biologie, ou à l'évocation historique du drame de la Shoah. J'ai le sentiment que l'éducation nationale, en tant que corps, n'a pas su prendre la mesure de ce qui était en train de se passer et a vécu dans une tour d'ivoire, refusant très souvent de collaborer avec des corps constitués extérieurs pour tenter de faire face.
Vous avez très justement parlé de rappeler les fondamentaux. M.Chevènement ne disait pas autre chose. On me dit laïcard, je ne vais pas me réformer ; mais la laïcité, ce sont les règles de la vie commune. C'est très fort. Il en va de même du parcours citoyen. J'ai en somme l'impression que l'éducation nationale en reste à une démarche très théorique, bien calibrée, mais un peu éloignée des réalités.
J'aimerais donc davantage de renseignements sur les signalements. Quel est celui qui met en cause l'élève le plus jeune ? Quelle est, parmi les jeunes concernés, la part de filles, de garçons ? Quelle est, si l'on peut dire, la « riposte » ? Ces enfants qui parfois se regroupent, à en croire certains professeurs, quel discours leur adresse-t-on ? Est-on ou non capable de les confronter à des éducateurs spécialisés qui vont leur ouvrir les yeux ? En quoi consiste leur prise en charge effective ? On a souvent parlé de mettre certains enfants dans des classes spécialisées, avec un peu plus d'encadrants, pour leur enseigner les fondamentaux ; ne peut-on agir ainsi vis-à-vis de ce qui peut représenter, vous l'avez dit, une dérive sectaire ?
Quant aux écoles confessionnelles, votre discours était là encore vraiment académique, éloigné des réalités. Ce qui remonte du terrain, ce n'est pas cela du tout : souvent, nous dit-on, les rectorats ont laissé faire et donné l'autorisation d'ouvrir des écoles à des gens qui n'avaient même pas la nationalité française ! Je connais des cas où le préfet et le procureur étaient prêts à intervenir, mais où le rectorat a lâché.
Cela pose un grave problème. Dans quelles conditions un certain nombre d'écoles confessionnelles sont ouvertes ? Et quel est le contenu de l'enseignement qui y est dispensé ? Les inspecteurs de l'éducation nationale y débarquent-ils pour le vérifier, au nom de l'ordre public – non celui des CRS, mais pour faire respecter la laïcité, les fondamentaux, l'égalité des sexes ? Car il est nécessaire d'agir avec force ; non la force brutale, mais la force de la République.