Intervention de Pierre Conesa

Réunion du 11 février 2015 à 8h45
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Pierre Conesa, maître de conférences à l'institut d'études politiques de Paris :

Je ne suis pas élu local, donc je ne peux pas vous répondre. Les femmes qui portent le voile aujourd'hui ne sont en effet pas des radicales ; elles souhaitent marquer par là un signe de solidarité avec les musulmans et d'appartenance à une famille musulmane, comme les femmes occidentalisées qui, lors de la guerre d'Algérie, ont remis le voile pour montrer leur soutien à l'indépendance. Notre regard sur le voile a changé aujourd'hui : nous voyons tous des femmes portant le foulard dans la rue et nous nous y sommes habitués, d'autant plus que les lois de 2004 et du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public sont respectées.

Le Premier ministre a annoncé qu'un grand effort serait consenti pour le recrutement dans les services de renseignement. Il faut avoir des agents musulmans pour connaître la teneur des propos tenus dans une mosquée salafiste. Si l'on ne sélectionne les candidats que sur le critère des diplômes, on pourrait manquer de personnes adaptées à la cible. M. Rachid Abou Houdeyfa, imam salafiste de la mosquée de Brest, incite ses ouailles à voter, et sa confrérie l'a dénoncé au motif qu'une telle position allait à l'encontre de la charia et pourrait conduire à ce que la loi de la République soit supérieure à celle du coran ; nous devons nous intéresser à ces gens qui peuvent émerger parce que la République a abandonné son discours globalisant sur l'islam.

Un journaliste m'a dit qu'il convenait de « désethniciser » le débat : il faut bien sûr empêcher des jeunes de partir en Syrie, mais cette politique doit s'accompagner du vote d'une loi de la République interdisant à tout citoyen français de rejoindre un champ de bataille faisant l'objet d'une résolution de l'ONU. Il est anormal qu'un Français juif aille faire son service dans Tsahal pour aller se battre dans les territoires occupés. Cette différence de traitement n'est pas comprise par beaucoup de personnes.

Une élève voilée assiste à mon cours à Sciences Po, ce qui ne pose aucun problème puisqu'elle pratique le débat critique. En revanche, ma femme, enseignante, constate la montée progressive de la ghettoïsation alimentée par des demandes spécifiques pour la cantine ou les heures de prière. C'est le salafisme qui déploie cette technique de démarcation entre ce qui est musulman et ce qui ne l'est pas. Face à ces personnes, il faut une autorité publique définissant les frontières de ce que l'on peut accepter et de ce que l'on doit refuser.

En juin 2014, le CFCM a, enfin, publié un texte sur le vivre ensemble dans lequel il énonce les règles musulmanes compatibles avec celles de la République. Il prend position contre le hijab en rappelant que le coran ne prescrit pas son port. Cette démarche vers la République s'effectue dans un contexte différent depuis les attentats de janvier dernier car la République n'a plus à démontrer sa tolérance. Je connais M. Robert Ménard depuis longtemps et je me suis rendu à Béziers pour étudier les rapports entre ce maire, dépeint comme un membre du Front national (FN), et la communauté musulmane. Entre les deux tours de l'élection municipale de mars dernier, il a fait l'objet d'une campagne parisienne sur sa proximité idéologique avec le FN : ces attaques lui ont fait perdre des voix dans le centre-ville, mais lui en ont fait gagner dans les quartiers sensibles, dans lesquels la communauté musulmane se trouve surreprésentée. M. Ménard a accordé le palais des expositions à des associations musulmanes voulant fêter la rupture du jeûne pour l'Aïd : la République a déjà apporté la preuve de sa volonté d'intégration et ce sont maintenant aux musulmans de l'aider à faire face au défi de la « salafisation » et de la violence.

3 commentaires :

Le 07/04/2017 à 09:11, Laïc1 a dit :

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"nous voyons tous des femmes portant le foulard dans la rue et nous nous y sommes habitués"

C'est aussi le but de l'opération : rendre omniprésent le foulard dans la rue, notamment chez les jeunes filles, pour tenter de banaliser l'islam intégriste. C'est une forme de piège dans lequel ne doit pas tomber le grand public : on ne peut pas banaliser l'intégrisme.

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Le 07/04/2017 à 09:15, Laïc1 a dit :

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"Une élève voilée assiste à mon cours à Sciences Po, ce qui ne pose aucun problème puisqu'elle pratique le débat critique."

De quel débat critique s'agit-il ? Vous critiquez l'islam en cours à sciences po ? Et est-il seulement permis à un élève de prendre la parole en cours pour exprimer son point de vue ? J'ai l'impression que M. fantasme beaucoup son "débat critique".

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Le 07/04/2017 à 09:18, Laïc1 a dit :

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" En revanche, ma femme, enseignante, constate la montée progressive de la ghettoïsation alimentée par des demandes spécifiques pour la cantine ou les heures de prière"

Ah, enfin quelqu'un qui reconnaît que les doubles menus religieux dans les cantines scolaires participent à la ghettoïsation des esprits, et pour tout dire à la montée de l'intégrisme islamique que la République des droits de l'homme doit combattre plutôt que protéger.

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