Intervention de Evence Richard

Réunion du 5 mars 2015 à 8h30
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Evence Richard, directeur de la protection et de la sécurité de l'état :

Le dispositif de lutte contre le risque biologique et chimique est constitué de trois étages. Nous suivons l'évolution de la menace en lien avec les services de renseignement ; ceux-ci nous fournissent des éléments sur le fondement desquels nous menons des expérimentations pour adapter nos dispositifs de détection et de réponse au danger. Par ailleurs, les opérateurs doivent se prémunir contre cette menace et un système de prévention est prévu à cet effet ; celui-ci repose en partie sur le plan Vigipirate et, concernant les opérateurs d'importance vitale, il répond aux directives nationales de sécurité qui fixent une liste d'impératifs à respecter. Enfin, des mesures d'intervention sont inscrites dans un plan contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC). Depuis quelques mois, un contrat général interministériel recense et sanctuarise les moyens indispensables pour répondre à ce type de crise.

Concernant le PNR, la France dispose désormais d'un cadre juridique complet posé par l'article L. 232-7 du code de sécurité intérieure et par les décrets du 26 septembre et du 22 décembre 2014. Ce cadre organise la gestion de la collecte et l'exploitation des données PNR. Le marché de réalisation du système PNR a été notifié à l'entreprise attributaire en janvier 2014 : l'objectif est de livrer un système complet et opérationnel au début de l'année 2016. Ce calendrier se trouve tributaire de celui de l'attribution des fonds européens, la France s'étant vue attribuer une aide de 17,8 millions d'euros par la Commission européenne à la condition qu'elle puisse justifier l'engagement de la dépense avant le 31 décembre 2015. Au total, le montant du projet devrait être compris entre 30 et 38 millions d'euros. Il s'agit d'un délai très court – moins de deux ans – pour élaborer un système aussi complexe. Ainsi, le Royaume-Uni a mis plus de quatre ans pour déployer un mécanisme qui aura coûté au total plus d'un milliard de livres. Au-delà du système informatique permettant de collecter les données et de les exploiter, nous devons prévoir la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif puisque celui-ci entraînera des évolutions importantes pour les services de police, de gendarmerie et de renseignement. Cela concerne au premier chef la police aux frontières (PAF) qui aura à interpeller des personnes dans tous les aéroports du territoire à toute heure du jour et de la nuit.

Un PNR limité à la France est utile, mais il lui manquerait une dimension européenne, indispensable pour appréhender les terroristes et les criminels – le PNR n'étant pas limité au terrorisme puisqu'il vise aussi à lutter par exemple contre les trafics de drogue importants. Un système commun à tous les pays européens s'avère nécessaire, même si le Parlement néerlandais ne souhaite pas que les Pays-Bas rejoignent une telle initiative et le gouvernement allemand éprouve des difficultés à arrêter sa position. Le conseil Justice et affaires intérieures (JAI) avait adopté un projet de directive en avril 2012 sur lequel la France s'est appuyée. Le texte qui sera adopté permettra probablement de disposer d'un volet opérationnel suffisant mais cela n'est pas certain. Le projet français prévoit que les données soient conservées pendant cinq ans, dont deux en non masqué, conformément à la version de la directive approuvée par le conseil JAI. Le dernier rapport de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (commission LIBE), datant du 26 février 2015, laisse trente jours les données démasquées, prévoit un processus de démasquage contraignant et une durée de quatre à cinq années pour conserver les données. Une question se pose sur la prise en compte des vols intracommunautaires. L'ensemble des services de sécurité français souhaite qu'ils entrent dans le champ du dispositif. Le rapporteur du texte au Parlement européen s'est prononcé dans le même sens, mais de nombreux députés y sont hostiles. Le PNR français vise à lutter contre le terrorisme, le crime grave – sur le fondement du mandat d'arrêt européen – et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. Un consensus existe en Europe sur le premier objectif, mais pas sur celui du crime grave que le rapporteur et un nombre non négligeable de parlementaires européens entendent limiter à la criminalité transnationale. Or, il s'avère délicat de déterminer si un fait criminel possède une dimension transnationale ou non. Enfin, la Commission européenne est aujourd'hui compétente pour négocier des accords d'autorisation de transfert de données PNR avec des pays tiers. L'accord avec les États-Unis a suscité de nombreuses polémiques, celui avec le Canada a été renvoyé devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), et le Mexique essaie depuis cinq ans d'obtenir des données PNR. Par ailleurs, des discussions ont été ouvertes avec le Japon et la Corée du Sud. La Commission ne donne aucune perspective à ces pays, qui pourraient, par mesure de rétorsion, refuser de nous fournir de telles données, ce qui ôterait au système que nous sommes en train de déployer une partie de son intérêt.

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