Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 3 février 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux :

S'agissant des mineurs, la sanction est nécessaire, et elle existe, mais il faut, plus encore que pour les majeurs, faire en sorte qu'ils sortent de ces parcours. C'est pourquoi nous avons mis en place un réseau qui dispense, avec l'éducation nationale, une formation systématique aux moins de vingt-cinq ans dans les établissements pénitentiaires. Nous travaillons sur un dispositif relais avec l'éducation nationale et nous intervenons beaucoup dans les établissements scolaires.

Faut-il réviser l'échelle des peines ? Notre code pénal est sévère : les magistrats peuvent prononcer des condamnations lourdes, et ils le font. Mais certains actes sont en effet des délits, et non des crimes. Je rappelle cependant que si des éléments permettent d'établir que des crimes ont été commis à l'étranger, le juge en tient compte. Néanmoins, c'est vrai, beaucoup de faits relèvent des juridictions correctionnelles : le fait de fournir une voiture, par exemple. Ainsi, les quatre personnes soupçonnées d'avoir apporté un soutien logistique à Coulibaly ont été gardées à vue et placées en détention provisoire. C'est aux magistrats d'apprécier la situation.

Par ailleurs, je crois qu'il faudra renforcer Eurojust. Nous avons beaucoup travaillé pour la création d'un parquet européen et, avec mon homologue allemande, que j'ai rencontrée en février 2013, nous avons lancé une initiative auprès de la Commission et des États membres pour que celui-ci adopte une organisation collégiale. Je précise, sans entrer dans les détails, que la France souhaitait qu'en plus de la protection des intérêts financiers de l'Union européenne et de la lutte contre les carrousels de TVA, il soit compétent en matière de lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la traite des êtres humains et les réseaux de trafic de stupéfiants. L'Allemagne n'a pas souhaité aller jusque-là. Cependant, nous avons obtenu des avancées et remporté un véritable succès puisque c'est notre proposition qui a été retenue et non celle de la Commission. Encore une fois, je rêve que la compétence du parquet européen soit étendue à la lutte contre le terrorisme et à la criminalité organisée. Nous n'en sommes pas là, soit. Mais, pour cette raison, nous devons renforcer Eurojust. Cela suppose d'harmoniser les définitions et les infractions et de renforcer le dispositif de partage d'informations. Il y a actuellement une prise de conscience très forte. Ainsi, vendredi dernier, la présidente d'Eurojust a déclaré qu'elle souhaitait également cette évolution, car elle est choquée par l'écart qui existe entre le nombre important de combattants européens et le peu de procédures les concernant – c'est, du reste, en France qu'elles sont le plus nombreuses.

En ce qui concerne l'indignité nationale, il y a, me semble-t-il, une confusion à ce sujet. En effet, celles et ceux qui se sont exprimés en faveur de son rétablissement semblent croire qu'il s'agit d'une peine. Or, l'indignité nationale était une infraction, créée par l'ordonnance de décembre 1944 puis supprimée par la loi d'amnistie de 1951. Cette infraction était sanctionnée par des peines inscrites dans notre code pénal et qui sont souvent prononcées au titre de peines complémentaires dans les affaires de terrorisme ; je pense à la suppression des droits civils, civiques et familiaux ou à l'interdiction d'exercer une fonction publique, par exemple.

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