Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 3 février 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux :

Ce sont des terroristes, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, monsieur le député. Du reste, nous parlons bien d'actes terroristes, d'incriminations terroristes et de condamnations pour terrorisme. Mais le concept utilisé par l'Union européenne est celui de combattant étranger, et nous nous efforçons actuellement d'en faire adopter une définition commune par l'ensemble des États membres.

M.Myard m'a interrogée sur l'hypothèse d'un regroupement de l'ensemble des détenus radicalisés au sein d'un même établissement. Il faut savoir que les plus dangereux d'entre eux sont soumis à un régime sécuritaire particulier. J'ai ainsi diffusé deux circulaires, soumises d'ailleurs au contrôle de l'autorité judiciaire, sur les détenus particulièrement surveillés. Ces derniers sont généralement à l'isolement et soumis à des fouilles, à des changements de cellule et à des transfèrements vers d'autres établissements fréquents. Quant aux détenus regroupés dans une aile de l'établissement de Fresnes, ils font l'objet de cette mesure car ils sont incarcérés pour des actes terroristes, mais ils ne sont pas pour autant identifiés comme des leaders potentiels très radicalisés. La recherche-action nous permettra du reste de déterminer si le motif de la condamnation est le critère pertinent pour décider de placer un détenu dans cette aile dédiée. La question se pose en effet, car nous savons que certaines personnes détenues pour des faits de droit commun sont radicalisées ou en voie de radicalisation. Nous avons donc besoin de définir des critères plus fins.

Par ailleurs, nous avons étudié de très près les différents programmes de désintoxication appliqués au Danemark, au Royaume-Uni et en Suède, notamment au regard de la culture et des codes sociaux de ces pays. Au Danemark, par exemple, le programme repose en grande partie sur le volontariat. Pour mener ce travail de désendoctrinement, qui nous paraît nécessaire, nous avons conclu des partenariats avec l'École pratique des hautes études, l'Institut du monde arabe et l'École des hautes études en sciences sociales, et nous dispensons une formation à la citoyenneté et à la laïcité à tous les aumôniers, et pas uniquement aux aumôniers musulmans. Je précise à cet égard que sept cultes sont pratiqués dans nos établissements pénitentiaires et que les aumôniers nationaux ont une véritable culture oecuménique, de sorte que tous participent à l'élaboration des réponses à apporter aux problèmes qui se posent, quelle que soit la religion concernée. Nous travaillons ensemble, notamment lors de réunions organisées à la Chancellerie ; en l'espèce, tous sont fortement impliqués dans la lutte contre la radicalisation. Certaines personnes succombent aux discours de radicalisation parce qu'elles sont en déshérence mentale et culturelle ou dans une situation de fragilité sociale. Il est donc nécessaire de déconstruire ces discours. C'est la raison pour laquelle les aumôniers sont formés pour identifier les méthodes et les arguments de l'islamisme radical. Grâce à ces partenaires de qualité, nous pouvons réaliser ce travail de désendoctrinement.

En ce qui concerne le PNR, qui est un sujet de plus en plus lourd, dont le Parlement européen s'est emparé, il s'agit de trouver la bonne mesure, propre à assurer la sécurité sans mettre en péril les libertés de tout passager, car il est de ma responsabilité en tant que garde des Sceaux de veiller aux libertés individuelles des citoyens ordinaires.

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