Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce que nous allons faire aujourd’hui est important. Ce que nous allons décider sera probablement décisif, car, même si la procédure parlementaire ne s’arrêtera pas avec nos travaux de ce jour, nous aurons très probablement permis à ce texte, qui est attendu, voire craint par certains, de franchir une étape que je crois et souhaite irréversible.
Je voudrais, à la suite de Maud Olivier, saluer la très forte implication de tous les membres de la commission spéciale, sur tous les bancs, qu’ils aient manifesté un accord clair, un accord plus mitigé, des réserves ou des oppositions sur un texte qui est le fruit d’une longue maturation, d’un long travail de réflexion – lequel, ne l’oublions pas, a connu une étape essentielle ici même, en décembre 2011, avec la résolution que nous avons votée à l’unanimité.
Ces travaux que nous avons menés, et qu’il faudra un jour conduire à leur terme, ont permis des évolutions importantes, qui justifient pleinement que nous allions au bout de la démarche que nous avons engagée. Les choses sont plus claires aujourd’hui, au Parlement comme dans l’opinion, y compris du côté des médias qui, il y a encore quelques années, considéraient que ceux qui voulaient se battre contre la prostitution étaient au mieux de doux rêveurs bien sympathiques, au pire de vieux moralistes poussiéreux qui n’avaient plus leur place dans une société moderne. Tout cela n’est plus de mise, et l’on accepte désormais que, sur le sujet, les réalités ont pris le pas sur les dogmes imposés depuis des décennies, des siècles, voire – pourquoi ne pas le dire ? – des millénaires.
Ces dogmes, rappelons-les.
Le premier est que la prostitution est le plus vieux métier du monde – un « métier » : tout est dit ! C’est un métier, il est pratiqué et, comme tous les métiers, il doit être organisé.
C’est l’idée, dangereuse pour ceux qui la manient à nouveau – parce qu’elle n’est pas sans appeler une réplique –, selon laquelle la prostitution est un point d’équilibre indispensable dans une société qui vit de pulsions auxquelles il faut apporter des réponses. Ma réponse est claire, et c’est un homme qui s’exprime : quand on avance que les hommes auraient des besoins irrépressibles que seule la prostitution leur permettrait de satisfaire, garantissant ainsi la tranquillité publique – parce qu’on va jusqu’à dire de telles choses ! – et que l’on invoque à l’appui de cette affirmation des enquêtes d’opinion selon lesquelles plus de 80 % des hommes ont, un jour ou l’autre, dans leur vie, ressenti, de manière permanente ou sporadique, une frustration sexuelle, on oublie tout simplement l’autre versant de ces études d’opinion. Car, quand on interroge les femmes, elles sont 78 % à dire la même chose !