Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 12 juin 2015 à 9h30
Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, président de la commission spéciale :

Et, contrairement à ce que prétend la presse pour simplifier nos débats et raccourcir l’opinion que l’on pourrait en avoir, il ne s’agit pas pour nous de chercher un coupable parce que nous aurions des envies belliqueuses à l’égard d’une partie malgré tout importante de nos concitoyens. Non, il ne s’agit pas de chercher un coupable ; il s’agit de demander à ceux qui ont recours à la prostitution : avez-vous réfléchi une seconde à ce que vous faites, à ce qu’est le statut de la personne à qui vous allez acheter un service sexuel ? Allez-vous, une bonne fois pour toutes, vous poser toutes les bonnes questions que toutes les bonnes consciences vous ont jusqu’à présent empêché de vous poser ? La responsabilisation du client que cette proposition de loi tend à instaurer sera décisive. C’est un élément de mieux en mieux accepté par nos concitoyens et par leurs représentants, députés et sénateurs, qui finiront par la mettre en place.

La troisième question qui apparaît, aujourd’hui, de plus en plus clairement au coeur de notre projet, est celle de la personne prostituée elle-même. Celle-ci ne peut pas, ne peut plus être considérée comme une personne délinquante. C’est avant tout une victime des conditions qui l’ont conduite, volontairement ou très involontairement, à se livrer à cette activité de manière sporadique ou permanente pour y vivre un malheur dont beaucoup ne peuvent pas sortir, au point de prétendre, quand on les interroge, qu’elles exercent cette activité dans la plus grande des libertés – mais elles sont toujours l’objet d’une contrainte extérieure lorsqu’elles disent cela.

Nous avons beaucoup travaillé, et il faudra que nous poursuivions ce travail. Comment protéger mieux ? Comment protéger au point que les personnes prostituées sentent que la société et les pouvoirs publics sont derrière elles, pour qu’elles en sortent ? C’est notamment la question que nous avons abordée en traitant de la disparition du délit de racolage et de dispositions permettant de saisir la parole d’une personne prostituée qui serait non plus une délinquante mais une victime, une victime dont le témoignage pourrait par ailleurs être utile pour remonter les filières et traquer les réseaux qui se livrent à cette traite des êtres humains, parce que c’est de cela qu’il s’agit. Avec d’autres, j’évoquerai cette question tout à l’heure, lorsque nous entamerons l’examen de l’article 1er ter – je formulerai des observations et j’exprimerai quelque regret que nous n’ayons pas beaucoup pu avancer, mais aussi quelque espoir que nous le puissions.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais en ma qualité de président de la commission spéciale, remercier du fond du coeur toutes celles et tous ceux qui ont contribué à nos travaux. J’ai conscience du fait que le fruit de notre travail est aujourd’hui regardé, attendu, espéré. Nous avons une responsabilité majeure, celle de faire en sorte qu’il n’y ait plus, dans notre pays, ces personnes confortables pour la bien-pensance que seraient les personnes prostituées – confortables à tel point qu’il n’y aurait pas à s’en occuper. Nous avons la responsabilité de faire en sorte qu’une catégorie de nos concitoyens, qui, aujourd’hui, ne se pose pas plus de questions que cela, s’en pose. Et, si elle ne s’en pose pas assez, qu’elle subisse les foudres d’une législation conçue pour qu’elle comprenne ! Faisons aussi comprendre à ceux qui, loin de chez nous, savent depuis longtemps que l’on peut étendre les réseaux de l’abominable dans les pays libres, que nous luttons contre ces réseaux, et que nous ne cesserons jamais notre combat.

C’est de tout cela qu’il s’agit. Je suis sûr qu’à l’issue de nos travaux, qui seront, comme ils l’ont toujours été, d’une rare qualité, nous aurons fait un énorme pas pour que notre société soit plus ouverte, plus compréhensive, plus responsable.

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