Nous en venons à « l'amendement Google » qui a fait beaucoup parler. À titre personnel, je n'y suis pas favorable et il me faudrait beaucoup de temps pour expliquer pourquoi.
S'il ne fallait retenir qu'un seul argument, ce serait celui-ci : vouloir imposer, dans un texte de loi français, des obligations à un opérateur international comme Google, n'est pas raisonnable. Une fois encore, ce sera un coup d'épée dans l'eau, et c'est dommage car la Commission européenne commence à traiter ce sujet.
Au Sénat, le ministre a longuement expliqué sa position que je partage globalement. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de questions à se poser vis-à-vis de Google, mais je répète que ce n'est pas ici et ainsi qu'elles doivent être traitées. Google est aussi un éditeur, mais il faudrait vérifier son algorithme et s'assurer qu'il n'est pas discriminatoire, ce qui me paraît compliqué compte tenu des exigences de la liberté du commerce. Il ne faut donc pas proposer de solutions hâtives.
Il y a plusieurs problèmes de définition dans cet amendement. Qu'est-ce qu'un moteur de recherche susceptible, compte tenu de son audience, d'avoir un effet structurant sur le fonctionnement de l'économie numérique ? De plus, l'une des obligations est très surprenante : Google devrait mettre à disposition de l'utilisateur, sur sa page d'accueil, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche. C'est comme si, cher président, votre boucher favori était obligé d'afficher sur sa vitrine les adresses de trois de ses concurrents en leur faisant de la publicité… Nous devons garder à l'esprit que l'internaute est totalement libre d'aller sur d'autres moteurs de recherche : c'est lui qui choisit son moteur de recherche par défaut.
S'il y a des problèmes à régler, c'est éventuellement sous l'angle de la concurrence. Et si une autorité doit intervenir, c'est davantage l'Autorité de la concurrence que l'ARCEP, comme le propose cet article. La concertation avec les plateformes, suivie de réelles décisions, est bien préférable à des articles de ce genre. C'est ainsi que l'Autorité de la concurrence est parvenue à obtenir de Booking.com des engagements particulièrement étendus pour stimuler la concurrence entre plateformes de réservation d'hôtel en ligne.
J'en viens à la nouvelle rédaction proposée par les rapporteurs. Je suis très étonné de cet amendement sorti du chapeau. Je ne conteste pas les objectifs d'information du consommateur internaute, mais je m'interroge sur le calendrier : je croyais que la question des plateformes devait être traitée de façon concertée et globale dans le cadre du projet de loi sur le numérique qui tarde à venir. Nous devrions peut-être en discuter dans ce cadre plutôt qu'ici à la volée. Je serais d'ailleurs curieux d'entendre la position du Gouvernement sur ce point alors que se tient, vendredi prochain, un conseil des ministres de l'Union européenne qui examinera cette question, comme nous l'a confirmé Mme Axelle Lemaire.
En attendant, cet amendement a été produit sans concertation avec les acteurs. Ni le Conseil national numérique, ni le Conseil national de la consommation, pourtant concernés au premier chef, n'ont été saisis.
Pour toutes ces raisons, je maintiens ma demande de suppression de cet article.