Ce que le Parlement a voté dans la loi sur l'économie sociale et solidaire – qui est un engagement du Président de la République – visait à faciliter la reprise par les salariés d'entreprises en bonne santé ne trouvant pas de repreneurs. Après avoir débattu de différentes solutions, allant du droit de préemption à l'offre préférentielle de rachat par les salariés, nous en avons choisi une ayant le mérite de respecter la Constitution, le droit de propriété et la liberté du commerce. Il s'agissait de faire en sorte que les salariés soient informés lorsque leur entreprise est à vendre, pour qu'ils puissent la racheter. Nous constations, sur la foi d'études assez nombreuses, que 10 % seulement des cédants anticipent la vente, ce défaut d'anticipation provoquant la destruction de dizaines de milliers d'emplois, faute de repreneurs, dans des entreprises saines.
La loi a montré qu'il était parfaitement possible d'articuler objectif d'emploi et objectif social et elle a été votée à l'unanimité des groupes de gauche. Elle a ensuite connu divers aléas. Les services de l'État ont d'abord tardé à rédiger le décret devant préciser les conditions d'application de ces dispositifs au 1er novembre. Vous avez ensuite pris un décret qui modifie la nature de la loi : alors que nous prévoyions un dispositif visant à informer les salariés quand leur entreprise est à vendre, les salariés seront, selon ce décret, informés quand leur entreprise est déjà quasiment vendue. L'objectif du législateur était une information avant la phase de signing et non avant celle de closing, au moment où l'on procède au transfert de propriété.
À la suite de ce décret, un rapport a été demandé à Fanny Dombre Coste. Or ce rapport se fonde sur un texte, le décret – attaqué en Conseil d'État –, qui n'est pas exactement conforme à la volonté du législateur. Je salue cependant le fait que Fanny Dombre Coste parvienne à cette conclusion – que nous tirions tous – que le droit d'information des salariés ne gêne pratiquement aucune entreprise au moment de la cession, et que ce que nous entendons sur les perturbations que cela ne peut manquer d'occasionner n'est en fait que du baratin.
Le Sénat préconise quant à lui que ce droit soit réduit aux entreprises en cessation d'activité : les salariés ne seront dès lors informés que quand l'entreprise met la clé sous la porte. Je me réjouis donc que le Gouvernement souhaite revenir en arrière.
Mme Carole Delga a visité hier la première société coopérative de production (SCOP) d'amorçage, dont les statuts ont été créés par la loi sur l'économie sociale et solidaire pour que les salariés n'aient pas à mettre toutes leurs économies dans une opération de rachat. C'était un des piliers du triptyque que nous avions imaginé, avec le droit d'information des salariés et le fonds créé par la Banque publique d'investissement pour aider les salariés à la reprise. Je crains qu'en allégeant le droit d'information, nous fragilisions ce triptyque et que nous nous ôtions les moyens d'atteindre l'objectif.