Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le texte que nous votons aujourd'hui aurait dû, à notre sens, faire l'objet de deux lois distinctes.
En effet, il s'agit certes d'un projet de loi de finances rectificative, entérinant les modifications du budget 2012 rendues nécessaires par la réalité de son exécution ; mais vous introduisez également dans ce texte, par voie d'amendement, des mesures qui ne concernent en rien ce collectif budgétaire de fin d'année.
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ainsi que l'augmentation de TVA qui le finance constituent en effet un acte de politique économique majeur, engageant 2014 et même les années suivantes. Sur ce sujet, tant sur la forme que sur le fond, nous ne pouvons pas vous suivre.
Sur la forme, vous amenez par voie d'amendement une réforme qui, au regard des montants qu'elle implique, constituera l'une des mesures décisives de ce quinquennat. Si cette mesure avait fait l'objet d'un projet de loi, la représentation nationale aurait pu être éclairée par une étude d'impact et aurait ainsi pu évaluer les incidences économiques, financières, sociales et environnementales d'une telle réforme. Ce n'est aujourd'hui pas le cas.
Sur le fond, nous allons voter une dépense fiscale de 20 milliards d'euros. Cet acte engage toute la législature, et obère toutes les possibilités d'introduire de nouvelles réformes en matière économique. Pour être claire, nous n'aurons pas une deuxième occasion d'engager 20 milliards en faveur d'une politique économique durant ce mandat.
Or, vous accordez ces 20 milliards aux entreprises sans aucun ciblage, aucune condition. Tous les emplois seront concernés, alors que seuls 20 % d'entre eux sont soumis à la concurrence internationale. Ne sont ciblées ni les entreprises en difficulté, ni les très petites entreprises, ni les entreprises de taille intermédiaire. Enfin, vous ne cherchez pas à orienter l'économie pour lui permettre de faire face aux enjeux économiques et environnementaux.
Vous espérez créer entre 300 000 et 400 000 emplois grâce à ce pacte. Dans l'hypothèse la plus optimiste, le coût pour la collectivité serait donc de 50 000 euros par emploi créé. Ce coût exorbitant est malheureusement dans la moyenne des politiques de l'offre, coûteuses, inefficaces et non ciblées, mises en oeuvre par les gouvernements précédents ; et pourtant, l'erreur est en passe d'être renouvelée.
Vous nous présentez cette aide fiscale de 20 milliards d'euros sous le nom de « pacte de compétitivité ». Mais de pacte, cette mesure n'a que le nom puisqu'en lieu et place du donnant-donnant qu'il supposerait, nous n'avons qu'un dispositif de soutien inconditionné aux entreprises – 20 milliards distribués sans contrepartie.
Cette aide d'un montant exceptionnel aurait pu et dû être mise au service d'une volonté politique, d'une vision économique. Pour cela, il aurait fallu donner trois axes à ce crédit d'impôt pour la compétitivité.
Le premier axe aurait été de concentrer les aides sur les entreprises en difficulté.
La deuxième priorité aurait dû consister à pallier les faiblesses connues de l'industrie française, qui relèvent en grande partie de la compétitivité hors coût et qui tiennent notamment au faible nombre d'entreprises de taille intermédiaire – 4 600 en France contre 10 000 en Allemagne – ou au positionnement sur des secteurs peu porteurs. La montée en gamme de l'industrie française, le soutien à l'investissement et le financement de la croissance des petites et moyennes entreprises sont les vraies réponses à apporter au problème de compétitivité de l'industrie française.
Le troisième axe aurait dû consister à préparer l'économie de demain, à mettre ce crédit d'impôt au service d'une vision, au service du modèle économique du XXIe siècle – celui qui nous permettra de faire face à la rareté de la ressource, aux pertes d'emplois continues dans l'industrie et à la concurrence des pays à bas coûts. Bref, un modèle économique plus économe en ressources, plus localisé, plus riche en emplois. Pour cela, il aurait fallu soutenir les secteurs d'avenir, en particulier celui des énergies renouvelables, et engager l'ensemble des entreprises dans une démarche d'économie des ressources.
Au lieu de servir cette ambition, vous vous apprêtez à mettre en oeuvre une aide indifférenciée, qui bénéficiera aux entreprises florissantes, aux groupes bancaires, à la grande distribution, aux entreprises sous leverage buy-out (LBO). Cet effet d'aubaine est d'autant plus difficile à justifier qu'il sera financé par une augmentation de la TVA, laquelle pèsera lourdement sur le budget des ménages.
Absence de ciblage, absence de contreparties demandées aux entreprises : le crédit d'impôt compétitivité emploi risque ainsi de devenir la plus formidable occasion manquée du quinquennat.