Lors de l'examen par le Sénat du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, des modifications substantielles ont été apportées aux articles 12 A à 22 ter.
Si certains apports du Sénat constituent des avancées intéressantes et témoignent d'une volonté de celui-ci de s'engager dans un travail constructif, d'autres reviennent sur des éléments essentiels du dispositif conçu par notre Assemblée en première lecture, au point qu'ils ont rendu impossible un accord en commission mixte paritaire.
Les principales modifications du Sénat qui sont incompatibles avec les orientations de l'Assemblée nationale sont la suppression de la compétence du ministre de l'économie pour la fixation des tarifs et l'établissement de la carte régissant l'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires ; le choix fait par le Sénat de retirer du code de commerce les dispositions appelées à régir les tarifs applicables aux prestations des professions juridiques et judiciaires réglementées ; la substitution d'un fonds de péréquation intraprofessionnel destiné à prendre en charge les indemnités éventuellement dues par les professionnels nouvellement installés, au fonds de péréquation interprofessionnel que nous avions imaginé pour favoriser l'accès au droit du plus grand nombre ; la remise en cause, en profondeur, du dispositif d'assouplissement des conditions d'installation des avocats aux Conseils que nous avions bâti, au profit d'un dispositif qui, pour citer le rapporteur du Sénat, M. François Pillet, « restitue au ministre de la justice le contrôle sur la création des offices » et qui limite l'intervention de l'Autorité de la concurrence à la production d'un avis qui ne lierait pas le garde des Sceaux ; la réécriture de l'article 19, qui désormais confie au GIE Infogreffe – et non plus à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI)– la mission de diffuser en open data et gratuitement, en vue de leur réutilisation, les données du registre du commerce et des sociétés ; la suppression de l'article 20 quater qui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d'exercer certaines fonctions de mandataire judiciaire dans les procédures de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel affectant les entreprises sans salarié et dont le chiffre d'affaires annuel serait inférieur à 100 000 euros.
D'autres modifications du Sénat sont en revanche bienvenues. Sur l'article 12 relatif aux tarifs des professionnels du droit, il a adopté des précisions utiles, en faisant reposer le mécanisme de péréquation sur des tarifs proportionnels portant sur des biens ou droits qui ne seront pas exclusivement immobiliers, et en supprimant le seuil au-delà duquel des remises ne pouvaient plus être consenties.
Vos rapporteurs n'envisagent pas de revenir sur ces deux apports, pas plus que de remettre en cause le choix par le Sénat de fixer au 1er janvier 2017 la date d'entrée en vigueur de la mesure d'extension du périmètre territorial de l'exercice des compétences monopolistiques des huissiers de justice au ressort de la cour d'appel ; l'amendement qui, adopté à l'initiative du groupe communiste, républicain et citoyen, vise à reconnaître aux commissaires-priseurs judiciaires une compétence, partagée notamment avec les autres officiers publics ou ministériels, pour organiser et réaliser les ventes judiciaires aux enchères publiques de biens meubles incorporels et pas seulement corporels ; l'amendement qui, adopté à l'initiative du rapporteur du Sénat, prévoit que l'exercice, en qualité de salarié, des professions de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d'huissier de justice et d'administrateur ou mandataire judiciaire ne dispense pas de l'obligation de cotiser au régime d'assurance-vieillesse complémentaire institué au profit de ces professions ; les précisions apportées à l'habilitation que l'article 20 propose de donner au Gouvernement pour créer, par ordonnance, la profession de commissaire de justice, à savoir que cette réforme prenne en considération les règles de déontologie des professions concernées, conformément à un amendement du groupe écologiste, et les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions, conformément à un amendement du rapporteur François Pillet ; l'article 21 bis qui résulte d'un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement et qui vise à sécuriser le transport des scellés judiciaires sensibles en permettant à des entreprises privées de convoyer ces scellés dans les mêmes conditions que celles prévues pour le transport de fonds, bijoux et métaux précieux.
Vos rapporteurs vous soumettront un amendement proposant une réécriture globale de l'article 12 qui, en préservant certains apports du Sénat, rendra au ministre de l'économie la compétence que nous avons souhaité lui reconnaître pour fixer les tarifs des professionnels du droit, conjointement avec le garde des Sceaux, rétablira le caractère interprofessionnel du fonds de péréquation de l'accès au droit et à la justice, dont la finalité ainsi que les conditions d'organisation, de fonctionnement et de financement seront précisées, et associera les avocats au dispositif au titre des droits et émoluments qu'ils perçoivent en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires.
Des amendements vous seront également soumis pour revenir au dispositif d'assouplissement des conditions d'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, que nous avions adopté en première lecture et qui reconnaissait au ministre de l'économie une compétence pour établir la carte régissant cette installation, conjointement avec le garde des Sceaux ; fixer l'entrée en vigueur de ce dispositif d'assouplissement – ainsi que celle de la rénovation des tarifs – au premier jour du sixième mois suivant celui de la promulgation de la loi, soit vraisemblablement au premier trimestre de l'année 2016 ; porter de six mois à un an la durée maximale pendant laquelle les officiers publics et ministériels ayant atteint la limite d'âge de 70 ans pourront continuer d'exercer dans l'attente de la prestation de serment de leur successeur ; rétablir la règle du « un pour quatre » que nous avons souhaité instaurer à titre provisoire pour l'exercice, en qualité de salarié, de la profession de notaire, afin de compenser la suppression du dispositif d'habilitation des clercs ; supprimer la précision apportée par le rapporteur du Sénat, selon laquelle les cotisations versées par les commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunal de commerce, huissiers de justice et administrateurs ou mandataires judiciaires n'ouvrent pas droit à prestations auprès du régime d'assurance-vieillesse complémentaire obligatoire de ces professions ; préciser les conditions d'accès aux professions d'administrateur et de mandataire judiciaires en complétant l'exigence de détention d'un master par des conditions de stage ou d'expérience définies par décret ; réintroduire les avocats aux Conseils, les administrateurs et mandataires judiciaires ainsi que les experts-comptables dans le périmètre des professions qui pourront constituer des structures permettant l'inter-professionnalité d'exercice, tout en précisant que l'intégralité du capital et des droits de vote de ces structures devra être détenue directement ou indirectement par les professionnels exerçant en leur sein.
Deux amendements de réécriture globale des articles 17 bis et 17 ter, relatifs aux avocats aux Conseils, vous seront en outre présentés pour restaurer l'architecture globale du dispositif d'assouplissement des conditions d'installation de ces officiers ministériels en supprimant toutefois le mécanisme d'indemnisation que nous avions imaginé pour inscrire dans l'ordonnance du 10 septembre 1817 le principe du secret professionnel de l'avocat aux Conseils, qui ne semble aujourd'hui être consacré que par le règlement général de déontologie de la profession.
Telles sont les principales améliorations que nous vous suggérerons d'apporter au texte. Je souhaite que le travail que nous mènerons en nouvelle lecture soit aussi constructif que celui que nous avons réalisé en première lecture.
Article 12 A (nouveau) : Création d'un code de l'accès au droit et de l'exercice du droit.