La Commission poursuit l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (n° 2765) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).
Article 10 ter : Simplification des procédures administratives en matière d'urbanisme commercial
La Commission est saisie de l'amendement SPE469 du Gouvernement.
Cet amendement vise à clarifier la rédaction de l'alinéa 7 de cet article afin de préciser la rédaction d'un ajout, par le Sénat, à la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises du 18 juin 2014. Sur le fond, l'objectif est de stabiliser le régime juridique applicable aux projets dont la demande d'autorisation d'exploitation commerciale a été déposée avant le 15 février 2015 et qui sont en cours de validité. Dans ce cadre, cette autorisation d'exploitation commerciale vaudra avis favorable des commissions d'aménagement commercial lors de la demande de permis de construire. Cette mesure de sécurisation vise à éviter une instabilité juridique pour les aménagements en cours.
La Commission adopte l'amendement SPE469.
Puis elle adopte l'article 10 ter modifié.
Article 10 quater A (nouveau) : Faculté, pour certains magasins de commerce de détail, de conclure une convention d'organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires
La Commission examine l'amendement SPE517 des rapporteurs.
Cet amendement vise à supprimer cet article introduit par le Sénat, non pour des raisons de fond, ce dispositif de lutte contre le gaspillage alimentaire étant très opportun, mais parce que le même amendement a été adopté dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, sur le fondement du rapport de Guillaume Garot.
Cette disposition ayant été votée à l'unanimité dans le projet de loi de transition énergétique, il convient de ne pas la fragiliser.
La Commission adopte l'amendement SPE517.
En conséquence, l'article 10 quater A est supprimé.
Article 10 quater : Information de l'Autorité de la concurrence sur les accords ayant pour objet de négocier des achats groupés – Abus de dépendance économique
La Commission aborde l'amendement SPE476 du Gouvernement.
Nous proposons de supprimer cet article. Introduit par le Sénat celui-ci vise à ajouter une définition de la notion de dépendance économique à l'article L. 420-2 du code de commerce afin d'appréhender les accords d'achats ou de référencement conclus entre des entreprises exploitant directement ou indirectement un ou plusieurs magasins de commerces de détail ou intervenant comme centrales d'achats ou de référencement.
Le Gouvernement partage l'objectif poursuivi par le Sénat dans cet article, dans le contexte du rapprochement en cours de grandes centrales d'achat, mais ce texte nouvellement défini viendrait s'ajouter à un dispositif déjà existant. En effet, l'article L. 442-6 du code de commerce permet déjà de sanctionner le déséquilibre significatif dans les relations commerciales, et donc l'abus de puissance d'achat, par une action du ministre de l'économie devant le juge commercial.
Sur le fondement de ce texte, 40 procédures sont actuellement en cours. Depuis 2001, 150 contentieux ont été engagés et 277 décisions ont été rendues, majoritairement favorables au ministre. Quelques décisions emblématiques, rendues dans ce cadre, peuvent être citées : l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 18 septembre 2013 qui a condamné une enseigne à une amende civile de 2 millions d'euros sur le fondement du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, pour avoir tenté de récupérer des sommes qu'elle avait été condamnée par décision de justice à restituer à ses fournisseurs ; plus récemment, l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 mars 2015, confirmant l'arrêt de la Cour d'appel de Paris qui avait condamné une autre enseigne à une amende d'un million d'euros pour déséquilibre significatif du fait de l'insertion de clauses relatives au taux de service et à la révision tarifaire dans ses contrats types.
Nous proposons par ailleurs de renforcer le caractère dissuasif et punitif de ce dispositif en augmentant le plafond de l'amende civile qui pourra être porté à 5 % du chiffre d'affaires. Il n'est donc pas nécessaire de créer un nouveau manquement, ce qui pourrait entraîner l'existence de procédures concurrentes contre une même entreprise et semer la confusion là où l'on souhaite être efficace.
L'article introduit par le Sénat est superfétatoire en termes de procédure. En outre, vous avez adopté tout à l'heure un amendement relevant à nouveau le plafond de l'amende civile. Il est donc préférable d'en rester au dispositif clair qui existe et de l'appliquer de manière pleine et entière.
Avis favorable à la suppression de cet article. Lu à la lettre, le texte du Sénat encouragerait presque à se mettre en position de mono-fournisseur d'une centrale d'achat de façon que soit caractérisé, par la fragilité même du mono-fournisseur vis-à-vis de l'acheteur plus puissant que lui, l'abus de dépendance économique – qui est tout autre qu'un simple état de dépendance économique.
La Commission adopte l'amendement SPE476.
En conséquence, l'article 10 quater est supprimé.
Article 11 : Injonction structurelle
La Commission examine l'amendement SPE7 de M. Jean-Frédéric Poisson.
Cet amendement a pour objectif de supprimer l'article 11 qui modifie le code de commerce pour renforcer le pouvoir d'injonction structurelle de l'Autorité de la concurrence. Malgré les garanties procédurales qui ont été apportées par le Sénat, nous considérons que cet article porte atteinte à la liberté d'entreprendre.
Avis défavorable. L'injonction structurelle est nécessaire. En outre, le Sénat a apporté de grandes améliorations à l'article 11 : il y a notamment introduit une procédure contradictoire encadrée dans des délais très précis, de sorte que l'injonction structurelle est un aboutissement ultime des procédures. La rédaction du Sénat me paraît satisfaisante. Mais le Gouvernement en propose une encore plus précise.
Tout en m'exprimant sur cet amendement, je présenterai l'amendement SPE474 du Gouvernement ainsi que l'amendement SPE416 auquel je suis favorable. Ces deux derniers amendements, en intégrant plusieurs modifications, permettent de mieux encadrer la procédure de l'injonction structurelle que dans le texte du projet de loi initial. En effet, ce dispositif ne porte pas atteinte à la liberté d'entreprendre. L'article 11, une fois modifié, permettra à l'Autorité de la concurrence de remédier aux situations abusives au regard de la marge réalisée et des prix fixés.
L'amendement SPE474 me semble traiter au fond nombre des objections qui avaient pu être soulevées par plusieurs d'entre vous : il tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale et à supprimer la référence, longuement débattue en première lecture, aux « préoccupations de concurrence », à renforcer le caractère contradictoire de la procédure en reprenant les dispositions principales introduites par la commission spéciale du Sénat et à introduire ces modifications dans la procédure d'injonctions structurelles instaurée en outre-mer par la loi Lurel, à l'article L. 752-27 du code de commerce.
Je ne vous convaincrai pas de l'opportunité de ces mesures puisque vous souhaitez revenir sur cet article, même après sa modification par le Sénat. Pourtant, le dispositif permettra d'engager la procédure contradictoire lorsqu'une enseigne détient plus de 50 % des parts de marché et pratique des prix ou des marges supérieurs à la moyenne – en comparaison avec les moyennes habituellement constatées dans le secteur économique.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable à l'amendement SPE7.
La Commission rejette l'amendement SPE7.
Elle aborde l'amendement SPE474 du Gouvernement.
Razzy Hammadi a déposé un amendement SPE416 qui ne pourra être défendu. Néanmoins, compte tenu des propos du ministre, je propose au Gouvernement de rectifier son amendement afin d'intégrer les modifications proposées par l'amendement SPE416.
L'amendement SPE416 de M. Razzy Hammadi me semble en effet essentiel : il vise à faire en sorte que dès lors qu'il y aurait injonction de cession d'actifs, sanction ultime d'une procédure d'injonction structurelle comprenant une phase contradictoire, le recours de l'opérateur destinataire de l'injonction soit suspensif. Je remercie donc le ministre d'en soutenir le principe. Je serai particulièrement favorable à l'amendement du Gouvernement sous réserve qu'il soit rectifié pour intégrer le dispositif de l'amendement SPE416.
Monsieur le ministre, levez-vous cette réserve en rectifiant votre amendement ?
Oui, tout à fait. Le débat parlementaire a permis de clarifier la solution initialement proposée. Plusieurs d'entre vous ayant soulevé cette question, nous avons poursuivi la concertation. Le Sénat a proposé un dispositif que nous reprenons en partie. Notre amendement tend donc à supprimer la notion de « préoccupations de concurrence », jugée trop floue par nombre d'entre vous, à sécuriser la procédure en la rendant plus explicitement contradictoire et à permettre in fine un recours suspensif.
La procédure d'injonction structurelle renforcera le dispositif existant – le contrôle de l'abus de position dominante est quasi inopérant. Cela étant, le curseur avait initialement été placé trop loin, et ne garantissait pas suffisamment les droits des enseignes. Notre amendement rétablit un équilibre en gardant la pertinence de la mesure.
Enfin, que le rapporteur soit rassuré, l'amendement SPE474 est rectifié pour reprendre le dispositif de l'amendement SPE416.
Je partage l'avis du ministre quant à l'utilité de la navette parlementaire – l'amendement du Gouvernement en est la démonstration. L'adjonction de l'amendement SPE416 de Razzy Hammadi à l'amendement SPE474 du Gouvernement améliore effectivement le dispositif. Néanmoins, cela ne règle pas deux questions essentielles posées dès la première lecture. D'une part, pourquoi le fait que des entreprises dépassent 50 % de parts de marché serait-il problématique en soi ? Beaucoup d'entre elles sont dans cette situation pour des raisons parfaitement légitimes, et en aucun cas fautives ni frauduleuses. Il est dommage de raisonner ici de manière quantitative. Je formulerai d'ailleurs la même remarque concernant les prix et les marges élevés. Ce point risque d'être source de contentieux et de permettre ainsi aux barreaux de province et de Paris de faire de belles affaires. D'autre part, la notion de « zone considérée » donnera elle aussi lieu à contentieux et à des divergences d'appréciation. Il suffit de se figurer la manière dont les entreprises exerçant des métiers différents appréhendent leur zone de chalandise et définissent les cercles concentriques dans lesquels elles contactent leurs clients, notamment dans les opérations de promotion. Tant que cette notion restera floue, le texte ouvrira la voie à d'innombrables contentieux et placera dans l'insécurité juridique bon nombre d'entreprises visées par ces dispositions.
Je dirai un mot de l'amendement SPE99 de notre collègue Fromantin qui risque de ne pas être examiné si l'amendement du Gouvernement est adopté. Il va dans le sens du propos de Jean-Frédéric Poisson : il conviendrait de prendre en compte l'objectif d'aménagement du territoire, car dans les territoires à faible densité commerciale, la fixation du seuil de parts de marché à 50 % risque d'entraîner des catastrophes.
Tout d'abord, les barreaux de province ne seront pas concernés par cette procédure qui aura lieu devant l'Autorité de la concurrence. Ensuite, nous définissons les conditions dans lesquelles cette autorité pourra adresser son rapport : il faudra d'une part qu'il y ait une concentration excessive portant atteinte à une concurrence effective dans la zone considérée – si un seul commerce est implanté sur un territoire, on ne se trouvera pas dans cette situation puisqu'il n'y aura pas de concurrence possible. Il faudra d'autre part que cette atteinte se traduise par des prix ou des marges élevés pratiqués par l'entreprise en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné. Au cours d'une première étape, l'Autorité de la concurrence établira un rapport. Ensuite, l'entreprise aura la possibilité de le contester. Enfin pourra être engagée une procédure contradictoire.
Le problème que nous souhaitons traiter ici correspond à ce que l'on qualifiait d'abus de position dominante. Dans certaines zones de chalandise, une enseigne détient plus de 50 % de parts de marché et pratique des prix ou des marges élevés sans aucune justification. C'est ce type de situation que nous voulons pouvoir corriger en entrant dans un dialogue contradictoire – l'Autorité de la concurrence aura la possibilité de demander des justifications à l'enseigne concernée. La sanction ne sera pas immédiate puisqu'une procédure contradictoire est prévue. Si l'Autorité souhaite qualifier une situation d'anormale, elle devra le faire selon des règles objectives que vous appeliez de vos voeux en première lecture.
Quant à la zone de chalandise, elle est parfaitement définie en droit de la concurrence : c'est un rayon de trente kilomètres autour du point qui est défini. Il s'agit d'une notion de référence aussi bien pour la Direction générale des entreprises que pour la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Autorité de la concurrence. Je vous renvoie à tous les rapports rédigés par cette autorité et ces administrations. C'est cette notion établie et connue qui sera appliquée.
Cette procédure permettra de régler les situations de ce type sur notre territoire, ou du moins, de les corriger.
La Commission adopte l'amendement SPE474 rectifié.
En conséquence, les amendements SPE8 de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE99 de M. Jean-Christophe Fromantin deviennent sans objet.
La Commission adopte l'article 11 modifié.
Article 11 bis AA (nouveau) : Paiement direct par l'assureur, par subrogation, du réparateur automobile non agréé choisi par l'assuré
La Commission en vient à l'amendement SPE518 des rapporteurs.
Cet amendement vise à supprimer un article introduit par le Sénat qui permet à l'assuré, en cas de réparation d'un véhicule automobile ayant subi un dommage garanti par un contrat d'assurance, de se faire subroger par le réparateur automobile de son choix dans l'exercice des droits qu'il détient à l'encontre de son assureur au titre de son indemnité d'assurance.
Cette disposition ne me paraît pas suffisamment évaluée pour le moment. On peut imaginer que dans le monde de la réparation automobile, des groupes ou des réseaux de groupes de garagistes auront les moyens administratifs d'utiliser la mesure en en faisant un argument commercial alors que des artisans plus modestes auront beaucoup de difficultés à la mettre en oeuvre. Personne n'a réussi à me convaincre du bien-fondé de cet article ni de ses motivations. En conséquence, je vous propose de le supprimer.
J'avais compris cet article comme visant à généraliser un dispositif existant actuellement pour les garages agréés par des compagnies d'assurance. Le titulaire d'un contrat auprès d'une de ces compagnies, lorsqu'il s'adresse à l'un de ces garages agréés, est dans une situation de subrogation. Il ne peut donc être sollicité dans le paiement au garagiste que pour le forfait qu'il doit éventuellement payer. L'injustice de ce système me paraissait résider dans le fait que seuls certains garages disposent de cet agrément. Le dispositif proposé par le Sénat aurait ainsi permis à tout particulier de choisir son garage pour faire réparer son véhicule tout en bénéficiant de la subrogation. Peut-être ai-je mal compris le dispositif mais il m'avait semblé qu'il présentait précisément un intérêt pour les garagistes de proximité non titulaires d'agrément. Monsieur le rapporteur pourrait-il nous éclairer sur ce point ?
C'est la première fois que j'entends cette argumentation car personne ne s'est manifesté pour soutenir cet article. Je suis interpellé par vos propos, cher collègue, car les réseaux de réparateurs agréés par les assureurs créent probablement des distorsions sur le marché. Je voudrais savoir ce que pense le ministre de vos arguments avant que l'on se détermine sur cet amendement. Pour ma part, je ne dispose d'aucune évaluation précise.
Comme vous défendez tous deux le même objectif mais avec un argumentaire différent, l'un soutenant qu'il faut conforter les petits garagistes, l'autre soulignant qu'ils n'auront pas les moyens de concurrencer les garagistes agréés, monsieur le ministre pourrait-il trancher ?
Une discussion comparable a eu lieu lors de l'examen du projet de loi relatif à la consommation. L'article 11 bis AA adopté par le Sénat permet à l'assuré d'être subrogé dans ses droits vis-à-vis de l'assureur par son réparateur afin de n'avoir jamais à faire l'avance des frais de réparation, quel que soit le réparateur ayant procédé aux travaux. L'objectif des sénateurs était de conférer une liberté dans le choix du réparateur professionnel.
Le libre choix du réparateur professionnel est d'ores et déjà organisé et réaffirmé par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation : dès que l'assuré est victime d'un accident, il est informé de la possibilité qu'il a de choisir son réparateur.
Outre les effets pervers non mesurés de ce dispositif, l'article 11 bis AA porte atteinte à la liberté contractuelle de l'assuré et de l'assureur.
Les contrats d'assurance, dont relèvent les modalités de règlement des sinistres, ne lient que l'assureur à l'assuré. L'article L. 121-1 du code des assurances précise ainsi que l'indemnité est due par l'assureur à l'assuré. Il faut souligner à cet égard que l'assuré n'est pas tenu d'employer cette indemnité à la remise en état du bien endommagé ni de fournir de justification précise.
Les contrats d'assurance prévoient dans certains cas un règlement direct à un tiers. Mais un mécanisme de subrogation légale, tel que celui prévu par le présent article, porte atteinte à la liberté contractuelle dans la mesure où il n'implique pas d'accord formel de l'assuré.
Enfin, le paiement direct au réparateur, qui se fait aujourd'hui directement dans le cadre des réseaux agréés, est une contrepartie d'un accord sur les tarifs de la réparation, permettant ainsi de contenir les coûts, au bénéfice des assurés. Le rendre systématique pourrait ainsi avoir un effet inflationniste qui se répercuterait par voie de conséquence sur les primes d'assurance.
L'amendement du rapporteur, en supprimant l'article 11 bis AA, permet d'en rester à ce que permet déjà la loi relative à la consommation – qui a instauré un mécanisme de subrogation adapté – mais de ne pas le rendre automatique, ce qui aurait une conséquence inflationniste sur les primes d'assurance.
Il me semble que l'article prévoit une faculté, non une obligation.
Le texte est ambigu : soit un droit est accordé à l'assuré pour lui éviter de se voir imposer une contrainte par son assureur, ce dernier s'étant allié à des réparateurs particuliers – auquel cas je suis d'accord avec Jean-Yves Le Bouillonnec – soit, on prévoit, comme c'est le cas de cet article, que l'assuré peut se faire subroger par le réparateur de son choix. Je ne suis pas sûr que cela signifie que tous les réparateurs seront dans l'obligation de suivre cette règle dans la mesure où l'article ne rend pas le tiers-payant obligatoire.
Ce n'est certes qu'une possibilité offerte à l'assuré mais elle favorisera les comportements d'entente manifeste entre l'assuré et le réparateur, le premier se voyant accorder la possibilité de subroger ses droits. Aujourd'hui, l'assuré n'est même pas obligé aujourd'hui d'apporter un justificatif des réparations effectuées. Or, les pratiques abusives seront immédiatement internalisées c'est-à-dire couvertes par une augmentation des primes d'assurance car les assureurs considéreront les assurés comme pouvant avoir recours à cette subrogation.
La subrogation consiste en la faculté pour le garagiste de percevoir le coût de sa prestation après déduction de la partie forfaitaire qui reste à la charge de l'assuré. Mais dans tous les cas, la nature des dégâts et le coût de la réparation appartiennent à la compagnie d'assurances qui la fait examiner et valider par son expert. L'intérêt de cet article est d'éviter aux assurés d'avancer les frais de réparation, à l'exception du forfait, quel que soit le garage qu'ils choisissent alors que la subrogation n'est aujourd'hui possible que dans les garages agréés par les compagnies d'assurances. Les droits de ces compagnies ne seront pas entamés puisque, à ma connaissance, les garagistes ne font les réparations que sur instruction des compagnies d'assurances au vu du constat de l'expert.
Monsieur le ministre, si à chaque fois que nous essayons de faire évoluer le droit des assurances, cela se traduit par une augmentation des primes, il faudra faire en sorte que nous sortions de ce cercle vicieux.
Pour avoir activement participé au débat sur le projet de loi relatif à la consommation, j'en rappellerai deux avancées importantes : d'une part, l'assuré peut désormais changer d'assureur au bout d'un an s'il n'en est pas satisfait ; d'autre part, il n'est plus obligé de faire réparer sa voiture chez un réparateur agréé par son assurance pour pouvoir être remboursé. Auparavant, on forçait les assurés à faire réparer leur véhicule à vingt kilomètres alors qu'ils avaient un carrossier à côté de chez eux.
L'article 11 bis AA offre une possibilité nouvelle. Quant à savoir si elle est favorable ou défavorable au consommateur, le débat ne permet pas encore de le déterminer.
Je suis interpellé par les propos de notre collègue Le Bouillonnec : selon lui, cet article substitue à la procédure d'agrément une procédure de droit commun.
Les réparations de véhicules ne sont pas systématiquement effectuées dans un réseau fermé et agréé par l'assureur. Le dispositif de subrogation ne doit fonctionner qu'en réseau fermé, comme on l'a vu dans le cas de l'optique, sans quoi l'on risque d'être confronté à des pratiques inflationnistes.
Il faut revenir à la définition de la subrogation. Subrogé dans les droits de l'assuré, le réparateur n'a pas plus de droit que n'en avait l'assuré face à la compagnie d'assurances, c'est-à-dire qu'il a droit au tarif fixé par l'expert. Les compagnies d'assurances parviennent à maîtriser les frais de réparation d'abord par leur réseau d'expertise et ensuite par leur réseau de réparateurs agréés. Pour réussir à se faire indemniser au-delà du montant indiqué dans le rapport d'expertise, l'assuré doit en passer par un procès et, en général, il préfère s'en tenir à l'estimation de l'expert. Par conséquent, je ne vois pas en quoi le mécanisme de subrogation pourrait être inflationniste.
Je partage les arguments de mes collègues Le Bouillonnec et Robiliard. La proposition du Sénat complète le code et ne remet donc pas en cause la mécanique d'agrément, même si, comme le fait remarquer Jean-Yves Le Bouillonnec, nous sommes en train d'entrebâiller une porte qui finira par s'ouvrir en grand un jour, et on ignore quelles en seront les conséquences. Pour l'instant, nous n'en sommes pas là.
Si j'ai bien compris, les sénateurs veulent permettre aux assurés de ne pas avancer les frais de la réparation : la facture est gérée directement entre l'assureur et le garagiste. Est-ce que cette mesure peut induire une hausse des prix des réparations et des primes d'assurance ? Je ne vois pas comment. Si nous nous situons dans le cadre du code des assurances et de l'article L. 211-5-1 comme indiqué, il n'y a aucune raison que cela prenne des proportions insoutenables.
Je ne comprends donc pas que l'on veuille supprimer cette faculté laissée aux assurés de ne pas débourser un centime en veillant à ce que la transaction se passe entre le garagiste et l'assureur. C'est tout de même une bonne nouvelle pour les assurés. Comme je ne vois pas de mécanisme d'entente frauduleuse possible sur le reste du dispositif, je pense qu'il faut maintenir cet article.
Maintenez-vous votre amendement de suppression, monsieur le rapporteur ?
La Commission adopte l'amendement SPE518.
En conséquence, l'article 11 bis AA est supprimé.
Article 11 bis A : Utilisation d'un drapeau bleu-blanc-rouge dans la présentation d'un produit
La Commission est saisie de l'amendement SPE100 de M. Yves Jégo.
Il s'agit d'un amendement qui avait été adopté à l'unanimité en séance et qui s'attaque à l'utilisation d'un drapeau bleu-blanc-rouge pour tromper le consommateur sur l'origine des produits. Le Sénat l'a supprimé sous prétexte que l'article L.121-1 du code de la consommation prévoit déjà ce type d'infraction. Or cet article ne cite pas le drapeau expressément et il nous semble utile de le mentionner pour lutter efficacement contre ce type de fraude.
J'émets un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles évoquées par le Sénat. Cet aspect des choses nous avait échappé lors de la première lecture, ce qui nous avait conduits à adopter dans l'enthousiasme l'amendement proposé par Yves Jégo. Or il existe déjà un label « Origine France garantie » (OFG), dont il est d'ailleurs l'initiateur, et qui comporte deux critères très précis. En outre, cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l'article L.121-1 du code de la consommation qui prohibe les pratiques commerciales trompeuses qui reposent sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur, notamment sur l'origine du produit. Finalement, cette précision apporterait plus de confusion que de clarté.
En séance, j'avais moi-même donné un avis favorable du Gouvernement à l'amendement de M. Jégo, en disant d'ailleurs que les arguments donnés par les services n'étaient pas convaincants. Analyse étant faite et suite aux réactions postérieures à l'adoption dudit amendement, il est apparu que cette mesure créait plus de trouble que de sécurité juridique : elle donne à des organismes certificateurs la possibilité de doublonner ce qui est déjà prévu par la loi et une directive européenne.
Cette mesure a été supprimée par la commission spéciale du Sénat pour trois motifs : les pratiques commerciales trompeuses portant sur l'origine d'un produit sont déjà couvertes par les dispositions du code de la consommation ; elle ne serait pas conforme à la directive 2005-2029UE sur les pratiques commerciales déloyales ; elle interdirait des démarches sur l'origine, mises en oeuvre par les interprofessions ou les filières agricoles avec le soutien du Gouvernement, telles que « Viandes de France », qui ne relèvent ni d'une appellation d'origine, ni d'une indication géographique, ni d'une certification. Ce sont d'ailleurs ces filières agricoles qui nous ont alertés, suite à l'adoption de l'amendement de M. Jégo.
Après une expertise approfondie de l'amendement proposé, le Gouvernement considère que l'insertion de cette disposition à cet endroit du code de la consommation pose un problème majeur de conformité au droit de l'Union européenne, et apporterait plus de trouble que de sécurité juridique.
En outre, il est parfaitement clair qu'en l'état du droit positif, le caractère trompeur d'une pratique commerciale portant sur l'origine d'un produit peut d'ores et déjà être sanctionné. Il ne nous paraît pas souhaitable d'ajouter une certification supplémentaire qui serait accordée par un nombre limité d'organismes.
Je suis très surpris. Lors de la première lecture, j'avais défendu cet amendement en commission spéciale, et vous m'aviez fait les mêmes remarques, quasiment au mot près. Nous pouvons le vérifier dans les comptes rendus. En séance, où Yves Jégo était venu défendre nos arguments, l'amendement avait été adopté à l'unanimité avec avis favorable du Gouvernement. J'entends votre raisonnement, mais nous voulons protéger le consommateur et empêcher que ne soit apposé un petit drapeau français sur des produits manufacturés qui ne sont pas fabriqués en France.
En première lecture, nous avions fait une erreur d'appréciation. Tout l'intérêt de la navette parlementaire est de permettre à nos collègues sénateurs de compléter notre réflexion. Outre sa lourdeur, cette mesure créerait de la confusion en s'arrimant un peu trop aux appellations d'origine, aux indications géographique ou à des procédures qui ont fait l'objet d'un processus, approuvé par l'État, attestant l'origine française. En excluant de fait des produits français qui ne relèvent ni d'une appellation d'origine ni d'une indication géographique, elle peut introduire certains biais. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de considérer que nous avons tiré la substantifique moelle de la proposition du Sénat.
La Commission rejette l'amendement SPE100.
En conséquence, la suppression de l'article 11 bis A est maintenue.
Article 11 bis B : Suppression d'une clause illicite dans un contrat en cours
La Commission adopte l'article 11 bis B sans modification.
Articles 11 bis C : Assignation conjointe du professionnel fautif par le consommateur lésé et les associations de défense des consommateurs, dans le cadre d'une action en réparation
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement SPE466 du Gouvernement et l'amendement SPE39 de M. Joël Giraud.
Cet amendement vise à rétablir cet article, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et supprimé par le Sénat, qui prévoit la possibilité pour les associations de consommateurs agréées d'agir conjointement devant les juridictions civiles avec un ou des consommateurs individuels, en vue d'obtenir réparation d'un préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs.
Actuellement, ces associations ne peuvent intervenir que dans une instance civile déjà engagée par un ou plusieurs consommateurs. Le présent amendement tend à permettre aux associations de consommateurs agréées de prêter assistance au consommateur pour la reconnaissance de ses droits, afin de garantir une meilleure effectivité du droit de la consommation pour la défense de l'intérêt collectif des consommateurs.
Par ailleurs, répondant à une observation du Sénat, cet amendement précise l'intitulé de la section du code de la consommation modifiée par l'article 11 bis C du projet de loi, afin de le rendre parfaitement conforme à l'objet de la mesure.
Quand un grand nombre d'associations attaquent, les frais irrépétibles deviennent colossaux. Ne faudrait-il pas réduire le nombre des associations susceptibles d'intervenir juridiquement ?
Les amendements défendus par le ministre et par Alain Tourret sont en tous points identiques, à part leur titre. J'ai tendance à préférer le titre qui nous est proposé par le Gouvernement parce que je veux croire qu'il est plus précis. J'émets donc un avis favorable à l'amendement SPE466 et je demande à Alain Tourret de bien vouloir retirer l'amendement SPE39.
Dans un cas, l'action est portée devant le tribunal, dans l'autre, elle est introduite devant les juridictions. La nuance n'est pas énorme.
Je m'en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l'amendement SPE39 et l''article 11 bis C est ainsi rétabli.
En conséquence, l'amendement SPE466 tombe.
Article 11 bis : Codification de dispositions relatives à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 11 ter A : Transparence sur les conditions sociales de fabrication d'un produit
La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 11 ter B : Délai de rétractation en matière de vente de métaux précieux
La Commission examine l'amendement SPE85 de M. Alain Tourret.
L'amendement est retiré.
La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 11 ter : Modalités de versement des sommes reçues à la suite d'une action de groupe
La Commission est saisie de l'amendement SPE330 de Mme Colette Capdevielle.
Il s'agit de revenir au texte initialement voté par l'Assemblée nationale en première lecture, et de supprimer les mots « , si l'association le demande. » Rappelons que l'avocat est obligé de faire transiter tous les fonds venant de ses clients par un compte tiers, la Caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA), qui est destiné à garantir le paiement des sommes dues. L'ajout du Sénat crée une ambiguïté alors qu'il est totalement superfétatoire : il remet en cause le mandat général qui lie le client à son avocat.
Il s'agit d'un duel de titans pour la consignation des fonds « clients » entre la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la CARPA. Notre collègue nous propose d'en revenir au camp du Drap d'or de la première lecture de l'Assemblée nationale : quand une association agit seule, les fonds sont consignés à la CDC ; quand il y a recours à un avocat, les fonds sont consignés à la CARPA. Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement SPE330.
Puis elle adopte l'article 11 ter modifié.
Article 11 quater AA (nouveau) : Limitation des frais de gestion des comptes bancaires outre-mer
La Commission examine l'amendement SPE457 du Gouvernement.
Cet amendement tend à la suppression de l'article 11 quater AA, qui modifie le premier alinéa de l'article L. 711-22 du code monétaire et financier, pour diminuer les coûts bancaires dans les outre-mer.
L'article 11 quater AA confirme que les idées les plus belles peuvent conduire à des situations contre-intuitives. La convergence des tarifs des services bancaires ultramarins avec ceux de la métropole est un objectif important pour le Gouvernement et s'inscrit dans le dispositif de lutte contre la vie chère. Des mesures d'encadrement des tarifs ont ainsi été adoptées dans la loi de régulation économique outre-mer de novembre 2012.
Parallèlement, le Gouvernement a sollicité le président du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) pour rédiger un rapport sur la tarification des services bancaires dans les départements d'outre-mer (DOM) et les collectivités d'outre-mer (COM). Ce rapport, remis en juillet 2014 au Parlement, a établi que les frais bancaires dans les DOM sont équivalents voire inférieurs à ceux de la métropole, à l'exception des frais de tenue de compte qui sont supérieurs. L'objectif est de faire converger les frais de tenue de compte dans les DOM vers ceux qui sont pratiqués en métropole, d'ici à trois ans. Tel est l'avis adopté par le Conseil consultatif sur ces sujets le 30 septembre 2014.
Ces mesures viennent d'ores et déjà répondre à l'objectif recherché par l'article 11 quater AA. Elles s'inscrivent dans un processus pragmatique qui a été élaboré en concertation avec les réseaux bancaires intéressés.
Par ailleurs, il est à noter que les agences bancaires d'outre-mer constituent des centres de coûts pour beaucoup d'établissements de crédit. Tel que rédigé, l'article donnerait de bonnes excuses à certains établissements, sur lesquels le Gouvernement ne manque pas d'exercer une pression constante, pour fermer des réseaux existant dans les DOM. En ne tenant pas compte de cette réalité, le risque est de contribuer à réduire la concurrence entre réseaux outre-mer. Une telle évolution ne nous apparaît pas souhaitable.
Alors qu'un protocole d'engagement sur la convergence des frais de tenue de compte de la clientèle de particuliers a été signé en Martinique le 12 mai 2015 entre l'État et les établissements de crédits, il me semble plus pertinent de poursuivre cette dynamique de baisse des tarifs de tenue de compte par la voie conventionnelle, plutôt que de procéder comme le propose cet article qui produirait des dommages collatéraux et des effets contraires à ses finalités. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir supprimer cet article.
Suivant l'avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l'amendement SPE457.
En conséquence, l'article 11 quater AA est supprimé.
Article 11 quater A : Mobilité bancaire
La Commission est saisie de l'amendement SPE458 du Gouvernement.
Cet amendement vise à instituer un principe de gratuité pour le nouveau service de mobilité bancaire renforcé et automatisé.
Le renforcement de la mobilité bancaire contribue à la baisse des prix des services bancaires ainsi qu'à l'amélioration de leur qualité. L'inscription, dans la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, d'un service d'aide à la mobilité qui a rendu obligatoire l'offre de ce service par toutes les banques, a constitué une première étape en ce sens.
Néanmoins, ainsi qu'il ressort du rapport remis en fin d'année au Parlement, des freins à la mobilité demeurent. C'est dans ce cadre que le ministre des finances et des comptes publics a confié au Comité consultatif du secteur financier, au sein duquel sont notamment représentés les établissements bancaires et les consommateurs, l'engagement d'une réflexion sur ce sujet. Celle-ci a abouti en mars dernier à un avis, adopté par l'ensemble de ses participants, prenant acte de l'engagement des établissements bancaires à instituer un dispositif de mobilité bancaire renforcé et automatisé.
Sur la base de cet avis, le Gouvernement a déposé un amendement adopté au Sénat, qui répond à deux objectifs. D'une part, il propose d'instaurer un nouveau service intégré de mobilité et de transfert automatisé des domiciliations bancaires, destiné aux clients ayant ouvert un nouveau compte et souhaitant y transférer les domiciliations de leur compte d'origine. D'autre part, il prévoit de compléter ce dispositif d'un mécanisme d'alerte, permettant au client d'être informé par sa banque d'origine dans de brefs délais et par tout moyen approprié – SMS ou courriel notamment – des cas, en principe marginaux, d'opérations de prélèvement valide ou de virement récurrent qui se présenteraient sur le compte clos, durant un délai de treize mois suivant la clôture de son compte. Cette garantie s'ajoute à l'obligation légale en vigueur pour les mêmes banques en ce qui concerne les chèques présentés sur un compte clos.
Par le présent amendement, il vous est proposé de compléter ce dispositif afin de favoriser un large recours à ce nouveau service et de faciliter plus effectivement encore la mobilité bancaire. Il s'agit ainsi d'instaurer un principe de gratuité du service de mobilité et une information plus large et plus systématique des clients susceptibles de bénéficier d'un tel dispositif.
Ces mesures sont très importantes pour la mobilité bancaire et la protection des consommateurs. Plusieurs d'entre vous avaient défendu ces idées. Le processus de consultation que je viens de rappeler a permis d'avancer et d'aboutir à ce principe de gratuité.
J'émets un avis favorable à cet amendement qui clarifie, précise et simplifie la mobilité interbancaire, avec l'accord formel de l'intéressé. Il instaure la gratuité et il permet au client d'avoir un transfert automatique de ses prélèvements et virements récurrents, sans plus de formalités.
Nous adhérons à votre démarche, et vos explications étaient claires, monsieur le ministre, mais je me permets une remarque : ce sujet, que nous traitons au moins pour la dixième fois, doit représenter une bonne cinquantaine de pages dans la loi. Nous en arrivons à un niveau de détails qui nous invite à ne pas être réservés dans nos amendements, face à un Gouvernement qui nous reproche souvent de faire des propositions qui relèvent du domaine réglementaire. Pour une fois, nous pouvons vous retourner la remarque. Mais vous êtes absolument pardonné, monsieur le ministre, parce que c'est pour une bonne cause.
Monsieur le président, je n'ai pas le sentiment que vous vous soyez beaucoup censuré depuis le début de nos travaux sur ce point. (Sourires.)
Nous avons appris le sens de la synthèse ! Quoi qu'il en soit, ce texte est d'une densité qui en vaut d'autres et il défend une excellente cause.
La Commission adopte l'amendement SPE458.
Puis elle adopte l'article 11 quater A, modifié.
Article 11 quater B : Extension aux produits d'optique-lunetterie de l'obligation de fournir à l'assuré un devis normalisé
La Commission examine l'amendement SPE661 des rapporteurs.
Cet amendement propose de réintroduire un texte qui avait été adopté par l'Assemblée nationale et qui a été supprimé par le Sénat. Il s'agit d'obliger les professionnels de santé à produire des devis normalisés comportant les prix de vente des produits d'appareillage des déficients de l'ouïe ou d'optique-lunetterie, mais aussi les modalités de leur prise en charge par les organismes d'assurance maladie. Le patient doit connaître l'écart entre le prix et le remboursement de son appareil. Ce souci de transparence me paraît particulièrement bienvenu concernant des appareils qui sont souvent coûteux et font l'objet de très grands écarts de prix.
Derrière cet amendement, y a-t-il l'idée de faire apparaître de manière précise sur les devis des informations qui relèvent à la fois des produits et des services qui y sont associés ? Chacun sait que les prothèses auditives et optiques nécessitent des prises de mesures, des montages et des ajustements. L'idée pourrait donc être de distinguer les deux types de prestations pour pouvoir, à terme, ne rembourser que le produit. L'assuré social subirait alors un accroissement des coûts qui ne me paraît pas bienvenu.
Je ne pense pas que le porteur initial de cet amendement, Razzy Hammadi, était animé de telles intentions. En tout cas, l'idée ne vient pas d'un canal gouvernemental. Il n'y a pas d'intention cachée dans cet amendement qui répond à un souci de transparence sur le coût de l'appareil et des prestations annexes de fixation, de réglage et de mise au point, par rapport au montant remboursé.
Vous nous garantissez donc, monsieur le rapporteur, que la disposition n'aura pas d'incidence sur les sommes remboursées aux usagers.
Je ne suis pas en mesure de prendre de tels engagements, mais je n'ai aucune raison non plus d'être soupçonneux.
En règle générale, en matière d'optique notamment, les devis sont fournis. S'agissant de l'équipement d'audioprothèse, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu un rapport remarquable qui, précisément, met en lumière la complexité de la rémunération de ces professionnels : d'un côté, il y a l'appareil, et, de l'autre, toute une série de suivis, de prestations et autres services qui se font gratuitement. L'IGAS conclut à la nécessité d'une refonte quasiment totale de la rémunération non seulement des équipements vendus mais aussi des services rendus. Il me semble que, dans le cadre de ce texte et de la loi relative à la santé, il serait fort utile de reprendre les conclusions de l'IGAS qui, de surcroît, présentent un avantage rare : elles sont partagées par les professionnels.
En cette matière, la prestation de conseil est toujours mal cernée alors qu'elle existe, plus ou moins selon les professionnels. Chez l'avocat, le client sait que les honoraires rémunèrent du conseil ; chez l'opticien ou l'audioprothésiste, il peut avoir le sentiment de n'acheter qu'un produit alors que le conseil est très important.
La Commission adopte l'amendement SPE661.
L'article 11 quater B est ainsi rétabli et rédigé.
Article 11 quater C (nouveau) : Suppression de l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance de verres correcteurs
La Commission examine l'amendement SPE520 du rapporteur général.
Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par amendement de conséquence ? Le Sénat rend l'ordonnance facultative pour les lunettes, sachant qu'il n'y a pas assez d'ophtalmologistes sur le territoire national alors que, par ailleurs, chacun de nos concitoyens habite à une vingtaine de kilomètres au maximum d'un opticien. J'aimerais lever toute ambiguïté et m'assurer qu'avec cet amendement, le rapporteur n'est pas en train de rétablir l'obligation d'une ordonnance pour nos concitoyens qui souhaitent obtenir une monture de lunettes.
L'article L. 4362-10 du code de la santé publique indique effectivement que « la délivrance de verres correcteurs est subordonnée à l'existence d'une prescription médicale en cours de validité. » Si je comprends bien, vous supprimez la prescription médicale ?
C'est le Sénat qui l'a supprimée et cet amendement en tire les conséquences : il propose de supprimer la référence à l'alinéa supprimé par le Sénat, qui existe dans l'article suivant du code de la santé publique.
Précisons que la suppression de l'ordonnance est prévue dans un certain nombre de cas bien précis, sachant que cela n'exonère pas l'opticien de faire la mesure d'usage pour voir si le patient doit retourner ou non chez l'ophtalmologue.
L'article 11 quater C du Sénat supprime le premier alinéa de l'article L. 4362-10 du code de la santé publique qui précise que « la délivrance de verres correcteurs est subordonnée à l'existence d'une prescription médicale en cours de validité. » L'obligation de présenter une ordonnance médicale étant supprimée, il n'y a pas lieu de fixer par décret les conditions de validité de cette prescription, telles que prévues par le troisième alinéa de l'article L. 4362-11 du code de la santé publique, d'autant que ce décret n'a jamais été pris. L'amendement ne fait que tirer les conséquences de la suppression effectuée au Sénat, en nettoyant le code des références qui y sont faites.
Puisque nous parlons de cohérence, il me semble que nous avons eu de longs débats lors de l'examen du projet de loi relatif à la consommation sur le fait de savoir dans quelles circonstances il fallait maintenir la prescription médicale pour les lunettes comme pour les lentilles. Il est dommageable de revenir sur un débat que nous avons déjà eu au détour de l'examen d'un amendement aujourd'hui. Il ne s'agit pas que d'une question de consommation, mais aussi de santé publique. Je préférerais donc que l'on revienne sur la suppression du Sénat plutôt que d'apporter une coordination.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit et voterai contre cet amendement.
Je partage le point de vue d'Audrey Linkenheld, ce sujet a déjà été abordé lors de l'examen du projet de loi relatif à la consommation de Frédéric Lefebvre, puis dans le projet de loi consommation que vous avez rapporté. Il s'agit à la fois d'un sujet de consommation, d'économie, mais aussi de santé publique, et il est toujours gênant de traiter de ces questions en l'absence de la ministre qui en est chargée. Confirmer, presque en catimini, la suppression de l'ordonnance pour des lunettes ou des lentilles de contact me semble extrêmement dangereux : il faut d'abord l'avis d'un professionnel, quand bien même ces ordonnances peuvent être répétées à chaque fois pendant plusieurs années. C'est le point d'équilibre qui avait été trouvé. Si la prescription n'est pas bonne, cela peut avoir des conséquences irréparables pour les yeux, je ne voterai pas pour cet amendement.
Nous avons tous compris que vous proposiez un amendement de conséquence, cependant, la consultation médicale permet de détecter des maladies latentes et il serait dangereux de rester plusieurs années sans la pratiquer en continuant d'utiliser d'anciennes prescriptions. Il ne m'est pas possible de voter cet amendement alors que je souhaiterais revenir sur le texte du Sénat.
Maintenant que tout le monde s'est exprimé, il faut déterminer le sujet mis en débat.
Le Sénat a supprimé une disposition de l'article L. 4362-10. Cet amendement se borne à prendre acte de cette suppression. Il ne s'agit pas d'un débat de fond, même si je comprends votre position.
Monsieur le rapporteur, qu'a supprimé le Sénat sur le fond ?
Le Sénat a supprimé l'obligation d'une prescription médicale pour délivrer des verres correcteurs.
Cela à tout moment, et non pas pour une courte période.
Le Sénat a en effet supprimé l'alinéa prévoyant que la délivrance de verres correcteurs était subordonnée à l'existence d'une prescription médicale en cours de validité. Le rapporteur tire la conséquence de cette suppression dans son amendement, ce qui a le mérite de la cohérence. La question sous-jacente est de savoir si une prescription médicale est nécessaire pour aller acheter des verres correcteurs ou des lentilles de contact.
Au demeurant, cette mesure était également cohérente avec l'esprit du texte qui vise à libérer le commerce. Je comprends que, dans une logique commerciale, cela soit une option de facilitation.
Je rappelle que, sur le plan éthique, les opticiens ont l'obligation de vérifier notre vue, mais ne pratiquent pas, par exemple, un fond d'oeil. Je pensais qu'il y avait eu un débat relatif à la permission, dans une durée de trois ans après la délivrance d'une ordonnance, de changer de dispositif de vue sans consulter à nouveau un ophtalmologiste. Ne jamais y aller peut en effet poser problème. C'est peut-être sur ce point qu'il faut trouver un équilibre.
Afin de ne pas perdre de temps sur cette question, le rapporteur pourrait peut-être retirer son amendement et trouver une solution pratique pour la séance.
Pourrions-nous connaître la position du Gouvernement qui avait adopté une position toute différente dans le cadre de la loi Hamon relative à la consommation ?
Nous avons bien compris qu'il s'agissait d'un amendement de conséquence, mais un problème de fond demeure que nous devons régler. Peut-être pourrions-nous le revoir en séance. Alors que nous avons découvert un vrai sujet, il est difficile de voter un simple amendement de conséquence.
Pour aller au fond des choses, outre la position du ministre, nous aurions besoin de connaître celle de Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, sur le sujet afin d'en savoir plus sur l'arbitrage rendu par le Gouvernement.
Je constate, qu'à ce stade de notre débat, personne sur aucun des bancs, pas plus que le Gouvernement, n'a déposé d'amendement de suppression de la mesure adoptée par le Sénat. C'est donc en toute logique qu'avec Gilles Savary, nous avons déposé un amendement qui prend acte du choix opéré par le Sénat. Il ne peut donc guère subsister de doute sur ce que nous devons faire.
Monsieur le président, vous constatez qu'à l'occasion de l'examen de cet amendement, s'ouvre un débat de fond au sujet de la prescription ophtalmologique et de l'accès aux lunettes. Notre collègue Daniel Fasquelle posait une question très claire : quelle est la position du Gouvernement, persiste-t-il dans le sens de la loi Hamon, approuve-t-il la position du Sénat ?
Les règles ont été rappelées par le rapporteur général, si vous n'aviez pas été d'accord avec la rédaction du Sénat, vous auriez déposé un amendement de suppression et le Gouvernement l'aurait fait, lui aussi. Nous sommes confrontés à l'allongement de la durée de vie des ordonnances, les ophtalmologistes étant dans la situation que nous connaissons. D'ailleurs, tous les textes d'application de la loi relative à la consommation n'ont pas été pris et, aujourd'hui, certains renouvellements sont pratiqués en dehors du cadre de cette loi. Subsistent également des délais d'attente que nous ne parvenons pas à résorber. Tant que nous n'aurons pas résolu la question de la démographie médicale dans ce domaine, nous ne serons pas dans une situation satisfaisante. C'est pourquoi, pas plus que vous-même, le Gouvernement n'a pas déposé d'amendement de suppression.
Monsieur le ministre, ayez l'amabilité de ne pas rendre l'opposition responsable du revirement du Gouvernement, à quelques mois d'intervalle. Je l'ai dit au début de cette réunion, et je le répète, nous n'avons pas déposé d'amendement parce que nous savions que le texte serait entièrement réécrit. Nous nous intéressons au texte, mais nous attendons de voir ce qui va se passer. Sur ce sujet, nous avions combattu la loi Hamon. Le Gouvernement auquel vous appartenez a changé d'avis : de grâce, ne nous en rendez pas responsables !
Je suis confronté à un problème d'organisation de nos travaux : sans pour autant entrer dans le débat de fond, notre rapporteur a le souci de rendre le texte cohérent, ce qui est indispensable ; monsieur le rapporteur, maintenez-vous votre position ?
Je ne peux que vous inviter à ne pas maintenir des contradictions dans le code de la santé publique : lorsqu'un alinéa fait référence à un autre alinéa disparu, il faut le supprimer. Si d'aucuns souhaitent régler la question de fond à un autre moment, je n'y suis pas opposé, mais, pour l'instant, aucun amendement ne permet de le faire.
Il me semble de bonne pratique d'adopter l'amendement du rapporteur quoi que l'on pense sur le fond.
La Commission adopte l'amendement SPE520.
Puis elle adopte l'article 11 quater C modifié.
Article 11 quater D (nouveau) : Reconnaissance de la qualité d'artisan aux cuisiniers
La Commission est saisie de l'amendement SPE87 de M. Alain Tourret.
Cet amendement vient enrichir le dispositif d'un article nouveau, adopté par le Sénat, en précisant que ne pourront bénéficier de l'appellation « artisan » que les personnes physiques et morales, qui n'emploient pas plus de dix salariés et dont l'activité de fabrication de plats à consommer sur place est artisanale. Il faut absolument protéger la notion d'artisan. Je me souviens, qu'en 1998 avec Michel Crépeau, nous avions déjà adopté cette mesure pour les boulangers.
D'ailleurs, seuls ceux qui font vraiment le pain peuvent désormais s'appeler boulangers.
Mon avis est défavorable parce que j'ignore ce qu'est, du point de vue juridique, le caractère artisanal d'une fabrication. Je sais ce qu'est un artisan, cela correspond à un statut bien particulier.
La définition du caractère artisanal me semble plutôt relever du mode de fabrication que du nombre de salariés.
J'entends le souhait de M. Tourret de préciser que seuls les professionnels réalisant une cuisine « artisanale » pourront s'immatriculer au répertoire des métiers, et ainsi bénéficier du titre d'artisan. On ne peut que partager cet objectif, et le texte apporte par ailleurs des précisions sur les boulangers ainsi que sur d'autres professions. Néanmoins, votre amendement revient à dire que pour être artisan, il faut avoir une activité artisanale, sans que nulle part cette notion ne soit définie juridiquement. Je vous rappelle qu'une entreprise est artisanale si son activité figure au répertoire des métiers – c'est l'objet de cet article concernant la restauration – et qu'elle emploie moins de onze salariés au moment de son immatriculation. De ce point de vue, les grandes chaînes et leurs franchisés sont écartés.
Par ailleurs, le chef d'une entreprise artisanale peut bénéficier du titre d'artisan s'il justifie d'un diplôme de niveau CAP ou d'une expérience professionnelle d'au moins six ans dans le métier qu'il exerce. Ces conditions valent pour l'ensemble de l'artisanat, et il est préférable que cela reste ainsi. Aussi, le Gouvernement sera défavorable à cet amendement. Votre amendement vient ajouter une notion qui n'est pas qualifiée au sens juridique alors que nous disposons d'un système complet qui donne satisfaction. Le mieux est parfois l'ennemi du bien et je ne souhaite pas que nous retombions dans les errements récents du « fait maison ».
Je ne pense pas que ce soit le « fait maison » qui a porté préjudice, mais plutôt le décret qui ne relève pas de la plume du Législateur.
L'amendement SPE87 est retiré.
La Commission adopte l'article 11 quater D sans modification.
Article 11 quater E (nouveau) : Suppression de la majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales
La Commission examine l'amendement SPE21 des rapporteurs.
Cet amendement vise à supprimer un article introduit par le Sénat en séance, qui supprime la majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales applicables, à partir de 2015, aux établissements dont la surface de vente excède 2 500 m2, prévue par l'article 46 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014. Il s'agit de maintenir une recette votée par l'Assemblée nationale.
Dans la mesure où il s'agit d'accroître à nouveau la pression fiscale exercée sur les entreprises, nous voterons contre cet amendement.
La Commission adopte l'amendement SPE21.
En conséquence, l'article 11 quater E est supprimé.
Article 11 quinquies (nouveau) : Renouvellement des accords dérogatoires relatifs aux délais de paiement dans certains secteurs économiques
La Commission examine l'amendement SPE467 du Gouvernement.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) a réformé le cadre général applicable aux relations commerciales en introduisant le principe d'un plafonnement des délais de paiement convenus entre les parties à 45 jours fin de mois ou 60 jours nets à partir de la date d'émission de la facture.
Prenant en compte les contraintes fortes de certains secteurs, cette loi, puis la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, avaient prévu la possibilité de déroger, de manière temporaire, à cette règle de principe.
La fin de ces deux périodes transitoires approchant, il apparaît aujourd'hui certain que les spécificités de ces secteurs ne permettront pas aux professionnels concernés de se conformer au plafond légal.
L'article 11 quinquies avait été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture pour permettre aux secteurs concernés de pouvoir conserver des délais plus longs à l'issue de la période transitoire. Le Sénat a prévu à cette fin le maintien des délais qui étaient appliqués jusqu'en 2014. Compte tenu des difficultés économiques importantes rencontrées par les entreprises de ces secteurs très spécifiques, notamment celui du jouet, le présent amendement propose le retour aux délais applicables en 2013.
Cet amendement modifie la date de référence, ce qui change tout puisque cela permet des délais de paiement bien mieux adaptés à l'extrême saisonnalité de certains secteurs, dont le jouet. L'avis est donc favorable.
La Commission adopte l'amendement SPE467.
Puis elle adopte l'article 11 quinquies modifié.
Article 11 sexies : Comptes bancaires inactifs
La Commission est saisie de l'amendement SPE258 de M. Éric Alauzet.
Cet amendement vise à rétablir un article introduit en première lecture à l'Assemblée nationale et supprimé par Sénat.
Il s'agit d'un article important car afin de diminuer efficacement le nombre de contrats d'assurance en déshérence, et dans la continuité du travail mené dans le cadre de la loi de juin 2014, il propose d'inscrire dans la loi un délai maximum dans lequel une société d'assurance se doit, à la suite d'un décès, de demander la déclaration de succession afin de connaître les coordonnées du bénéficiaire du contrat.
Sur le fond, nous sommes parfaitement d'accord, mais il nous semble que ces intentions sont déjà satisfaites par l'article 8 de la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence, dite loi Eckert. Celui-ci introduit dans le livre des procédures fiscales un article prévoyant que le notaire chargé d'établir l'actif successoral en vue du règlement d'une succession demande à l'administration fiscale communication des références des comptes bancaires ouverts au nom du défunt. De plus, en vue du règlement d'une succession, les ayants droit obtiennent, de droit, ces références auprès de l'administration fiscale. La situation visée par l'amendement sera donc prise en compte à partir de l'entrée en vigueur de cette disposition, soit au 1er janvier 2016 sans qu'il soit besoin de mettre en danger le secret fiscal car les banques n'ont pas à connaître le détail des déclarations de succession. Pour ces raisons, nous sommes défavorables à l'amendement.
L'amendement SPE258 est retiré.
La suppression de l'article 11 sexies est maintenue.
Article 11 septies : Assurance-vie en déshérence
La Commission se saisit de l'amendement SPE259 de M. Éric Alauzet.
Afin de diminuer efficacement le nombre de comptes inactifs, et dans la continuité du travail mené dans le cadre de la loi de juin 2014, nous proposons d'inscrire dans la loi l'obligation pour un assureur, à la suite d'un décès, de demander la déclaration de succession afin de connaître les coordonnées du bénéficiaire du contrat.
Mêmes objections : la loi Eckert a prévu un mécanisme particulier adapté à l'assurance vie. Dans le cadre de l'obligation de recherche des bénéficiaires, la société d'assurances qui a connaissance du décès d'un assuré doit demander à l'administration une copie intégrale de l'acte de décès. Lorsque le bénéficiaire est l'ayant droit de la personne décédée, il obtient de droit auprès du notaire les informations permettant l'identification. Cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 2015.
Nous partageons cette préoccupation qui était au coeur de la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance vie en déshérence. Mais les dispositions proposées ici ne vont pas totalement dans le sens de l'objectif recherché. Vous prévoyez en effet de donner quinze jours à l'assureur pour demander la déclaration de succession à un notaire ou un centre des impôts. Or celle-ci, lorsqu'elle est requise, doit être remise à l'administration fiscale dans les six voire les douze mois suivant le décès. Ce faisant, l'amendement fait obligation aux assureurs de demander un document qui n'existe pas toujours et dans des délais qui s'avéreront la plupart du temps incompatibles avec sa production.
Par ailleurs, la déclaration de succession est un document couvert par le secret fiscal qui contient des informations personnelles, que les assureurs n'ont pas à connaître. Une dérogation au secret fiscal ne peut être que limitée et proportionnelle. Or vous proposez la transmission d'informations beaucoup trop large au regard de l'objectif poursuivi.
Enfin, la déclaration de succession peut ne pas contenir d'informations pertinentes si le bénéficiaire n'est pas également un ayant droit.
Le texte actuel assure déjà, en son article 8, le cadre dans lequel les banquiers, les assureurs, les notaires et l'administration fiscale inter-agissent. Il a fait l'objet de discussions nourries, tant en commission que dans l'hémicycle. Les textes d'application sont en cours de finalisation de manière à permettre l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2016.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous invite à retirer votre amendement.
L'amendement SPE259 est retiré.
La suppression de l'article 11 septies est maintenue.
Article 11 nonies : Rapport sur les pratiques commerciales différenciées en fonction du sexe
La Commission en vient à l'amendement SPE217 de Mme Catherine Coutelle.
La Commission adopte l'amendement SPE217 et l'article 11 nonies est ainsi rétabli.
Article 11 decies (nouveau) : Transfert des débits de boisson de 4e catégorie
La Commission adopte l'article 11 decies sans modification.
Chapitre III
Conditions d'exercice des professions juridiques réglementées
Je laisse à Mme Cécile Untermaier le soin de présenter les travaux du Sénat sur la partie du texte dont elle est la rapporteure thématique.
Lors de l'examen par le Sénat du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, des modifications substantielles ont été apportées aux articles 12 A à 22 ter.
Si certains apports du Sénat constituent des avancées intéressantes et témoignent d'une volonté de celui-ci de s'engager dans un travail constructif, d'autres reviennent sur des éléments essentiels du dispositif conçu par notre Assemblée en première lecture, au point qu'ils ont rendu impossible un accord en commission mixte paritaire.
Les principales modifications du Sénat qui sont incompatibles avec les orientations de l'Assemblée nationale sont la suppression de la compétence du ministre de l'économie pour la fixation des tarifs et l'établissement de la carte régissant l'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires ; le choix fait par le Sénat de retirer du code de commerce les dispositions appelées à régir les tarifs applicables aux prestations des professions juridiques et judiciaires réglementées ; la substitution d'un fonds de péréquation intraprofessionnel destiné à prendre en charge les indemnités éventuellement dues par les professionnels nouvellement installés, au fonds de péréquation interprofessionnel que nous avions imaginé pour favoriser l'accès au droit du plus grand nombre ; la remise en cause, en profondeur, du dispositif d'assouplissement des conditions d'installation des avocats aux Conseils que nous avions bâti, au profit d'un dispositif qui, pour citer le rapporteur du Sénat, M. François Pillet, « restitue au ministre de la justice le contrôle sur la création des offices » et qui limite l'intervention de l'Autorité de la concurrence à la production d'un avis qui ne lierait pas le garde des Sceaux ; la réécriture de l'article 19, qui désormais confie au GIE Infogreffe – et non plus à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI)– la mission de diffuser en open data et gratuitement, en vue de leur réutilisation, les données du registre du commerce et des sociétés ; la suppression de l'article 20 quater qui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d'exercer certaines fonctions de mandataire judiciaire dans les procédures de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel affectant les entreprises sans salarié et dont le chiffre d'affaires annuel serait inférieur à 100 000 euros.
D'autres modifications du Sénat sont en revanche bienvenues. Sur l'article 12 relatif aux tarifs des professionnels du droit, il a adopté des précisions utiles, en faisant reposer le mécanisme de péréquation sur des tarifs proportionnels portant sur des biens ou droits qui ne seront pas exclusivement immobiliers, et en supprimant le seuil au-delà duquel des remises ne pouvaient plus être consenties.
Vos rapporteurs n'envisagent pas de revenir sur ces deux apports, pas plus que de remettre en cause le choix par le Sénat de fixer au 1er janvier 2017 la date d'entrée en vigueur de la mesure d'extension du périmètre territorial de l'exercice des compétences monopolistiques des huissiers de justice au ressort de la cour d'appel ; l'amendement qui, adopté à l'initiative du groupe communiste, républicain et citoyen, vise à reconnaître aux commissaires-priseurs judiciaires une compétence, partagée notamment avec les autres officiers publics ou ministériels, pour organiser et réaliser les ventes judiciaires aux enchères publiques de biens meubles incorporels et pas seulement corporels ; l'amendement qui, adopté à l'initiative du rapporteur du Sénat, prévoit que l'exercice, en qualité de salarié, des professions de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d'huissier de justice et d'administrateur ou mandataire judiciaire ne dispense pas de l'obligation de cotiser au régime d'assurance-vieillesse complémentaire institué au profit de ces professions ; les précisions apportées à l'habilitation que l'article 20 propose de donner au Gouvernement pour créer, par ordonnance, la profession de commissaire de justice, à savoir que cette réforme prenne en considération les règles de déontologie des professions concernées, conformément à un amendement du groupe écologiste, et les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions, conformément à un amendement du rapporteur François Pillet ; l'article 21 bis qui résulte d'un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement et qui vise à sécuriser le transport des scellés judiciaires sensibles en permettant à des entreprises privées de convoyer ces scellés dans les mêmes conditions que celles prévues pour le transport de fonds, bijoux et métaux précieux.
Vos rapporteurs vous soumettront un amendement proposant une réécriture globale de l'article 12 qui, en préservant certains apports du Sénat, rendra au ministre de l'économie la compétence que nous avons souhaité lui reconnaître pour fixer les tarifs des professionnels du droit, conjointement avec le garde des Sceaux, rétablira le caractère interprofessionnel du fonds de péréquation de l'accès au droit et à la justice, dont la finalité ainsi que les conditions d'organisation, de fonctionnement et de financement seront précisées, et associera les avocats au dispositif au titre des droits et émoluments qu'ils perçoivent en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires.
Des amendements vous seront également soumis pour revenir au dispositif d'assouplissement des conditions d'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, que nous avions adopté en première lecture et qui reconnaissait au ministre de l'économie une compétence pour établir la carte régissant cette installation, conjointement avec le garde des Sceaux ; fixer l'entrée en vigueur de ce dispositif d'assouplissement – ainsi que celle de la rénovation des tarifs – au premier jour du sixième mois suivant celui de la promulgation de la loi, soit vraisemblablement au premier trimestre de l'année 2016 ; porter de six mois à un an la durée maximale pendant laquelle les officiers publics et ministériels ayant atteint la limite d'âge de 70 ans pourront continuer d'exercer dans l'attente de la prestation de serment de leur successeur ; rétablir la règle du « un pour quatre » que nous avons souhaité instaurer à titre provisoire pour l'exercice, en qualité de salarié, de la profession de notaire, afin de compenser la suppression du dispositif d'habilitation des clercs ; supprimer la précision apportée par le rapporteur du Sénat, selon laquelle les cotisations versées par les commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunal de commerce, huissiers de justice et administrateurs ou mandataires judiciaires n'ouvrent pas droit à prestations auprès du régime d'assurance-vieillesse complémentaire obligatoire de ces professions ; préciser les conditions d'accès aux professions d'administrateur et de mandataire judiciaires en complétant l'exigence de détention d'un master par des conditions de stage ou d'expérience définies par décret ; réintroduire les avocats aux Conseils, les administrateurs et mandataires judiciaires ainsi que les experts-comptables dans le périmètre des professions qui pourront constituer des structures permettant l'inter-professionnalité d'exercice, tout en précisant que l'intégralité du capital et des droits de vote de ces structures devra être détenue directement ou indirectement par les professionnels exerçant en leur sein.
Deux amendements de réécriture globale des articles 17 bis et 17 ter, relatifs aux avocats aux Conseils, vous seront en outre présentés pour restaurer l'architecture globale du dispositif d'assouplissement des conditions d'installation de ces officiers ministériels en supprimant toutefois le mécanisme d'indemnisation que nous avions imaginé pour inscrire dans l'ordonnance du 10 septembre 1817 le principe du secret professionnel de l'avocat aux Conseils, qui ne semble aujourd'hui être consacré que par le règlement général de déontologie de la profession.
Telles sont les principales améliorations que nous vous suggérerons d'apporter au texte. Je souhaite que le travail que nous mènerons en nouvelle lecture soit aussi constructif que celui que nous avons réalisé en première lecture.
Article 12 A (nouveau) : Création d'un code de l'accès au droit et de l'exercice du droit.
La Commission est saisie de l'amendement SPE606 des rapporteurs.
Nous proposons de supprimer l'article. L'élaboration d'un code de l'accès au droit et de l'exercice du droit représenterait un progrès en termes de lisibilité, mais ne règlerait pas la question de l'accès au droit. En outre, le regroupement dans un code unique des textes réglementant les professions juridiques et judiciaires, lesquels sont aujourd'hui facilement accessibles, ne nécessite pas l'élaboration d'un code supplémentaire. Enfin, sur le plan de la méthode, il revient au Gouvernement de solliciter auprès du Parlement une habilitation pour codifier à droit constant un certain nombre de textes dans des domaines précisément énumérés, après qu'un projet de code a été conçu par les administrations compétentes en concertation avec le Conseil d'État.
Avis favorable. Je ne suis pas hostile à l'idée de créer un tel code, qui ne serait pas très long, compte tenu de son périmètre. Cependant, la plupart des textes normatifs qui encadrent les professions juridiques et judiciaires sont bien connus. L'argument de l'intelligibilité ou de l'accessibilité ne vaut donc pas pour ces professions. D'autre part, la réalisation d'un tel code, qui exigerait un travail important, ne figure pas parmi nos priorités. La mesure serait contre-productive si elle décalait l'application des mesures envisagées.
Il faut n'avoir jamais eu un code en main pour prétendre que l'accès au droit s'agissant des professions juridiques et judiciaires est aisé. Le code envisagé pourrait reprendre, outre le droit français, le droit européen sur la liberté de circulation des professionnels en Europe, dont les dispositions figurent dans plusieurs codes, ainsi que dans des textes européens non codifiés. Réunir ces textes aurait l'avantage de faire ressortir certaines incohérences. C'est probablement ce qui vous gêne.
Si votre seul argument est que la réalisation d'un code revient en général au Gouvernement et non au Parlement, reconnaissez qu'il est pauvre. Rien n'empêche le Parlement de prendre une initiative en la matière.
Enfin, quelles sont les priorités derrière lesquelles vous vous abritez pour différer la réalisation de ce code ?
Tous les arguments qui ont été invoqués plaident pour le maintien des dispositions votées par le Sénat. L'exposé des motifs de l'amendement est d'une limpidité absolue : « Un code qui rassemblerait ces dispositions éparses, identifierait les éléments communs et préciserait les spécificités de chacune des professions, tout en accueillant aussi les dispositions relatives à l'aide juridique, serait […] bienvenu. »
Si vous craignez que la mesure ne retarde l'application du texte, il suffit de déconnecter la création du code de l'entrée en vigueur de la loi. Quant à l'idée que ce code serait bref, ce qui ne serait pas une mauvaise nouvelle, elle me semble optimiste. Il n'en sera plus de même quand le ministère de l'économie et l'Autorité de la concurrence seront passés par là.
Bercy a beaucoup de défauts, mais pas celui d'allonger les codes. C'est un grief que l'on ne peut pas faire à l'administration. Si les codes vous semblent trop longs, on peut les raccourcir par scissiparité, en créant plusieurs codes à partir de chacun de ceux qui existent actuellement. Cela ne supprimera pas la complexité du droit.
La seule vertu que je voyais à cette codification était de faire sortir certaines dispositions du code du commerce, point qui avait fait polémique. Mais je vous répète qu'il ne s'agit pas pour nous d'une priorité.
Enfin, pour procéder à la codification, il eût fallu que vous habilitiez le Gouvernement à procéder par ordonnance. En général, ce type de disposition ne vous agrée pas.
La Commission adopte l'amendement SPE606.
L'article 12 A est donc supprimé.
Article 12 : Rénovation des modalités de détermination de certains tarifs réglementés
La Commission examine l'amendement SPE44 de suppression de l'article de M. Guénhaël Huet.
La Commission rejette l'amendement SPE44.
Elle étudie l'amendement SPE607 rectifié des rapporteurs, qui fait l'objet du sous-amendement SPE662 du Gouvernement.
La rédaction globale de l'article 12 que nous vous proposons vise à concilier les exigences de l'Assemblée nationale et les apports utiles du Sénat.
Rappelons nos exigences : insertion, dans le code de commerce, des principes directeurs présidant à la fixation des tarifs réglementés ; compétence partagée des ministres de la justice et de l'économie pour la fixation de ces tarifs ; caractère interprofessionnel du fonds alimenté par une partie des sommes perçues au titre des tarifs proportionnels des officiers publics ou ministériels et des auxiliaires de justice, ainsi qu'au titre du tarif des droits et émoluments de l'avocat en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires ; entrée en vigueur rapide du dispositif de révision des tarifs, qui devra avoir été mis en oeuvre au plus tard à l'expiration non du douzième mais du sixième mois suivant la promulgation de la loi.
Parmi les apports utiles du Sénat, je relèverai : la précision selon laquelle, sauf disposition contraire, lorsqu'un professionnel du droit est autorisé à exercer une activité dont la rémunération est fixée par un tarif propre à une autre catégorie d'auxiliaire de justice ou d'officier public ou ministériel, sa rémunération est arrêtée conformément aux règles tarifaires applicables à cette autre catégorie de professionnels ; l'élargissement de l'assise du mécanisme de péréquation aux tarifs proportionnels portant sur l'ensemble des biens ou droits d'une valeur supérieure à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l'économie, alors qu'à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale, ce mécanisme reposait sur les tarifs proportionnels applicables aux seuls biens ou droits immobiliers ; le regroupement des dispositions relatives à la procédure d'avis de l'Autorité de la concurrence sur les prix et tarifs réglementés.
Par ailleurs, l'amendement impose la transmission par les professionnels et leurs instances représentatives des informations, notamment statistiques, nécessaires à la régulation tarifaire, assortie d'un régime de sanctions en cas de manquement.
Enfin, conformément à une demande du notariat, les prestations non soumises à tarif réglementé des professionnels du droit pourront être rémunérées par des honoraires qui feront l'objet d'une convention et qui tiendront compte, selon les usages, de la situation de la fortune du client, de la difficulté de l'affaire et des frais exposés par les professionnels concernés.
L'amendement ne propose donc pas simplement un retour aux dispositions votées par l'Assemblée nationale.
Avis favorable à l'amendement SPE607 rectifié, moyennant l'adoption du sous-amendement SPE662. Celui-ci tend à préciser les règles de financement du fonds interprofessionnel, au moyen d'une contribution à l'accès au droit et à la justice, dont les assujettis seront tous les professionnels dont les tarifs sont régis par l'article 12. L'assiette est le montant hors-taxe des prestations dont le tarif est proportionnel à la valeur d'un bien ou au montant d'un droit dont le montant dépasse 300 000 euros ou un seuil révisé par les ministres de la justice et du budget en fonction des besoins, à un taux compris entre 0,2 % et 0,5 %, avec entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Ces dispositions demandées en première lecture clarifient la nature du financement du fonds interprofessionnel, lequel proviendra non d'une taxe immobilière mais d'une contribution qui pèsera sur les professionnels.
Je regrette que vous déstabilisiez un système qui fonctionnait et que vous créiez une taxe supplémentaire – sur ce point, vous êtes incorrigibles –, pour abonder un fonds destiné à pallier les déséquilibres que produira le texte. S'agit-il d'un moyen déguisé de faire payer l'aide juridictionnelle par les professionnels, ce qui serait un comble ? Non seulement les avocats devront donner des consultations gratuites, mais ils devront payer le chauffage, l'électricité et les locaux où ils rendront un service public. Je ne suis pas certain qu'une telle disposition soit constitutionnelle. Enfin, dès lors que la fixation des tarifs sera une compétence partagée par les ministres de l'économie et de la justice, je regrette que la garde des Sceaux ne participe pas à nos débats.
Le ministre ne sera pas surpris de notre hostilité à ces dispositions, dont nous avons cent fois débattu. Leur insertion dans le code du commerce dépossède partiellement le ministre de la justice de ses prérogatives.
L'article mentionne une « rémunération raisonnable » mais, dans le même temps, autorise, voire préconise, les remises. Or pratiquer des remises sur des rémunérations raisonnables revient à faire du dumping.
Je déplore la création d'une nouvelle taxe. Jérôme Chartier, qui tient le compte de toutes celles que vous avez créées depuis le début de la législature, pourra allonger sa liste.
Il n'est pas correct de nous communiquer à 23 h 30 un sous-amendement instaurant une taxe qui s'appliquera à tous les professionnels. Celle-ci ne sera pas récupérable – sur ce point, l'exposé des motifs est inexact –, puisqu'ils l'acquitteront directement. En outre, il ne me semble pas constitutionnel de leur imposer le financement d'un service public.
Il nous manque une étude d'impact. Ces dispositions, qui concerneront un certain nombre de divorces, lesquels entraînent le partage et la liquidation du régime matrimonial, où figurent assez souvent des actifs immobiliers de 300 000 euros et plus, se reporteront sur le montant des honoraires.
En première lecture, quand j'avais annoncé que vous alliez créer une taxe pour financer l'aide juridictionnelle, vous aviez protesté, la main sur le coeur. Chacun constate ce soir que j'avais raison.
Depuis le début de nos travaux, nous avons examiné le texte sans que j'intervienne dans l'organisation des débats, bien que j'aie reçu plusieurs demandes en ce sens de la part du Gouvernement ou des parlementaires. Il n'existe aucune stratégie qui nous amènerait à nous pencher sur telle disposition à une heure plutôt qu'à une autre.
La question n'est pas l'heure à laquelle nous examinons les amendements et les sous-amendements mais le temps dont nous disposons pour les lire. Ceux-ci nous sont parvenus il y a une demi-heure seulement.
Au final, la taxe que vous créez sera payée par les citoyens, parce que les professionnels cesseront de faire certains actes gratuitement. Vous détruisez donc un système qui fonctionne plutôt bien. Si vous voulez abaisser le coût des actes, pourquoi ne réduisez-vous pas le montant des taxes, comme nous vous l'avons suggéré plusieurs fois ?
Daniel Fasquelle et Philippe Houillon nous assurent que le système fonctionne. Il faut croire que nous ne vivons pas dans le même monde. Beaucoup de nos concitoyens, dont les revenus excèdent le plafond permettant de bénéficier de l'aide juridictionnelle, n'ont plus accès au droit. Ils ne peuvent pas attaquer une procédure de licenciement devant les prud'hommes ni réclamer une pension alimentaire. Face à ce système à bout de souffle, l'opposition ne formule aucune proposition.
J'ai fait le calcul : sur une transaction de 300 000 euros, une taxe de 0,2 % représente un coût de 600 euros. C'est bien moins que les honoraires que perçoit un notaire pour un acte simple.
Dès lors qu'il faut réformer le système actuel, aux termes duquel les professionnels – avocats, huissiers ou experts – sont peu ou mal payés, il est judicieux que la réforme concerne des actes portant sur des montants supérieurs à 300 000 euros, et réalisés par des personnes qui ne sont pas en difficulté.
Force est de constater que l'article 12 et la rédaction qu'en proposent les rapporteurs dans l'amendement SPE607 rectifié marquent un glissement supplémentaire vers une conception anglo-saxonne et une marchandisation du droit. Dès lors, se pose la question, soulevée par plusieurs juristes et dont nous aurions aimé débattre avec la garde des Sceaux, de la place, à l'avenir, du droit continental, dans lequel s'inscrit le droit français. De fait, le glissement, lent mais certain, qui est en train de s'opérer met en péril l'identité de notre droit. Je sais qu'aborder ce sujet provoque une certaine gêne, mais il est important et nous ne pouvons pas le passer sous silence.
Le droit français peut être pluriel, monsieur Hetzel. En tant qu'élu alsacien, vous en savez quelque chose…
Nous sommes de grands défenseurs du droit continental, et je ne vois pas ce qui, dans l'article 12, lui porte atteinte. Non seulement cet article ne touche ni aux compétences, ni à la déontologie, ni au mode d'exercice des professions juridiques, mais il ne vise aucune disposition de droit positif. Dès lors, prétendre qu'il constitue une agression subreptice contre le droit continental frise la malhonnêteté intellectuelle. Au demeurant, a-t-on entendu cet argument lorsque la majorité précédente a créé la reconnaissance préalable de culpabilité devant le procureur de la République ? Non. Pourtant, s'il est une disposition qui a modifié notre droit fondamental en matière pénale, c'est bien celle-là !
Vous pouvez vous opposer au principe d'une péréquation interprofessionnelle et contester le fait qu'elle facilite l'accès au droit et, accessoirement, à l'aide juridictionnelle, mais cela n'a rien à voir avec la mise à mal du droit continental. On brandit des étendards quand on n'a pas d'arguments de fond !
Tout d'abord, je fais partie de ceux qui ne sont pas impressionnés par les leçons de vraie vie que certains de nos collègues nous donnent régulièrement. Qu'ils les gardent donc pour eux, nous gagnerons du temps.
Je ferai trois remarques.
Premièrement, cher collègue Le Bouillonnec, j'ai du mal à concevoir que vous ne compreniez pas notre position. Deux écoles s'opposent, sur ce sujet. Nous, nous considérons que le fait de placer les tarifs d'activité des professions judiciaires sous l'autorité du ministre de l'économie et de l'Autorité de la concurrence est un acte symbolique qui, s'il ne modifie pas le droit positif, transforme en partie l'architecture de notre système judiciaire. Vous, vous considérez qu'il s'agit d'un acte de gestion. C'est votre droit, mais je ne comprends pas que votre famille politique ne perçoive pas qu'il s'agit là d'une mutation considérable de l'organisation des professions du droit dans notre pays.
Deuxièmement, je rappelle que la commission des lois a créé une mission d'information sur les professions juridiques réglementées dont le rapport, rédigé par Philippe Houillon et Cécile Untermaier, rapporteure de cette mission d'information et aujourd'hui rapporteure thématique du projet de loi, comporte des propositions très concrètes sur lesquelles tous deux étaient d'accord. Hélas ! il me semble que la rapporteure thématique a, depuis, changé d'avis. Quoi qu'il en soit, puisque vous prétendez que nous ne sommes pas capables de faire des propositions, je vous invite à relire la littérature de la commission des lois.
Enfin, ce n'est pas notre faute si le chef de l'État, que vous soutenez, passe son temps à faire des promesses qu'il ne tient pas et si vous êtes obligés d'avaler des rubans de chapeau à longueur de journée. Assumez vos responsabilités ! Vous inventez une nouvelle taxe pour financer un besoin qui est, du reste, sans doute moins intense que ne le dit Colette Capdevielle.
Donnez-nous donc des chiffres !
Pour ces différentes raisons, nous ne pourrons voter ni l'amendement du rapporteur ni le sous-amendement gouvernemental.
N'oublions pas d'où nous partons ! Je rappelle que le système actuel connaît une dérive, constatée par l'inspection générale des finances, qu'il nous faut absolument juguler. Nous avons observé que, la rémunération étant proportionnelle, les prestations concernant un bien ou un droit aboutissaient, au-delà d'un certain seuil, à une surrémunération du professionnel. L'idée nous est donc venue de créer un fonds de péréquation qui permette de tirer profit de cette surrémunération, car il nous semble plus conforme à l'intérêt général que ces sommes-là contribuent à la consolidation d'un fonds plutôt que de revenir au négociateur ou de se transformer en rabais. La contribution qu'il est proposé de créer ne fait que se substituer à cette surrémunération.
Par ailleurs, je précise, chers collègues de l'opposition, que vos amis sénateurs admettent l'intervention de l'Autorité de la concurrence. Je ne crois pas d'ailleurs que cette intervention affaiblisse le ministre de la justice, au contraire. Nous le renforçons en prévoyant que le ministre de l'économie et l'Autorité de la concurrence lui apporteront un soutien technique s'agissant de questions tarifaires qui, selon moi, sont moins de son ressort que de celui du ministre de l'économie.
Enfin, il ne s'agit pas de porter atteinte au droit continental. C'est précisément parce que nous y sommes extrêmement attachés que nous réalisons cette réforme qui aurait dû être mise en oeuvre il y a très longtemps. On ne réalise pas à quel point les territoires souffrent de l'absence d'un tel dispositif.
Jean-Yves Le Bouillonnec estime que nous évoquons un glissement vers le droit anglo-saxon car nous manquons d'arguments. C'est un peu fort de café ! Encore une fois, nous pensons que cette disposition n'est pas un pur acte de gestion, mais qu'elle porte en elle une orientation philosophique particulière. Le droit continental a pour spécificité d'échapper à toute marchandisation du droit. Or, avec l'article 12, nous y allons tout droit ! Libre au Sénat de reconnaître l'Autorité de la concurrence, madame la rapporteure. Nous estimons, quant à nous, que lui permettre d'intervenir dans la réglementation applicable aux professions libérales modifierait fondamentalement la nature de ces professions. Il est assez révélateur que vous ne le reconnaissiez pas.
J'ajoute, pour conclure, que les notaires vont être, parmi d'autres, amenés à contribuer au financement de l'aide juridictionnelle alors qu'il s'agit de la seule profession qui dispense gratuitement, notamment en milieu rural, des conseils juridiques à nos concitoyens.
On leur inflige ainsi une double peine. Je comprends que vous soyez gênés par cette argumentation, car une telle mesure traduit un véritable mépris pour cette profession.
Si j'estime que le dispositif fonctionne, c'est parce qu'il est ancien, qu'il a fait ses preuves et qu'il assure la présence, sur l'ensemble du territoire, de professionnels du droit, avocats ou notaires, aguerris et compétents, qui ont suivi la même formation et rendent les mêmes services, qu'ils exercent en milieu urbain ou en milieu rural. Or, ces mesures vont déstabiliser ce réseau. C'est si vrai, du reste que vous êtes obligés de créer un fonds pour tenter de réparer les dégâts que vous causez. Avouez que c'est aberrant ! Enfin, contrairement à ce qu'avait déclaré, la main sur le coeur, François Hollande, vous créez, en 2015, une taxe supplémentaire. Le comble, c'est que vous faites payer par les professionnels du droit votre incurie et votre incapacité à régler le problème, réel, de l'aide juridictionnelle.
Lisez le rapport de la mission d'information sur les professions juridiques réglementées : il contient des propositions conjointes de la majorité et de l'opposition. Hélas ! ce ne sont pas celles qui ont été retenues dans le projet de loi. Si le Gouvernement écoutait davantage le Parlement, nous n'en serions pas là ce soir.
Premièrement, tous les rapports sur l'accès au droit et à l'aide juridictionnelle, qu'ils émanent de l'Assemblée, du Sénat ou des inspections, concluent à la nécessité de mobiliser l'ensemble des professionnels du droit. Deuxièmement, le fonds de péréquation qu'il nous est proposé de créer a pour double objectif d'organiser la présence de ces professionnels sur l'ensemble du territoire et de favoriser l'accès au droit, qui est un enjeu fondamental. Troisièmement, si nous voulions renoncer aux principes du droit continental, ne croyez-vous pas, chers collègues de l'opposition, que nous commencerions par supprimer purement et simplement la réglementation des tarifs, qui n'existe pas dans le droit anglo-saxon ? Si nous légiférons dans ce domaine, c'est précisément pour préserver ce modèle et maintenir l'accès aux professionnels du droit sur l'ensemble du territoire. Nous démontrons ainsi notre volonté de préserver et les professions et les modalités de leur rémunération ; les professionnels commencent, du reste, à le comprendre.
Ces longs échanges mettent en lumière un clivage simple : il y a, d'un côté, ceux qui souhaitent l'instauration d'un fonds de péréquation interprofessionnel destiné à favoriser l'accès au droit et, de l'autre, ceux qui n'en veulent pas. Je tiens à préciser, à ce propos, que, dans l'excellent rapport de la mission d'information conduite par Philippe Houillon et Cécile Untermaier, cette dernière indique, il est vrai à titre personnel, qu'il serait pertinent de créer un mécanisme de péréquation, lequel figure dans le texte depuis le mois de janvier. Il est donc pour le moins injuste de considérer qu'il s'agit d'une trouvaille vespérale de la Commission spéciale.
Ensuite, je m'étonne que l'intervention de l'Autorité de la concurrence provoque des cris d'orfraie, puisque le même rapport suggère – et cette proposition est, cette fois, commune aux deux rapporteurs – de lui confier le soin de publier une proposition de grilles de tarifs uniques. L'intervention d'une institution dont la mission est notamment de réfléchir à la régulation tarifaire d'un certain nombre de professions, qui était jugée naguère pertinente, ne peut pas être accusée aujourd'hui de dénaturer notre droit par sa portée symbolique.
En conclusion, l'article 12, enrichi par nos travaux puis par ceux du Sénat en première lecture, me paraît, à ce stade de notre discussion, cohérent, fidèle à nos intentions et solide dans sa rédaction. C'est pourquoi il mérite d'être très largement adopté.
Il me semble qu'en instaurant une péréquation, cet article présente un avantage plutôt qu'un inconvénient pour les territoires ruraux.
J'entends les préventions qui se sont exprimées et je sais combien ces questions sont sensibles. Mais la réforme qui est ici proposée ne casse pas ce qui fonctionne. De quoi s'agit-il, au fond ? Tout d'abord, nous clarifions les règles d'installation de certains professionnels du droit afin de régler le problème des déserts juridiques. Que l'on m'explique en quoi nous contrevenons, ce faisant, à l'accès au droit. Ensuite, nous renforçons la transparence des tarifs réglementés et nous prévoyons leur réexamen régulier. En quoi est-ce contraire à l'intérêt général ? Certes, des éléments de doute et d'incertitude pouvaient subsister, mais ils ont été corrigés. Ainsi, vous répétez, mesdames, messieurs de l'opposition, un argumentaire préfabriqué qui ne correspond plus à la réalité du texte.
Par ailleurs, comment peut-on prétende que le projet de loi, parce qu'il comprend les mots « Autorité de la concurrence » ou « code de commerce », marque une anglo-saxonisation du droit continental ? Cet argument n'est pas à la hauteur des débats que nous avons eus. Que n'avez-vous protesté, monsieur Hetzel, lorsque la majorité précédente a créé l'acte d'avocat qui, pour le coup, en remettant en cause l'exclusivité de l'acte du notaire, est un véritable pas vers l'anglo-saxonisation de notre droit ?
La majorité d'alors n'a pas protesté ; vous portez une voix qui vous dépasse.
Les professionnels du droit concourent au bon fonctionnement quotidien du droit continental ; je ne l'ai jamais nié. Il ne s'agit pas, ici, de les déstabiliser. Leurs tarifs sont réglementés ; il est normal qu'ils soient revus : c'est ce qui est proposé dans ce texte. Des remises sont pratiquées, de gré à gré, pour les actes les plus importants, sans cadre transparent : il est proposé d'en définir un et d'en généraliser le principe en structurant ces remises.
Depuis le début de nos débats, on prétend que les notaires sont les seuls professionnels du droit à faire gratuitement du conseil, alors que d'autres le font, notamment les avocats. L'autre argument constamment évoqué concerne la péréquation. Actuellement, celle-ci existe au sein d'un cabinet, mais existe-t-elle au sein de la profession ? Par le prélèvement que nous instaurons, nous donnons une réalité à cette péréquation car, jusqu'à preuve du contraire, les grosses études font moins de conseil gratuit que les petites. Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, si vous êtes attachés à l'équilibre entre les offices, allez au bout de votre raisonnement : vous êtes favorables à une véritable péréquation, donc au fonds que nous vous proposons de créer et au prélèvement qui permettra de le financer. Sinon, vous ne défendez qu'une péréquation théorique, celle qui s'opère, comme c'est le cas actuellement, au sein des offices pauvres, d'un côté, et au sein des offices riches, de l'autre. La belle affaire ! Telle n'est pas notre conception de la justice sociale et du bon fonctionnement du maillage territorial.
Par ailleurs, monsieur Houillon, nous n'avons pas parlé de récupération : ce sont les modes de collecte de la contribution qui sont similaires à ceux de la TVA. Le texte n'a jamais été ambigu sur ce point.
En définitive, cette réforme vise à consolider le système et va dans le sens des idées qui ont été constamment rappelées par les professionnels eux-mêmes.
Enfin, pour éviter toute ambiguïté, je propose de rectifier le sous-amendement SPE662 en remplaçant, dans la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « toute prestation concernant un bien ou un droit » par les mots : « tout bien ou droit ».
Monsieur le ministre, cette taxe va-t-elle financer l'aide juridictionnelle ? Si tel est le cas, celle-ci est-elle un service public et, si oui, est-il normal qu'une catégorie de contribuables assume seule son financement ?
Je suis perplexe quant à la proposition de rectification du sous-amendement du Gouvernement, car il me semblait que l'assiette de la taxe devait être constituée des tarifs proportionnels perçus par l'officier public ministériel pour sa prestation concernant un droit ou un bien, et non du montant du droit ou de la valeur du bien lui-même.
Monsieur Houillon, la réponse à votre question figure à l'alinéa 2. Le fonds a deux objectifs : la péréquation au sein de la profession et le financement de l'aide juridictionnelle.
Par ailleurs, il n'est pas financé par une seule profession, puisque toutes sont concernées ; du reste, la profession d'avocat le finance déjà. J'ajoute – et je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point – qu'il serait quelque peu incohérent que des professionnels du droit qui sont des officiers ministériels soient dispensés de participer au fonds d'accès au droit et que le financement de celui-ci incombe à une seule profession.
Monsieur Houillon, depuis sa création, le service public de l'aide juridictionnelle mobilise les moyens de l'État mais il est également financé par des fonds prélevés sur l'activité des professionnels du droit. En outre, la loi de finances pour 2015 a prévu de nouvelles sources de financement, en augmentant notamment la taxe forfaitaire et la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique, mesure qui avait été demandée dans tous les rapports. On ne peut donc pas prétendre que nous innovons dans ce domaine. Sur ce point, je vous renvoie aux deux rapports qui ont été publiés par le Sénat au mois de juillet et par l'Assemblée au mois de septembre.
Le Gouvernement retire le sous-amendement SPE662 pour lui substituer le sous-amendement SPE664.
Le sous-amendement SPE664 précise notamment :
« La contribution à l'accès au droit et à la justice est assise sur la valeur hors taxe de tout bien ou sur le montant hors taxes de tout droit, pour lequel le tarif est fixé proportionnellement à ceux-ci, et qui est supérieur à un seuil de 300 000 euros. Ce seuil peut être révisé par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé du budget, en tenant compte des besoins de couverture de l'ensemble du territoire par les professions judiciaires et juridiques et d'accès du plus grand nombre au droit.
« Son taux est fixé par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre en charge du budget entre 0,05 et 0,2 %. »
La rédaction du sous-amendement retiré comportait en effet une incohérence entre l'assiette et le taux. Je vous prie de bien vouloir excuser cette erreur relevée trop tardivement.
Il est ici question des biens et des droits supérieurs à 300 000 euros mais pour lesquels il est précisé que les tarifs sont fixés proportionnellement. Ils ne couvrent donc pas la totalité des transactions supérieures à 300 000 euros : la disposition est plus restrictive – si les ventes immobilières sont concernées, ce n'est pas le cas des mariages, des donations et autres actes de la vie quotidienne.
Par exemple, pour la vente d'un bien valant 300 000 euros, la rémunération d'un notaire étant d'environ 1 %, à savoir 3 000 euros, la taxe se situerait, aux termes du dispositif proposé, entre 150 et 600 euros.
Un hiatus persiste à mes yeux. La contribution est prélevée sur l'honoraire perçu alors qu'elle est assise sur le montant du bien immobilier – ce qui n'est pas logique. En effet, la contribution devrait être assise sur l'honoraire lui-même. Certes son caractère proportionnel est un progrès par rapport à vos propositions précédentes, mais un hiatus, je le répète, subsiste.
Ensuite, vous n'avez toujours pas répondu sur l'éventuelle inconstitutionnalité du dispositif. Le fonds prévu est destiné au financement de l'aide juridictionnelle mais vous faites reposer ce financement sur une seule catégorie de contribuables. Je n'ai pas été convaincu par les arguments de Jean-Yves Le Bouillonnec car les taxes qu'il a mentionnées étaient appliquées au justiciable pour l'utilisation du service public de la justice, et n'étaient pas prélevées sur les honoraires des professionnels. Je ne vois pas en vertu de quoi – notamment compte tenu du principe de l'égalité devant l'impôt et les charges – une catégorie de contribuables, en l'occurrence les professionnels, paieraient le financement de l'aide juridictionnelle.
Ce n'est pas une taxe de 0,5 %, que vous allez créer, mais de 20 %. Quand on paie 600 euros sur 3 000 euros d'honoraires, la taxe représente bien 20 %. Il faudrait donc, pour être dans le vrai, présenter les choses ainsi.
La taxe ne reposera pas sur une seule catégorie de contribuables. Un financement existe déjà qui est étendu à l'ensemble des professions du droit et il nous apparaît robuste.
Quant à la cohérence entre l'assiette de la taxe et la personne taxée, par transitivité, elle est bel et bien garantie puisque nous ne créons pas une taxe de 20 % mais, tout en précisant que le taux serait fixé par arrêté conjoint du ministre de la justice et de celui chargé du budget, nous entendons fixer deux bornes. L'assiette de la taxe, quant à elle, est constituée de la valeur hors taxes de tout bien ou du montant hors taxes de tout droit. Et dans la mesure où la rémunération des professionnels se fait précisément sur une base proportionnelle, il n'y a ni hiatus ni incohérence. Il y aurait une difficulté si nous n'avions pas entendu couvrir les actes proportionnels.
La commission adopte le sous-amendement SP664.
Puis elle adopte l'amendement SPE607 rectifié, ainsi sous-amendé.
En conséquence, les amendements SPE45, SPE101, SPE9, SPE93, SPE187, SPE188, SPE10, SPE102, SPE189, SPE260, SPE339, SPE12, SPE103, SPE11, SPE13, SPE14, SPE104, SPE105 et SPE261 tombent.
Enfin, la commission adopte l'article 12 ainsi rédigé.
La réunion prend fin à une heure quarante-cinq.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité
Réunion du lundi 8 juin 2015 à 21 h 30
Présents. - M. Yves Blein, M. Jean-Louis Bricout, M. François Brottes, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Michel Clément, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Daniel Fasquelle, M. Richard Ferrand, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Houillon, M. Jean-Luc Laurent, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Dominique Lefebvre, M. Arnaud Leroy, Mme Audrey Linkenheld, M. Gilles Lurton, Mme Martine Pinville, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, Mme Monique Rabin, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, Mme Clotilde Valter, M. Michel Zumkeller
Excusé. - M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - M. Hervé Pellois