Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis pour la troisième lecture de ce projet de loi qui concerne l’université des Antilles.
Je constate que l’un des points durs n’a, hélas, pas pu donner lieu à un consensus, mais j’y reviendrai dans quelques instants.
Avant tout, et je pense que nous serons tous d’accord sur ce point, lors de la constitution d’une université, on doit se poser un certain nombre de questions fondamentales liées aux missions des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, à commencer par la formation de la jeunesse. Le premier impératif est donc de veiller à ce que la jeunesse antillaise, dans les années à venir, dispose à travers l’université des Antilles d’un outil de formation qui lui permette d’accéder à une formation, d’obtenir des diplômes de qualité et de réussir son insertion professionnelle.
Un autre enjeu important ne doit pas être négligé : les établissements d’enseignement supérieur et de recherche évoluent aujourd’hui dans un contexte international. Il est indispensable qu’ils trouvent leur place dans cette compétition internationale.
À cet égard, madame la ministre, lors de la discussion du projet de loi pour l’enseignement supérieur de 2013, votre gouvernement avait insisté sur des éléments comme la taille critique et la nécessité de travailler en réseau. Il est surprenant de constater qu’aujourd’hui, dans votre discours et dans celui d’un certain nombre d’intervenants à cette tribune, ces éléments ne sont plus mis en avant. Il semble qu’on veuille privilégier une approche localiste, qui n’est pas celle qui prévalait lors de l’examen du projet de loi pour l’enseignement supérieur. Je me permets de le dire, il y a un écart de 180 degrés entre l’affichage de la loi Fioraso et ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui. C’est dommage.
Mon premier regret vient de ce que nous avons été obligés de prendre acte d’un événement que je considère comme grave : la partition entre l’université des Antilles et celle de la Guyane. N’oublions pas en effet qu’en 2012, lorsque la nouvelle majorité est arrivée, il existait une université des Antilles et de la Guyane. Le pôle antillais a été mis devant le fait accompli ; on ne peut que le déplorer.
Cela étant dit, il faut maintenant faire face à cette situation et gérer l’ancien pôle antillais. Tout à l’heure, peut-être par un glissement de vocabulaire, M. le rapporteur a évoqué à deux reprises l’université de la Guadeloupe et l’université de la Martinique. En réalité, le texte prévoit bien une seule université, celle des Antilles. Il faut donc trouver un équilibre afin que chacun des deux pôles trouve pleinement sa place. S’il existe une distance géographique entre la Martinique et la Guadeloupe, il n’existe qu’une seule université, celle des Antilles. À ce titre, il importe de se préoccuper de l’articulation entre les deux pôles et l’administration centrale de l’université et de s’assurer de la bonne gouvernance de celle-ci.
C’est précisément sur ce point que les avis divergent. À la majorité qui s’est dessinée à l’Assemblée nationale s’en oppose une autre très large au Sénat, dont je défendrai à nouveau le point de vue – que par ailleurs vous évoquiez tout à l’heure, monsieur le rapporteur.
Cette majorité plaide pour un ticket, c’est-à-dire une gouvernance supposant un accord ex ante entre un candidat à la présidence et deux candidats amenés à être respectivement en charge du pôle martiniquais et du pôle guadeloupéen. Un tel système présente l’avantage majeur d’obliger à conclure un accord politique et donc à arrêter un mode de fonctionnement et de gouvernance avant même de se présenter devant le corps électoral.
Tel qu’il nous est soumis aujourd’hui, le texte pose un problème car il est potentiellement porteur d’une difficulté de gouvernance. En effet, le pôle martiniquais comme le pôle guadeloupéen sont susceptibles de désigner seuls leur responsable respectif. Dès lors, comment envisager les potentielles situations de conflit entre ces deux responsables de pôle et le président de l’université ? Dans son état actuel, le texte ne résout en aucun cas cette potentielle difficulté de gouvernance et de gestion très concrète de l’université des Antilles.
Il s’agit d’un point essentiel car, en cas de blocage, une crispation entre les deux pôles peut survenir, voire une scission. Je reprends donc l’argument que j’ai déjà eu l’occasion de développer en première lecture et en nouvelle lecture : tel quel, le texte porte en germe la création de deux pôles autonomes. On a donc privilégié une vision très localiste – notre collègue Alfred Marie-Jeanne a également insisté sur ce point et notre collègue Rudy Salles ne devrait pas manquer de le faire à son tour. Sur ce point, nous sommes en désaccord avec le Gouvernement et avec la majorité qui le soutient ici, car nous pensons que le texte tel qu’il nous est présenté ne garantit pas l’intérêt de l’université des Antilles. Nous risquons très probablement de nous réunir ici dans un délai relativement court pour prendre acte d’une scission de l’université des Antilles. Or, comme je le disais en commençant, dans le domaine universitaire, la compétition internationale est vive. À cet égard, le texte qui nous est présenté en lecture définitive par le Gouvernement ne rend pas service à la jeunesse antillaise, à la Martinique et à la Guadeloupe.
C’est la raison pour laquelle je présenterai tout à l’heure, au nom de mon groupe, un amendement visant à rétablir la version issue du Sénat, dont je rappelle qu’elle est également celle que la commission des affaires culturelles et de l’éducation avait adoptée à l’unanimité en première lecture. Elle avait donné lieu à un consensus mais, après des négociations dont on ne sait pas très bien comment elles ont été menées, un revirement s’est finalement opéré. Le rapporteur s’est même retiré et un autre a été désigné, ce qui est tout de même assez inhabituel. Comme le disait tout à l’heure notre collègue Alfred Marie-Jeanne, on a oublié l’intérêt de l’enseignement supérieur et de la recherche comme celui de la jeunesse antillaise. Notre collègue se demandait si nous aurions accepté qu’une université de métropole soit traitée ainsi. Eh bien, il est important de traiter équitablement tous nos établissements universitaires. Il est essentiel que l’université des Antilles soit traitée à égalité avec tous les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Notre nation est une et indivisible et le texte, hélas, ne le reflète pas, ce que je regrette vivement !