Intervention de Rudy Salles

Séance en hémicycle du 16 juin 2015 à 15h00
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi sur lequel l’Assemblée nationale se prononce aujourd’hui en lecture définitive revêt une importance fondamentale car il a vocation à circonscrire une crise qui met en péril la survie même de l’université des Antilles.

Les enjeux sont colossaux. Le taux de chômage des jeunes actifs atteint aux Antilles des seuils dramatiques : 68,2 % en Martinique et 59,8 % en Guadeloupe. Il s’élève à 44,8 % en Guyane. Or le diplôme demeure un atout incontestable pour parvenir à gagner la bataille de l’emploi. Le taux de chômage tombe en effet à 10 % dans ces trois territoires si l’on considère les seuls bénéficiaires d’une formation d’enseignement supérieur. Aussi, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser persister la crise qui frappe l’enseignement supérieur dans les Antilles, tant les conséquences en seraient dramatiques pour la jeunesse.

La parution en 2012 du rapport annuel de la Cour des comptes mettant en cause la gestion opaque du centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée de 2005 à 2010 et la plainte déposée par Corinne Mencé-Caster, présidente de l’université, ont précipité la crise dans laquelle s’est enlisée l’université des Antilles, au point de risquer l’éclatement. Les irrégularités relevées par les magistrats de la Cour des comptes ont suscité un sentiment de révolte profond parmi les universitaires comme parmi les étudiantes et les étudiants. La crise a amené le Gouvernement à prendre acte du retrait du pôle guyanais de l’université en novembre 2013 mais cette décision a en réalité exacerbé les tensions entre Guadeloupéens et Martiniquais, favorisé les revendications autonomistes et paralysé le système éducatif. Il était donc indispensable que le législateur intervienne en urgence afin de tirer les conséquences du retrait du pôle guyanais et clarifier la situation juridique des deux universités.

Le projet de loi devait selon nous accorder aux deux pôles universitaires régionaux une large capacité d’organisation administrative et pédagogique en leur conférant les moyens d’adapter leur gestion quotidienne aux circonstances locales, tout en préservant l’unité de l’université des Antilles. Satisfaire une telle ambition aurait jeté les bases du déploiement d’une université solide et dynamique à même de garantir à la jeunesse antillaise un enseignement supérieur de qualité, à la hauteur des défis auxquels sont confrontés nos deux territoires d’outre-mer des Antilles. Il était donc indispensable de rénover profondément la gouvernance de l’université des Antilles afin de préserver son unité, tout en donnant au pôle martiniquais et au pôle guadeloupéen une large capacité d’organisation administrative et pédagogique. Grâce à ces compétences propres, elle aurait adapté sa gestion quotidienne aux circonstances locales et mis en place une organisation pleinement déconcentrée, rompant avec les anciennes tentations centralisatrices.

Par ailleurs, la cohérence et l’unité stratégique de l’université des Antilles devaient impérativement être préservées afin de renforcer son attractivité et de lui permettre de rayonner scientifiquement. Cela lui aurait permis de mieux retenir les bacheliers, mais aussi d’en attirer d’autres, au-delà de ses frontières, en s’appuyant sur le dynamisme universitaire de la zone caraïbe. Cette nouvelle organisation aurait conféré à l’université des Antilles des fondations solides grâce auxquelles elle aurait envisagé son développement avec sérénité.

Aussi avons-nous estimé, en première et en nouvelle lecture, que l’un des enjeux majeurs de la nouvelle gouvernance consistait sans conteste à prémunir l’université des Antilles d’éventuelles tensions entre les trois grands gestionnaires de l’université – son président et les vice-présidents chargés des deux pôles régionaux. Les évolutions prévues sur ce point par le Sénat nous semblaient de nature à assurer la solidarité de l’équipe de direction. En effet, son élection commune par le conseil d’administration de l’université des Antilles sous la forme d’un ticket de candidats préalablement rassemblés aurait permis à ses membres de travailler en bonne intelligence et d’assurer ainsi la continuité d’une université puissante et ambitieuse.

Nous regrettons la suppression de cette disposition en séance publique lors de la première lecture alors même que la commission des affaires culturelles et de l’éducation avait adopté la rédaction issue des travaux du Sénat, car nous considérons qu’elle aurait garanti la cohérence stratégique et l’unité de l’établissement. Elle aurait également instauré des relations de confiance entre la présidence et les deux vice-présidences et favorisé la construction d’un projet d’établissement global et cohérent, incarné par le président, et de stratégies de développement des pôles défendues par les vice-présidents. Nous regrettons également que cette disposition, introduite de nouveau par le Sénat en nouvelle lecture, ait à nouveau été supprimée lors de l’examen du projet de loi en commission à l’Assemblée nationale. Le projet de loi qu’il nous est proposé d’adopter aujourd’hui en lecture définitive ne comporte donc plus la disposition, introduite sur l’initiative du Sénat, tendant à lier l’élection du président de l’université et des vice-présidents de pôle universitaire régional sous la forme d’un ticket de candidats préalablement formé et soumis au seul vote du conseil d’administration.

Cette suppression est d’autant plus surprenante que le rapporteur estimait en commission, lors de l’examen du projet de loi en première lecture, que « la solidarité nécessaire de cette équipe induite par son élection commune par le conseil d’administration de l’université des Antilles sous la forme d’un "ticket" de candidats préalablement rassemblés, comme l’a proposé le Sénat, est sans doute l’un des éléments les plus prometteurs pour assurer la continuité d’une université puissante et ambitieuse ».

Est-ce son opposition à la position gouvernementale qui lui a valu d’être remercié ? La constance avec laquelle le Gouvernement et la majorité s’acharnent depuis lors à supprimer cette disposition permet de le penser, comme le disait tout à l’heure Patrick Hetzel. En ce qui nous concerne, nous sommes convaincus que l’éclatement de l’université serait particulièrement grave et pénaliserait lourdement la jeunesse antillaise. Nous croyons que sa survie dépend du renforcement de l’autonomie de ses pôles et d’une gouvernance cohérente et efficace. Or ces deux éléments essentiels ne sont plus garantis à nos yeux. Nous nous opposerons donc au projet de loi dont l’équilibre initial nous semble significativement bouleversé, ce que nous regrettons.

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