Intervention de Jacques Moignard

Séance en hémicycle du 16 juin 2015 à 15h00
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Moignard :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous procédons aujourd’hui à la lecture définitive du projet de loi modifiant le chapitre unique du titre VIII du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation, relatif aux dispositions applicables à l’université des Antilles et de la Guyane.

En réponse à une revendication guyanaise, le Gouvernement s’est engagé en 2013 à créer une université de plein exercice en Guyane en détachant le pôle universitaire guyanais de l’université des Antilles et de la Guyane.

Mon collègue Ary Chalus, député de la Guadeloupe, s’est déjà exprimé à plusieurs reprises sur ce texte et, plus généralement, sur la nécessité d’accorder le temps nécessaire à la concertation, notamment pour que la communauté universitaire antillaise s’empare du projet de l’université des Antilles. Dans une question écrite, publiée au Journal officiel du 12 novembre 2013, Ary Chalus relayait ainsi les inquiétudes sur l’avenir des implantations de l’université en Guadeloupe et à la Martinique. Il faisait déjà remarquer que les évolutions entrevues, menées à marche forcée, ne suscitaient que faiblement l’adhésion des acteurs des territoires, et ce quelles que soient les options d’organisation institutionnelle proposées. Dans une autre question écrite, publiée le 22 avril 2014, il réitérait ses craintes de voir l’avenir de l’unique établissement d’enseignement supérieur et de recherche de la Guadeloupe et de la Martinique assujetti au calendrier prévu pour le décret de création d’une université de plein exercice en Guyane. Dans une question au Gouvernement, le 7 mai 2014, il réclamait l’organisation d’une consultation des forces vives antillaises de l’enseignement supérieur. Les réponses qui lui étaient alors adressées se voulaient partiellement rassurantes : promesse était faite de soumettre à consultation les décrets créant les deux universités. Mais, comme il l’a relevé, cette consultation ne fut que très partielle, et restreinte à peu d’acteurs universitaires.

Il faut dire que la création d’une université de plein exercice en Guyane ne s’est pas faite sans heurts. À la suite de l’adoption, en juillet 2013, de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, des mesures législatives modifiant les dispositions applicables à l’université des Antilles et de la Guyane, notamment pour adapter le titre V. L’ordonnance fut présentée en juillet 2014 et le projet de loi de ratification fut déposé au Sénat le 3 décembre 2014.

À l’instar du sénateur Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, il faut souligner que le texte initial ne tirait aucune conséquence du démantèlement de l’UAG décidé en 2013. Le Gouvernement ne pouvait modifier le code de l’éducation pour changer le périmètre de l’UAG et lui substituer une université des Antilles, le champ de l’habilitation prévu par l’article 128 de la loi du 22 juillet 2013 se limitant à une adaptation d’une partie des dispositions relatives à l’UAG, et ce alors même que la composante guyanaise de l’UAG devenait une université de plein exercice par le décret du 30 juillet 2014. Il faut ajouter que le scandale du Centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée – le CEREGMIA – est venu parasiter les réformes envisagées pour l’UAG. Au final, les contours de la réforme n’ont pu être sérieusement ébauchés que depuis peu, c’est-à-dire depuis la fin du mois de janvier 2015.

Pour l’essentiel, le texte qui nous est soumis aujourd’hui en lecture définitive, restreint aux pôles universitaires de Guadeloupe et de Martinique, traite des conséquences juridiques et administratives sur l’UAG de l’engagement de l’État à doter la Guyane d’une université de plein exercice.

Il propose ainsi de rapprocher la composition du conseil d’administration de l’université des Antilles, dorénavant constitué de deux pôles, l’un installé à la Guadeloupe et l’autre à la Martinique, du droit commun des universités, tout en assurant la présence d’au moins un représentant des autres organismes de recherche présents dans chacune des deux régions.

Le texte vise aussi à clarifier les éléments constitutifs des pôles universitaires régionaux, afin de distinguer les services qui leur sont propres des services communs et de l’administration générale de l’université. Ce dernier point constitue une réelle avancée : il répond en effet à la nécessité d’acter l’autonomie des pôles universitaires dans les deux régions.

Le projet de loi permettra, dans le même temps, de préserver la transversalité de la recherche au sein de l’université. Il est en effet nécessaire de renforcer les liens et de créer des synergies et des solidarités de fait entre ces trois universités : celle de la Guyane, celle de la Martinique et celle de la Guadeloupe. À défaut, nous prendrions le risque de limiter leur excellence et leur rayonnement.

Enfin, concernant la gouvernance, conformément aux dispositions de l’ordonnance du 17 juillet 2014, le texte confie la responsabilité de la rédaction des statuts du nouvel établissement, au titre des régions Guadeloupe et Martinique, aux membres du conseil d’administration de l’UAG en exercice à la date d’entrée en vigueur prévue pour le présent projet de loi. Les membres du conseil d’administration, quant à eux, seront élus ou désignés pour une durée de cinq ans, à l’exception des représentants des étudiants, qui seront élus pour une durée de trente mois.

L’enjeu de ce texte est important. Bien sûr, il ne règle pas tout, mais la refondation universitaire de l’UAG doit être l’occasion de bâtir une réelle offre d’avenir pour la jeunesse des Antilles. Cette refondation se doit de renforcer les moyens d’expertise des laboratoires de la région. De fait – faut-il le rappeler ? –, le taux de chômage des jeunes en Guadeloupe est de 60 %. Offrir à cette jeunesse une université de qualité sur le territoire, lui permettre d’obtenir une formation adaptée à l’offre d’emploi local, afin qu’elle puisse trouver une situation professionnelle pérenne et économiquement viable dans ces collectivités : tels sont les défis à relever.

À l’instar de mon collègue Ary Chalus, j’estime essentiel que l’enseignement supérieur dans les outre-mer puisse davantage se raccrocher aux problématiques des territoires. Les enjeux en métropole et dans les outre-mer étant différents, il est nécessaire d’adapter les enseignements à ces problématiques. Par exemple, le projet de loi relatif à la biodiversité n’a pas assez pris en compte la dimension ultramarine, alors que la France possède le deuxième domaine maritime au monde, précisément grâce aux outre-mer.

Les outre-mer sont une chance pour la France. Si la métropole s’engage dans la prise en considération effective des difficultés, mais aussi des richesses de ses outre-mer, alors la métropole et les outre-mer en sortiront plus fortes. Il incombe donc au politique de donner aux outre-mer toutes les chances de réussir, notamment sur la question des moyens alloués à ses universités. Le projet de loi sur l’UAG, bien qu’il n’aborde pas ce dernier point, va dans le bon sens et, à ce titre, recevra donc l’appui du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. Mais le succès de la réforme de l’UAG dépendra avant tout de la volonté des hommes – enseignants, étudiants et politiques.

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