Intervention de Jean-Philippe Nilor

Séance en hémicycle du 16 juin 2015 à 15h00
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au terme de ce débat sur l’université des Antilles, un débat qui n’honorera personne, car, vous le savez, il sonne le glas de l’espérance pour notre jeunesse, qui a pourtant besoin d’une éducation d’excellence et d’une université qui concrétise cette dynamique espérée.

Votre texte, madame la ministre, revient à dresser un constat d’échec, votre constat d’échec. Mais, comme il s’agit des outre-mer, ce n’est pas grave : quelle importance d’ignorer la volonté de développement de nos peuples qui vivent à l’autre bout du monde ? On regroupe en France, on regroupe partout dans le monde, mais, chez nous, on découpe, et la mère patrie se transforme en amère patrie.

Pourtant, comme le disait Nelson Mandela, « l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ». Vous, madame la ministre, pour des raisons partisanes, vous voulez seulement changer la gouvernance de l’université : chacun a l’ambition qu’il s’assigne.

C’était pourtant une responsabilité lourde mais exaltante que celle de porter sur des fonts baptismaux sains la future université des Antilles. Cela aurait pu être un grand projet et un grand dessein. L’histoire de nos régions s’était déjà engagée dans ce sens au moyen d’une édification, pas à pas mais ambitieuse, et avec une volonté d’excellence pour notre jeunesse. En effet, l’université Antilles-Guyane, cette oeuvre édifiée et alimentée au prix d’efforts incalculables, d’une volonté partagée depuis plus de trente ans, a été euthanasiée à la première poussée de tension survenue, sans autre forme de procès.

Aujourd’hui, nous devons trancher sur le mode d’élection de la gouvernance de l’université. L’élection conjointe du président de l’université des Antilles et des vice-présidents de pôle sur une liste commune, sous forme d’un « ticket à trois », est souhaitable : elle seule permettrait de garantir la cohérence stratégique, l’unité de l’établissement et l’autonomie des pôles. En réalité, que reprochez-vous au « ticket à trois » ? D’être une idée de la droite ? De ne pas être suffisamment facteur de division pour l’avenir ? Nous sommes tous, ici, des observateurs suffisamment avisés de la politique pour ne pas ignorer que seul un scrutin de liste, d’équipe, amène les uns et les autres à développer une vision partagée et prospective d’une institution, quelle qu’elle soit. J’avais proposé au cours des débats que chaque pôle détermine une liste de trois à cinq candidats à la vice-présidence et que tout candidat à la présidence soit tenu de choisir dans cette liste ses colistiers pour la fonction de vice-président de pôle. Je regrette que, dans le contexte de surdité et de cécité qui caractérise le Gouvernement depuis le début de l’examen de ce texte, cette proposition n’ait pas été retenue.

Finalement, dans le champ de décombres annoncé, seule la conviction de quelques personnes aura été remarquable. Je veux saluer à nouveau avec force le courage et la détermination de l’actuelle présidente de l’université, qui a montré un bel exemple pour notre jeunesse, dont nous aurions pu, tous ici, nous inspirer, pour construire et non détruire. Elle a su maintenir une université dans la tourmente malgré les crises politiques, stratégiques et les vents contraires, dans l’intérêt des étudiants et de l’éducation.

Un illustre philosophe indien déclarait : « Notre univers est comme l’océan à l’équilibre parfait. On ne peut pas soulever une vague ici sans creuser un trou ailleurs. Si on la prend ici, on la perd ailleurs ». La jeunesse étudiante de Guadeloupe et de Martinique n’a pas vocation à évoluer en permanence au creux de la vague des autres. Elle doit pouvoir prétendre elle aussi au sommet de la vague. Pour ce faire, elle a le droit, aujourd’hui, d’exiger des moyens à la hauteur de ses espérances.

Notre priorité aurait dû être d’accompagner nos étudiants vers l’excellence. Malheureusement, avec ce texte, ce sont des intérêts extra-universitaires, de type politicien, qui gagnent une fois de plus.

Madame la ministre, l’avenir nous regarde, l’avenir vous regarde. Je ferai mienne une formule d’Albert Camus, pour vous dire que si vous n’êtes pas « entièrement coupable car vous n’avez pas commencé l’histoire », vous n’êtes pas « non plus tout à fait innocente puisque vous la continuez. »

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