Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes ici pour examiner, en lecture définitive, le projet de loi créant l’université des Antilles. L’ambiance est un peu particulière, car nous célébrons à la fois l’enterrement de l’université des Antilles-Guyane et de nouvelles noces. Ce vote nous lie et nous oblige vis-à-vis de la jeunesse antillaise, qui bénéficiera, après la promulgation de la loi, d’une nouvelle université, qui devra répondre à des défis immenses. J’ai envie de dire que ce texte est presque devenu un marronnier, et qu’il est temps d’en achever le premier acte.
Nous avons parfois été divisés à ce sujet sur les bancs de cette assemblée, mais nous avons tous reconnu, unanimement, tous groupes politiques confondus, que nous regrettions la séparation du pôle guyanais et que le divorce entre les deux entités antillaise et guyanaise ne pourrait être surmonté qu’à la condition qu’il aboutisse à un nouveau mariage heureux entre les deux futurs pôles martiniquais et guadeloupéen. Or, comme dans toute union heureuse, les parties devront collaborer en harmonie afin de faire fructifier leurs extraordinaires atouts.
Cette future université a tous les attributs pour y parvenir. Elle bénéficie en effet d’un territoire aux multiples richesses : la Martinique et la Guadeloupe sont implantées dans une région stratégique dans la production d’énergies renouvelables et doivent être à la pointe de la recherche française en la matière. Dans le domaine maritime, également, la croissance bleue, qui fait l’objet d’une stratégie européenne, offre un potentiel considérable, pour autant que les investissements et les travaux de recherche appropriés soient réalisés pour contribuer à la compétitivité internationale des Antilles, par l’utilisation efficace de ses ressources, tout en permettant la création d’emplois et la préservation de la biodiversité en milieu marin.
Chacun sait sur ces bancs combien, pour réussir aujourd’hui dans l’enseignement supérieur, les universités doivent savoir élargir le cercle de leurs alliances en construisant des partenariats stratégiques, dont les opportunités sont particulièrement manifestes dans la zone caraïbe, afin d’offrir à leurs étudiants les formations, les partenariats et les passerelles qui sont aujourd’hui les conditions de parcours réussis dans le supérieur. Au carrefour des deux Amériques, l’université des Antilles connaît naturellement un brassage culturel, gage de qualité dans les cursus qu’elle offrira en sciences sociales et sciences humaines.
Héritière d’une tradition de grands écrivains et de grands chercheurs, comme le prouvent les travaux remarquables de sa présidente actuelle, Corinne Mence-Caster, l’université des Antilles est un carrefour entre les mondes francophone, lusophone, hispanique et anglophone, un laboratoire du monde globalisé dans lequel nous sommes entrés.
Les devises respectives des États-Unis d’Amérique – « De plusieurs un seul » – et de l’Union européenne – « Unie dans la diversité » – sont concordantes et expriment dans leur postulat d’origine un même souci fondateur : le succès de toute entreprise humaine requiert l’harmonie de ses multiples composantes. C’est tout le défi qu’auront à relever les deux pôles universitaires pour briller collectivement, un défi auquel n’aurait pas été insensible Édouard Glissant, est-on tenté d’ajouter quand on connaît les travaux de ce dernier sur l’identité hybride.
Pour cela, il est désormais temps de faire confiance aux territoires, en accordant aux pôles l’autonomie nécessaire dans la gestion quotidienne des formations implantées dans leur région. C’est bien ce que prévoyait l’ordonnance du 17 juillet 2014, qui accorde aux pôles guadeloupéen et martiniquais une très large capacité d’organisation administrative et pédagogique, appuyée sur des compétences propres étendues allant jusqu’à l’adoption de budgets propres intégrés, la définition d’une stratégie de pôle, la mise en oeuvre d’une mission d’insertion et la faculté de contractualiser avec des partenaires de l’université. Les vice-présidents de pôle ont reçu parallèlement la qualité d’ordonnateur des recettes et d’autorité de gestion de leurs personnels.
C’est précisément cette confiance accordée aux acteurs qui nous avaient conduits, en première lecture, à repousser les amendements qui s’écartaient dangereusement du droit commun en figeant dans le marbre de la loi tous les critères susceptibles d’inspirer la répartition des ressources immobilières entre les pôles.
Cependant, cette forte décentralisation n’entame pas la cohérence nécessaire de la direction de l’université, dont les organes centraux, et non les conseils de pôles, conservent les prérogatives traditionnelles prévues par le code de l’éducation pour adopter les actes décisifs que constituent le règlement intérieur, le contrat d’établissement, le budget et la répartition des moyens entre les pôles. De même, le président de l’université des Antilles jouira de l’ensemble des prérogatives reconnues à tous ses homologues.
C’est ce subtil équilibre entre unité et diversité qui garantira, j’en suis sûr, le succès de la nouvelle université des Antilles.
J’aimerais conclure néanmoins sur la nécessité de clarifier non pas le cadre de la gouvernance mais ses modalités, pour que ce mariage soit définitivement entériné et qu’il n’y ait pas de rupture douloureuse à l’avenir.