Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 17 juin 2015 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, président :

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) est une nouvelle autorité administrative créée par le projet de loi relatif au renseignement, lequel a fait l'objet hier d'une commission mixte paritaire qui a abouti, à la satisfaction des participants et de nos deux chambres en général.

Je ne m'attarderai évidemment pas sur le contenu de ce projet de loi, non plus que sur les pouvoirs de la CNCTR. En revanche, il me revient d'expliquer pourquoi le président de cette Commission devrait être soumis à la procédure d'avis des commissions parlementaires prévue à l'article 13 de la Constitution.

Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, le dernier alinéa de cet article dispose que, s'agissant des fonctions suffisamment importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l'État s'exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination peut être empêchée, à condition que les votes négatifs réunissent la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les commissions des deux assemblées.

En l'espèce, il ne fait guère de doute que la présidence de la CNCTR est une fonction importante pour la garantie des droits et libertés au sens de l'article 13. Certes, le président sera nommé par le chef de l'État parmi les membres issus du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Mais une audition et un vote des commissions parlementaires – les commissions des Lois, évidemment – apportent des garanties supplémentaires dans l'exercice du choix présidentiel. J'avais d'ailleurs personnellement formulé la même proposition en 2009 à propos du président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui va céder la place à la nouvelle Commission de contrôle.

En avril dernier, lors de nos débats en première lecture sur le projet de loi relatif au renseignement, un consensus s'était dessiné pour appliquer la procédure de l'article 13 à la CNCTR. Une proposition de loi organique a donc été élaborée par MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe Bas au Sénat, celle dont nous sommes aujourd'hui saisis, et dont la discussion parlementaire pourra ainsi cheminer avec celle du projet de loi relatif au renseignement.

Notre Commission a l'habitude des modifications apportées à la liste des fonctions concernées par la procédure de l'article 13 de la Constitution, liste qui figure dans une loi organique du 23 juillet 2010. Ainsi, depuis le début de cette législature, nous y avons ajouté, en décembre 2012, le directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, structure « de tête » de la Banque publique d'investissement, avant que ne vous soit proposé, en octobre 2013, d'y adjoindre également le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ; en revanche, un mois plus tard, en novembre, la réforme de l'audiovisuel public conduisait à supprimer de la liste les présidents des organismes audiovisuels publics, désormais nommés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). En août 2014, le législateur organique a tiré les conséquences de la réforme ferroviaire en ajoutant les fonctions dirigeantes de la nouvelle SNCF à celles soumises à la procédure de l'article 13. Enfin, une proposition de loi organique en cours de discussion, en attente d'une première lecture au Sénat, prévoit d'y inclure le président de la future Agence française pour la biodiversité.

Depuis le début de la législature, nous nous sommes également efforcés, au sein de la Commission, de rendre cette procédure plus rigoureuse et, d'une certaine façon, plus visible.

Ainsi, pour préparer l'audition des personnes pressenties, nous avons systématiquement désigné un rapporteur membre de l'opposition ou d'un groupe minoritaire ; cette pratique est désormais consacrée dans le Règlement de l'Assemblée nationale, depuis la résolution du 28 novembre 2014. Elle a été utilisée pour la nomination du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sur le rapport de Guy Geoffroy, en décembre 2012 ; pour celle de deux membres du Conseil constitutionnel, sur le rapport de Jean-Luc Warsmann, en février 2013 ; sur le rapport d'Alain Tourret, en décembre 2013, pour celle du président de la HATVP et de l'un de ses membres – nous serons très bientôt saisis de nouveau, à la suite d'une démission. Elle l'a été encore pour la nomination du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur le rapport de Sébastien Huyghe, en juillet 2014 ; du Défenseur des droits, sur le rapport de Guy Geoffroy, en juillet 2014 ; d'un membre du Conseil constitutionnel – Lionel Jospin –, sur le rapport de Guillaume Larrivé, en décembre 2014 ; de quatre membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), sur le rapport de Guy Geoffroy, en janvier et février 2015. À cette occasion, pour la première fois, notre Commission s'est opposée à la nomination au Conseil supérieur de la magistrature d'une personnalité proposée par le président de l'Assemblée nationale.

Depuis décembre 2013 et l'audition de Jean-Louis Nadal, futur président de la HATVP, le rapporteur adresse systématiquement un questionnaire à la personne pressentie, qui y répond par écrit, avant même son audition. Les réponses sont transmises à tous les membres de la commission des Lois, mais aussi, depuis juin 2014, publiées sur le site internet de l'Assemblée nationale.

Je reste persuadé qu'à terme, nous gagnerions à remplacer le simple veto dont disposent actuellement les commissions parlementaires par une véritable approbation des nominations à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Nous avons déjà adopté un tel dispositif, dit des trois cinquièmes « positifs », pour les nominations par les présidents des assemblées au sein de la HATVP. S'agissant en revanche des nominations relevant de la compétence du président de la République, une révision constitutionnelle serait nécessaire.

En attendant de pouvoir mener à bien une telle réforme, et pour conclure, je vous invite à adopter la proposition de loi organique, qui contribuera à améliorer la protection de nos libertés publiques. Aucun amendement n'a été déposé, un vote conforme étant souhaitable afin d'aboutir rapidement au résultat espéré.

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