Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 17 juin 2015 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CNCTR
  • nomination
  • renseignement

La réunion

Source

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, vice-président de la Commission.

La Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Jacques Urvoas, la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (n° 2855).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) est une nouvelle autorité administrative créée par le projet de loi relatif au renseignement, lequel a fait l'objet hier d'une commission mixte paritaire qui a abouti, à la satisfaction des participants et de nos deux chambres en général.

Je ne m'attarderai évidemment pas sur le contenu de ce projet de loi, non plus que sur les pouvoirs de la CNCTR. En revanche, il me revient d'expliquer pourquoi le président de cette Commission devrait être soumis à la procédure d'avis des commissions parlementaires prévue à l'article 13 de la Constitution.

Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, le dernier alinéa de cet article dispose que, s'agissant des fonctions suffisamment importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l'État s'exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination peut être empêchée, à condition que les votes négatifs réunissent la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les commissions des deux assemblées.

En l'espèce, il ne fait guère de doute que la présidence de la CNCTR est une fonction importante pour la garantie des droits et libertés au sens de l'article 13. Certes, le président sera nommé par le chef de l'État parmi les membres issus du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Mais une audition et un vote des commissions parlementaires – les commissions des Lois, évidemment – apportent des garanties supplémentaires dans l'exercice du choix présidentiel. J'avais d'ailleurs personnellement formulé la même proposition en 2009 à propos du président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui va céder la place à la nouvelle Commission de contrôle.

En avril dernier, lors de nos débats en première lecture sur le projet de loi relatif au renseignement, un consensus s'était dessiné pour appliquer la procédure de l'article 13 à la CNCTR. Une proposition de loi organique a donc été élaborée par MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe Bas au Sénat, celle dont nous sommes aujourd'hui saisis, et dont la discussion parlementaire pourra ainsi cheminer avec celle du projet de loi relatif au renseignement.

Notre Commission a l'habitude des modifications apportées à la liste des fonctions concernées par la procédure de l'article 13 de la Constitution, liste qui figure dans une loi organique du 23 juillet 2010. Ainsi, depuis le début de cette législature, nous y avons ajouté, en décembre 2012, le directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, structure « de tête » de la Banque publique d'investissement, avant que ne vous soit proposé, en octobre 2013, d'y adjoindre également le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ; en revanche, un mois plus tard, en novembre, la réforme de l'audiovisuel public conduisait à supprimer de la liste les présidents des organismes audiovisuels publics, désormais nommés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). En août 2014, le législateur organique a tiré les conséquences de la réforme ferroviaire en ajoutant les fonctions dirigeantes de la nouvelle SNCF à celles soumises à la procédure de l'article 13. Enfin, une proposition de loi organique en cours de discussion, en attente d'une première lecture au Sénat, prévoit d'y inclure le président de la future Agence française pour la biodiversité.

Depuis le début de la législature, nous nous sommes également efforcés, au sein de la Commission, de rendre cette procédure plus rigoureuse et, d'une certaine façon, plus visible.

Ainsi, pour préparer l'audition des personnes pressenties, nous avons systématiquement désigné un rapporteur membre de l'opposition ou d'un groupe minoritaire ; cette pratique est désormais consacrée dans le Règlement de l'Assemblée nationale, depuis la résolution du 28 novembre 2014. Elle a été utilisée pour la nomination du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sur le rapport de Guy Geoffroy, en décembre 2012 ; pour celle de deux membres du Conseil constitutionnel, sur le rapport de Jean-Luc Warsmann, en février 2013 ; sur le rapport d'Alain Tourret, en décembre 2013, pour celle du président de la HATVP et de l'un de ses membres – nous serons très bientôt saisis de nouveau, à la suite d'une démission. Elle l'a été encore pour la nomination du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur le rapport de Sébastien Huyghe, en juillet 2014 ; du Défenseur des droits, sur le rapport de Guy Geoffroy, en juillet 2014 ; d'un membre du Conseil constitutionnel – Lionel Jospin –, sur le rapport de Guillaume Larrivé, en décembre 2014 ; de quatre membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), sur le rapport de Guy Geoffroy, en janvier et février 2015. À cette occasion, pour la première fois, notre Commission s'est opposée à la nomination au Conseil supérieur de la magistrature d'une personnalité proposée par le président de l'Assemblée nationale.

Depuis décembre 2013 et l'audition de Jean-Louis Nadal, futur président de la HATVP, le rapporteur adresse systématiquement un questionnaire à la personne pressentie, qui y répond par écrit, avant même son audition. Les réponses sont transmises à tous les membres de la commission des Lois, mais aussi, depuis juin 2014, publiées sur le site internet de l'Assemblée nationale.

Je reste persuadé qu'à terme, nous gagnerions à remplacer le simple veto dont disposent actuellement les commissions parlementaires par une véritable approbation des nominations à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Nous avons déjà adopté un tel dispositif, dit des trois cinquièmes « positifs », pour les nominations par les présidents des assemblées au sein de la HATVP. S'agissant en revanche des nominations relevant de la compétence du président de la République, une révision constitutionnelle serait nécessaire.

En attendant de pouvoir mener à bien une telle réforme, et pour conclure, je vous invite à adopter la proposition de loi organique, qui contribuera à améliorer la protection de nos libertés publiques. Aucun amendement n'a été déposé, un vote conforme étant souhaitable afin d'aboutir rapidement au résultat espéré.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le projet de loi relatif au renseignement, adopté à une très large majorité par notre Assemblée le 5 mai dernier, a fait l'objet d'un accord également large au sein de la commission mixte paritaire qui s'est tenue hier. Députés et sénateurs ont donc trouvé le point d'équilibre qui nous permettra assurément, le 24 juin prochain, d'adopter définitivement ce texte important, lequel pourra ainsi entrer en vigueur rapidement. Comme vous, je m'en réjouis.

L'objectif du projet de loi sur le renseignement est de doter enfin notre pays d'un cadre juridique applicable aux différentes techniques nécessaires aux services chargés de la sécurité de nos concitoyens et de la défense des intérêts de la France. Il en précise les finalités, les moyens, les conditions d'utilisation de ces derniers et bien sûr, les modalités de contrôle qui doivent en découler.

Parmi les dispositifs de contrôle instaurés par le texte, une pièce maîtresse est la CNCTR, qui remplacera la CNCIS créée par la loi du 10 juillet 1991, mais en bénéficiant de prérogatives et de moyens renforcés.

Au cours de nos débats, un consensus s'est dégagé sur le principe proposé par le Gouvernement : la nomination par le président de la République du président de la future CNCTR parmi ceux de ses membres qui seront issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Mais nous nous sommes aussi accordés sur le fait que cette nomination devrait préalablement recueillir l'avis des commissions parlementaires compétentes, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Car la CNCTR sera chargée d'importantes missions de surveillance et de contrôle de l'usage des différentes techniques de renseignement. En effet, nous avons considérablement renforcé ses pouvoirs et ses possibilités d'investigation, précisé les modalités d'organisation de ses travaux et le rôle essentiel qu'y jouera celle ou celui qui aura la lourde tâche de la présider. On sait combien la présidence imprime sa marque à ce type d'autorité et en détermine l'indépendance. Raison pour laquelle l'indépendance du président lui-même, qui disposera d'une voix prépondérante en cas de partage des votes, doit être au-dessus de tout soupçon.

Seule une loi organique peut soumettre une nomination aux dispositions de l'article 13. Voilà pourquoi la présente proposition de loi organique a été déposée au Sénat le 7 mai dernier par MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe Bas, respectivement président de la délégation parlementaire au renseignement pour 2015 et président de la commission des Lois du Sénat et rapporteur pour le projet de loi relatif au renseignement. Les sénateurs l'ont adoptée le 9 juin.

Conformément à l'esprit de large rassemblement qui a présidé à nos débats sur ces questions d'intérêt national, y compris hier au sein de la commission mixte paritaire, les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen suivront l'avis de notre rapporteur, qui nous propose d'adopter cette proposition de loi organique en l'état.

Ce sera une garantie supplémentaire d'indépendance de la CNCTR, dont nous souhaitons qu'elle soit installée aussitôt que possible après la promulgation de la loi sur le renseignement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe Les Républicains votera lui aussi cette proposition de loi organique, que nous avions appelée de nos voeux lors de l'examen en séance publique du projet de loi relatif au renseignement. Nous avions d'ailleurs alors regretté que le Gouvernement n'ait pas présenté lui-même un projet de loi organique tendant à soumettre la nomination du président de la CNCTR aux conditions prévues par le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. Cet oubli est réparé par ce texte sénatorial, qui sera, je n'en doute pas, votée de façon consensuelle par l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne plus généralement l'article 13, la révision constitutionnelle de 2008, qui n'avait malheureusement pas été approuvée aussi largement que l'on aurait pu l'espérer, a permis, à l'initiative du président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, de renforcer les droits du Parlement sur cette question majeure. Le président de la République demeure l'autorité de nomination aux postes les plus essentiels à la marche de l'État, mais le fait que le Parlement soit associé à cette nomination, à laquelle il peut s'opposer à la majorité des trois cinquièmes des deux commissions, représente un véritable progrès dans l'histoire de la Ve République. Je suis heureux que ce point fasse désormais consensus.

Deux interrogations néanmoins. D'abord, sur le champ d'application de l'article 13, à propos duquel nous ne ferons sans doute pas l'économie d'une réflexion globale. Pour l'instant, nous procédons au cas par cas, texte après texte, mais bien des questions se posent : ainsi, dans le domaine de l'audiovisuel, c'est plutôt une régression que nous avons constatée au cours des dernières années, puisque le président de France Télévisions, qui était nommé selon cette procédure au cours du précédent quinquennat, ne l'est plus.

Ensuite, dans un cadre non plus organique mais constitutionnel, faudra-t-il, comme le suggérait le président Urvoas, passer un jour aux trois cinquièmes « positifs » ? J'y suis personnellement favorable, persuadé que l'autorité des personnes nommées par le président de la République n'en serait pas affaiblie, mais au contraire renforcée par une forme de consensus pluraliste.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, aurons-nous une communication sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au renseignement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous aurez toutes les précisions nécessaires pour la semaine prochaine, lorsque le texte reviendra pour examen en séance.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je rejoins Guillaume Larrivé : ce n'est pas la première fois qu'il est nécessaire de recourir à une proposition de loi organique pour modifier ainsi le dispositif de désignation. Je songe par exemple, s'agissant de la SNCF, au « rattrapage », pour ainsi dire in limine litis, que nous avons opéré grâce à vous, monsieur le Président. Le Gouvernement semble ne pas prendre d'initiative à cet égard. Qu'est-ce que cela signifie ? Sommes-nous en train d'élaborer une pratique nouvelle qui fait en quelque sorte jurisprudence, ou est-ce dû au hasard des circonstances ? Allons-nous conserver cette initiative ? Ne peut-on envisager systématiquement une telle loi organique dès lors qu'un dispositif législatif qui la nécessiterait est destiné à aboutir ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez raison : depuis 2012, toutes les extensions sont, je crois, venues du Parlement. On peut d'ailleurs y voir une manifestation de sa détermination à garantir ses prérogatives, que le Gouvernement ne serait pas enclin à lui reconnaître. En débattant de la loi organique de 2010, nous nous étions d'ailleurs interrogés sur le périmètre de la procédure visée à l'article 13. Aujourd'hui, une quarantaine de structures en relèvent, mais le critère d'inclusion est largement subjectif. La seule diminution de ce périmètre que nous ayons enregistrée a consisté à retirer de la liste les dirigeants de l'audiovisuel public. Les ajouts, eux, résultent de la création d'une structure. Et, en la matière, le rythme est soutenu : quand le Parlement ne crée qu'une autorité administrative indépendante, c'est que l'année est mauvaise !

La Commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi organique.

Article unique

La Commission adopte à l'unanimité l'article unique sans modification.

Par conséquent, l'ensemble de la proposition de loi organique est adopté sans modification.

La séance est levée à 12 heures 15.