Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, à deux jours du dixième anniversaire de la fermeture définitive du centre de la Croix-Rouge de Sangatte, permettez au député de la circonscription du Calaisis que je suis de commencer son propos par un bref retour en arrière, pour revenir sur le bilan de la précédente majorité.
On se souvient de la fermeture médiatique du centre de la Croix-Rouge de Sangatte. Le problème a été annoncé comme réglé et je vous épargnerai la citation du ministre de l'intérieur de l'époque, mais que s'est-il véritablement passé ? Les migrants n'ont pas disparu. L'on recensait jusqu'à 1200 personnes dans ce que l'on appelait la « jungle » de Calais, en comparaison des 1500 à 2000 personnes recueillies au centre de la Croix-Rouge. Qu'en est-il aujourd'hui ? La ville de Calais n'est plus le seul point de fixation, même si elle compte encore aujourd'hui plus de 250 migrants. Ces derniers se sont dispersés sur l'ensemble de la côte d'Opale, sur l'ensemble du littoral Nord-Pas-de-Calais, et plus loin, en multipliant les squats et les campements, ou de manière plus organisée selon les communes concernées.
Après la fermeture du centre de la Croix-Rouge, ce sont les associations, les bénévoles et les collectivités qui ont pris en charge l'aide humanitaire. Certaines associations ont d'ailleurs été auditionnées par la représentation nationale et je tiens à les saluer ici pour leur abnégation et leur courage, quotidiennement éprouvé par les conditions dans lesquelles elles exercent ce véritable sacerdoce humanitaire. Je tiens également à remercier le rapporteur Yann Galut pour l'accueil et l'écoute attentive qu'il a su leur réserver, permettant ainsi de recréer un dialogue en confiance.
Le texte qui nous est soumis met en évidence une véritable rupture dans l'approche qui a dominé ces dix dernières années, une approche hémiplégique des flux migratoires, qui n'a eu de cesse de maintenir un climat de suspicion et de rejet de l'autre. L'approche du Gouvernement est, au contraire, équilibrée, ferme et juste, car il s'agit de lutter fermement contre l'immigration irrégulière et l'exploitation de la misère par des réseaux mafieux très lucratifs, tout en garantissant le respect de la dignité de la personne humaine.
Cet exercice est, certes, difficile, mais c'est tout l'honneur de notre République de garantir à chaque être humain un traitement juste et respectueux des droits fondamentaux.
Les garanties procédurales apportées durant la retenue ont été enrichies par le travail en commission des lois et par un dialogue et une écoute importante du Gouvernement, qui ont permis d'apporter des améliorations essentielles pour garantir les droits des personnes retenues. Ainsi en est-il de l'extension de la présence de l'avocat, de la question de la prise en charge des enfants mineurs ou encore de la présence de l'interprète.
Mais le Gouvernement a également souhaité ne pas se limiter à cette nécessaire modification de la retenue pour vérification du droit de séjour. L'article 8 constitue, à cet égard, une disposition emblématique ; je souhaiterais m'y arrêter quelques instants en rendant hommage à mon collègue Daniel Goldberg qui a, en quelque sorte, montré la voie.
Le Gouvernement a en effet souhaité exclure les actions humanitaires et désintéressées du délit d'aide au séjour irrégulier, en d'autres termes : supprimer le délit de solidarité.
Je pense en cet instant à ces centaines de femmes et d'hommes qui se mobilisent depuis des années et que, pour ma part, contrairement à ce que j'ai pu entendre au début de la discussion générale, je ne qualifierais ni de pigeons ni de prolétaires, avec le degré affligeant de condescendance dont a fait preuve Mme Maréchal-Le Pen. Ils forcent l'admiration et seront enfin libérés des menaces et suspicions qui pesaient sur eux.
Il s'agit bien de supprimer ce délit, dans la mesure où l'extension des immunités pénales à laquelle il est procédé rendra sans fondement la poursuite de bénévoles ayant apporté une aide désintéressée.
Rappelons-le, la possibilité de poursuivre les filières illégales et autres réseaux de passeurs demeure intacte.
Cette suppression du délit de solidarité est une forme de reconnaissance du travail accompli par les associations qui organisent et prennent en charge depuis dix ans l'aide humanitaire, parfois au risque de s'essouffler et d'ouvrir le champ à une certaine radicalisation.
Personne ne veut d'un nouveau Sangatte, mais les territoires sont bien souvent démunis face à la gestion de flux migratoires qui, on le sait, dépendent d'autres échelles. Ces flux sont une réalité, particulièrement dans le Pas-de-Calais du fait de sa frontière avec la Grande-Bretagne. Des problématiques très concrètes se font jour sur le terrain, dont certaines ont d'ailleurs été mises en évidence par le rapport du défenseur des droits, qui souligne de nombreux errements de la politique du précédent gouvernement.
Au-delà de la loi dont nous débattons aujourd'hui, il est indispensable de trouver des solutions collectives efficaces et humaines pour mieux organiser l'accueil et l'orientation des migrants, dont la situation doit d'ailleurs être différenciée. Certains ne sont qu'en transit, d'autres demandent l'asile, d'autres encore sont des mineurs isolés ou attendent une procédure prioritaire adaptée. Il est donc indispensable d'organiser l'accompagnement, l'information et l'orientation à des échelles et selon des modalités qui évitent de créer de nouveaux points de cristallisation.
M. le ministre l'a dit, c'est une vision nouvelle, pacifiée, lucide et juste que porte le Gouvernement sur la politique d'immigration. Ce texte marque une première étape et nous le voterons avec fierté et enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)